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PARAGRAPHE II : INITIATIVES ASSUREES PAR DES ACTEURS EXTERIEURS

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A côté des stratégies adoptées par chacun des pays de la sous-région et des engagements communautaires mis en place, force est de reconnaître que la plupart d’entre eux se caractérisent par des ressources limitées dont ils disposent et par la relative faiblesse de leurs dispositifs militaires et sécuritaires. Cela a pour conséquence que leurs efforts visant à faire face aux défis sécuritaires de la région du sahel reposent dans une proportion significative sur le soutien indispensable des partenaires extérieures. Parmi les acteurs(381) dont la contribution est la plus significative, on peut citer l’ONU (A) et l’UE (B).

A- La stratégie antiterroriste mondiale de l’ONU

Compte tenu des vulnérabilités et des capacités insuffisantes des pays du sahel, un certain nombre d’entités du système de l’ONU ont promu et soutenu activement les efforts de mise en œuvre des stratégies antiterroristes des pays de l’Afrique de l’Ouest et d’Afrique du Nord. A ce jour, la Direction Exécutive du Comité contre le Terrorisme du Conseil de Sécurité des Nations Unies (DECT) (1) et le Service de la Prévention du Terrorisme de l’Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (ONUDC) (2) ont été les plus actifs, même si à côté d’eux, le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) et le Haut-commissariat aux Droits de L’Homme des Nations-Unies y apportent une contribution non négligeable.

1- La Direction Exécutive du Comité contre le Terrorisme du Conseil de Sécurité des Nations Unies

L’approche adoptée par la Direction Exécutive du Comité contre le Terrorisme de l’ONU (DECT) pour renforcer les capacités de lutte contre le terrorisme et les autres capacités connexes en Afrique de l’Ouest et du Nord ont évolué pour se concentrer davantage sur l’identification des besoins, des priorités sous-régionales communes et l’aider à y faire face. La conférence organisée à New York en juillet 2007 et qui a rassemblée des représentants des pays de l’Afrique de l’Ouest et les donateurs bilatéraux et multilatéraux a permis à la DECT de prendre des mesures nécessaires pour que le Centre Africain d’Etudes et de Recherche sur le Terrorisme (CAERT) puisse mettre sur pied en juin 2009 un atelier de formation pour les agents du maintien de l’ordre et d’autres secteurs comme la justice pénale en Afrique de l’Ouest. De même, la DECT a permis le financement par l’UE d’une formation au maintien de l’ordre et au contrôle des frontières pour deux pays du sahel (le Mali et le Niger) et elle s’est associée à l’Organisation de l’Aviation Civile en Avril 2009 pour organiser une formation régionale en Afrique de l’Ouest sur les documents lisibles par machine. La DECT a également développé une plateforme de coopération avec des organisations régionales travaillant en Afrique de l’Ouest dont le CAERT, la CEDEAO et le Groupement Intergouvernemental d’Action contre le Blanchiment d’Argent (GIABA).

La DECT a par ailleurs organisé des visites de terrain en Afrique de l’Ouest et en Afrique du Nord. Pendant ces visites, la DECT mène un groupe d’entités du système Onusien, occasionnellement rejoint par des agences sectorielles et les organes régionaux ou sous-régionaux concernés, dans le but de rencontrer différents représentants du gouvernement et experts techniques pour discuter des efforts nationaux de lutte contre le terrorisme. De telles visites en Afrique de l’Ouest et du Nord, permettent à la DECT de mieux comprendre les réalités du terrain et de travailler avec les Etats concernés pour identifier les zones prioritaires où les efforts doivent se concentrées et où une assistance technique est nécessaire. En plus d’adopter une approche plus sous-régionale que nationale en Afrique du Nord et de l’Ouest, la DECT a concentré ses efforts en ce qui concerne la résolution 1373 sur les questions de maintien de l’ordre et de contrôle des frontières spécifiquement, plutôt que d’essayer de couvrir tous les aspects de la résolution. Ce changement découle de plusieurs facteurs, notamment la conviction que cette concentration des efforts produira des résultats plus tangibles et l’intérêt d’éviter la duplication des efforts. Afin d’améliorer la capacité de la sous-région à contrôler ses frontières, la DECT à souligner l’importance de l’assistance technique et de la fourniture d’équipement technique et elle recommande davantage, régulièrement aux pays de la sous-région d’insister sur le développement d’approches créatives telles que la promotion de l’utilisation de la police de proximité pour patrouiller les frontières.

