81. Si l’assimilation de la faute lourde au dol par la reprise de l’adage romain Culpa lata dolo aequiparatur a été reconnue par la plupart des auteurs et par la jurisprudence, il faut néanmoins nuancer le propos. D’une part, certaines adhésions n’ont été que timides et parfois même, la notion d’équipollence a fait l’objet de […]
82. Les critiques adressées à l’assimilation traditionnelle ont d’abord été le fait de la doctrine qui, la première, a rappelé que l’identification entre la faute lourde et le dol n’était qu’une identification de régime et non de nature (1). Par ailleurs, le fait de dire que la faute lourde fait présumer l’intention coupable du dol […]
88. Sans chercher à justifier sa solution , la jurisprudence avait fortement contribué à rétablir le principe de l’assimilation de la faute lourde au dol. Cependant, elle n’a pas toujours été fidèle à ce principe que ce soit en matière de transport où elle a néanmoins manifesté quelques hésitations (1) ou en matière de prescription […]
93. Plusieurs dispositions législatives ont expressément écarté la règle posée par la jurisprudence quant à l’assimilation de la faute lourde au dol. 94. Tout d’abord, concernant le contrat d’assurance, l’article L. 113-1 du Code des assurances, reprenant les termes de l’article 12 alinéa 2 de la loi du 13 juillet 1930, a rompu avec la […]
96. La faute lourde a donc fait l’objet d’une abondante œuvre doctrinale et jurisprudentielle ce qui montre sa particulière complexité et la difficulté de saisir véritablement cette notion. En effet, celle-ci a fait l’objet, tant au regard de sa définition que de son régime, d’un balancement entre une interprétation large et une interprétation étroite en […]
98. Depuis quelques années, le législateur et les juges ont mobilisé de multiples moyens pour rendre inefficaces les clauses limitatives de responsabilité qui sont souvent considérées comme un moyen pour la partie forte de déséquilibrer le contrat au détriment de la partie faible. Lorsqu’on est en présence d’un professionnel et d’un consommateur, cela ne pose […]
100. Dans le cadre des clauses purement contractuelles, c’est à dire qui ont été insérées dans le contrat par les parties, le dol, et par la règle prétorienne de l’assimilation, la faute lourde du débiteur lors de l’exécution du contrat, ont été les instruments historiques d’inefficacité de ces clauses. Cependant, les juges ont finalement, pour […]
101. Afin d’évincer les clauses limitatives de responsabilité, les juges ont poussé plus loin le raisonnement consistant à procéder à une objectivation de la faute lourde en qualifiant celle-ci lorsqu’il y a inexécution d’une obligation essentielle du contrat, de telle sorte que ce dernier est privé de son intérêt pour l’un des contractants (A). En […]
102. Antérieurement à l’arrêt Chronopost du 22 octobre 1996, l’éviction des clauses limitatives de responsabilité s’opérait par la faute dolosive ou la faute lourde du débiteur. En effet, en combinant la formule de l’article 1150 du Code civil, qui fait du dol une exception à la règle selon laquelle « le débiteur n’est tenu que […]
105. L’arrêt Chronopost du 22 octobre 1996 a marqué la volonté des juges de cesser de justifier l’éviction des clauses limitatives de responsabilité par l’affirmation qu’un manquement du débiteur à une obligation essentielle serait constitutif d’une faute lourde. Cependant, la cour ne s’est pas dispensée pour autant de tout fondement. En effet, elle vise l’article […]
118. Dans le cadre bien précis des clauses limitatives de responsabilité purement contractuelles, les juges ont, comme nous venons de le voir, érigé la notion d’obligation essentielle du contrat en limite à leur validité. Lorsqu’il y a manquement à une obligation essentielle, le recours à la cause rend inutile l’utilisation de la faute lourde. En […]
119. Comme nous l’avons constaté auparavant, l’équipollence de la faute lourde au dol s’explique par l’unité fonctionnelle de ces deux notions, à savoir d’interdire au débiteur d’invoquer la clause limitative de responsabilité pour échapper au manquement à la convention. Or, c’est précisément cette finalité que poursuit la notion d’obligation essentielle. Cependant, si originairement, le manquement […]
130. Lorsque l’inexécution touche une obligation essentielle, la cause permet de réputer non écrite la clause limitative de responsabilité purement contractuelle. En revanche, il convient de se demander ce qu’il en est lorsque l’inexécution de l’obligation affecte une obligation accessoire, c’est à dire, a contrario de l’obligation essentielle, ce qui n’est pas qualitativement capital ou […]
133. Par un arrêt de la Chambre commerciale du 9 juillet 2002 (Chronopost 2), la Cour de cassation a expressément établi la faute lourde comme fondement exclusif d’éradication des clauses limitatives de responsabilité supportées par décret (§1). Cependant, l’application à ces clauses du régime du droit commun des obligations n’est pas sans inconvénients au regard […]
134. La décision de la Chambre commerciale d’ériger la faute lourde comme seul moyen d’écarter la clause d’origine légale ou réglementaire s’inscrit dans la ligne de la doctrine de la Cour de cassation depuis l’arrêt précité de l’Assemblée Plénière du 30 juin 1998 , qui a décidé que la faute lourde du débiteur l’empêche de […]
