L’attractivité territoriale peut être conçue comme le résultat de la confrontation sur le marché de localisation des activités économiques, d’une demande de caractéristiques de localisation émanant des entreprises et d’une offre des caractéristiques territoriales émanant des territoires.
Schémas 2 : le marché de localisation des activités économiques
Source : construction de l’auteur
De la confrontation entre l’offre des territoires et la demande des entreprises résulte une concurrence entre les territoires pour l’accueil des entreprises. Ainsi, au sein du marché de localisation, chaque territoire développe une panoplie d’instrument pour attirer les investissements. Par contre, l’investisseur choisi, pour chaque projet, la localisation garantissant le meilleur rapport coûts/risques/avantages au regard des objectifs recherchés par l’entreprise. Avant d’illustrer quelques instruments de la politique d’attraction, nous apportons un éclairage conceptuel sur les notions d’offre territoriale et d’avantage comparatif des territoires.
II.1- L’offre territoriale et l’avantage comparatif des territoires
II.1.1- L’offre territoriale
Avec la mondialisation qui a désormais installé un environnement concurrentiel entre les territoires, les collectivités locales ont aujourd’hui des défis en termes d’attraction des investissements comparables à celle des dirigeants d’entreprises vis-à-vis de leurs clients potentiels. Ainsi à l’image de l’entreprise, le territoire en tant que organisation se caractérise par une offre territoriale pour son positionnement sur le marché de l’implantation.
D’après Benoît Zimmermann (1999)(12), l’offre territoriale se distingue chez certains auteurs comme la construction de ressources spécifiques mises à la disposition des firmes par les acteurs du territoire. Dans une approche spécifiquement marketing, l’offre territoriale apparaît comme un concept extrêmement ambigu(13), puisqu’on distinguera une offre de territoire dans laquelle ce dernier est vu comme simple lieu d’implantation et une offre dans laquelle ce même territoire est le cadre d’exercice de l’activité de l’entreprise, ce qui amène à se focaliser sur les externalités et les caractéristiques économiques présentes (taille du marché, fournisseurs, main-d’œuvre…).
Fabrice Hatem (2004, op.cit) distingue entre autre deux variantes de l’offre territoriale :
• une « offre territoriale simple » : elle est envisagée comme « l’ensemble des ressources présentes sur le territoire et susceptibles d’être utilisées dans le cadre des projets d’investissement»;
• une « offre territoriale complexe » : elle est produite notamment par les agences de développement et les chambres consulaires qui mobilisent « l’offre territoriale simple » ou « potentielle » pour l’adapter aux attentes de chaque projet d’investissement.
Toutefois, cette distinction entre les deux types d’offre territoriale n’est pas toujours très claire. Une autre définition plus complète de l’offre territoriale, livrée par le rapport d’études du cabinet Ernst and Young, privilégie plutôt le premier aspect sans exclure toutefois l’existence de ressources produites avec une certaine intention : « une offre territoriale est donc constituée par un ensemble de caractéristiques socio-économiques d’un territoire ayant un impact plus ou moins direct sur l’accueil et le maintien des activités économiques. Il peut s’agir d’éléments très hétérogènes : caractéristiques physiques d’un territoire, infrastructures (au sens le plus large), caractéristiques démographiques, le cadre institutionnel local, compétences en matière grise et en recherche, politiques fiscales et d’incitations financières, qualité des interdépendances des acteurs locaux et l’intensité de l’animation locale »(14). Cette définition résume l’offre territoriale en un ensemble d’attributs du territoire, plus ou moins donnés et susceptibles d’influencer les décisions de localisation des entreprises.
II.1.2- L’avantage comparatif des territoires
Chaque territoire dispose d’actifs propres non transférables qui constituent des atouts certains pour l’attraction des entreprises. En effet, les avantages dont disposent les territoires sont souvent liés à la présence de ressources naturelles, mais aussi à la maîtrise de savoirs et technologies, à l’existence d’un capital humain particulier, au bon positionnement géographique par rapport aux autres territoires concurrents, la qualité de l’environnement économique et institutionnel, la dotation en infrastructures de transport et de communication, un faible niveau d’imposition, un climat social favorable. Par ailleurs, les efforts accomplis par les pouvoirs publics en matière d’aménagement du territoire (aménagement des zones d’activité, amélioration des infrastructures et équipements publics) ou d’incitation financière (subventions, primes à l’implantation, exonérations fiscales) constituent également des facteurs qui sont de nature à créer un avantage comparatif durable pour le territoire.
