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PARAGRAPHE I : MECANISMES SOUS-REGIONAL ET AFRICAINS DE PAIX ET DE SECURITE

La présente analyse a ainsi pour objectif de voir comment l’espace sous-régional sahélien agi face au terrorisme (A) et comment l’Afrique tout entière tente de répondre à ces marchands de l’apocalypse venu tout droit d’une autre planète (B).

A- L’espace sous-régional sahélien et le terrorisme international

En matière de sécurité et de paix contre les menaces de types sécuritaires et transfrontalières, l’ensemble des pays sahéliens ont mis sur pied un ensemble de moyens destinés à jouer un rôle de premier plan dans la stabilité de la région. Si une foultitude de mécanismes existe sur le plan régional pour faire face au terrorisme (1), celle-ci demeure insuffisante pour répondre aux défis sécuritaires auxquels la région se trouve confronté (2).

1- Instruments et stratégies sous-régional de lutte contre le terrorisme

L’espace sécuritaire sahélo-saharien est confronté à une multitude de défis d’ordre sécuritaire : montée de l’extrémisme religieux, de l’islam radical et le terrorisme s’enchevêtrant avec des trafics de tout ordre et la criminalité transfrontalière organisée. Défis se nourrissant également de réalités et considérations socio-économiques et environnementales. Le terrorisme représente sans doute l’une des menaces les plus sérieuses, compte tenu notamment de sa nature, souvent sournoise, et de son évolution actuelle(358). Face à l’évolution significative qu’a connue cette menace sur cette partie du continent et au risque de déstabilisation qu’elle fait peser sur l’Afrique de l’Ouest et dans une certaine mesure sur le Maghreb et même au-delà, des réponses doivent plus que jamais être y apportées, repensées ou tout au moins renforcées(359). A ce sujet, il convient sans doute de mettre en œuvre une véritable culture de la menace, ce que nous n’avons pas forcément tout à fait développé aujourd’hui en Afrique. L’Afrique est en pleine émergence et ne sera jamais, il faut bien s’en persuader, à l’abri des conflits, y compris et surtout ceux qui trouvent leur origine en dehors de cette zone. Cela étant, au vue de la situation actuelle dans la sous-région, un certain nombre d’initiatives ont à cet effet été conçues et mises en œuvre par les vingt et un Etats constituants cet espace.

Il existe en Afrique de l’Ouest un système régional de sécurité structuré, pour les quinze pays membres de la CEDEAO : le Mécanisme de Prévention, de Gestion et de Règlement des Conflits, instauré par le Protocole de 1999 de l’organisation communautaire(360). En matière de sécurité, le mécanisme institué par le Protocole de 1999 joue un rôle clef. Il a été suivi en 2001 par le protocole additionnel sur la démocratie et la bonne gouvernance du 21 décembre 2001 qui complète le mandat permettant à la CEDEAO de s’attaquer de manière politique, diplomatique et militaire aux causes profondes des conflits. La coopération au niveau des pays de la CEDEAO en matière de lutte contre le terrorisme s’illustre également par un certain nombre de rencontres telles que celle tenue le 23 septembre 2004 à Abuja (Nigéria), siège de la CEDEAO, et rassemblant les responsables des polices de la sous-région avec pour objectif de renforcer la collaboration sécuritaire dans la lutte contre les crimes transfrontaliers et le terrorisme et celle tenue à Abuja en avril et juin 2006 réunissant les responsables ouestafricains de la sécurité intérieure afin de renforcer leur coopération en matière de partage de renseignement, notamment sur le terrorisme(361).

Comme on peut le voir, ces efforts, bien que pouvant servir à la lutte contre le terrorisme, ne portaient pas spécifiquement sur elle ; il faut dire qu’à ce moment, le terrorisme et la perception de la menace qu’elle représente n’étaient pas ce qu’ils sont aujourd’hui avec notamment la crise au Nord du Mali. Pour l’heure, la menace terroriste a principalement fait l’objet de discussions ou tout au moins d’évocation lors de réunions de responsables politiques, militaires et sécuritaires. A cet effet, au-delà des déclarations, préoccupations exprimées face à l’évolution de la menace, des condamnations traditionnelles des actes terroristes et des appels à une coopération renforcée et sérieuse, peu de décisions et d’avancée significatives ont été opérées sur la question. Cette propension des acteurs ouest-africains à être peu réactifs ou concret face aux défis auxquels leurs régions ou pays sont confrontés a été une fois de plus démontrer au Nord du Mali avant l’intervention française dans ce pays.