La DECT reconnaît également l’importance de plus en plus grande de la mise en œuvre des résolutions 1373 et 1624 dans la sous-région, qui demande aux Etats de prendre des mesures de lutte contre l’incitation au terrorisme et d’empêcher que des établissements d’enseignements et des institutions culturelles et religieuses soient phagocytés par les terroristes et leurs partisans. Etant donné les liens existants entre les différentes difficultés que rencontrent la sous-région en matière de sécurité, la nécessité de réponses holistiques aux niveaux national et sous-régional et la capacité d’absorption souvent limitée qui existe au sein des gouvernements d’Afrique de l’Ouest et du Nord, lorsqu’il s’agit de recevoir l’assistance technique, une approche Onusienne intégrée dans ces deux régions est essentielle. Si la DECT devrait être encouragé de continuer à travailler pour remédier les causes parmi les plus larges de l’instabilité en Afrique de l’Ouest, il y a lieu de souligner que le travail de la DECT en Afrique de l’Ouest et du Nord pourrait être encore efficace si elle disposait d’une présence sur le terrain, soit par l’affectation d’experts, soit par la création d’un partenaire institutionnel sous-régional en Afrique du Nord, soit par l’attribution d’un double rôle au personnel du Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest (UNOWA).

Une telle approche améliorerait les capacités de suivi de la DECT et lui permettrait d’inter-agir plus efficacement avec les experts nationaux et les représentants des équipes régionales et nationales de l’ONU qui travaillent sur des sujets liés à la stratégie, plus particulièrement dans les domaines non traditionnels de la lutte contre le terrorisme, avec la CEDEAO et avec d’autres intervenants sous-régionaux concernés, ainsi que la société civile. Ceci permettrait à la DECT de prendre davantage en compte les perspectives politiques et culturelles sous-régionales et locales, lui permettant ainsi de mieux comprendre les besoins en capacité de la sous-région, et pourrait créer d’autres opportunités d’intégrer les activités antiterroristes de l’ONU dans les efforts connexes plus larges fournis par l’ONU dans la sous-région. Par ailleurs, il faut souligner qu’en Afrique du Nord, le problème de langue rend difficile la collaboration de la DECT et d’autres mécanismes antiterroristes de l’ONU avec les Etats issus de cette région. L’anglais et le français sont les langues officielles du Secrétariat de l’ONU, or en Afrique du Nord, c’est l’arabe qui est continuellement parlé. Ce qui pourrait gêner les relations entre la DECT et ces pays. De même, la capacité de la DECT à participer à des actions dans la sous-région est encore compliquée par le fait qu’elle opère en vertu du chapitre VII de la Charte de l’ONU. Ceci peut encore augmenter la bureaucratie que doit surmonter la DECT avant d’atteindre les ministères plus techniques auxquels incombe la plus grande part de la responsabilité du développement et de la mise en œuvre des mesures nationales antiterroristes. Cependant, les initiatives de la DECT de l’ONU sont accompagnées de celles du Service de Prévention du Terrorisme de l’ONUDC.

2- Le Service de la Prévention du Terrorisme de l’Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (ONUDC)

Quoi qu’un certain nombre de structures des Nations Unies soient concernées par l’organisation et l’apport direct d’assistance à la lutte contre le terrorisme(382), l’Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (ONUDC) à Vienne est peut-être le principal organisme d’assistance spécifique à la lutte contre le terrorisme dans le système de l’ONU.

Selon l’ancien directeur exécutif de l’ONUDC, il est « le seul organisme des Nations Unies qui dispose du mandat, des pouvoirs et des moyens nécessaires pour fournir une assistance concrète aux Etats membres pour les aider à combattre le terrorisme »(383). Depuis le lancement de son projet mondial de renforcement du régime juridique contre le terrorisme en janvier 2003, l’ONUDC, à travers son service de prévention contre le terrorisme, a fourni une assistance à la lutte contre le terrorisme sous différentes formes, afin d’aider les Etats à ratifier et mettre en œuvre les instruments universels contre le terrorisme. Cette assistance comprend une aide à la rédaction de textes législatifs et la formation de professionnels de la justice pénale. Par son personnel installé à Vienne, son agenda de consultants locaux et ses représentants régionaux, le Service de la Prévention contre le Terrorisme (SPT) a fourni à la plupart des membres de la CEDEAO et d’Afrique du Nord, une assistance technique soit de façon bilatérale, soit dans un contexte régional ou sous-régional.

