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Section 1 : Les apprentissages des risques majeurs

Afin de fidéliser son portefeuille de créanciers, ou plutôt, d’assurés, l’assureur devra mettre en place des mesures exceptionnelles afin de répondre aux attentes des assurés sinistrés, qui dépassent parfois les usages classiques de la profession. Les catastrophes sont riches d’enseignements, qu’ils soient au niveau international, avec l’exemple de l’implication des assureurs français suite au tremblement de terre en Haïti (A) ou national avec l’impressionnante mise en place de moyens suite au passage de la tempête Xynthia en 2010. (B)

A- La tempête Katrina et le tremblement de terre en Haïti : une mobilisation sans faille des assureurs

Haïti, petite république insulaire au large de la Caraïbe a subi un tremblement de terre dévastateur le 12 janvier 2010 avec une magnitude de 7,0 sur l’échelle de Richter. Les conséquences de cet événement le font figurer au rang des 40 catastrophes les plus meurtrières(224) avec plus de 220 000 décès sur les 10 millions d’habitants que compte la petite République. Le pays avait eu des difficultés à se remettre des conséquences de la tempête Katrina survenue en partie sur son territoire en 2005. Pays en voie de développement, la culture du recours à l’assurance relève plus de l’exception que de la norme : seuls 103 millions de dollars de dommages bénéficiaient d’une couverture d’assurance, c’est la raison pour laquelle, il ne figure pas dans le classement des 40 catastrophes les plus coûteuses.(225)

Aussi, l’assurance n’ayant qu’un poids minimal, elle ne pouvait intervenir qu’à travers l’élan de générosité internationale qui s’était alors manifesté. L’assurance est un vecteur efficace de gestion de crise, c’est son coeur de métier puisqu’il s’agit de l’objet principal de la créance qui unit l’assureur et l’assuré.

Les assureurs, alors non tenus par au titre d’engagements contractuels, n’ont pas hésité à mettre en oeuvre leur expertise pour aider le pays à limiter les conséquences de la catastrophe. Cet exemple d’implication, dénuée d’obligation juridique doit être souligné car il démontre l’expertise que les assureurs ont développé progressivement dans la gestion des situations post-sinistre. Cette présence témoigne également de l’attachement des assureurs aux valeurs essentielles et philosophiques de la profession, qui renvoient aux notions mutualistes et tontinières au-delà du caractère commercial du secteur. Les assureurs français se sont organisés de manière différente, mais les principaux acteurs ont tous répondu présent. De par leur première intervention à l’occasion du sinistre engendré par la tempête Katrina en 2005, les acteurs du secteur de l’Assurance française ont tiré les enseignements nécessaires qui leur ont permis d’apporter une aide plus efficace pour Haïti.

Pour la première fois de son histoire, le Syndicat National des sociétés d’Assurances a coordonné l’action des assisteurs bénévoles se rendant sur place. Leur mission principale, organisée par le Syndicat se concentrait sur la collecte d’informations centralisées et exhaustives à destination des prochaines équipes d’assisteurs et du Ministère des Affaires Etrangères. Cette collecte a permis aux autres équipes bénévoles de mieux préparer leurs actions sur place et de mettre en communs leurs moyens matériels et financiers. Les assisteurs ont une place à part dans la monde de l’assurance. Ils sont une connaissance très précise et détaillées de la géographie et de la géopolitique de nombreux pays, dans lesquels ils interviennent très fréquemment pour des missions relevant souvent de l’exploit et de l’extrême(226).

Generali France s’est positionné par une action de Mécénat au niveau de la reconstruction à travers l’une de ces filiales experte de la construction.

Les assureurs institutionnels sont intervenus différemment, une large majorité a préféré déléguer l’action de terrain aux ONG et associations dites « sachantes » dans le domaine des missions humanitaires. Groupama a offert 200 000€ l’Unicef, la Mutualité française a versé des fonds à la Croix-Rouge ainsi qu’à Handicap International en vue de la mise en place d’actions sanitaires de long terme. D’autres acteurs ont innové pour la collecte de fonds : le Groupe AXA a eu une posture intéressante. L’assureur a organisé une levée de fonds auprès de ses collaborateurs et a abondé à somme égale les dons, 606 000€ ont été donnés par les salariés de l’assureur qui les a reversé à des associations locales et les 606 000€ d’abondements ont été versés à la Croix Rouge. Allianz Global Investors s’est complétement associé à CARE et à la Croix-Rouge dans l’implémentation de sites internet ad hoc afin que ses collaborateurs effectuent directement leurs dons qui étaient également abondés par l’Assureur. Au bout du compte, ce sont environ 200 000€ qui ont été versés aux deux associations.In fine, la proactivité des assureurs français sur place et à travers les 64,3 milliards de dons français a contribué à la lente reconstruction d’Haïti et surtout à l’édification de bâtiments intégrant les normes parasismiques qui faisaient alors défaut. Cette intervention logistique empreinte d’empirisme conduit à ce que les conséquences d’une éventuelle autre catastrophe ne puissent être aussi destructrices, notamment en termes humains. Dans les pays dit développés, le recours de l’assurance est différent, les agents économiques disposent de biens et de revenus induisant un intérêt proportionnel pour l’assurance et les garanties qu’elle offre. En France, le passage de la tempête Klaus en 2009 a permis aux assureurs de dégager certaines « best practices » qui ont été mise en place suite au passage de la tempête Xynthia l’année suivante.

