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Section 1 : Une harmonisation compromise

La variété des législations européennes (§1) et la volonté des Etats membres de conserver leur ordre juridique interne (§2) rendent difficile une éventuelle harmonisation européenne.

§ 1: Une harmonisation entravée par la variété des législations européennes

Le nombre de différences entre les législations d’un Etat à l’autre est tel qu’il rend difficile une harmonisation des règles d’assurance construction.

Même si certains systèmes européens se rapprochent du système français, les notions d’ « impropriété à destination », « de solidité » ou encore de « consommateurs » ne sont pas les mêmes.

Par exemple, en Espagne, existe deux notions, celle de « ruina material » et celles de « ruina functional». Aux premiers abords, ces deux notions semblent identiques aux notions de solidité de l’ouvrage et d’impropriété à destination. Pourtant, si tel est le cas pour la ruina material qui renvoie aux vices affectant la structure de l’ouvrage, sa solidité, il en est autrement pour la notion de « ruina functional » qui a trait aux vices affectant l’habitabilité de l’ouvrage.

Certes, cette dernière ressemble à notre notion française d’impropriété à destination. Mais, son champ d’application est plus restreint. C’est la raison pour laquelle une harmonisation européenne de l’assurance décennale française, nécessite préalablement de vérifier que les risques couverts au titre des garanties proposées par les assureurs européens, soient les mêmes que ceux couverts par la garantie décennale.

Il n’y a pas que dans les notions que des différences apparaissent. Les délais aussi varient d’un Etat à l’autre et il devient difficile d’opter pour telle durée plutôt qu’une autre, surtout lorsqu’elle est justifiée par la situation économique, politique et sociale de l’Etat.

Le consommateur, instigateur du jeu politique de l’Union Européenne, n’est pas le même d’un Etat à l’autre. En France, la notion de consommateur est variée. En effet, il n’existe pas de définition légale et expresse du consommateur par le Code de la consommation. Ce Code se cantonne à en définir les pourtours en y faisant référence dans plusieurs de ses articles.

La jurisprudence française a été amenée à clarifier de la notion de consommateur, au fil des années. Elle juge de façon constante (302) que le consommateur ne peut être qu’une personne physique.

Afin de pallier ce vide juridique, la Loi Chatel tendant à conforter la confiance et la protection du consommateur, a précisé ce qu’il fallait entendre par ce terme. Selon cette loi, les consommateurs sont « les personnes physiques en dehors de leurs activités professionnelles(303). »

Le Conseil National de la Consommation dans un avis en date 2010, définit les consommateurs comme des « personnes physiques qui agissent à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de leur activité professionnelle(304) ».

Sur plan communautaire, le consommateur est défini par de nombreuses directives. Celle du 22 mai 1997 sur la vente à distance et l’article 2 de celle du 5 avril 1993 sur les clauses abusives, disposent que « toute personne physique qui, dans les contrats relevant de la présente directive, agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle(305). »

De plus, l’article 1er de la directive du 25 mai 1999 relative à certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation, précise que « toute personne physique qui, dans les contrats relevant de la présente directive, agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle et commerciale(306). »

La question s’est donc posée de savoir si une personne physique professionnelle pouvait recevoir la qualification de consommateur. Par un arrêt de la CJCE en date du 20 janvier 2005, le juge communautaire a imposé une interprétation stricte de l’usage professionnel : « La part d’activité professionnelle doit être insignifiante par rapport aux besoins satisfaits par le contrat pour que le droit de la consommation s’applique(307).»

§ 2: La volonté des Etats membres de conserver leur ordre juridique interne

Certains Etats sont réticents à une harmonisation de l’assurance décennale au niveau communautaire. Ils voient en celle-ci une remise en cause de leur système et souhaitent conserver l’application de leur ordre juridique interne.

Il ressort de certains comptes rendu du comité construction(308) qu’une réforme de l’assurance décennale ne soit pas souhaitée. Les professionnels de la construction sont attachés au système français de responsabilité et d’assurance construction mis en place par la loi Spinetta.

C’est la raison pour laquelle « face à cette volonté politique de réformer le système, les acteurs ont rappelé leur attachement au dispositif existant et l’absence de justification juridique à cette réforme(309). »

Et nous ne pouvons qu’approuver cette volonté de conserver le système français de responsabilité et d’assurance décennale, actuel. Celui-ci est stable et protecteur envers les consommateurs. Ce qui n’est pas le cas dans tous les Etats membres.

Nos voisins allemands sont vivement opposés au système français qu’ils estiment onéreux et déresponsabilisant. Lors de la mission construction réalisée en 2006, les assureurs allemands ont indiqué qu’ils ne souhaitaient pas que le système français d’assurance décennale se développe en Europe. Les Anglais n’y sont pas plus favorables.

Néanmoins, les besoins de la société évoluent et l’intégration communautaire se fait de plus en plus ressentir. Peut-être qu’un jour les Etats opposés à l’application d’un tel système seront favorables à une harmonisation européenne.

D’autant plus, que la jurisprudence est une source de droit vivant. Les juges changent et donc il n’est pas certain qu’un successeur conçoit le système français tel que son prédécesseur.

Lorsque les Etats en auront la volonté et seront prêts à faire des concessions, une harmonisation européenne des systèmes d’assurance construction sera envisageable.

En résumé, pour reprendre la pensée de M. Roussel, « l’harmonisation européenne aujourd’hui n’est pas d’actualité, peut être un jour. Cela ne signifie pas qu’il ne peut pas y avoir des points de convergences(310) ».

Les points de convergences précédemment étudiés vont nous permettre de déduire des propositions favorables à un mouvement d’harmonisation.

302 A ce sujet, C. Cass., 1ère Ch. Civ., 5 mars 2002, Bull. I. n°78, pourvoi n°00-18.20.
303 Art. 2, L. Chatel n°2005-67 du 28 janvier 2005 tendant à conforter la confiance et la protection du consommateur.
304 Avis du Conseil National de la Consommation sur la notion de consommateur, MEDEF, 14 juin 2010.
305 Art. 2, Directive 22 mai 1997 sur la vente à distance et article 2, Directive 5 avril 2993 sur les clauses abusives.
306 Article 1, Directive du 25 mai 1999 sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation.
307 La définition du consommateur, MEDEF, Septembre 2010.
308 Compte rendu du comité construction du 16 février 2012 ;
309 Compte rendu du Comité construction du 22 septembre 2009.
310 ROUSSEL Jean, Directeur du Centre d’Etudes des Assurances, 22/08/2013, Lyon, (entretien téléphonique).

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