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Introduction

Professeure de FLE de l’Alliance française de La Havane (désormais AFH) pendant sept ans et diplômée d’Études socioculturelles, j’ai voulu suivre ce Master afin d’enrichir le bagage théorique sur lequel j’ai appuyé, depuis ma formation initiale, mes pratiques d’enseignante. Consciente que le manque de formation académique en FLE pourrait constituer une limite dans ma pratique professionnelle, j’ai voulu, après une certaine expérience pratique, mettre à jour mes connaissances pédagogiques, en enrichissant ma culture personnelle et mon savoir-faire. Dans l’univers du FLE, je me suis intéressée aux Technologies de l’information et des communications (désormais TIC), dont j’ai appris les bénéfices dans l’enseignement tout au long de ma pratique professionnelle. Pour cette raison, j’ai voulu inscrire mon mémoire dans le domaine des TICE.

L’AF, constitue un référant méthodologique des TICE et de la Formation Ouverte et à Distance (désormais FOAD) au service du FLE à Cuba. Cette institution exerce aussi un rôle rassembleur et mobilisateur dans notre pays, où le contexte pour le développement de la FOAD est assez contraignant et où l’utilisation d’Internet devient de plus en plus fréquente, mais l’accès est sécurisé et très restreint. J’ai décidé d’axer mon mémoire sur ce type de formation liée à l’enseignement du FLE, dans l’espoir d’apporter des réponses, de proposer de nouvelles réflexions et enfin d’influencer le fait francophone dans mon pays, en impulsant le développement de la FOAD et la désacralisation (ou dédiabolisation) d’Internet.

À Cuba, on constate l’augmentation constante du nombre de personnes voulant apprendre le français. Cependant l’AFH (acteur de diffusion du français le plus puissant dans l’île) ne peut pas répondre complètement à cette demande au moyen de ses cours présentiels ; par conséquent des milliers de candidatures sont rejetées chaque année. C’est pourquoi, l’AFH a lancé en 2006 un projet d’envergure nationale : la création d’une FOAD, ce qui s’est matérialisé fondamentalement par la mise en place d’un dispositif hybride, alliant à la fois un cours de FLE hébergé sur une plateforme d’apprentissage, et des recours à des séances en présentiel. Suite à l’ouverture en 2009 de ce cours à distance, première expérience de FOAD et de tutorat pour l’enseignement du FLE à Cuba, on a dû faire face à un contexte difficile et à diverses limitations (technologiques, sur le plan ingénierique du projet, de conception pédagogique du cours, logistiques, économies, politiques et à d’autres aspects d’ordre culturel). Donc, j’ai vu dans la réalisation d’un mémoire à propos de ce dispositif (présentiel réduit), une opportunité pour mettre en oeuvre une démarche d’observation détaillée et d’analyse critique, dans le but de contribuer à une implantation réelle et effective, à sa durabilité et à sa reproduction dans d’autres provinces du pays et pourquoi pas ailleurs…

Dans le cadre des trois éditions de cette FOAD pour des débutants, j’ai assuré le tutorat en ligne d’une partie des apprenants, ainsi que le feed-back des concepteurs et des informaticiens. D’autre part, j’ai participé à la conception de matériel pédagogique pour l’amélioration du cours, et en conséquence, du dispositif. Néanmoins, au moment de la confection de ce mémoire, je continue à avancer moi-même sur un terrain récemment défriché : une situation d’enseignement-apprentissage novice. Dès le début de la mise en oeuvre du cours à distance, je me suis posé de nombreuses questions liées toutes à ce sujet : apprend-on plus ou moins vite, mieux, ou d’avantage avec les TICE? Quelles difficultés les apprenants pourraient-ils rencontrer pour s’approprier la plateforme et tirer mieux profit du cours ? Qu’est-ce qui change au niveau des pratiques d’apprentissage et d’enseignement ? Comment les apprenants perçoivent-ils les tuteurs et la « distance » ? Quelles modifications apparaissent dans les interactions humaines? Grâce aux premières recherches documentaires que j’ai effectuées pour la réalisation de ce mémoire, je me suis posé un certain nombre de questions concernant les tuteurs: quelles sont les attentes envers les tuteurs et leurs rôles ? Quelles sont les spécificités de leurs fonctions en présentiel / distanciel ? Quels sont les prérequis pour développer des pratiques efficaces ? Relèvent-ils plutôt des connaissances linguistiques, de l’informatique ou de la psychologie ? Quelles stratégies compensent davantage le sentiment d’isolement des apprenants et lesquelles favorisent le plus les interactions et la participation de ces apprenants ? Puisque les interactions en français constituent un objectif en soi, quelles interventions (réponses) ou évaluations le tuteur doit-il faire? Comment le tutorat peut-il assurer l’efficacité du cours hébergé sur la plateforme ?

