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B. L’effet sériel.

Pixar Animation Studio et DreamWorks Animation sont tous deux les créateurs de nouveaux films mêlant univers et personnages hors du commun. Cependant, les deux studios ne proposent pas que des films différents et mettent en place, chacun à leur façon, un effet sériel. Celui-ci se retrouve dans la fabrication de suites à leurs films mais aussi dans leurs liens avec d’autres films internes ou externes aux studios. Premièrement, nous nous intéresserons aux suites chez Pixar et DreamWorks pour ensuite nous focaliser sur ces liens qui unissent les films. Plus que des liens, nous aborderons les références utilisées sous plusieurs formes, du simple hommage à la parodie et au pastiche.

DreamWorks Animation doit sortir deux films par an suite à un engagement pris devant les actionnaires de la société(91). En 2013, cette production soutenue permettra à trois films de voir le jour. L’une de ces productions est généralement originale tandis que la deuxième est une suite. En effet, comme de nombreux films hollywoodiens ayant eu un gros succès, il arrive à DreamWorks et Pixar de donner des suites à leurs films. Ainsi, DreamWorks Animation est le premier à prolonger les aventures de ses héros comme le montre le très grand nombre de séquelles produites par celui-ci. L’exemple majeur n’est autre que la saga Shrek avec pas moins de quatre nouvelles histoires : Shrek 2(92), Shrek le Troisième(93) et Shrek 4, il était une fin(94) sans oublier le Spin-off(95) qui met en scène Le Chat Potté(96) dans le film éponyme.

Les 3,5 milliards de dollars de recettes mondiales font de Shrek la saga animée la plus lucrative(97). Shrek n’est évidemment pas le seul à bénéficier de cette méthode. Ainsi, Madagascar prend la forme d’une trilogie. Kung Fu Panda et Dragons(98), quant à eux, n’ont eu droit qu’à une seule suite pour le moment. Mais les aventures de ces personnages phares ne s’arrêtent pas aux seuls écrans de cinéma, ce sont les télévisions qui les ont accueillis avec plusieurs courts métrages dont Joyeux Noël Shrek !(99), Kung Fu Panda : les secrets des cinq cyclones(100) ou Joyeux Noël Madagascar(101) entre autres. Depuis la sortie de Shrek 2 en 2004 et jusqu’à celle de Dragons 2(102) en 2014, DreamWorks aura produit huit suites soit une moyenne d’une suite par an et il semble que Jeffrey Katzenberg ne souhaite pas s’arrêter en si bon chemin :

« Yeah, there’s probably a fourth there. Kung Fu Panda actually has six chapters to it, and we’ve mapped that out over the years. How to train your dragon is at least three : maybe more, but we know there are a least three chapters to that story. There are actually eight books.»(103)

Il est intéressant de noter que des franchises comme Shrek, Kung Fu Panda ou encore Dragons sont des adaptations de livres dont les histoires s’étendent sur plusieurs tomes. En adaptant un bouquin, DreamWorks sait dès le début qu’il peut en tirer de nombreuses suites en cas de succès. De plus, les histoires déjà existantes demandent moins de recherches pour la création du film et donc moins d’investissement. Cependant, ces nombreuses suites ne risquent-elles pas de faire fuir le public comme ce fut le cas pour la saga Shrek ? Lors de sa sortie en 2011, Shrek a produit un véritable effet de surprise grâce à son humour mais aussi son anti-héros, un ogre. Le film créa un réel engouement et fut un succès public avec plus de 484 millions de dollars(104) de recettes accumulées dans le monde. Sa suite, Shrek 2, doubla le score de son aîné en atteignant les 920 millions de dollars de recettes dans le monde(105).

Jusqu’à la sortie de Toy Story 3 en 2010, ce résultat faramineux fit de Shrek 2 le film d’animation le plus lucratif de l’histoire. Pourtant, une fois arrivé au sommet, on ne peut que redescendre et l’ogre vert en a fait l’expérience. Jeffrey Katzenberg s’attendait à ce que les prochains films ne surpassent pas le deuxième volet. « Ce n’était pas possible de battre Shrek 2, c’est le troisième plus gros succès de l’histoire du cinéma(106). »(107) Il avait raison, Shrek le
Troisième, Shrek 4 et Le Chat Potté ont respectivement rapportés 799, 752 et 517 millions de dollars(108). Une grosse chute mais un très bon score tout de même. Pourquoi DreamWorks propose-t-il tant de suites ? Plusieurs réponses peuvent être apportées. La première se situerait vers la sûreté. En effet, donner une suite à un succès est généralement très peu risqué.