Toutefois, la CEDEAO a récemment entrepris de définir une stratégie de lutte contre le terrorisme, un plan d’action et un projet de déclaration politique contre le terrorisme. Ces instruments sont censés s’inscrire dans la volonté de l’organisation de renforcer sa capacité de surveillance, d’harmonisation, de coordination et de réglementation des politiques et pratiques des Etats en matière de prévention et de répression du terrorisme en Afrique de l’Ouest(362).

Cette dynamique s’inscrit dans la prise de conscience du fait que le terrorisme apparaît de plus en plus comme une menace grave à la paix, à la sécurité et à la stabilité en Afrique de l’Ouest.

Au niveau de l’Union du Maghreb Arabe (UMA), la coopération semble morte depuis, minée par le contentieux entre le Maroc et l’Algérie. Le Conseil Suprême (instance de décision de l’UMA composé de cinq chefs d’Etat) ne s’est pas réuni depuis 1994, année de la fermeture de la frontière Algéro-Marocaine. Et la réponse aux terrorismes tend de plus en plus à s’orienter vers des initiatives individuelles.

Ainsi, à côté de la Communauté des Etats Sahélo-sahariens (CEN-SAD) qui regroupe plusieurs Etats du sahel, la coopération régionale est aussi effective à travers l’installation depuis le 21 avril 2010 à Tamanrasset (Sud de l’Algérie) d’un commandement militaire conjoint, plus connu sous le nom de Comité d’Etat-major Opérationnel Conjoint (le CEMOC), chargé de coordonner les actions militaires antiterroristes des quatre pays (Algérie, Mali, Mauritanie, Niger) et par celle d’un centre de renseignement contre le terrorisme dans le sahel, mise en place le 29 septembre 2010 et basé à Alger (Algérie), ayant pour mission de collecter et d’échanger des informations sur les terroristes en activité dans la région(363). Dans le cadre du CEMOC, les pays du champ sont censés se réunir tous les six mois. Il faut aussi noter qu’à côté de ces institutions de coopérations contre le terrorisme, les Etat du sahel optent dans certaine mesure pour des mécanismes bilatéraux ou des actions en concertation avec des Etats extrarégionales. Cependant, ces initiatives bien que bonne en intention restent limitées. La coopération entre les pays sahéliens est en effet, ce, depuis ses débuts, l’objet de critiques quant à son effectivité et même quant à la réelle volonté et disponibilité des pays concernés à s’y investir.

2- Le sahel à l’épreuve des attentes sous régionales

Les Etats du sahel ont pris des mesures pour faire face à AQMI mais ne sont en général pas parvenus à mettre au point une stratégie consensuelle pour lutter contre ces groupes de mieux en mieux organisés et établis(364). Certains leaders au sahel ont hésité à reconnaître l’ampleur de la menace et ont pris souvent des décisions pour des résultats à court terme sans grande préoccupation pour les implications à long terme. Un rapport d’information de l’Assemblée Française concluait que « la coopération régionale dans la lutte contre le terrorisme au sahel est un processus difficile. Elle butte sur les faibles moyens des Etats de la région, mais aussi sur des méfiances historiques, culturelles et politiques, ainsi que sur d’inévitables rivalités territoriales et les craintes d’atteinte à la souveraineté nationale »(365). C’est un peu le sentiment qui prédomine concernant les insuffisances, suspicion et atermoiements observés dans la mise en œuvre effective de la coopération censée s’initier à la suite du mémorandum de coopération et de coordination des actions de lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée signé à Tamanrasset en 2009 entre les pays du champ, ceux-là même qui sont au premier plan de la menace et les plus concernés par cette dernière, à savoir l’Algérie, le Mali, la Mauritanie et le Niger(366).