Différentes mesures ont été mises en place afin d’améliorer le cours proprement dit et le dispositif, depuis sa création: la transformation des cours notionnels et des entrées traditionnelles en unités actionnelles, l’augmentation des matériels audiovisuels, l’enrichissement des éléments communicatifs, la modification des consignes visant la notion de tâche, l’amélioration et l’ajout d’outils d’échanges, le rallongement de la durée du cours, entre autres. Après trois ans d’évolution de ce cours à distance, nous continuons à nous heurter aux mêmes difficultés : malgré les nombreuses demandes d’inscriptions au cours, le taux d’abandon élevé est aussi démoralisant pour les tuteurs que pour l’institution, les interactions ne sont pas abondantes et le nombre de contributions est très réduit sur la plateforme. Il m’a donc paru intéressant d’analyser les stratégies des tuteurs, leur influence sur les interactions, et l’incidence de celles-ci sur la motivation des apprenants. J’ai alors décidé de formuler ma problématique ainsi : Quels rôles et quelles stratégies les tuteurs doivent-ils mettre en place pour gérer les interactions?

C’est en constatant les problèmes récurrents du cours que je me suis rendu compte de la nécessité d’observer les pratiques des tuteurs, dans le but de répondre aux besoins et aux attentes des apprenants inscrits, ainsi que de les motiver (quelles stratégies mettre en place ?). Par ailleurs, de plus en plus d’environnements hybrides et des dispositifs pour mettre à distance l’enseignement-apprentissage se créent, alors que les expectatives envers les tuteurs (professeurs pas toujours formés dans la FOAD) se multiplient. C’est pourquoi j’ai pensé cibler ma recherche du côté des enseignants, et sur les rôles qu’ils sont censés jouer dans un processus d’apprentissage guidé via Internet. Je suis partie de l’hypothèse qu’à cause d’une culture d’enseignement-apprentissage très paternaliste, de l’appréhension que génèrent la technologie et la difficulté de connexion, travailler principalement le pôle psychoaffectif du tutorat pourrait contribuer fortement au soutien psychologique des apprenants, et à leur motivation. D’autre part, mon expérience précédente comme tutrice -du dispositif de formation (désormais DdF) qui constitue l’objet de cette étude- m’a fait constater que la manière dont le tuteur intervient et interagit avec les apprenants en situation d’enseignement collective et à distance, influence le développement et les résultats de la formation, et surtout incite les apprenants à utiliser davantage les aides/ outils disponibles, ainsi qu’à augmenter le nombre de leurs contributions.

Ce mémoire de Master 1 est donc une modeste initiation à une démarche de recherche. Elle s’inscrit plus particulièrement dans le champ d’études qui portent sur l’enseignement collectif assisté par ordinateur (EAO), la redéfinition des rôles occupés par les acteurs humains qu’a entraîné l’arrivée d’Internet, et l’importance de l’intervention de l’enseignant.

