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Section 2 : Analyse de la pauvreté au Bénin

Cette section vise d’une part à expliquer brièvement le processus d’estimation d’une ligne de pauvreté monétaire et à préciser celle retenue dans la présente étude, et d’autre part à évaluer la pauvreté au Bénin, au cours de la période allant de 2002 à 2004, à base des estimations des indices de pauvreté de la classe FGT.

Paragraphe 1 : Estimation de ligne de pauvreté et des indices de pauvreté

I- Estimation de ligne de pauvreté

Compte tenu de l’instabilité des revenus, l’estimation de la ligne de pauvreté va porter sur les dépenses de consommation qui sont plus stables dans le temps. Mais avant toute estimation de la ligne de pauvreté, il importe de procéder à une harmonisation des dépenses de consommation collectées selon le sexe.

Ladite harmonisation nous permet de ramener tout individu d’un ménage à la même échelle de valeur de dépenses grâce à une conversion des données en équivalent adulte. A cet égard, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) propose une échelle de conversion considérant l’homme pour 1, la femme pour 0,75 et l’enfant pour 0,50. Cette harmonisation suppose la connaissance de la taille du ménage moyen estimée à 5,6 selon le RGPH_3 à raison d’un homme, d’une femme et de trois enfants en moyenne par ménage. Ainsi, la taille du ménage moyen en équivalent adulte selon le RGPH_3 est de (1 x 1 + 1 x 0,75 + 3x 0,50) soit 3,25. Cet indicateur permet de convertir les dépenses totales des ménages en dépenses en équivalent adulte grâce à un rapport entre les dépenses agrégées par ménage et la taille du ménage moyen en équivalent adulte. La dépense moyenne ainsi obtenue en équivalent adulte, en 2002, peut être estimée au niveau national à 194 085 francs CFA contre 251 912 francs CFA en milieu urbain et 157 935 francs CFA en zone rurale.

Outre la dépense moyenne dont dépendent les indices de pauvreté de la forme FGT, la ligne de pauvreté constitue elle aussi une variable importante dans le calcul desdits indices. Toutefois, l’estimation d’une ligne de pauvreté résulte d’un processus complexe du fait des considérations d’ordre quantitatif et qualitatif qu’il n’est pas facile d’appréhender et qui sous-tendent la détermination du niveau de vie minimal qui servirait de base à l’analyse de la pauvreté. En se livrant à cet exercice, les structures statistiques locales (INSAE, DGE) étaient parvenues, en 2002, sur la base des données de l’enquête Quibb et de la norme énergétique minimale de 2 400 Kcal par jour, à spécifier une ligne calorique par tête évaluée journellement à 279 francs CFA. Ainsi, selon les statistiques officielles, est considéré comme pauvre au Bénin tout individu ou ménage vivant avec moins de 0,56$ par jour. Par contre la Banque mondiale fixe ce seuil journalier à 1$.

Au regard de ce qui précède, dans cette étude, les estimations des différents indices de pauvreté seront faites en considérant deux lignes de pauvreté : une inférieure ZL correspondant à 0,56$ par jour soit 102.200 francs CFA par an et une supérieure ZU équivalant à 1$ par jour soit 182.500 francs CFA par an(11).

En outre, les lignes de pauvreté retenues sont uniformes pour l’ensemble du pays en raison de la représentativité du panier de la ménagère ayant servi à leur estimation aussi bien au niveau national que sectoriel.

II- Choix et estimation des indices de pauvreté

L’indice Pα de Foster, Greer et Thorbecke est celui utilisé dans le présent document pour évaluer et analyser la pauvreté au Bénin. Cet indice possède une particularité importante d’être décomposable en sous-groupes.