DreamWorks sort ainsi un nouvel épisode d’une franchise existante chaque année et peut produire une création originale qui, en cas d’échec, est compensée par le succès obtenu par la suite. Chez DreamWorks, le risque pourrait être fatal car c’est une société indépendante qui avance sous la pression des actionnaires. Il est ainsi plus rassurant pour ces derniers de voir arriver une suite d’un gros succès passé plutôt qu’une nouveauté au destin incertain. Une autre réponse concerne un autre aspect économique. Créer un film original revient à reprendre de zéro un univers et des personnages. Cela demande un lourd investissement des employés, du temps mais aussi de l’argent. Ainsi, donner une séquelle à un film permet de débuter avec une base déjà existante et de développer le nouveau long métrage à partir de travaux déjà existants.

Généralement ces deux aspects sont réunis pour éviter au studio de faire faillite. Un risque qui aurait plus de mal à atteindre Pixar car celui-ci n’est pas indépendant et appartient à la Walt Disney Company. Cependant, le studio de Lasseter n’est pas adepte de cette méthode qui consiste à faire vivre de nouvelles aventures à ses personnages ou du moins ne le montrait pas. En effet, jusqu’en 2010 et la sortie de Toy Story 3 puis de Cars 2(109) l’année suivante. La société a, pendant une longue période, créé des films entièrement originaux. Pourtant, l’envie de refaire vivre des aventures à leurs personnages était très forte en eux. L’explication prend sa source dans un contrat signé entre Pixar et Disney portant sur la création de cinq films originaux(110). John Lasseter raconte :

« Avant le rachat de Pixar par Disney il y a cinq ans, le contrat entre les deux compagnies portait sur cinq films originaux, et les suites ne comptaient pas. […] Ce n’était pas une période pour Disney et Pixar, et c’était frustrant pour nous car nous avions envie de suites. Steve Jobs a alors décidé qu’il n’y en aurait plus, tant que ces cinq films n’auront pas été livrés. […] Notre souhait est simplement de faire plus de films avec les personnages que l’on aime. On nous demande souvent : “ Hey, qu’est-ce que vous faites chez Pixar en ce moment à part des suites ? “ Je considère que c’est un
choix artistique. »(111)

Maintenant que ces cinq films originaux sont sortis, Pixar peut proposer de nouvelles aventures à ses héros. Après Toy Story 3 et Cars 2, le public pourra retrouver le duo de Monstres & Cie dans Monsters University(112) en 2013 ou encore une suite aux Indestructibles comme l’explique Brad Bird, réalisateur du premier opus :

« I want to do it because I have something that will be as good or better than the original. Toy Story 2 was, to me, a perfect sequel, because it absolutely respected the first film but found new places to go without selling out its characters. So if I could come up with an idea that is to Incredibles that Toy Story 2 is to Toy Story, I would do it in a second. »(113)

L’histoire doit être le meilleur prétexte pour faire une suite, tout comme le renouvellement sans quoi le public pourrait ne pas répondre présent. Une attitude qui n’est pas sans rappeler celle de Walt Disney comme le rappelle Ed Catmull :

« When Walt Disney was alive, he continually changed and adapted. Nothing ever stayed the same. And when he died, that’s when things froze. And people were saying,‘What would Walt do?’ But, when he was alive . . . he kept doing things. [At Pixar] . . . we are continuing that heritage of changing as technology changes. . . . We will continue to do things that are new and different. »(114)

Pourtant, subsiste une ombre au tableau : Cars 2, dont le film précédent avait fait l’objet des plus mauvaises critiques(115) et d’un des plus faibles scores au box-office(116) pour un film Pixar. Sa suite était attendue au tournant. Au final, la presse a été encore plus sévère avec ce deuxième volet(117). Le public de cette série mettant en scène des voitures est plus destiné à un public de jeunes garçons alors que les autres productions visent davantage tous les publics.

