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III) Indépendance et société civile

Vouloir être indépendant comme peuvent le revendiquer des ONG internationales comme Green Peace ou encore Amnesty Internationale est justifiable et noble. Cela permet une plus grande liberté d’expression et d’amoindrir les éventuelles contraintes que pourrait imposer des bailleurs de fonds publics permettant ainsi, de meilleures retombées sur les bénéficiaires directs. C’est-à-dire, qu’en étant soumis à moins de contraintes, il est plus simple de mettre en place des projets à destination d’un public choisi et de les réaliser.

Le CDH Fray Matias fonctionne avec des fonds privés et publics. Il doit rendre des comptes sur les projets menés ou en cours pour les justifier et parfois pouvoir percevoir la totalité des fonds. Il est important d’établir de bonnes relations entre financeurs et financés car il est régulièrement possible de renouveler un projet auprès du même bailleur de fonds.

Ayant vu les difficultés rencontrées dans la défense des droits des personnes migrantes, nous nous demandons s’il est réellement pertinent de chercher l’indépendance économique. Nous tâcherons d’apporter différents éléments de réponse à la complexité d’être, ou du moins de se proclamer indépendants au sein d’une association civile.

A/ De la transparence à la déontologie

La transparence est un thème récurant dans le monde associatif. Savoir qui sont les financeurs d’un organisme apparait comme un critère de sélection dans certains dossiers de subvention. Il est courant de voir sur de nombreux sites web d’organisme une rubrique « transparence » où apparaissent les sources d’entrée d’argent. Cela est rassurant aussi bien pour les bailleurs de fonds que pour toute personne s’intéressant à tel ou tel organisme (parfois pour faire un don, ou chercher une collaboration voire, du travail). Cela a été fait durant l’été 2012 sur le site internet du CDH Fray Matias(33).

Parler de déontologie et d’indépendance sans connaitre les financeurs de son organisme n’aurait pas de sens. C’est pourquoi nous commencerons ici par exposer l’importance d’être informé de la provenance des ressources financières de son association.

1/ Mieux comprendre son organisme de travail en connaissant ses donateurs

Savoir qui finance telle ou telle association donne l’occasion de voir son évolution et ses aspirations, par exemple si les donateurs sont des bailleurs publics ou bien rattachés à une religion. En fonction des donateurs, les restrictions ne sont pas les mêmes. Des typologies existent, c’est pourquoi nous n’aborderons pas ce point ici.

a/ Connaitre ses mécènes

Connaitre ses financeurs permet de mieux cerner son organisme. Savoir quel est son budget annuel, jusqu’à quand tel ou tel projet est subventionné. Dans le cas d’une association, cela peut refléter le temps du contrat d’un employé. Cependant, engager une personne pour une unique mission peut dans de nombreux cas, ne pas être viable pour l’organisme. Nous reviendrons sur ce point plus loin.

Savoir qui finance son organisme permet de mieux comprendre sa fragilité tout comme sa force. Mais aussi, son mode d’action ainsi qu’émettre des hypothèses sur sa méthode de viabilité. Partager les contraintes des bailleurs de fonds donne l’occasion de faire de véritables choix sur les futurs financeurs de son organisme. Parmi les restrictions, certains donateurs imposent parfois de réaliser un projet en engendrant des partenariats avec un ou plusieurs organismes associés. Il est plus aisé de réaliser ses coopérations si tous les employés sont au courant de ces contraintes en amont.

Ce qu’il manque au CDH Fray Matias, c’est des discussions d’équipe pour savoir vers quels organismes se diriger ou non. Ces choix sont faits sans réel accord, ce qui est facilité par les employés qui n’accordent pas d’importance quant à l’origine de leur salaire. Des organismes comme Médecins du Monde France émettent de nombreuses restrictions. En effet, jusqu’à cette année ils n’acceptaient pas de fonds en provenance des États-Unis, maintenant cela est possible sous conditions.

b/ Varier les bailleurs de fonds pour une meilleure stabilité économique

Une des problématiques à régler pour la dite constance ou durabilité de l’organisme, serait de trouver de nouveaux bailleurs de fonds pour diversifier les rentrées d’argent et ainsi limiter la dépendance à un financeur en particulier. Concernant les années 2010-2011, le CDH Fray Matias avait quatre projets, dont trois financés par la fondation Ford(34) et un par l’organisme Fonds Global pour les droits de l’Homme. Ce dernier récolte lui aussi des fonds dans diverses agences comme la Ford qu’il redistribue par la suite. Il est donc probable que tous les fonds perçus cette année-là provenaient de la Ford. Cette constatation à engendrer des inquiétudes auprès de la direction et l’administration de l’association.