En effet, soit une population divisée en j = 1, 2, 3, …, m sous-groupes mutuellement exclusifs et exhaustifs désignés par Pj. Si Pαj est la mesure de la pauvreté calculée pour le sous-groupe j et kj la proportion de la population nationale appartenant au sous-groupe j (k1 + k2 + … + km = 1), alors la mesure de la pauvreté Pα au niveau national peut être exprimée comme une somme de combinaison des mesures de pauvreté régionales pondérées par la part de la population de chaque région et donnée par l’expression suivante :

On en déduit la contribution de chaque région ou sous-groupe (cj) à la pauvreté nationale :

Ces contributions permettent de localiser les poches de pauvreté dans le pays. A cet effet, nous analyserons les deux poches suivantes : zone urbaine, zone rurale.

Les tableaux 2 et 3 ci-dessous présentent une estimation des indices Pα associés aux lignes de pauvreté inférieure et supérieure, déterminées plus haut, pour l’ensemble du Bénin et pour les zones de résidence du chef de ménage.

Tableau 3 : Structure de la pauvreté selon les zones en 2002 (Ligne de pauvreté nationale inférieure ZL=102.200 dépenses totales par équivalent adulte par an en FCFA)

Note : Les chiffres entre parenthèses représentent les écart-types

Les Cj (j=0, 1, 2) sont les contributions des différentes zones à la pauvreté nationale

Source : Calculés par les auteurs à partir des données de l’enquête Quibb 2002, INSAE en utilisant le logiciel DAD

11 Le taux de change retenu pour les conversions des seuils de pauvreté en francs CFA est de 500 pour 1$ en moyenne.

Tableau 4 : Structure de la pauvreté selon les zones en 2002 (Ligne de pauvreté nationale supérieure ZU=182.500 dépenses totales par équivalent adulte par an en FCFA)

Note : Les chiffres entre parenthèses représentent les écart-types

Les Cj (j=0, 1, 2) sont les contributions des différentes zones à la pauvreté nationale

Source : Calculés par les auteurs à partir des données de l’enquête Quibb 2002, INSAE en utilisant le logiciel DAD

Paragraphe 2 : Analyse de la pauvreté

Les colonnes P0 (ratio de pauvreté) des tableaux 2 et 3 ci-dessus montrent qu’au niveau national, 29,83% des béninois vivaient en dessous du seuil de pauvreté inférieure (ZL=102.200) et 62,62% en dessous de la ligne de pauvreté supérieure (ZU=182.500) en 2002. Les valeurs de l’indice P1 pour l’ensemble du pays sont respectivement de 0,1158 et 0,2748 pour les lignes de pauvreté inférieure et supérieure. Les valeurs de l’intensité P2 de la pauvreté, quant à elles sont de 0,0665 pour la ligne de pauvreté inférieure et de 0,1601 pour la ligne de pauvreté supérieure.

L’indice P2, qui mesure la relative inégalité de revenu entre les pauvres, montre qu’au Bénin, la différence de revenu des pauvres entre eux est faible.

Si l’on considère maintenant la répartition de la pauvreté entre les zones urbaine et rurale, on constate que, quel que soit l’indice considéré, le milieu rural vient en tête. La pauvreté au Bénin est donc avant tout un phénomène rural. Non seulement la pauvreté y est plus grande, en termes d’incidence, mais c’est également dans cette zone qu’elle est aussi la plus profonde et la plus intense.

Toutefois, on note que pour la ligne de pauvreté inférieure, l’intensité y est plus faible qu’en zone urbaine.

En effet, environ 32,75% de la population rurale se situent en dessous de la ligne de pauvreté inférieure, contre environ 25,35% pour les résidents urbains et 29,83% pour l’ensemble des béninois. Si l’on considère la ligne pauvreté supérieure, on observe une tendance similaire avec, environ 70,06% de résidents ruraux vivant en deçà de cette ligne de pauvreté contre 51,04% de la population urbaine et 62,62% pour l’ensemble. Il convient de noter à ce niveau, la corrélation qui existe entre les indices de pauvreté et les dépenses totales par équivalent adulte des ménages dans les différentes zones de résidence.