Par conséquent, il a dispensé à des dizaines d’agents des systèmes nationaux de justice pénale de pays d’Afrique du Nord et de l’Ouest, une « formation spécialisée sur le régime juridique contre le terrorisme et des résolutions connexes du Conseil de Sécurité et les mécanismes de coopération internationale en matière de criminalité (extradition et entraide juridique) »(384). C’est peut être en partie grâce à cette formation que, parmi les membres de la CEDEAO, la Gambie, le Mali, le Niger et le Sénégal ont tous adopté une législation antiterroriste et en Afrique du Nord, le Maroc et la Tunisie(385). Bien que ses activités de formation bilatérales soient importantes, les initiatives régionales et sous-régionales du SPT sont particulièrement utiles car elles rassemblent des agents de la justice pénale de toute l’Afrique de l’Ouest et du Nord et permettent le développement d’un réseau international, l’échange d’informations et l’instauration de la confiance qui est essentielle pour lutter efficacement contre le terrorisme en Afrique de l’Ouest mais qui s’est avérée lente à se développer. Avec le soutien de l’Espagne, le SPT a organisé des ateliers destinés à renforcer la coopération internationale entre les États d’Afrique de l’Ouest en matière pénale relative au terrorisme, le plus récent ayant eu lieu à Las Palmas en juin 2009 et traitant du recueil des accords bilatéraux, régionaux et internationaux en matière d’entraide judiciaire et d’extradition.

En outre, la déclaration finale et le plan d’action ont reconnu l’importance du renforcement de la coopération internationale pour prévenir et combattre le terrorisme et les autres activités criminelles liées.

Les États participants d’Afrique de l’Ouest et du Nord se sont également engagés à promouvoir « des synergies opérationnelles menant à des progrès simultanés dans la lutte contre le terrorisme et le crime organisé transfrontalier par l’usage des instruments légaux existant et d’une meilleure coopération judiciaire ». Néanmoins, les États ont demandé à l’ONUDC de finaliser le « recueil d’accords bilatéraux, régionaux et internationaux en matière d’entraide judiciaire et d’extradition dès que possible, en vue de sa publication et de sa large diffusion dans les États membres de la CEDEAO et d’Afrique du Nord ». Le SPT a déjà terminé un « recueil d’accords bilatéraux, régionaux et internationaux en matière d’extradition et d’entraide judiciaire en matière pénale » pour les agents de la justice pénale, les juges et les procureurs du Niger.

Dans une sous-région où l’ONU et d’autres experts en droits de l’homme ont documenté d’importants abus des droits de l’homme commis au nom de la lutte contre le terrorisme (par exemple, L’Organisation Arabe des Droits de l’Homme inclut trois États nord-africains parmi ceux qu’elle a dénoncés comme restreignant la liberté de ses citoyens par la détention illégale), il est important de faire en sorte que toutes les activités de formation de ce type dans la sous-région incluent d’importants composants consacrés à la nécessité que les agents de la justice pénale respectent les normes en matière de droits de l’homme et favorisent l’État de droit dans leur mission de mise en œuvre des divers instruments onusiens et régionaux de lutte contre le terrorisme(386).

L’expertise de l’ONUDC s’étend à d’autres crimes terroristes comme le crime organisé, le financement du terrorisme, le blanchiment d’argent, le trafic de stupéfiants et la traite des personnes. Davantage d’attention doit être apportée pour faire en sorte que l’activité de renforcement des capacités de lutte contre le terrorisme du SPT soit efficacement intégrée aux efforts d’autres entités de l’ONU, notamment du PNUD, du Département des opérations de maintien de la paix, du Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et même de la DECT, afin de renforcer les capacités des secteurs de sécurité et des systèmes de justice pénale à résoudre un certain nombre de problèmes de sécurité liés entre eux. C’est particulièrement important en Afrique du Nord et dans le Sahel où les capacités d’absorption des institutions nationales peuvent être limitées lorsqu’il s’agit de recevoir de l’assistance technique.

Avec plus de ressources, l’ONUDC pourrait continuer à développer ses travaux en Afrique du Nord et au sahel afin de venir en aide aux pays de la sous-région qui manquent encore de cadre juridique nécessaire pour permettre la coopération internationale dans les affaires de terrorisme. Un effort de ce type pourrait faire partie d’une approche stratégique plus large de l’ONU, visant à renforcer les capacités des systèmes nationaux de justice pénale. Une telle approche devrait fournir « une formation approfondie et substantielle aux représentants, praticiens et décideurs appropriés », inclure une « dissémination constante d’outils et de manuels de formations utiles et accessibles, soutenue par un suivi efficace et renforcée par des services de soutien continus »(387)et promouvoir l’élaboration et la mise en œuvre d’une réponse holistique aux menaces terroristes et aux autres menaces en matière de sécurité.