La coopération au niveau des pays de la CEDEAO en matière de lutte contre le terrorisme est peu institutionnalisée, assez embryonnaire dans sa forme collective. La faiblesse politique de la CEDEAO, l’ingérence étrangère et l’accentuation des rivalités entre Etats membres ne sont pas de nature à rendre l’action de l’organisation efficace. Si effectivement l’organisation de la CEN-SAD comprend tous les Etats concernés (à l’exception de l’Algérie), elle reste incapable de s’adapter à la nature de mobilité des phénomènes d’insécurité. Parmi toutes les organisations existantes, il n’existe aucune structure capable de mettre en œuvre des mécanismes de coopération et d’harmonisation des actions au niveau de la grande région (Afrique du Nord, Sahel et CEDEAO). Or, les attentes sont immenses pour sortir le sahel de l’insécurité dans laquelle elle se trouve.

Dans ce contexte fortement incertain, l’ampleur du danger et le sens du bon voisinage stratégique devraient dictés une collaboration étroite entre les différents acteurs de la région.

Pour coordonner leurs stratégies et leurs moyens de lutte, des actions concertées sont indispensables afin de briser le cycle de la violence et d’éviter l’enracinement de l’insécurité.

« L’approche régionale ne saurait être une substitution de la CEDEAO, par exemple, à chacun de ses membres. Elle doit tout au contraire se traduire par une répartition des charges, une complémentarité des actions et une atténuation des faiblesses nationales éventuelles face à certains défis et menaces sécuritaires »(367). Le renforcement de la coordination régionale et de la coopération sur les questions de contre-terrorisme ainsi que l’identification des ressources et des zones de renforcement des capacités dans la mise en œuvre de la stratégie antiterroriste dans la région est nécessaire aux Etats de la zone sahélienne pour lutter efficacement contre les menaces sécuritaires. Certes, les efforts tendant à densifier la présence militaire des Etats en vue d’amplifier leur contrôle sur leur territoire et à combler les lacunes de coopération et de coordination à l’échelle sous-régionale ont été entrepris comme en témoigne les nombreuses initiatives existantes.

Mais, les Etats concernés doivent en parallèle protéger les moyens de subsistance de leurs populations et créer des opportunités économiques pour maintenir l’écart qui existe entre les communautés sahéliennes autochtones et les groupes terroristes salafistes qu’AQMI tente vivement de combler. Extirper les racines qu’AQMI tente d’implanter au sahel constitue le seul moyen de maîtriser et de renverser la menace sans cesse croissante qu’il représente pour la région et pour l’Afrique(368).

B- L’Afrique face au terrorisme international

Le continent noir, carrefour officialisé de tous les malheurs terrestres imaginables (conflits armés interminables, famines intarissables, pandémies incurables etc.) demeure un terreau socio-sécuritaire fertile au terrorisme international. C’est la preuve irréfutable que l’Afrique n’est pas véritablement en marge de ce phénomène de propagation de la terreur(369). Ainsi, face au renforcement des mesures sécuritaires en Occident, le continent africain à développer des moyens d’appropriation des mécanismes de lutte contre le terrorisme (1) qui, éventuellement présente des faiblesses géopolitiques et sécuritaires (2).

1- Une réponse à première vu cohérente et ambitieuse…

Un regard synoptique sur une carte des crises en Afrique fait apparaître d’emblée une image convenue, celle d’un espace marqué par une forte conflictualité. Or, la réponse à cette situation consiste en la prise en charge par l’Afrique elle-même de la résolution de ses propres conflits(370). En bref, l’Afrique apparaît comme un terreau fertile pour tous les défis sécurité de l’heure : terrorisme international, grande criminalité avec les trafics de drogue, d’armes, d’êtres humains, déliquescence des Etats etc. Ces menaces ne sont pas exclusives les unes des autres.

Tout au contraire, comme le démontre la situation dans le sahel africain, il existe un lien étroit entre le trafic des armes, le trafic d’êtres humains. Dans chaque cas de figure se retrouvent les mêmes problématiques de faiblesses des structures de l’Etat, de l’inefficacité des forces de sécurité et de la pauvreté. Enfin de compte, la conjonction de tous ces facteurs crée un cercle vicieux d’insécurité et de conflit, entrainant un vide sécuritaire sur lequel ces menaces peuvent continuées à se propager. Face à cela, L’Union Africaine a dans un délai extrêmement rapide, mis sur pied les différents piliers institutionnels de sa politique de sécurité en reconnaissant le lien indissociable entre la sécurité et le développement.