Les contributions de chaque zone de résidence à la pauvreté nationale pour chacun des indices FGT sont représentées dans les trois dernières colonnes des tableaux précédents. Pour la ligne de pauvreté inférieure, on observe que 67,86% de l’incidence nationale de la pauvreté est due à son incidence rurale. La pauvreté est non seulement plus élevée en zone rurale, mais sa gravité y est aussi plus marquée.

Les mêmes tendances persistent lorsqu’on considère le groupe d’individus pauvres par rapport au seuil de pauvreté supérieure. On note que la contribution de la zone rurale à la pauvreté nationale est de 69,16% pour l’incidence, 67,66% pour la profondeur et 65,28% pour la sévérité. Ainsi, même pour la pauvreté obtenue avec la ligne supérieure, il urge de tenir compte aussi bien de la gravité que de l’incidence de la pauvreté en zone rurale.

En vue de procéder à une brève analyse de la dynamique de la pauvreté, il s’est avéré utile d’ajuster d’une part les données de l’enquête Quibb 2002, et de faire d’autre part, l’hypothèse forte que le panier de la ménagère n’a pas connu de modifications significatives au point d’affecter sensiblement les lignes de pauvreté retenues plus haut (ligne de pauvreté inférieure ZL = 102 200 ; ligne de pauvreté supérieure ZU = 182500).

Ainsi, s’agissant de l’année 2004, les tableaux 4 et 5 ci-dessous révèlent que les différents indices de pauvreté retenus obéissent aux mêmes tendances que celles observées en 2002. En effet, environ 29,10% de la population rurale se situent en dessous de la ligne de pauvreté inférieure, contre environ 22,78% pour les résidents urbains et 26,56% pour l’ensemble des béninois. Si l’on considère la ligne de pauvreté supérieure, on observe qu’environ 66,02% des résidents ruraux vivent en deçà de ce seuil de pauvreté contre 47,53% de la population urbaine et 58,79% pour l’ensemble. Aussi, faut-il remarquer que la contribution de la zone rurale à l’incidence, à la profondeur et à l’intensité de la pauvreté au niveau national reste toujours forte en 2004.

Cependant, une analyse comparative des résultats de ces deux années permet de conclure à une régression sensible de la pauvreté au Bénin. Cette baisse serait due à un accroissement d’environ 7,70% des dépenses de consommation par équivalent adulte par rapport à l’année de base 2002. La pauvreté au Bénin demeure alors toujours tributaire de l’accroissement des revenus donc des dépenses dans l’hypothèse d’un modèle de croissance moins inégalitaire.

Enfin, il convient de préciser, d’une part, que même si, cette étude a, une fois de plus, mis en évidence l’ampleur de la pauvreté au Bénin, les résultats issus des différentes estimations restent à des niveaux raisonnables comparativement à certains pays de la sous-région ouest-africaine et, d’autre part, que considérer l’ensemble des pauvres comme un seul groupe masque les différences importantes caractérisant le phénomène de pauvreté au sein d’une même zone de résidence et, par conséquent, au sein de tout le pays.

Tableau 5 : Structure de la pauvreté selon les zones en 2004 (Ligne de pauvreté nationale inférieure ZL=102 200 dépenses totales par équivalent adulte par an en FCFA)

Note : Les chiffres entre parenthèses représentent les écart-types

Les Cj (j=0, 1, 2) sont les contributions des différentes zones à la pauvreté nationale

Source : Calculés par les auteurs, en utilisant le logiciel DAD, à partir des données de l’enquête Quibb 2002, INSAE ajustées par l’indice de prix à la consommation (IPC base 2002).

Tableau 6 : Structure de la pauvreté selon les zones en 2004 (Ligne de pauvreté nationale supérieure ZU=182500 dépenses totales par équivalent adulte par an en FCFA)

Note : Les chiffres entre parenthèses représentent les écart-types

Les Cj (j=0, 1, 2) sont les contributions des différentes zones à la pauvreté nationale

Source : Calculés par les auteurs, en utilisant le logiciel DAD, à partir des données de l’enquête Quibb 2002, INSAE ajustées par l’indice de prix à la consommation (IPC base 2002).

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