B– L’union européenne et le sahel

La stratégie pour le sahel, qui a été élaborée par le Service Européen pour l’Action (SEAE) et qui a été adoptée par le Conseil des Affaires Etrangères du 21 mars 2011, est une initiative majeure de politique de l’UE qui a nécessité plusieurs années de préparation. S’inscrivant dans un contexte géopolitique et dans une configuration internationale particulière et ambitionnant de s’attaquer à des problématiques complexes, la présente stratégie soulève un certain nombre d’objectifs (1) et de défis (2).

1- Objectifs de la stratégie européenne au sahel

« En dépit de son importance stratégique pour l’Europe, le sahel a longtemps pu paraître lointain à certains Etats européens. Or, la multiplication des attentats et des prises d’otages ne visant pas uniquement des ressortissants français a suscité un intérêt accru pour la région et une prise de conscience sur les risques qu’elle faisait courir »(388). En octobre 2010, trois mois après la mort de Michel GERMANEAU et quelques semaines après les événements tragiques d’ARLIT(389), le Conseil des Affaires Etrangères de l’UE demanda l’élaboration d’une politique concrète et rapide pour le sahel. Le Service d’Action Extérieure de l’UE a alors établi une « stratégie européenne pour la sécurité et le développement dans le sahel ». Cette stratégie était censée traduire « l’attention et la préoccupation croissantes que suscite la partie sahélienne d’Afrique de l’Ouest »(390) ainsi que la « solidarité de l’Union Européenne avec les pays du sahel touchés par la menace terroriste »(391), car faut-il le reconnaître, « c’est bien la situation sécuritaire et précisément la menace terroriste, personnifiée par AQMI, qui semble avoir été le déclencheur de l’attention qui est portée à la région du sahel et de la grande majorité des actions nationales et internationales initiées »(392).

La stratégie telle qu’elle a été présentée résulte d’un processus d’évaluation, de dialogue et de concertation qui s’est étalée sur une période de plus d’un an en se fondant sur une série de missions sur le terrain et impliquant l’Algérie, le Niger, le Mali et certains pays membres de l’UE mais également plusieurs départements de son institution. Elle s’articule autour de l’appui que l’UE est susceptible d’apporter en soutien à certains pays du sahel dans les efforts que la plupart d’entre eux ont initié afin de faire face aux problèmes complexes d’ordre socioéconomiques, politiques, environnementaux et sécuritaires auxquels ils sont confrontés. Ainsi, sur une période de 5 à 10 ans, la stratégie ambitionne de venir en appui aux autorités nationales des pays confronté à des tensions internes (économique, sociale, politique et sécuritaire). Ce soutient de l’UE vise à améliorer la stabilité politique, la sécurité, la bonne gouvernance, la cohésion sociale dans les Etats du sahel, ainsi que les opportunités économique et d’éducation. La stratégie souligne et intègre le lien indispensable et la corrélation entre la sécurité et le développement.

Comme cela fut annoncé en 2011, l’action envisagée par l’UE au sahel avait pour but de promouvoir le développement, la bonne gouvernance et la résolution des conflits internes. Sur ce plan, l’UE envisageait résoudre certains problèmes socioéconomiques de sorte à améliorer les conditions de vie des populations qui vivent dans les régions sahéliennes et à leur offrir des opportunités économiques, l’objectif étant d’éviter que ces régions deviennent des terreaux propices au développement des activités criminelles et à l’enracinement d’un certain radicalisme. Il était aussi question de rétablir et de renfoncer la présence de l’Etat dans les zones qui échappent à son contrôle. L’autre point saillant consistait à la promotion d’une coopération régionale plus étroite. Ceci dans l’intention de faciliter la mise en œuvre d’une approche plus coordonnée au niveau régional de même qu’un niveau international, permettant notamment aux différents pays de la région de travailler de concert à travers un dialogue soutenu et renforcé, à une gestion efficace des menaces et défis auxquels ils sont tous, d’une manière ou d’une autre et à des degrés divers, confrontés.