L’Architecture Africaine de Paix et de Sécurité(371) repose sur une conception élargie de la sécurité(372) qui prend en compte les « menaces à l’existence, au développement et à la durabilité des systèmes politiques, économiques, militaires, humains, sociaux, du genre et de l’environnement au niveau de l’Etat, régional et continental »(373). L’acte constitutif de l’UA définit le cadre de prise de décision et d’intervention et instaure à cet effet un Conseil de Paix et de Sécurité, un Conseil des Sages, un Système Continental d’Alerte Rapide et une Force Africaine d’Attente (FAA). Il s’agit d’organes permanents et non ad hoc, à la disposition de la commission de l’UA pour apprécier, anticiper et agir dans les crises. En 2005, dans le cadre de la politique de défense et de sécurité commune, un pacte de non agression et défense est adopté.

La perspective de la création d’une « armée unique africaine » est même avancée parmi certains Etats membres. Le principe sacré de non ingérence qui faisait foi au temps de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) est remis en cause car, l’UA admet la possibilité de déclencher des opérations et des interventions dans un pays dans les cas de graves menaces contre les populations ou pour des urgences humanitaires. Outre ces cas d’urgences, un catalogue de missions de préventions, de maintien et de rétablissement de la paix, ainsi que de reconstruction, est envisagé pour couvrir tout l’éventail des opérations de paix. Pour crédibiliser une telle option, un mécanisme de réaction rapide est nécessaire. A côté d’un comité militaire, l’UA a opté pour la création d’une force permanente, « composée de contingents multidisciplinaires en attente, avec des composantes civiles et militaires, stationnés dans leurs pays d’origine et prêts à être déployées rapidement, aussitôt que requis »(374).

En vertu du principe de subsidiarité, cette force est bâtie autour de cinq brigades régionales avec une composante civile et de police en provenance des cinq régions du continent articulées, à l’exception de l’Afrique du Nord, autour des Communautés Régionales Existantes (les CERS). Ces CERS sont partie intégrante et même l’instrument fondamental de l’architecture de paix et de sécurité. Ce sont elles qui doivent produire, chacune à leur niveau, les capacités de planification et d’intervention qui seront mises à disposition de l’UA ou utilisées dans leur zone géographique sous mandat de l’UA ou de l’ONU. A terme, elles devraient être capables de gérer une mission complexe de paix et surtout de disposer de capacités autonomes de déploiement rapide, qui sont cruciales pour stabiliser un conflit dans sa phase initiale. Le rapport BRAHIMI en 2000 souligne que « les 6 à 12 semaines suivant un cessez-le feu ou un accord de paix sont cruciales pour instaurer la stabilité et la crédibilité de la force ». Par exemple, les scénarios 5 (déploiement d’une force de maintient de paix multidimensionnelle) et 6 (intervention d’urgence) prévoient des délais respectifs de déploiement de 30 et 14 jours, ce qui nécessite des moyens conséquents. A côté de tout ce dispositif, il faut relever que le Centre Africain d’Etudes et de Recherche sur le Terrorisme (CAERT) qui est une structure de la Commission de l’UA contribue aussi à compléter l’action internationale en renforçant la coopération des pays africains, pour prévenir, et lutter contre le terrorisme, en aidant à l’application intégrale des conventions internationales relatives au terrorisme et en assurant le rôle d’outil de veille et d’alerte en intégrant dans sa démarche, le concept de gestion préventive des situations.

Le consensus qui a prévalu lors de l’adoption des mécanismes de sécurité est révélateur des ambitions de l’UA. Il contraste avec l’inertie qui a été souvent reprochée à l’OUA dans le domaine de la sécurité avec à son bilan sept opérations de paix(375) dont trois en cours ainsi que de nombreuses missions de médiations dans plusieurs conflits. L’Architecture de Paix et de Sécurité Africaine (APSA) marque certainement une avancée dans la volonté de l’UA de prendre à bras le corps, les problèmes relatifs à la paix, à la sécurité et à la stabilité du continent(376). Toutefois, l’UA ne semble guère avoir les moyens de ses ambitions, et il se pose dès lors la question du réalisme des objectifs fixés dans le contexte politique et sécuritaire actuel du continent.