John Lasseter se confie : « I make movies for that little boy who loves the characters so much that he wants to pack his clothes in a Lightning McQueen suitcase »(118). Ceci pourrait expliquer ce mauvais accueil. Ce deuxième film accumule en effet les péripéties de Martin, l’ami de Flash McQueen, héros du premier film qui est ici très peu traité. Plusieurs gags à base de grimaces et autres situations prévisibles semblent en effet destinés aux plus jeunes.

Cars 2 met également un terme à une très longue suite de nominations à la prestigieuse cérémonie des Oscars. Celle-ci avait débuté en 2001 avec Monstres & Cie. Ainsi, les Academy Awards 2012 sont les premiers à ne peut pas nommer un film Pixar dans la catégorie du meilleur film d’animation, laissant la place à DreamWorks nommé pour deux films : Kung Fu Panda 2(119) et Le Chat Potté. Tous sont cependant repartis bredouille, l’oscar ayant atterri entre les mains de Gore Verbinski pour Rango(120). Cars 2 apparaît cependant comme une exception et DreamWorks a essuyé davantage de mauvaises critiques tout comme ils ont eu des échecs(121) comme le confirme Jeffrey Katzenberg, « Ils ont dix ans de plus que nous et tous leurs films ont été des succès, alors que nous avons essuyés des échecs. »(122) Pour les deux studios, les suites sont un bon moyen de gagner de l’argent. Pour DreamWorks, elles sont aussi là pour leur assurer une certaine sécurité financière. Dans les deux cas, les critiques peuvent parfois être moins bonnes mais le succès est toujours présent. Pourtant, un autre risque serait de lasser le public en lui proposant toujours les mêmes personnages et univers. Si cela arrive, les studios sauront tout de même proposer de nouveaux mondes afin d’éviter de tomber dans la redite perpétuelle ou faire comme Pixar qui propose un univers cohérent entre toutes ses productions.

Il s’agit d’une méthode dans laquelle la compagnie de John Lasseter est passée maître. Celle-ci consiste à faire des références aux autres films du studio ou au même aux employés de la société. Ces références se font également envers d’autres films sous forme de pastiche ou de parodie. Le pastiche consiste à imiter un style sans pour autant jouer sur l’humour contrairement à la parodie qui imite de façon dérisoire une oeuvre célèbre. Ces deux aspects sont aussi bien traités par Pixar que par DreamWorks Animation notamment avec la trilogie Toy Story pour le premier et la saga Shrek pour le second.

Pixar génère un univers cohérent entre chacun de ses films en jouant sur l’autoréférence. Cette méthode consiste à insérer des clins d’oeil à leurs précédents films, leurs futurs projets et même aux créateurs eux mêmes. Il existe en effet un lien constant entre les différentes oeuvres du studio. Les animateurs y glissent ainsi plusieurs éléments qui apparaissent de façon récurrente. C’est le cas du célèbre ballon étoilé de la marque par exemple ou encore du camion Pizza Planet de Toy Story. Ce camion n’est pas forcément visible lors d’une première vision mais il est pourtant bien présent dans pratiquement tous les films. Dans Toy Story 2, les personnes attentives, qui n’ont pas peur d’user les boutons « pause » et « ralentis » de leur télécommande, peuvent découvrir un poster de 1001 Pattes dans la chambre d’Andy, apercevoir une bande dessinée des Indestructibles entre les mains d’un garçon du Monde de Nemo ou voir les jouets de Toy Story disposés subtilement dans différents décors. Pixar réussi le pari de lier des films pourtant hétérogènes. Les animateurs dissimulent ainsi des bonus aux plus observateurs qui sont ravis de trouver une référence cachée. En plus de cela, dans chacun de ses longs métrages, le studio de John Lasseter dévoile un personnage qui apparaîtra dans un prochain film. Ainsi, l’ours Lotso de Toy Story 3 fait sa première apparition publique dans un plan très rapide de Là-Haut tandis qu’une ombre de chien dans Ratatouille présentait Doug, personnage de Là-Haut. Un jeu s’est ainsi installé

Illustration 10 : Dans ce plan de Là-Haut, l’ours Lotso fait sa première apparition (à gauche) et le ballon étoilé se montre une nouvelle fois (à droite).