Par ailleurs, le renforcement des capacités sécuritaires nationales et de l’état de droit était aussi nécessaire pour enrayer la prolifération des zones de non droit échappant complètement ou en partie au contrôle étatique. Situation dû à l’incapacité des forces de sécurité des pays de la région à assurer et à imposer leur présence effective dans ces régions. La stratégie prévoit de ce fait le renforcement des capacités des institutions de sécurité, du maintient de l’ordre et de l’état de droit afin de les rendre apte à faire face au terrorisme et à la criminalité transfrontalière organisée. Enfin, l’amélioration de la situation économique et la prévention de l’extrémisme violent et le radicalisme est pour l’UE, un moyen incontournable pour répondre aux difficultés socio-économiques et de mécanismes de marginalisation qui fragilisent la cohésion sociale dans plusieurs régions de la bande sahélienne, faisant le lit d’une idéologie islamiste radicale qu’AQMI et d’autres groupes jihadistes essaie d’implanter par le biais d’action d’embrigadements et de propagande. L’Europe envisage ainsi de supprimer ou de réduire les facteurs qui favorisent l’émergence, l’enracinement et la montée de cet extrémisme violent. Il est ainsi question de réduire la pauvreté, le sous-développement et le sentiment d’exclusion sociale que pourraient ressentir certaines composantes des populations vivant dans les régions sahéliennes.

La mise en œuvre de cette stratégie européenne pour le sahel suscite toutefois des inquiétudes. A ce jour, il y a eu beaucoup de mots mais peu d’actions concrètes réalisées. Ce qui pour certains constituent des défis pour sortir le sahel du spectre de la menace terroriste.

2- Défis à la mise en œuvre de la stratégie européenne

Un certain nombre de limites ont été formulées à l’égard de la coopération sécuritaire mise en œuvre au sein de l’UE. Elles concernent particulièrement sa frilosité à aller au-delà du concept traditionnel des formations et conseils apportés aux secteurs de la sécurité des pays auxquels l’UE apporte un soutien et notamment à fournir des équipements militaires, dont bon nombre de pays africains ont pourtant besoin. L’opérationnalisation de la stratégie, qui représentait l’un de ses défis à tarder à se concrétiser(393). La conséquence directe est qu’elle a été rattrapée et même dépassée par la survenance ou la réalisation de facteurs (notamment le conflit en Libye et l’incidence qu’il a eu pour le Nord du Mali) l’ayant rendu difficilement applicable, précipitant quelque peu son début de mise en œuvre. Ainsi, une stratégie qui était conçue comme un instrument de prévention s’est réduite à opérer dans l’urgence. C’est notamment dans ce contexte que c’est inscrit le lancement de l’opération EUCAP(394) sahel Niger.

Le sahel étant une région traversée par des dynamiques diverses et complexes, il est nécessaire que chaque initiative visant à stabiliser la situation dans le sahel découle d’une analyse approfondie des complexes dynamiques et interactions d’ordres sociales, économiques, historiques, culturelles, politiques et sécuritaires. Ce sont en effet ces dynamiques et interactions ou du moins certaines d’entre elles qui participent notamment à l’émergence de l’extrémisme radical, au développement des activités criminelles et des trafics dans la région.

En outre, la stratégie européenne est sans doute un peu dépassée par la donne récente et particulièrement le conflit libyen dont les conséquences sur la sécurité et la stabilité dans le sahel sont encore loin d’avoir toutes été analysées et envisagées. La stratégie européenne telle qu’elle se présente actuellement n’est à l’évidence pas un document opérationnel, ce qui limite son impact effectif sur le terrain. L’une des principales ambitions de la stratégie semble à ce propos, comme il est précisé dans le document, de doter l’UE d’un cadre politique devant servir à mobiliser les différents instruments et moyens d’assistance de l’union et à améliorer la coordination de ses initiatives actuelles et futur dans la région.

L’un des défis subséquents consistera ainsi à traduire effectivement dans les faits et de manière opérationnelle ou programmatique les objectifs et axes stratégiques esquissés, en les dotant des moyens adéquats à la hauteur des ambitions affichées et des défis multidimensionnels que sous-tendent la sécurité et le développement dans le sahel. De même, les initiatives, efforts et actions visant à faire face aux problèmes identifiés en termes de développement et de sécurité dans la région sont de la responsabilité première de chacun des pays concernés. De ce fait, malgré les contraintes relatives à la nature complexe des défis socio-économiques, politiques, environnementaux et les difficultés relatives à la faiblesse des capacités de certains des pays concernés, les actions à entreprendre ne sauraient être efficace sans un engagement résolu et concerté de la part de ces derniers (Mali, Mauritanie, Niger, Algérie) qui se doivent donc de prendre à bras le corps les efforts et les risques nécessaires. La stratégie ne saurait être efficace, tout comme les initiatives des autres partenaires internationaux et celles de chacun des pays concernés, sans une approche véritablement régionale, collective et concertée à laquelle s’associeraient toutes les parties prenantes, avec en prélude une vision et une réelle volonté commune. Pour l’heure, cette coopération si elle n’a pas toujours été sereine(395), semble compte tenu de la menace terroriste être la voie privilégiée et l’ultime recours tant au niveau national, régional qu’au niveau des partenaires extérieures pour résoudre l’énigme du progrès dans la région sahélienne.