2- …Rapidement confrontée aux réalités politiques et à des moyens d’actions limitées

Dans l’acte constitutif de l’UNION AFRICAINE (UA), la prévention constitue l’un des actes suivis pour une meilleure prise en compte des conflits. Au plan opérationnel, l’accent est mis sur la notion d’alerte rapide, sans laquelle toute politique d’action préventive ou d’intervention rapide serait inopérante. Cette fonction est remplie au niveau de l’UA par le Système Continental d’Alerte Rapide (SCAR)) avec des correspondants régionaux tels que le Centre d’Observation et de Suivi de la CEDEAO. Un tel système ne peut devenir efficace que dans le cadre de l’acceptation d’indicateurs et de critères précis d’évaluations d’une situation de crise potentielle. Les crises en Afrique étant principalement de nature interne, une telle approche peut rapidement trouver ses limites à la réticence des Etats, enclins à la considérer comme une interférence ou une ingérence dans leurs affaires intérieures.

S’agissant de la Force Africaine en Attente (FAA) qui constitue le pilier militaire de cette architecture, elle n’est pas encore opérationnelle, ce qui réduit considérablement l’habilité de l’union à intervenir rapidement et efficacement dans les conflits. Outre le sous équipement de la plupart des armés sur le continent, il y a le problème de la diversité, de la formation et des pratiques dans les armées nationales et des corps de police des Etats Africains(377). De même, la réalisation et le succès de cette force sont fortement conditionnés par les progrès des régions dans la montée en puissance de leur brigade en attente. Dans les faits, le niveau de réalisation est très inégal selon les sous-régions. Alors que les CERS Ouest, Est et Sud sont relativement avancées dans le projet avec la désignation des unités et l’existence d’états majors dédiés, les brigades du Nord et d’Afrique Centrale restent dans un état embryonnaire. Les dynamiques des politiques régionales (rivalités, tensions entre Etats) peuvent expliquées en partie la lenteur de l’opérationnalisation des brigades régionales.

L’autre cas flagrant qui handicap l’APSA est la question cruciale du financement et des capacités : ressources humaines, équipement et soutien logistique de la force. L’insuffisance des ressources financières pour les opérations de paix limite les capacités de l’union à se poser en véritable acteur sécuritaire sur le continent. Les prélèvements sur le budget de l’Union ainsi que les contributions volontaires ne parviennent guère à couvrir les besoins financiers en matière d’opérations de paix. Les besoins financiers sont si énormes qu’on ne voit pas comment les pays africains, pauvres dans leur majorité, parviendront à y faire face. La conséquence directe qui en découle est la dépendance totale envers les partenaires extérieurs pour le montage et le financement des opérations. Par exemple, la situation au Nord du Mali a démontré la faiblesse de l’UA et même de la sous-région sahélienne en termes de ressources financières et de la logistique pour répondre efficacement à la crise qui se déroule dans cette partie de l’Afrique ; d’où l’appel à l’intervention de la France par le Mali. Des difficultés d’ordres institutionnels font en sorte que l’APSA n’est guère adaptée à prendre en charge efficacement certaines crises sociopolitiques. Par exemple, les crises sociopolitiques en Afrique du Nord (les printemps arabes) et notamment en Tunisie, Egypte ont montré combien l’APSA n’était guère adaptée ni équipée pour faire face à des révoltes populaires ou même intervenir militairement dans un conflit civil tel qu’en Lybie ou en Côte d’Ivoire.

L’APSA en dernier ressort est confrontée à des difficultés d’ordre politique parmi lesquelles, il faut le souligner la difficulté de l’Union à trouver un consensus rapide sur les crises majeurs. Ceci s’explique par la grande diversité des pays africains mais aussi par la rivalité entre certains Etats majeurs qui se disputent le leadership continental et par la rivalité linguistique entre pays anglophones et pays francophones qui entravent le fonctionnement des organes sécuritaires de l’Union. Cette rivalité a atteint son paroxysme en janvier dernier lorsque les chefs d’Etats et de gouvernements ont échoué à élire le Président de la Commission de l’Union Africaine, avec les francophones soutenant la candidature du gabonais Jean Ping et les anglophones soutenant la candidature de la Sud-Africaine, Nkosazana DLAMINI-ZUMA. Un bras de fer qui a duré six mois pour finalement voir la victoire du camp anglophone avec en tête de proue l’Afrique du Sud. Ainsi, l’Organisation Continentale (UA) demeure encore faible pour imposer ses vues et exercer une sorte de contrainte sur ses mandataires ; elle reste encore un instrument que les puissances africaines s’efforcent de contrôler et d’utiliser pour avancer leurs intérêts particuliers. Autant d’attitudes qui mettent à mal les initiatives de sécurité collective sur le continent. Mais les difficultés de l’APSA proviennent également de certaines organisations ou puissances internationales ayant intérêts en Afrique.