entre Pixar et ses fans. Le premier place des références et met au défi le deuxième de les découvrir. Mais il ne s’agit pas seulement de faire des renvois à d’autres films. Ainsi, les références les plus difficiles à discerner sont aussi les plus personnelles. John Lasseter et son équipe se font des clins d’oeil entre eux. Dans le décor sont en effet dissimulés des codes de toutes sortes. Il n’est donc pas anodin de croiser à de nombreuses reprises le nombre 95 en référence à la date de sortie de Toy Story ou l’adresse des studios Pixar sur une enveloppe dans Toy Story 3. Le nombre A113 et aussi très présent et renvoi au numéro de salle de classe du California Institute of the Arts dans laquelle se trouvaient John Lasseter, Brad Bird, Pete Docter et Andrew Stanton. Les membres de Pixar paraissent sentimentaux et jouent sur la nostalgie contrairement à DreamWorks qui se place dans un tout autre registre. Le studio de Jeffrey Katzenberg propose ainsi une toute autre forme de référence sous formes de petites pique à l’intention de Disney et Pixar. Il s’agit là de se moquer gentiment de son concurrent et pour Katzenberg de railler l’entreprise qui l’a jadis exclue. C’est par exemple le cas de cette phrase prononcée par le héros de Bee Movie(123), « C’est juste un gros mec avec une chemise à fleurs ! ». Le comique Jerry Seinfield en est l’auteur et le gros homme en question n’est autre qu’une caricature de John Lasseter. Jerry Seinfield concède qu’il avait une revanche à prendre envers John Lasseter(124). Ces attaques dissimulées sont aussi présentes dans les films Shrek.

Illustration 11 : Une sirène très proche de celle de Disney.

Shrek est un pastiche de contes de fées. Il en reprend les caractéristiques mais les adapte à sa manière. Mais plus que le pastiche, le film mise beaucoup sur la parodie et s’en sert pour railler Disney. C’est notamment le cas dans l’introduction de Shrek 2, lorsque l’ogre est allongé sur la plage avec sa femme Fiona. Tout d’un coup, une immense vague remplace l’ogresse par une sirène très ressemblante avec Ariel, La Petite Sirène de Disney. Fiona, furieuse, revient et la jette en pâture aux requins. Il est facile de voir dans cette courte séquence une allusion entre Katzenberg et Disney. Ainsi, Katzenberg n’est autre que la vague qui donne à Disney le premier succès d’une nouvelle ère avec La Petite Sirène. Shrek serait alors Michael Eisner, ce dirigeant de très grande taille et le rejet de la sirène par Fiona représenterait le départ de Katzenberg. Toujours dans Shrek, dans le village de Duloc visité par le héros et son acolyte l’âne, les petites marionnettes en bois chantant « Duloc est un monde parfait » font directement référence au parc Disney et son attraction It’s a small world. DreamWorks se moque ouvertement de Disney et de ses parcs tout comme le montre le plan montrant une file d’attente de 90 minutes. Le village parfait appartient au méchant du film et n’est pas si parfait, loin de là. D’autres classiques de Disney sont aussi victimes de Shrek. Par exemple, dans Shrek le Troisième, Blanche-Neige apparaît dans les bois, chantant est dansant avec les animaux de la forêt dans une scène très proche de la version de Walt Disney.

Cependant, la où la princesse des années 30 chante pour exprimer son bonheur, celle de 2007 se sert des animaux afin de créer une diversion. Quant à la chanson joyeuse, elle se transforme progressivement pour laisser place au titre rock des Led Zeppelin, Immigrant Song, en contradiction totale avec la voix fluette de la princesse à la peau blanche comme neige. DreamWorks aime donc tourner en dérision Disney et son côté bon enfant. Pourtant, une morale retombe à la fin des films et nous rappelle que le film vise aussi un jeune public comme le fait Disney. Le studio de Katzenberg ne fait-il pas ce qu’il critique ?

Finalement, chacun joue donc dans un registre différent. Quand Pixar fait des références à ses films et développe un univers cohérent, DreamWorks se moque de Disney et Pixar. Cependant, le domaine de la référence ne s’arrête pas à ces seuls studios et s’étend vers de nombreux films.

