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VIII. Discussion

L’analyse qualitative du TOPL-2 nous a permis d’étudier les différents biais culturels présents dans l’adaptation du test en français. Cela a révélé des problèmes liés à la formulation des consignes, au graphisme des items, ainsi qu’à la cotation. Nous présentons ci-dessous un récapitulatif des items concernés.

– Item 6 (le retard de Clara) : la consigne est à reformuler à l’évaluation de la capacité pragmatique car lors de la passation des tests, aucun des enfants n’a pu expliquer que la mère de Clara a utilisé l’humour ou le sarcasme pour reprocher à Clara d’être en retard. Il serait éventuellement préférable de détailler d’avantage la consigne, en reprenant les propos de l’enfant (si bien sûr celui-ci a répondu juste) pour lui montrer qu’il existe une différence entre ce que la mère veut dire, et ce qu’elle dit réellement. Par exemple, à la place de demander « Pourquoi l’a-t-elle dit de cette façon ? » on pourrait dire « Elle lui dit merci d’être à l’heure, pourtant elle n’était pas à l’heure, alors pourquoi l’a-t-elle dit de cette façon ? ».

– Item 7 (le magasin) : l’illustration du grille-pain s’est révélé être difficilement identifiable pour les enfants. Il conviendrait de le modifier par un objet connu de tous tel qu’un micro-onde.

– Item 8 (les amis) : aucun des enfants n’a reçu la note de 1 point à la première question, et nous pensons que la cotation est ici trop sévère pour les plus jeunes.

– Item 9 (Matthieu parle à son professeur) : des mots sont à changer de place dans la consigne pour éviter que l’enfant fasse de mauvaises interprétations (car beaucoup d’enfants ont fait un lien entre le fait que Matthieu parle d’un contrôle de mathématiques au professeur, prenant cela pour de la triche). La solution serait de changer la consigne de la manière suivante : « Matthieu est en train de raconter à son professeur, une histoire de plage et de voilier. Au milieu de son histoire, il commence soudain à parler du contrôle de mathématiques. Puis il se met à parler de ses nouvelles baskets, et tout à coup il parle du nouveau skateboard de Yann ».

– Item 11 (le match de football) : à cet item, les enfants doivent exprimer ce que dit Benjamin aux autres enfants, or il est arrivé plusieurs fois que les enfants fassent parler les autres enfants plutôt que Benjamin. Il serait peut-être plus clair de séparer les deux questions de la consigne, en reprécisant qui doit agir, comme : « Que voit Benjamin ? » et lorsque l’enfant a répondu : « Qu’est-ce que Benjamin leur dit ? ».

– Item 12 (les gâteaux) : la consigne s’est révélée peu claire pour une partie des enfants. Nous pensons qu’il serait préférable de reformuler les questions en résumant la situation car sinon, les enfants ne prennent pas en compte la globalité de la situation, comme : « Karine a été impolie avec Matthieu. Que lui dit-elle pour arranger les choses entre eux et obtenir un gâteau ? ».

– Item 13 et 14 (la conversation interrompue et le jeu) : nous avons ici eu des difficultés à coter les réponses des enfants car il y a une certaine ambigüité dans les cotations (la barrière entre 0 et 1 point est difficile a définir).

– Item 18 et 21 (parapluie/tente et carte routière/recette de cuisine) : le mot « semblable » est utilisé dans la consigne, or la quasi-totalité des enfants interrogés ne connaissaient pas sa définition. Il est donc nécessaire de le changer par « ressemble » ou « pareil que ».

– Item 25 : quelques enfants ont demandé la signification du mot « voilier » ; il serait peut-être plus simple de le remplacer par « bateau à voile ».

Les autres items n’ont pas posé de problèmes de compréhension particuliers.

La passation du test sur ces enfants de CE1 ont mis en évidence que les capacités métapragmatiques ne sont pas totalement acquises entre l’âge de 7 et 9 ans, car il est très rare que ceux-ci répondent correctement à l’évaluation des ces capacités. Bernicot expliquait que les connaissances métapragmatiques se développent à partir de 5 ans. Elle a réalisé une classification des activités métapragmatiques (1999). Les deux derniers niveaux sont la capacité à prédire les conséquences de ces énoncés (comme juger hors contexte si un énoncé est adapté à un locuteur donné ou à une situation donnée) ainsi que la capacité à engager une réflexion sur la production d’un énoncé. Or, ce sont ces capacités qui sont souvent sollicitées dans les évaluations des capacités pragmatiques du TOPL-2. On peut donc supposer que les connaissances métapragmatiques se développent petit à petit à partir de 5 ans, et ce, jusqu’à un âge indéterminé.

Les items 18 et 21 sont des analogies verbales. Peu d’enfants ont réussi à trouver le lien abstrait entre un parapluie et une tente à l’item 18 et une carte routière et une recette de cuisine à l’item 21. Dans la littérature, les opinions divergent quant à l’acquisition des analogies. Goswami et Brown (1989, 1990) pensent que dès 3 ans, les enfants sont capables de faire des analogies, et Gelman & Markman (1987) ont également montré que les enfants de 3 ans et de 4 ans pouvaient raisonner par analogie. Piaget tend à penser qu’elle apparait vers l’âge de 11-12 ans, hypothèse qui se rapproche le plus de nos résultats.

Dans les items 20, 23 et 26, on peut se demander si la compréhension des expressions idiomatiques fait réellement partie du développement pragmatique, ou si elle fait uniquement l’objet d’un apprentissage. On peut supposer que les enfants qui ont répondu juste à ces proverbes les ont déjà entendus dans leur entourage, ou dans un livre par exemple. L’acquisition de cette connaissance ne serait pas innée mais acquise grâce à l’environnement. Le résultat à ces items ne reflète donc pas le niveau de développement pragmatique de l’enfant.

Un des enfants a pris certaines questions d’évaluation au sens littéral. A la question « Comment sais-tu que ce qu’ils disent va marcher ? », il a répondu « Avec ses pieds, avec ses jambes », et à la question « Comment peut-il faire pour mieux raconter des histoires ? », il a répondu « Avec sa bouche ». Nous avons appris par la suite que cet élève a un suivi pour ses problèmes de développement du langage.

Trois enfants ont eu des difficultés à répondre à l’ensemble des items : deux d’entres eux sont des enfants arrivés et scolarisés en France depuis seulement 2 ans (leur manque de vocabulaire les a donc empêché de pouvoir répondre correctement), et un des enfants est atteint de galactosémie. C’est une maladie causée par une anomalie du métabolisme des glucides, pouvant entrainer un retard de développement mental avec des troubles de la parole.

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