En effet, la lutte contre le terrorisme qui s’est intensifiée après 2001 a contribué à accroître l’intérêt de certaines organisations multilatérales telles que l’UE, l’Otan et des puissances telles que la France, les Etats-Unis et la Grande Bretagne aux questions sécuritaires africaines. Dans cette perspective, l’UA bénéficie de la coopération d’organisations multilatérales et d’Etats non-africains. Mais, force est de constater que la contribution de ces acteurs internationaux à la résolution d’un conflit spécifique est fonction plutôt de leurs intérêts que de l’agenda sécuritaire de l’UA même si leurs discours de légitimation semblent prétendre le contraire(378).

L’intervention de l’OTAN en Libye à fournie une illustration. Comme l’a écrit sans ambages Naim AMEUR, « Les Nations Unies ont autorisés les forces de l’Otan à intervenir sous prétexte de protéger le peuple libyen ; en réalité, les enjeux dépassent en l’occurrence le cadre humanitaire, c’est de l’or noir qu’il s’agit »(379). Quoique cette affirmation soit discutable, il reste que la « communauté internationale » intervenante en Libye n’a pas attendue la fin des hostilités et la chute de Kadhafi pour signer de nouveaux accords pétroliers avec le Conseil National de Transition (CNT). L’exportation du pétrole avait repris avant la fin des combats.

Notons par ailleurs, que la plupart des puissances extérieures ont mis en place leurs propres mécanismes de sécurité pour le continent africain sans que celles-ci s’intègrent à l’APSA. C’est le cas des Etats-Unis qui ont établi en 2008 un « Commandement pour l’Afrique » (AFRICOM) dont l’objectif est de coordonner les activités militaires ainsi que les programmes sécuritaires américains sur le continent. Les interventions répétées de la France en Côte d’Ivoire en 2004 et 2011 illustrent bien comment les puissances étrangères entendent conservées leur influence dans les affaires africaines même contre le gré de l’UA.

Un autre lien de coopération et de résistance est la relation avec les Nations Unies. Le dispositif sécuritaire de l’UA s’intègre dans la mission de maintien de la paix des Nations Unies, en vertu du Chapitre VIII de la Charte des Nations Unies. Le protocole relatif à la création du Conseil de Paix et de Sécurité de l’UA affirme clairement que ce dernier « coopère et travaille en étroite collaboration avec le Conseil de Sécurité des Nations Unies, qui assume la responsabilité principale du maintient de la paix et de la Sécurité »(380). Or, le Conseil de Sécurité des Nations Unies est un organe politique dont les principaux membres sont soucieux de leur pré carré et de leur influence en Afrique. Dès lors l’UA n’a pas les mains libres pour intervenir dans les conflits de la manière qu’elle le souhaite même si elle en avait les moyens. Etant donné que certaines initiatives restent assurées par ces acteurs extérieurs.