Très souvent, les créateurs des films d’animation en images de synthèse font partie d’une génération ayant grandi avec des films comme Star Wars, Les Dents de la mer(125) et autres Indiana Jones(126). Il s’agit de grands succès cinématographiques qui font désormais partie de la culture populaire. Dans les films de Pixar et DreamWorks se cachent en effet de nombreuses références à ces oeuvres qui ont marqué les esprits de nombreux spectateurs. Plus ou moins cachées, elles s’adressent aux personnes ayant elles aussi été marquées par ces films populaires. Parfois sous forme de phrases ou même de situations, des messages semblent s’adresser à des spectateurs confirmés disposant d’une certaine culture cinématographique. Quand Pixar se contente de références subtiles plus ou moins cachées, DreamWorks n’hésite pas à remplir ses films de celles-ci en les mettant bien en avant.

Illustration 12 : Un baiser très semblable.

Dans Shrek 2, par exemple, de nombreuses références à d’autres long-métrages parsèment le film. Le petit biscuit géant à la fin n’est pas sans rappeler les monstres monumentaux apparus dans les années 50. Le baiser à l’envers de Shrek et Fiona, quant à lui, est clairement tiré de Spider-Man(127), excepté que Fiona n’enlève pas un masque de super-héros à son prince mais bien de la boue, la vraie face du héros. Il y a aussi cette alliance qui tombe pour atterrir sur le doigt de Shrek et qui n’est pas sans rappeler l’anneau du Seigneur des Anneaux(128) se repositionnant sur le doigt du hobbit Frodon. On pourrait ajouter à cela divers clins d’oeil à Mission Impossible(129), Jurassic Park ou encore Les Aventuriers de l’arche perdue mais la liste serait bien longue. Il s’agit généralement de scènes parodiques non nécessaires à l’avancement de l’intrigue principale, ce qui n’est pas le cas chez Pixar.

Prenons pour exemple la scène de Toy Story pendant laquelle le jouet Buzz est coursé par un globe terrestre. Il s’agit d’un hommage à la scène introductive des Aventuriers de l’arche perdue pendant laquelle le célèbre archéologue est coursé lui aussi, non pas par un globe,

Illustration 13 : Buzz l’Éclair et Indiana Jones dans une même situation périlleuse.

mais par un gigantesque rocher. Dans sa version miniature, cette boule provoque l’exclusion de Buzz de la maison et marque un virage important dans l’histoire. Même chose dans Toy Story 2, lorsque l’autre Buzz, ou Buzz-ceinture à cause de son accessoire supplémentaire, apprend qu’il est le fils de l’empereur Zurg, grand méchant du film. Ici, il s’agit d’une version miniature de la scène de l’Empire contre attaque pendant laquelle Darth Vader révèle à Luke Skywalker sa paternité. Dès lors, Buzz-ceinture voit son intrigue se conclure, laissant la place aux autres jouets. Là aussi, la parodie est clairement mis en avant mais laisse souvent sa place à des références plus discrètes, parfois incorporées de façon subliminale comme c’est le cas dans la scène introductive du film. Dans celle-ci, Buzz est en mission pour tuer l’empereur Zurg.

Pendant son périple, on peut entendre la respiration de Darth Vader lors d’un bref plan subjectif dans le casque de Buzz, les notes musicales de 2001 : l’odyssée de l’espace(130), ou encore le son du laser d’une arme de Stormtrooper de Star Wars. Plus que des sons, se sont également des éléments de la décoration qui renvoient vers d’autres films. Dans Toy Story premier du nom cette fois, une moquette n’est pas sans rappeler celle de Shining(131) tandis que dans 1001 Pattes, la boîte de céréales qui sert de transport à la troupe de cirque porte le nom du train de Dumbo(132). Entre bruitages, noms, gestes et autres phrases, Pixar livre un vrai jeu de recherches que les plus férus des spectateurs s’amusent à trouver et recenser(133).

Bien qu’adoptant des méthodes différentes, Pixar et DreamWorks ont pour point commun d’avoir renouveler un genre en perte de vitesse. Aujourd’hui, l’histoire du cinéma étant toujours plus conséquente, chacun, à sa façon, fait des références à d’autres films. Ainsi, quand DreamWorks se sert de la parodie pour dénoncer Disney et son image lisse, Pixar se livre à un jeu de références sous forme d’hommage à des oeuvres qui ont marqué le septième art et le public. Ces effets visent cependant un public précis connaissant les oeuvres et les intentions des auteurs. Il s’agit de faire revivre des expériences cinématographiques passées.