Être dépendant d’une agence est dangereux, car en cas d’arrêt soudain de ce partenariat pour quelconque raison, le CDH Fray Matias serait amené à subir de grandes difficultés pour subvenir à ses besoins pouvant le mener à disparaitre. L’année suivante, sept projets étaient financés, dont trois par la Ford et représentaient trois quarts du budget annuel, environ 135.000 euros. Le dernier quart représentant les quatre autres projets, soit environ 45.000 euros fût financé par les organismes suivants : l’Union Européenne, l’ONU, Fond Global pour les droits de l’Homme et Adveniat. En moyenne les projets sont financés sur une période allant de 9 à 18 mois, exception faite du projet en partenariat avec l’association INSYDE qui, étant renouvelée chaque année, s’établit actuellement sur trente-six mois. Au mois d’août 2012, les financements pour l’année à venir étaient dirigés vers Fonds Global pour les droits de l’Homme, l’Union Européenne, la fondation Mac Arthur et la fondation FORD pour deux projets distincts.

Il faut savoir que, concernant ces financements, le CDH Fray Matias n’est pas toujours le destinataire principal des fonds, mais parfois dans le cas d’une coopération, il n’est que la contrepartie du projet. Ceci explique les sommes moins importantes perçues par certains bailleurs de fonds. Durant cette année, à titre informatif, cette association est la contrepartie de l’association INSYDE pour le projet « Observatorio para la Defensa y Promoción de los Derechos de las Personas Migrantes en la Ciudad de Tapachula, Chiapas » financé par la FORD ainsi que d’INICIA pour le projet « Fortalecimiento de las capacidades de defensores y defensoras para el respeto y realización de los derechos humanos en la Frontera Sur de México » (35) financé par l’Union Européenne.

Un des autres problèmes à soulever est toute la difficulté de gérer une telle diversité de fonds avec des sommes différentes qui arrivent dans des devises distinctes (euros et dollars) dans un pays qui manie le peso. Connaître l’argent disponible est une chose simple, mais savoir exactement combien reste-t-il pour chaque projet et bien plus difficile et peu donner lieu à de multiples abus. Concernant le CDH Fray Matias, ses dépenses ont été vérifiées en février
2012 par des consultants extérieurs qui n’ont décelé aucun détournement de fonds.

2/ De l’éthique à l’indépendance

L’éthique à l’intérieur des organismes humanitaires et de Solidarité internationale nous semble là encore un point important à relever bien que nous resterons succincts à ce propos.

« Tous s’entendent pour dire qu’un comportement éthique est celui qui obéit à des règles et des principes préétablis » (LEBLAN, LEVESQUE, PAULIN, 2007, p.5). En partant de cette affirmation, nous parlerons de l’éthique comme d’une posture face à des choix qui peuvent être d’ordre aussi bien personnel que professionnel.

Cet aspect à toute son importance au sein de la société civile qui « recherche l’intégration totale de l’éthique dans les opérations et les prises de décisions des différents acteurs étatiques et multilatéraux. Un acteur est désigné comme multilatéral lorsque la portée de ses actions est internationale, comme celle d’un bon nombre d’ONG, mais répond à une gouverne officielle d’état ou de nations » (LANGLOIS, TUYISHIME, 2007, p.37). Ainsi les questions d’éthiques sont primordiales à différentes échelles. Ici, nous resterons dans le cadre professionnel, en nous focalisant sur le CDH Fray Matias.