Toutefois, au regard de la concurrence qui règne désormais entre les territoires pour l’attraction des investissements, il ya intérêt pour chaque collectivité locale de construire des ressources spécifiques au-delà des avantages « premières natures » dont dispose le territoire, afin d’avoir une offre territoriale différenciée sur le marché de l’implantation. Pour cette raison, les politiques mises en oeuvre doivent être axées sur des instruments fondamentaux pour assurer une attractivité durable.
II.2- Quelques instruments théoriques de la politique d’attractivité
On peut distinguer deux grands types de politiques d’attractivité. D’une part un certain nombre de mesure, incluant les mesures d’aménagement du territoire qui peuvent être mises en place pour améliorer le pouvoir attractif intrinsèque du territoire. A ces politiques peuvent s’ajouter des subventions plus directes visant à forcer le choix de localisation des entreprises. De ce fait, Les politiques d’attraction des entreprises s’articulent autour de deux grandes catégories d’instruments: les aides financières et la construction des infrastructures. Toutefois, Pour attirer les investissements, les autorités territoriales font également recours aux différentes techniques de promotion du territoire. Ces techniques peuvent être regroupées sous le concept du marketing territorial.
II.2.1- Les aides financières et les infrastructures
L’objectif des incitations financières consiste à diminuer le coût d’implantation des entreprises en contribuant à leurs charges fixes pendant une période déterminée par les pouvoirs publics. Ces incitations prennent généralement la forme d’une exonération temporaire de taxes.
Par la réduction des charges fiscales des entreprises, le territoire devient attractif sans pour autant engager des fonds publics. En ce sens, les incitations financières sont sans doute l’un des moyens les plus utilisés par les autorités territoriales pour attirer les investissements.
Les infrastructures constituent un levier important dans la concurrence que se livre les territoires pour attirer les investissements. Les infrastructures permettent d’améliorer les conditions de réalisation des activités économiques. En ce sens, elles permettent d’améliorer la qualité des territoires en permettant l’augmentation de leur attractivité et leur développement économique.
L’utilisation des aides financières et la construction des infrastructures constituent un tremplin vers une attractivité du territoire par rapport aux concurrents. Par ailleurs, pour attirer les entreprises, les autorités territoriales recourent aux différentes techniques de promotion du territoire. Ces techniques peuvent être regroupées sous le concept du marketing territorial.
II.2.2- Le marketing territorial
Le marketing territorial est adopté depuis plusieurs années par les autorités locales dans le but de mieux positionner leur territoire sur le marché des implantations. Dans un environnement devenu extrêmement global et concurrentiel, la pratique du marketing territorial est désormais essentielle pour les responsables territoriaux. Elle permet d’apporter des méthodes, outils et pratiques particulièrement utiles pour contribuer à améliorer l’attractivité territoriale. Pour Vincent Gollain15, « Le marketing territorial est l’effort de valorisation des territoires à des marchés concurrentiels pour influencer, en leur faveur, le comportement de leurs publics par une offre dont la valeur perçue est durablement supérieure à celle des concurrents. Cette activité est généralement pilotée par des agences de développement pour le compte d’autorités publiques ou d’acteurs privés». Il s’agit en effet d’appliquer des concepts et des méthodes traditionnellement réservés aux secteurs marchands (entreprises) à un espace dont on souhaite faire la promotion.
Fabrice Hatem (2004, op.cit) justifie le marketing territorial comme une réponse des territoires face à une compétition internationale de plus en plus intense pour l’attraction des projets d’investissement internationalement mobiles, ainsi les agences de promotion territoriales doivent définir des “stratégies marketing” destinées à accroître leur “part de marché” face aux territoires concurrents.
L’objet du marketing territorial est de fournir aux acteurs territoriaux les outils d’informations et d’analyses dont ils ont besoin pour définir leurs priorités, déterminer la nature de leur offre et mettre en œuvre les politiques d’offres territoriales adaptées. Ainsi, grâce au marketing territorial, les acteurs locaux, notamment les agences de promotion et les collectivités locales tentent de diffuser la meilleure image possible de leur territoire afin d’influencer en leur faveur les décisions d’implantation des entreprises.