Les adultes doivent avoir envie de voir ces films et non se contenter d’accompagner passivement les enfants. La cible principale reste en effet les familles et donc les têtes blondes. C’est pour cela que Shrek, malgré son côté dénonciateur envers Disney, offre une morale destinée à ce jeune public, empêchant le film d’aller jusqu’au bout de ce qu’il a entrepris. Cette morale très présente dans les films Disney fait également son apparition dans les films Pixar et se situe sur des thèmes plus sérieux comme l’abandon et la mort. De 7 à 77 ans, tout le monde peut trouver son compte dans les oeuvres de Pixar et DreamWorks, qu’ils soient enfants ou adultes. Cependant, leur manière paraît différente comme a tenu à l’affirmer Jeffrey Katzenberg :

« Walt Disney avait une devise que Pixar poursuit : faire des films pour l’enfant qui est en nous. Nous, nous faisons des films pour l’adulte qui est en chaque enfant. Nos films sont sophistiqués, irrévérencieux, subversifs. Ceux de Pixar sont gentils, doux. »(134)

Pixar fait effectivement des films pour l’enfant qui sommeille en chaque adulte. Lui et d’autres membres de l’équipe n’hésitent d’ailleurs pas à dire qu’ils sont « tous des enfants qui n’ont jamais vraiment grandi. »(135) Cependant, la déclaration de Katzenberg, prétextant que DreamWorks fait des films pour les adultes qui sommeillent en chaque enfant, peut paraître erronée. En effet, leur cible principale serait plutôt les adolescents. L’humour utilisé par chacun montre d’ailleurs cet état d’esprit. Quand Pixar se sert de jeux de mots ou situations cocasses pour faire rire les spectateurs, DreamWorks utilise la parodie de films, pour la plupart très récents par rapport à ses sorties respectives, comme Spider-Man ou même Matrix(136), dont le public se situe davantage du côté des adolescents et des jeunes adultes.

DreamWorks est également adepte d’un humour scatologique dont Shrek est le principal représentant avec ses flatulences et autres éructations qui ne manquent pas de faire rire les plus jeunes et probablement moins les plus âgés. Au final, chacun propose des films à lecture multiple dans lesquels personne n’est mis à l’écart.