a/ Le poids de la déontologie

Un organisme se déclarant comme indépendant ou semi-indépendant doit à notre sens, connaître ses financeurs et les contraintes qu’ils impliquent. Pourtant en étant entrer en contact avec des employés de divers organismes, nous soumettons l’hypothèse que pour beaucoup des travailleurs et travailleuses rencontrés, il est plus important que l’organisme soit viable pour maintenir ses activités plutôt que de choisir les bailleurs de fonds et autres types de mécènes. Ce qui signifie que sur le plan éthique, les financeurs ne seraient que peu considérés pour privilégier les bénéficiaires directs. Pourtant ces derniers sont les garants du bon fonctionnement de tout organisme, ce qui interroge sur la place de l’éthique sur le plan de la stabilité économique d’un organisme. Le manque d’intérêt de la part des employés pour les bailleurs de fonds pourrait engendrer des portes à faux. Pour illustrer nos propos, imaginons qu’une entreprise Ford s’installe dans la région du Soconusco et emploie principalement des personnes migrantes dans des conditions de travail immorales. La proximité avec le travail effectué par le CDH Fray Matias engendrait des scandales qui mettraient sûrement fin au partenariat entre la fondation Ford et cette association. Actuellement, la distance territoriale entre ces derniers suscite davantage l’indifférence. Cela étant un vaste sujet, nous ne pouvons pas le traiter ici, mais nous nous permettons de soulever le questionnement.

Concernant le CDH Fray Matias, comme nous venons de le voir, la majorité de ses financements proviennent de la fondation FORD. Cet organisme, comme d’autres grandes fondations, est qualifié par certains « de barons voleurs, ces capitaines d’industrie très controversés du début du XXe siècle qui ont utilisé tous les moyens pour s’enrichir et ont ensuite créé les plus grandes fondations (Ford, Carnegie, Rockefeller) » (LEFÈVRE, 2012, p.12). Il est probable que la Fondation Ford, spécialisée sur la thématique de la migration, fût créée pour améliorer son image.

Voilà pourquoi, il serait recevable que l’actuelle coordinatrice du CDH Fray Matias ainsi que les employés refusent de travailler avec ce type de financement pour des questions d’éthique. Ce qui n’est pas le cas. Bien que, dépendre moins de cette fondation fait partie d’une stratégie de durabilité de l’association. Ce point qui a attiré notre attention à notre arrivée au sein de cette structure doit faire partie des questionnements personnels de toute personne souhaitant travailler ou travaillant dans le vaste domaine de la solidarité internationale. Il faut arriver à se fixer ses propres limites pour travailler avec des organismes avec lesquels nous sommes en accord tout en se laissant une marge de manoeuvre sur des points où des compromis restent envisageables.

b/ De la religion vers l’indépendance

Le CDH Fray Matias fut constitué en 1994 à l’initiative de membres d’une église catholique de Tapachula pour défendre les droits de l’Homme envers des communautés essentiellement indigènes. C’est en 1997 que, s’étant constitué légalement en devenant une association civile « A.C. », il s’est détaché de l’église pour être une association laïque ayant pour ligne directrice la défense des droits de l’Homme pour les migrants, réfugiés et leur famille. Malgré cela, des liens avec des églises et paroisses subsistent et se traduisent par l’obtention de subventions. Ses premières sources de financements émanèrent d’organismes rattachés à l’Église catholique : la fondation Argidius et Catholic Relief Service(36). Pour obtenir ces fonds, il faut un accord de l’évêque du diocèse de Tapachula, ce qui maintient un lien étroit entre la religion et la conception de projet puisque c’est un membre de l’église qui valide les projets à réaliser.

Il faut savoir que concernant la protection et la défense des migrants, les associations en Amérique latine sont souvent d’origine religieuse. À Tapachula, l’auberge Bélen qui accueille les personnes migrantes en transit est dirigée par un prêtre de l’Église catholique. Ce constat est mondial du fait qu’« historiquement, les ONG sont nées lors de deux périodes significatives en occident : la tradition chrétienne et le libéralisme politique. La prise en charge des différents besoins sociaux comme l’éducation, les soins de santé et le support à la famille par l’Église dès le 16e siècle lui a permis de développer une certaine expertise et des réseaux dans plusieurs pays » (LANGLOIS, TUYISHIME, 2007, p.38). Ainsi l’influence de l’église n’est en rien étonnante, en développant ses réseaux, elle a démultiplié ses domaines de compétences agissant dans de multiples secteurs comme celui de la migration.