B- Focus sur les nouveaux usages

« Une mobilisation exemplaire », voici les termes que le Ministère de l’Economie et des Finances a utilisés pour qualifier l’intervention des assureurs suite à la tempête Xynthia, survenue le 27 février 2010. Si la mobilisation des assureurs est un succès, c’est parce qu’elle est le fruit direct des conséquences des tempêtes passées et de leur multiplication en Europe depuis 1999.

Les tempêtes Lothar et Martin, respectivement des 25 et 27 décembre 1999 ont eu un impact financier direct pour les assureurs français avec 11 070 millions de dollars de dommages assurés(227). A l’époque, la profession avait initié quelques démarches originales comme la dispense d’expertise sur place si les dommages situés sur certaines zones étaient inférieurs à un certain seuil(228). Puis, la tempête Klaus est survenue le 24 janvier 2009, avec des rafales de vents estimées jusqu’à 170 km/h sur certaines zones. Les dommages assurés qu’elle a engendré se sont élevés à 3 418 millions de dollars.(229) Alors, lorsque quasiment un après la tempête Xynthia, soit survenue, avec des rafales de vents estimées à 160km/h par endroit, les assureurs bénéficiaient de l’expérience nécessaire afin de mettre en place dans un délai proche de l’immédiateté des mesures adéquates. La multiplication et le rapprochement des événements catastrophiques d’origine naturelle a un effet positif sur la gestion de cette typologie de sinistres, la maîtrise de la chaine de gestion du sinistre de la déclaration à l’indemnisation.

En l’occurrence, l’Etat et les assureurs concernés se sont très rapidement coordonnés. La publication au Journal Officiel des arrêtés de reconnaissance de l’Etat de catastrophe naturelle a été rapidement effectuée. Les assureurs ont donné leur accord quant à l’allongement du délai de déclaration des dommages de 10 à 30 jours par le Gouvernement. Le Ministère de l’Economie et des Finances a nommé un « coordinateur assurance » en charge de « faciliter un déroulement efficace et rapide la procédure d’indemnisation ». Les assureurs ont été très réactifs, au lendemain de la tempête, ils ont réuni un bureau extraordinaire qui a pris position en faveur d’une indemnisation forfaitaire accélérée. Les assureurs ont mis en place une convention d’abandon de recours, ils ont assoupli la charge de la preuve, ils ont acté pour les entreprises ayant plusieurs sites sinistrés de l’application de la franchise contractuelle la plus haute en raison d’un fait générateur identique. Les assureurs ont eu la volonté d’accompagner au mieux leurs assurés sur des questions plus large que la seule gestion des sinistres. Cette diligence s’est manifestée par le biais de la mise en place de plates-formes téléphoniques d’assistance, d’avances sur indemnités, de frais de relogement étendus, de gel de cotisations de primes mensuelles, et d’assistance administrative. Les agents généraux, acteurs de proximité dans les territoires de Charente-Maritime, durement touchée, ont contribué au succès de l’indemnisation et à la fidélisation de leurs assurés grâce à l’extrapolation de leur devoir de conseil et d’information du domaine précontractuel au domaine de la sinistralité.(230) Toutes ces mesures ont contribué au versement rapide des indemnités sur les 500 000 dossiers sinistres déclarés.

La connaissance empirique permet aux assureurs de mieux dimensionner leur produit en fonction des risques probables par zone géographique. De plus, ces derniers opèrent une véritable sélection des risques et innovent dans leur stratégie de renouvellement (Section 2).

224 Rapport Sigma de Swiss RéN°2/2012
225 Rapport Sigma de Swiss Ré N°2/2012
226 Missions de sauvetage, d’assistance médicale et de rapatriement qui sont l’objet de nombreuses conventions d’assistance.
227 Rapport Sigma, Swiss Ré N°2/2012
228 Indemnisation sur devis notamment pratiquée à l’époque par Groupama.
229 Rapport Sigma, Swiss Ré N° 2/2012
230 Obligation de conseil et d’information des intermédiaires d’assurances notamment énoncée aux articles L.520-1, II, 2°), et L.132-27,1 du code des assurances.

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