381 Interpol et le Forum Global de lutte contre le terrorisme (Forum Counterterrorism Forum-GCTF) jouent également un rôle dans la lutte contre le terrorisme. Interpol est actif dans la coopération internationale et s’illustre par le recueil, le stockage, l’analyse et l’échange d’informations sur les individus et des groupes soupçonnés d’activités terroristes avec les pays membres d’Interpol. Interpol peut également prêter une assistance en matière d’enquête et de recherche de suspects lorsque des actes terroristes ont été commis. Le FGCT a été lancé à New York le 22 septembre 2011. Il se présente comme une plateforme diplomatique informelle ayant pour but d’offrir un espace de partage des expériences, expertises, et stratégies et d’identifier les besoins en termes de capacités et les programmes pour leur renforcer.
382 L’Organisation Maritime Internationale, l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale, le Fond Monétaire International, l’Agence Internationale de l’Energétique Atomique et la Banque Mondiale etc.
383 Antonio MARCA COSTA, « Allocution d’ouverture », Symposium sur la mise en œuvre de la stratégie antiterroriste mondiale des Nations-Unies, (New York : Nations-Unies, 2007), p. 13, http://www.unodc.org/pdf/terrorism/symposium/symposium-fr.pdf.
384 Service de la Prévention du Terrorisme (SPT) de l’ONUDC, ‘’Note of Accomplishments : Technical Assistance Provided to African Countries for Strengthening the Legal Regime Against Terrorism’’, 31 décembre 2008.
385 Ibid.
386 BREA, PNUD, « Arab Human Development Report 2009 », p. 61, http://www.arabhdr.org/publications/other/ahdr/ahdr2009e.pdf. (« Rapport arabe sur le développement humain 2009 », p. 6).
387 Anton DU PLESSIS, « The role of the United Nations in providing technical assistance in Africa », dans Understanding Terrorism in Africa: In Search for an African Voice, éd. Wafula Okumu et Anneli Botha (Pretoria : Institut d’études de sécurité, 2007), p. 89, http://www.iss.co.za/uploads/AFRITERRO071106.pdf.
388 Henry PLAGNOL et Bernard LONCLE, « La situation Sécuritaire dans les pays de la zone sahélienne », Rapport d’Information, Assemblée Nationale (France), 6 mars 2012, p. 74.
389 Enlèvements de sept personnes sur le site minier d’Arlit dans le Nord du Niger dans la nuit du 15 au 16 septembre 2010 par AQMI.
390 William ASSANVO, « Réflexions sur la stratégie européenne pour la sécurité et le développement dans le sahel », Observatoire de la Vie Diplomatique en Afrique (OVIDA, Note d’analyse n° 5, octobre 2011, p. 2. http://www.ovida-afrido.org/fr/ovida-pdf/strat%c3%A9gie_UE_sahel_5_octobre11.pdf.
391 Raby Ould Idoumou, « L’UE et le Sahel définissent une vision conjointe de la sécurité », Magharebia, 12 décembre 2011,
http://www.magharebia.com/cocoom/avoi/xhtml1/fr/features/awi/features/2011/12/12/features-03.
392 William ASSANVO, Op. Cit., p. 2.
393 Rapport d’information de la Commission des Affaires Etrangères de l’Assemblée Nationale Française sur « la situation sécuritaire dans les pays de la zone sahélienne », 6 mars 2012, p. 74. http://www.assembléenationale. fr/13/rap-info/i4431.asp.
394 L’EUCAP est la mission européenne visant à renforcer les capacités du sahel.
395 Sur certaines divergences stratégiques en matière de lutte contre le terrorisme dans le sahel, voir Benjamin Roger, « Terrorisme au sahel : derrière la coopération, chacun joue sa partition », Jeune Afrique, 07 septembre 2011.

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