Pour en revenir au CDH Fray Matias, actuellement, il continue à percevoir des fonds de l’Église. Cette année, la fondation Allemande Adveniat a financé les formations d’une partie d’un projet(37) de l’association.

Par conséquent il serait possible de remettre en question l’aspect laïque de l’organisme bien que, dans le contexte de l’Amérique Latine depuis la colonisation, l’influence religieuse sur la migration se doit d’être considérée et non réfutée puisque par exemple les auberges accueillant les personnes migrantes sont, pour la majorité sous le joug de l’Église catholique.

Bien que recevoir des fonds de source religieuse n’est pas suffisant pour insinuer qu’un organisme fait partie de telle ou telle religion, ce point nous donne l’occasion d’indiquer qu’il est complexe de se proclamer laïque.

c/ A quel moment un organisme de la société civile peut-il se prétendre indépendant ?

Le CDH Fray Matias s’autoproclame indépendant en argumentant qu’il ne perçoit pas de fond de l’état du Mexique. Cependant depuis plusieurs années il reçoit des fonds publics, aussi bien de l’ONU que de l’Union européenne.

Aussi comme nous l’avons dit, un des plus importants financeurs de cet organisme est la fondation privée FORD. « Ce recours aux fonds privés, deux des principales ONG humanitaires Médecins sans frontières et Médecins du Monde, y sont particulièrement attachées. Elles se sont imposé des règles pour éviter que la part des financements publics ne dépasse un certain seuil. Ils doivent être en toutes circonstances inférieurs aux fonds privés.

C’est, à leurs yeux, « le prix de l’indépendance » (Aoust et al. 2004, p.7). Avoir une majorité de ressources d’ordre privé permet d’agir avec moins de contraintes, le suivi étant plus souple que celui réalisé par les organismes institutionnels.

En revanche, être dépendant de fondations privées ou publics ne semble pas être le chemin de l’indépendance. À notre sens, l’unique solution serait d’obtenir des fonds de façon régulière et certaine de la part d’un mécène pour une durée inscrite sur le long terme et ne nécessitant pas de contraintes particulières. Ainsi une association serait libre de mener ses projets et mettre en place des actions selon les nécessitées qu’elle perçoit et ses envies. Cela ressemble aux fonctionnements des Fondations privées. Généralement, celles qui portent des noms de famille reçoivent leur fonds d’une personne qui a souvent contribué pour une ou plusieurs causes et qui a ou a laissé un vaste patrimoine, comme le sont les fondations MacArthur, Danielle Mitterrand ou encore Gates. À défaut, cela ne correspond pas au fonctionnement des associations dont la recherche de fonds fait partie de leur mission de façon régulière voir permanente.

En outre, des pressions extérieures de l’état subsistent. Bien que, le CDH Fray Matias ne dépende pas de fonds du gouvernement mexicain, il doit s’adapter aux modifications et d’ajustements. Quand l’entrée au centre de rétention siglo XXI lui fût interdit durant un an par le gouvernement, ses projets en cours furent modifiés rendant certains caduques. Ces pressions « empêchent les petites ONG d’agir en toute liberté, les contraignant à respecter certaines règles fixées par les États qui les protègent et par l’existence de plus en plus fréquente de règles de fonctionnement imposées par l’ensemble des fonctionnaires internes aux grands organismes de financement et qui entraînent de surcroît une bureaucratisation accélérée des ONG, en particulier pour ce qui concerne le contrôle de l’utilisation des fonds » (VERNA, 2007, p.40). Effectivement, les organismes doivent également s’adapter aux outils de gestion de cycle de projet nécessaire pour effectuer des demandes de fonds. Sur ce point, le CDH Fray Matias ayant des difficultés sur ce point, fait appel à un consortium avec l’organisme Fonds Global qui appui ce type de démarche comme le fait l’association Coopération Concept en France.