Ce travail serait une occasion de nous questionner sur la place des interventions humaines dans une relation professeur-étudiant via Internet. Ma contribution se situe dans cette problématique de l’accompagnement humain d’étudiants en situation d’apprentissage collectif et institutionnel via Internet, et plus précisément sur les modalités d’intervention tutorale (désormais MiT). Ce mémoire, inscrit dans une perspective cognitiviste et constructiviste, emprunte ses bases méthodologiques et théoriques à l’ethnométhodologie, à la psychologie et à la psychologie sociale, et à l’ethnographie critique. Ce travail concerne des notions telles que l’autonomie de l’apprenant, la motivation, l’apprentissage coopératif assisté par ordinateur, l’accompagnement tutoral, encadrement, entre autres. Mais l’analyse d’une FOAD nous fait plonger dans un champ multidisciplinaire et nous amène à un vraie transversalité des concepts.

La recherche que j’ai effectuée est fondamentalement qualitative, mais aussi quantitative. Les fonctions tutorales réalisées, de manière empirique, par les tuteurs impliqués ont été identifiées à partir de l’analyse des perceptions des apprenants inscrits et des tuteurs, ainsi que des messages échangés entre ces acteurs. Le plan de recherche déroulé a essayé de permettre la comparaison des stratégies mises en place par trois tuteurs tout au long du déroulement d’un cours, et des résultats des trois groupes d’étudiants placés dans des conditions de suivi tutoral différentes. Pour tenter de répondre à la problématique que j’ai dû cibler, j’ai adopté une méthodologie de recueil de données double. D’une part, des enquêtes préalables m’ont permis de connaître à priori les attentes de tuteurs et d’étudiants envers ce cours. Puis, des enquêtes en aval m’ont permis de connaître la perception des apprenants et des tuteurs sur le déroulement du cours et ses résultats. D’autre part, l’observation des interactions en ligne, des contributions (des apprenants), des interventions (des enseignants) et des séances présentielles, m’ont aidée à classer les modalités mises en pratiques par les tuteurs de ce dispositif. D’ailleurs, la comptabilisation et analyse des productions des apprenants m’ont permis de mieux comprendre et d’identifier les effets d’une MiT ou d’une autre, sur la qualité de l’apprentissage des apprenants.

Dans la première partie de ce travail, je m’arrêterai sur quelques notions théoriques concernant les DdF et la FOAD, je préciserai ensuite les axes théoriques autour desquels s’articule cette recherche. J’aborderai aussi l’encadrement pédagogique et l’importance du suivi humain dans les DdF à distance (notamment hybrides). Je me centrerai en particulier sur la manière dont sont envisagés les rôles des enseignants-tuteurs lors d’un accompagnement humain, et leurs effets ou incidences sur la motivation et la participation des apprenants. Dans un deuxième temps, je décrirai sous plusieurs angles les conditions sous lesquelles le dispositif que j’étudie a été implémenté. Je me suis proposé de décrire le contexte où ma recherche a été réalisée, en faisant un état des lieux des TICE et de la FOAD appliqués au FLE à Cuba et ensuite à l’AFH.

Une troisième partie de ce travail sera consacrée aux aspects méthodologiques de la recherche : le choix de la méthodologie et la description de son adaptabilité. Je décrirai l’échantillon et le public, et je présenterai les techniques adoptées afin de cerner les méthodes d’intervention tutorale appliquées par les trois tuteurs impliqués.

La partie 4, en étroite relation avec la précédente, est consacrée à l’analyse des données collectées. J’aborderai d’abord les attentes des tuteurs et des apprenants, ainsi que l’influence qu’elles ont eues sur la motivation des apprenants, mais également sur les pratiques de suivi mises en place par les tuteurs. Je détaillerai ensuite les pratiques tutorales observées, ainsi que leurs implications dans les comportements des apprenants.

Pour conclure, je ferai un bilan réflexif des résultats de mon analyse, j’aborderai d’autres facteurs périphériques à l’axe de ma recherche, et je formulerai des observations générales qui, je l’espère, pourront être utiles à l’AF et à d’autres tuteurs/ institutions ayant implémenté un Dispositif de formation semblable.

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