135. L’arrêt Chronopost du 9 juillet 2002 a mis en place un régime distinct propre au contrat type qui diffère pleinement de celui appliqué pour les clauses purement contractuelle (1). Toutefois, la solution a fait l’objet d’un débat doctrinal qui laisse transparaître une décision mitigée (2). 1 : La mise en place d’un régime distinct […]
142. La solution retenue par la Chambre commerciale le 9 juillet 2002 a été approuvée par plusieurs arrêts postérieurs. La Chambre mixte de la Cour de cassation, dans un arrêt du 22 avril 2005 que nous avons étudié précédemment, a ratifié cette solution en faisant application des dispositions du contrat-type approuvé par décret et applicable […]
145. Comme nous l’avons étudié précédemment, la notion de faute lourde a fait l’objet de nombreuses critiques quant à sa définition et son régime qui apparaissent tous deux particulièrement flous. Cette inconsistance de la notion rejaillit consécutivement dans sa mise en œuvre quant à la preuve (A). Par ailleurs, la faute lourde semble ne pas […]
146. Conformément à l’article 1315 du Code civil, la Chambre mixte de la Cour de cassation, le 22 avril 2005 , fait peser sur le créancier le risque de la preuve de la faute lourde (1), preuve qui est relativement difficile à rapporter car il s’agit de prouver une faute lourde entendue subjectivement (2) comme […]
150. La solution semble trop sévère pour le créancier alors que c’était ce dernier que les auteurs et les juges voulaient pourtant protéger contre les clauses limitatives de responsabilité. En effet, il en ressort une impunité probatoire du débiteur (1), ce qui a consécutivement développé un courant doctrinal souhaitant une protection du créancier contre le […]
157. Ainsi, hormis le cas particulier des clauses limitatives de responsabilité soutenues par décret, la faute lourde n’est plus qu’une source amoindrie d’éviction. Le concept d’obligation essentielle, désormais affranchi de l’encombrante faute lourde, constitue une limitation de portée générale à toutes les clauses par lesquelles le débiteur aménage les conséquences de l’inexécution de ses obligations. […]
160. Comme nous le précisions dans l’introduction de cette partie, la faute lourde pourrait bien connaître le même sort que la grenouille de la fable de La Fontaine. Un temps, la notion s’est gonflée. Elle a certainement atteint son paroxysme lorsqu’elle a été entendue, durant tout le milieu du XXème siècle, à la fois de […]
163. Depuis l’arrêt Chronopost 1 du 22 octobre 1996 , dans le cadre précis des clauses limitatives de responsabilité purement contractuelles, la Cour de cassation ne raisonne plus en terme de faute lourde. Elle érige au contraire l’obligation essentielle du contrat en limite à la validité de la clause à travers la théorie de la […]
167. Pendant longtemps, l’obligation essentielle fut considérée comme un avatar objectif de la faute lourde et cela jusqu’à ce que l’arrêt Chronopost la lie à la cause de l’obligation. Actuellement, tout se passe comme si l’obligation essentielle était l’excroissance de la cause . L’idée est que le contrat ne doit pas être vidé de son […]
170. La notion d’obligation essentielle a fait l’objet, depuis sa mise en place sur le devant de la scène par la jurisprudence Chronopost, d’une véritable controverse doctrinale. En effet, un certain nombre d’auteurs n’hésite pas à prononcer des critiques virulentes à son égard (§ 1). Cependant, c’est un souci d’équité, au demeurant très louable, qui […]
171. Au regard de son contenu, la notion d’obligation essentielle fait l’objet d’un certain nombre de critiques qui dans l’ensemble sont tout à fait fondées. Les principaux reproches relevés à propos de cette notion sont les suivants : il s’agit d’une notion floue, imprécise, sujette à l’arbitraire des juges. On regrette son caractère insaisissable (A). […]
172. Le fait de faire dépendre la validité des clauses limitatives de responsabilité de l’atteinte ou non à l’obligation essentielle ne peut vraisemblablement satisfaire. En effet, il n’échappe à personne que la clé de voûte du régime, principalement centrée sur le contrôle du contenu du contrat, est la définition de l’obligation essentielle. Or, celle-ci est […]
180. A l’origine, la notion d’obligation essentielle était utilisée comme moyen d’éviction, au même titre que la faute lourde, des clauses limitatives de responsabilité manifestement abusives dans le sens où elles supprimaient l’essence du contrat. Néanmoins, il semble qu’actuellement les juges soient tentés eux-mêmes d’abuser de cette notion en la déformant dans sa fonction. En […]
190. En se fondant sur l’obligation essentielle pour évincer les clauses limitatives de responsabilité, la jurisprudence a pris pour habillage juridique la notion de cause ce qui malheureusement a déplacé le contrôle, non plus sur l’exécution de la prestation comme cela était le cas pour la faute lourde (1), mais sur la formation du contrat […]
196. L’existence dans un contrat, fut-il conclu entre professionnels, d’une clause qui est le fruit d’une inégalité entre les contractants n’est pas impossible. L’inégalité des contractants n’est pas l’apanage des rapports entre les consommateurs et les professionnels. Cependant, dans ce cadre là, il n’existe pas en leur faveur de régime spécifique (1) contrairement à ce […]