Malgré tout, le CDH Fray Matias est plus apte à dénoncer des abus que des organismes internationaux comme le sont l’OIM ou la ACNUR. « On voit les failles du gouvernement, mais on doit être capable de travailler avec tous les acteurs […] on peut dénoncer, mais de façon diplomatique » (Gema, ACNUR), « Du fait qu’on travail avec le gouvernement normalement on fait rarement des dénonciations, on peut dire les mauvaises choses, mais on ne peut pas se confronter. Ce sont des canaux différents qu’on utilise de manière très diplomatique » (Jose Luis, OIM). Entre ces organismes, il y a des différences dans les lignes d’action, mais nous pouvons relever qu’il est plus simple de dénoncer, pour une association que pour un organisme international. De plus l’OIM reçoit de nombreuses subventions de la part du gouvernement aussi bien au niveau national que fédéral. Être dépendant engendre des limites et contraintes. Chercher l’indépendance c’est essayer d’être le moins possible limité dans la mise en place de ses projets.

Toutes ces difficultés rencontrées pour prétendre être indépendant nous amènent à parler plus concrètement du domaine de la recherche de fonds.

B/ La recherche de fond : nouvel enjeu de durabilité

Beaucoup d’organismes de Tapachula nous ont exprimé toutes leurs difficultés à trouver des fonds correspondant aux projets qu’ils veulent appliquer du fait des contraintes établies par les bailleurs de fonds. Dans le domaine associatif « la fonction de recherche de fonds est primordiale et renvoie à des pratiques professionnalisées depuis plusieurs décennies […] le carnet d’adresses des institutions sert à solliciter de très importantes contributions de la part de grands donateurs » (LEFÈVRE, 2012, p.5).

Nous verrons que la recherche de fonds, particulièrement pour des organismes tels le CDH Fray Matias, qui fonctionne essentiellement grâce à des fonds privés, est vitale pour la pérennité de l’association. De plus, avoir un document de référence où sont annotés les contacts de différents bailleurs de fonds est devenu un outil essentiel au sein des organismes de la société civile.

1/ Devenir un organisme “durable” : une stratégie institutionnelle

En arrivant en avril 2012 au CDH Fray Matias, une des grandes préoccupations était d’obtenir une stabilité économique et une indépendance en variant de bailleurs de fonds et autre source de financement pour ne pas dépendre d’une entité en particulier. Dans le plan stratégique triennal, élaboré début mai 2012, le renforcement institutionnel au niveau de la viabilité de l’association grâce à une meilleure gestion des ressources fait partie des points importants à développer.

a/ Des donations aux bailleurs de fonds, des choix vers l’autogestion

Une association civile dite A.C. se doit de choisir, quels types de fonds elle souhaite percevoir en fonction des contraintes que cela entraine. Par exemple, pour accéder aux convocations des aides fédérales, elle doit s’inscrire à un registre nommé SEDESOL, mais cela sert de contrôle pour les autorités publiques. Par conséquent, de nombreuses associations ne font pas partie de ce registre. S’ajoute à cela, que certains organismes refusent d’obtenir des fonds publics nationaux.

Par ailleurs, pour recevoir des dons d’entreprises comme des supermarchés Sam’s ou Soriana il faut réaliser des démarches administratives et financer le titre de « donataire autorisé » ce qui est long et coûteux.

Idem, pour être un organisme pouvant percevoir des donations de particulier. Cela engendre des démarches longues ne permettant pas par la suite d’obtenir certaines subventions. En effet, une des restrictions de certains bailleurs de fonds pour bénéficier de leur subvention est d’être un organisme qui ne reçoit pas de fonds de particuliers. Voilà pourquoi il est important de bien considérer tous les avantages et inconvénients avant de s’engager dans des démarches pouvant modifier les statuts de l’association.