En adoptant une approche marketing, l’entreprise identifie un marché-cible en fonction de ses atouts et opportunités, et construit une offre. De même, le territoire doit être apte à identifier les tendances, interpréter les situations, adapter sa stratégie, et pouvoir agir sur les acteurs que sont les entreprises. Un diagnostic complet du territoire est donc incontournable, de même qu’un suivi dans le temps. La formalisation marketing de l’offre territoriale met en priorité les potentialités économiques d’un territoire et les services pour attirer les entreprises. Ces potentialités et services peuvent être regroupés sous le vocable de facteurs de localisation.
En somme, Le processus d’attraction des entreprises nécessite la réunion d’un grand nombre d’instruments : prospection à l’étranger, techniques du marketing territorial, ingénierie territoriale et financière, interventions directe ou indirecte des pouvoirs publics auprès des entreprises, etc. Cette complexité d’instrument est liée à celle du processus de localisation des firmes et il est d’ailleurs possible de mettre en parallèle les étapes du processus d’attraction avec le déroulement du processus de localisation des entreprises.
Le tableau suivant montre les interactions entre entreprise et territoire au cours du processus de localisation(16).
Tableau 3 : Les interactions entre entreprises et territoire au cours du processus de localisation
Source : Lagnel. O et Rychen. F, 1998
CONCLUSION DU PREMIER CHAPITRE
Dans ce premier chapitre, nous avons essayé de cerner le concept d’attractivité territoriale à travers ses fondements et principales approches théoriques, ainsi que ses principaux indicateurs. Il ressort de cette première analyse une conception relativement simple de l’attractivité territoriale, à savoir : c’est la capacité pour un territoire à attirer sur une période donnée diverses activités économiques et facteurs de production mobiles. Partant ainsi de cette définition, nous avons expliqué comment dans un contexte globalisation de plus en plus marqué par la volatilité des implantations des entreprises, les territoires se livrent à une concurrence acharnée sur le marché de localisation des activités économiques. Chacun y développe une panoplie d’instruments et de politiques pour attirer et retenir le maximum d’entreprises. Du fait de cette quête d’un meilleur positionnement des territoires sur le marché de l’implantation, certains responsables territoriaux font recours aux pratiques du marketing territoriale (pratiques qui jusqu’ici étaient jadis réservé au monde des entreprises) afin d’influencer en leur faveur les décisions de localisation des entreprises. Finalement, un territoire compétitif et attractif est un territoire qui génère une offre territoriale différenciée et susceptible de faire face à la concurrence.
En outre, il faut reconnaître que les politiques de marketing territorial(17) qui d’ailleurs se sont fortement banalisées connaissent aujourd’hui un succès certains. Toutefois, l’élément crucial pour toute stratégie d’attraction des entreprises sur un territoire réside bien plus dans la dynamique de la gouvernance locale. Ceci dit, qu’en est-il de la ville de Douala en matière de stratégie d’attraction des entreprises ? Quel rôle y joue la gouvernance locale ?
Après avoir analyser le cadre théorique de l’attractivité territoriale dans le présent chapitre, nous allons ensuite montrer dans le deuxième chapitre le rôle de la gouvernance locale et bien d’autres facteurs dans la construction de l’attractivité de la ville de Douala.
12 Zimmermann, J.-B. et al. 1999, « Construction territoriale et dynamiques économiques », Sciences de la société, n° 48, octobre 1999.
13 Texier L. 1999, « Une clarification de l’offre d’implantation en marketing territorial : produit de ville et offre de territoire », Revue d’économie régionale et urbaine, no 5, p. 1021-1036.
14 Ernst and Young 2002, Étude sur la constitution d’une offre territoriale différenciée, DATAR, 110 p.
15 GOLLAIN Vincent, Club des Développeurs Economiques d’Ile-de-France. Réussir son marketing territorial en 9 étapes. CDEIF, 2008, 76 p.
16 Lagnel O. et Rychen F., Enjeux économique de l’attraction, in localisation des activités économiques : efficacité versus équité, treizième congrès des économistes belges de langue françaises, 1998.
17 Les techniques du marketing territorial permettent de promouvoir les territoires en tant que destination d’accueil des investissements étrangers.