358 William ASSANVO, « Menace terroriste en Afrique de l’Ouest : Etat des réponses nationales, régionales et internationales », Note d’analyse n° 13, septembre 2012, p. 2.
359 William ASSANVO, Ibid.
360 Intervention de M. Massaër DIALLO, chef d’unité « Gouvernance, Dynamique des conflits, paix et sécurité », « La sécurité en Afrique de l’Ouest : Enjeu de gouvernance et de développement », Réunion du groupe d’orientation des politiques (GOP) du Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest (CSAO/OCDE), 25 et 26 janvier 2007, GTZ Berlin, p. 2.
361 Gani YOROMS, ‘’Counter Terrorism Measures in West Africa”, in Walufa okumu and Anneli Botha (eds.), ‘’Understanding Terrorism in Africa: Building bridges in preventing and combating terrorism in Africa’’, 19-20 May 2007, Cairo (Egypt), Tswane: Institute for security Studies, 2008, p. 94.
362 CEDEAO, « une nouvelle consultation régionale sur le projet de stratégie de contreterrorisme de laCEDEAO », Communiqué de presse, 30 octobre 2011.
363 « Un centre du renseignement pour lutter contre le terrorisme au sahel », RFI 30 septembre 2010.
http://www.rfi.fr/afrique/20100930-centre-renseignementlutter-contre-le-terrorisme-sahel.
364 Modibo GOITA, « Nouvelle menace terroriste en Afrique de l’Ouest : contrecarrer la stratégie d’AQMI au sahel », Bulletin de la Sécurité Africaine, une publication du Centre d’Etudes Stratégiques de l’Afrique, n° 11, février 2011, p. 4.
365 Rapport d’information de la Commission des Affaires Etrangères de l’Assemblée Nationale Française sur « la situation sécuritaire dans les pays de la zone sahélienne, 6 mars 2012, p. 67. http://www.asembléenationale.fr/13/rep-info/i4431.asp.
366 William ASSANVO, « Menace terroriste en Afrique de l’Ouest : Etat des réponses nationales, régionales et internationales », Note d’analyse n° 13, septembre 2012, p. 17.
367 Massaër DIALLO, « Défis sécuritaires et hybridation des menaces dans la zone sahélo-saharienne », Institut d’Etudes Politiques et Stratégiques (IEPS), Dakar, 25 et 26 novembre 2010, Bruxelles, p. 10.
368 Modibo GOITA, « Nouvelle menace terroriste en Afrique de l’Ouest : Contrecarrer la stratégie d’AQMI au Sahel », Bulletin de la Sécurité Africaine, une publication du Centre d’Etudes Stratégiques de l’Afrique, n° 11/Février 2011, pp. 7-8.
369 Andela JACQUES JŒL, « L’Afrique est-elle à l’abri du terrorisme international ?, p. 2.
370 Delphine LECOUTRE, « Le conseil de paix et de sécurité de l’Union Africaine, clef d’une nouvelle architecture de stabilité en Afrique ? », Afrique Contemporaine-été 2004, p. 131.
371 L’Architecture de Africaine de Paix et de Sécurité a été créée avec l’adoption du protocole relatif à la création du Conseil de Paix et de Sécurité de l’union Africaine par la première session ordinaire de la conférence de l’Union Africaine à Durban, le 9 juillet 2002.
372 Anthonin VAN NIEUWKERK, ‘’ The Regional roots of the African peace and security architecture : exploring centre-periphery relations”, South African Journal of International Affairs, vol, 18, no. 2 (2011), p. 171.
373 Commission de l’Union Africaine, Plan Stratégique 2009-2012, Addis-Abeba, le 19 mai 2009, p. 22. Disponible en ligne sur http://www.au.int/en/sites/default/files/plan_stratégique_2009_2012.pdf. Consulté le 03 septembre 2012.
374 Voir l’article 13 (1) du protocole relatif à la création du conseil de paix et de sécurité de l’Union Africaine.
375 Les opérations en cours sont : La mission de l’UA en Somalie (AMISOM), la mission hybride des Nations Unies et l’UA au Darfour (MINUAD) et l’initiative de coopération régionale contre la LRA (IRC/LRA). Les missions terminées sont : la mission d’assistance électorale et sécuritaire aux Comores (MAES), la mission africaine au Burundi (MIAB), la mission de l’UA pour le soutien aux élections aux Comores (MUASEC), et la mission de l’UA au Soudan (MUAS). Pour plus d’informations, voir http://www.opérationspaix.net/15-toutes-les-opérations-de-l’organisation-ua.html.
376 Arsène Brice BADO, « L’UA et la sécurité collective », Programme Paix et Sécurité Internationales, Bulletin No 58, septembre-octobre 2012, p. 3.
377 Arsène Brice BADO, ibid.
378 Stephan KINGEBIEL,‘’Africa’s new peace and security architecture”, African Security Review, Vol. 14, No 2 (2005), p. 37.
379 Voir Naim AMEUR, « La Libye entre les intérêts de l’Occident et la résistance de Kadhafi », Outre-Terre, Vol. 3, n° 29 (2011), p. 299.
380 Voir le protocole relatif à la création du Conseil de Paix et de Sécurité de l’UA en son article 17 (1).

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