Voilà pourquoi différents aspects sont à considérer pour obtenir une autogestion adéquate sur le plan financier tout en conservant les ambitions de l’organisme. Nous allons citer ceux qui nous paraissent essentiels. Tout d’abord, il ne faut pas dépendre économiquement d’un seul bailleur de fonds ce qui peut mener à des instabilités financières. De surcroît, il est nécessaire de connaître toutes les contraintes qu’imposent de recevoir des fonds de tels ou tels organismes. Il est également préférable d’avoir un fonds de réserve en cas d’urgence dans la réalisation de projet. Aussi, entretenir des relations cordiales entre financeurs et organismes financés est important pour pouvoir prétendre au renouvellement de certaines subventions, pour réitérer et/ou mener à terme un/des projets. De plus, il est préférable de compter sur une ou plusieurs personnes compétentes dans son équipe dans la gestion de cycle de projet, la réalisation de notes conceptuelles et dossiers de subventions à destination d’organismes donateurs. Enfin, jouir d’une notoriété publique favorise une meilleure crédibilité avec d’éventuels bailleurs de fonds.

b/ Mise en place d’une stratégie de durabilité, un chemin laborieux

Entre avril et août a été mise la « première pierre de la gestion des fonds de manière durable » pour reprendre les propos de la coordinatrice de l’association. Durant ce laps de temps, une base de données soumettant les éventuels bailleurs de fonds dont les offres de financement correspondent aux lignes stratégiques du CDH Fray Matias a été réalisée. Cette base est une référence pour la recherche de fonds, bien qu’elle se doit d’être révisée et améliorée chaque année pour être réellement efficace.

Pour le moment, aucun plan de pérennité économique n’a été mis en place. Des formations en conception de projet ont eu lieu pour que les différents employés de la structure aient la capacité de réaliser à leur tour des dossiers de subvention. Malgré cela pour maitriser certains outils de réalisation de projet, il faudrait accorder des temps de formation bien plus longs que ce qui a été fait pour le moment (un jour et demi).

C’est pourquoi, depuis plusieurs années, les projets du CDH Fray Matias sont réalisés en collaboration avec l’agence « Consejería en Proyectos » (PCS) particulièrement grâce à un membre de cet organisme maîtrisant divers outils méthodologiques imposés dans la majorité des dossiers de subventions tel le cadre logique. Ce partenariat n’étant pas viable, il serait de l’intérêt du CDH Fray Matias de mettre en place, un poste permanent de gestionnaire des ressources. Pour cela, il est nécessaire d’obtenir de nouveaux fonds qui permettraient de financer un nouveau salaire. Bien que cela ne correspond pas aux priorités actuelles.

Avoir une stratégie de durabilité en permettant au CDH Fray Matias de s’autogérer en interne dans la recherche et la demande de fonds parait être une exigence nécessitant rapidement des réponses.

2/ Maintenir des bonnes relations ONG-Bailleurs de fonds, un enjeu institutionnel

Il parait aisé de proclamer que pour le maintien et le développement de son organisme, il est préférable d’avoir de bonnes relations avec ses financeurs, car cela permet comme nous l’avons vu, de renouveler sa demande de subvention ainsi qu’étendre sa notoriété. Les bailleurs de fonds se connaissent et se réunissent fréquemment entre organismes de même gabarit financier, ce qui leur permet de recommander une structure à leurs pairs. Néanmoins, il n’est pas inné d’établir des liens avec les donateurs d’une association surtout quand les relations restent virtuelles ou téléphoniques. Malgré cela, différents événements sont mis en place pour faciliter ces relations comme des visites de courtoisie ou des rencontres sous forme d’événements. Par exemple, la Ford a déjà organisé des rencontres entre les associations dont elle finance un ou plusieurs projets au Mexique avec pour objectif de créer du lien entre elles, mais également de les rencontrer.

a/ Visites et présentation

Il est usuel que les bailleurs de fonds viennent par le biais d’un ou plusieurs agents de leur structure rendre visite aux associations qu’ils financent. Cela donne l’occasion de connaître physiquement les associations dont des projets sont financés ainsi que de rencontrer le personnel. Ces visites permettent également de vérifier la bonne utilisation des fonds émis et observer le contexte environnant.