91 Sophie Benamon, « Jeffrey Katzenberg : “DreamWorks était un pari“ », Studio, décembre 2007.
92 Andrew Adamson, Kelly Asbury et Conrad Vernon, Shrek 2, 2004.
93 Chris Miller, Chris Miller (II) et Raman Hui, Shrek le troisième, 2007.
94 Mike Mitchell, Shrek 4, il était une fin, 2010.
95 Le Spin-off est une oeuvre dérivée qui offre un premier rôle à un personnage secondaire de l’oeuvre
principale. Ici, le film est centré sur le personnage du Chat Potté, personnage secondaire des trois derniers Shrek.
96 Chris Miller (II), Le Chat Potté, 2011.
97 http://www.the-numbers.com/movies/series/Shrek.php. Consulté le 10 avril 2012.
98 Dean DeBlois et Chris Sanders, Dragons, 2011.
99 Gary Trousdale, Joyeux Noël Shrek !, 2007.
100 Raman Hui, Kung Fu Panda : le secret des cinq cyclones, 2008.
101 David Soren, Joyeux Noël Madagascar, 2009.
102 Dean Deblois, Dragons 2, 2013.
103 http://www.empireonline.com/news/story.asp?NID=29638. Consulté le 11 avril 2012. Traduction proposée : « Oui, il y aura probablement un quatrième [Madagascar]. Kung Fu Panda possède actuellement six chapitres que nous répartirons sur plusieurs années. Dragons en aura au moins trois : peut être plus, mais nous savons que cette histoire se déroule sur au moins trois chapitre. Il en existe huit livres. »
104 http://boxofficemojo.com/franchises/chart/?id=shrek.htm. Consulté le 10 février 2012.
105 http://boxofficemojo.com/movies/?id=shrek2.htm. Consulté le 20 février 2012.
106 Cette déclaration concerne uniquement le marché américain et Shrek 2 est passé sixième dans ce classement en mai 2012. http://www.imdb.com/boxoffice/alltimegross. Consulté le 10 mai 2012.
107 Sophie Benamon, « Jeffrey Katzenberg : “DreamWorks était un pari“, Studio, décembre 2007.
108 http://www.the-numbers.com/movies/series/Shrek.php. Consulté le 10 février 2012.
109 Brad Lewis et John Lasseter, Cars 2, 2011.
110 Emmanuelle Cirodde, « Visite des coulisses de Pixar », L’Express, 27 juillet 2011.
111 Idem ibidem.
112 Dan Scalon, Monsters University, 2013.
113 http://www.movies.com/movie-news/brad-bird-says-39incredibles39-sequel-will-come-when-he-discoversright-story-exclusive/5137. Traduction proposée : « Je veux le faire car je tiens là quelque chose qui sera aussi bon voire meilleur que l’original, affirme-t-il. Toy Story 2 était, pour moi, une suite parfaite car il respectait le premier film tout en y ajoutant de nouvelles pistes sans pour autant trahir ses personnages. Alors si je pouvais proposer une idée qui est aux Indestructibles ce que Toy Story 2 est à Toy Story, je n’hésiterais pas une seconde. ». Consulté le 26 février 2012.
114 Op. cit., Bill Capodagli et Lynn Jackson, Innovate the Pixar Way, p. 14. Traduction proposée : « Quand Walt Disney était vivant, il changeait et adaptait continuellement. Rien ne restait jamais figé. Et les gens disaient, « qu’aurais fait Walt ? ». Mais quand il était en vie… il continuait de faire des choses. [Chez Pixar], nous poursuivons cet héritage qui évolue en même temps que la technologie… Nous continuerons à faire des choses nouvelles et différentes. »
115 La note du film s’élève à 57 sur 100. Cette moyenne est fondée sur 38 critiques professionnelles. http://www.metacritic.com/movie/cars-2/critic-reviews. Consulté le 18 février 2012.
116 http://www.the-numbers.com/movies/series/Pixar.php. Consulté le 18 février 2012.
117 http://www.metacritic.com/movie/cars-2. Consulté le 16 avril 2012.
118 Brooks Barnes, « It wasn’t a wreck, not really », The New York Time, 17 octobre 2011. Traduction proposée : « Je fais des films pour ce petit garçon qui aime tant les personnages qu’il veut porter des vêtements à l’effigie de Flash McQueen. »
119 Jennifer Yuh Nelson, Kung Fu Panda 2, 2012.
120 Gore Verbinski, Rango, 2011.
121 Annexe A.1.
122 Op. cit., Denis Rossano, « Jeffrey Katzenberg : ‘Shrek nous a sauvé’ », L’Express, 1er juillet 2008.
123 Simon J. Smith et Steve Hickner, Bee Movie : drôle d’abeille, 2007.
124 http://jimhillmedia.com/editor_in_chief1/b/jim_hill/archive/2008/04/29/toon-tuesday-was-john-lasseterstung-by-that-mean-caricature-of-him-that-appears-in-bee-movie.aspx. 15 mars 2012.
125 Steven Spielberg, Les Dents de la mer, 1975.
126 Steven Spielberg, Les Aventuriers de l’arche perdue, 1982.
127 Sam Raimi, Spider-man, 2002.
128 Peter Jackson, Le Seigneur des anneaux, 2001.
129 Brian De Palma, Mission Impossible, 1996.
130 Stanley Kubrick, 2001 : l’odyssée de l’espace, 1968.
131 Stanley Kubrick, Shining, 1980.
132 Walt Disney et Ben Sharpsteen, Dumbo, 1947.
133 http://en.wikipedia.org/wiki/List_of_Pixar_film_references. Consulté le 7 mai 2012.
134 Sophie Benamon, « Jeffrey Katzenberg : “DreamWorks était un pari“ », Studio, 11 décembre 2007.
135 Denis Rossano, « “Chez Pixar, nous sommes tous des enfants“ », L’Express, 22 novembre 2004.
136 Larry Wachowski et Andy Wachowski, Matrix, 1999.

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