Entre mai et juillet 2012, le CDH Fray Matias a reçu trois visites d’organismes qui financent ou souhaitent financer ses projets (Mac Arthur, Fond Global pour la défense des droits de l’Homme et PCS). En fonction du temps dont disposent les représentants des financeurs, des visites sont planifiées pour rencontrer d’autres organismes partenaires ou non et découvrir des lieux révélateurs du contexte local comme la frontière du fleuve Suchiate à Ciudad Hidalgo. De surcroît, les échanges peuvent amener à connaître les points à développer et à travailler lors d’un dossier de subvention ainsi que d’obtenir l’aide de ces personnes. Des trois représentants des bailleurs de fonds rencontrés à Tapachula, deux d’entre eux étaient déjà venus dans le même cadre. Ces visites qui peuvent être perçues comme des inspections sont avant tout des moyens de connaitre et d’établir un lien avec les associations financées.

Suite au temps que nous avons passé au sein du CDH Fray Matias, il nous a été possible de constater l’importance de l’image publique d’un organisme. Que cette association soit reconnue en tant qu’organisme de défense des droits de l’Homme au niveau national comme international peut aboutir à des propositions de financements venant de l’extérieur.

Bien que cela soit très positif pour l’organisme, il n’est pas concevable d’attendre des offres de la part de l’extérieur. De plus, il peut être dangereux de s’appuyer sur ce constat et de ne pas aller de l’avant, c’est à dire vers des demandes de subventions et la conception de projets innovants tout en renforçant ces relations institutionnelles. Des domaines comme le plaidoyer ou encore la communication ont toute leur place au sein du monde associatif. Si nous le soulignons ici c’est du fait de leur contribution à l’image positive que peut avoir le CDH Fray Matias au niveau national, mais aussi dans une moindre mesure international.

b/ Faire des projets pour répondre aux critères de sélection : le piège

Il arrive que des donateurs sollicitent des organismes pour leur donner accès à des fonds spécifiques. Pour cela, le projet à proposer doit répondre à des critères spécifiques pouvant éloigner l’association interpellée de ses lignes stratégiques ou des projets en cours. Ainsi cela peut semer le trouble au sein d’un organisme. Il faut savoir s’il est préférable de faire des projets pour garder son personnel et permettre la viabilité de l’organisme ou s’il est préférable de choisir les fonds à demander quitte à mettre en danger son association. Ce débat qui revient régulièrement est contesté et les deux discours s’opposent en permanence. Pour certains, une association qui a un projet institutionnel doit prendre des risques quitte à disparaitre tandis que pour d’autres il est préférable d’obtenir des fonds à chaque fois que cela est possible pour assurer une continuité de la structure engagée. Bien qu’obtenir des demandes spontanées de la part de bailleurs de fonds soit un signe de reconnaissance du travail réalisé, il ne serait pas justifiable de changer de stratégie pour autant. Il faut savoir que certains donateurs cherchent des organismes à fiancer simplement pour écouler les fonds annuels entrepris dans du mécénat.

Voici toute l’importance de bien définir la stratégie et les limites de son organisme pour ne pas laisser la place au doute. Malgré tout, des éventuels problèmes financiers pourraient mener à des changements décisionnels radicaux, mais cela ne devrait nullement avoir lieu sans un accord en interne.

Malgré les progressions en terme de recherche d’autonomie sur le plan économique que réalise le CDH Fray Matias, nous ne pouvons pas à notre sens, le qualifier d’indépendant. Cela ne serait pas justifiable au vu des pressions que le gouvernement peu exercer sur ce dernier. Aussi sa dépendance actuelle à un bailleur de fonds privé ne peut faire de ce centre une association indépendante.

33 Site internet du CDH Fray Matias : http://www.cdhfraymatias.org/
34 Tableau répertoriant les bailleurs de fonds du CDH Fray Matias par projet depuis 2009 en annexe.
35 Traduction : « Observatoire pour la protection et la promotion des droits des migrants dans la ville de Tapachula, Chiapas » et coulée « Renforcement des capacités des défenseurs des droits de l’Homme au respect et à l’application de ces derniers à la frontière sud du Mexique »
36 Site internet : http://www.crsespanol.org/
37 Le projet se nomme : « Formation des promoteurs pour les droits de l’homme et le droit au travail des personnes migrantes »

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