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Introduction

Le 30 mai 2013, un nouveau projet de loi concernant la langue française vient d’être voté par le parlement québécois(1). Il vient s’ajouter aux nombreuses dispositions de protection de la langue française inscrites dans la loi 101 (1977). Provoquant la colère des anglophones montréalais, de vieilles tensions politiques se réveillent. Pendant les débats, le ministre péquiste(2) Jean-François Lisée avait alors terminé un discours sur ces mots : « Les Premières
Nations, les anglophones, les francophones, nous avons tous la même angoisse : celle de disparaitre »(3). Concerné par les contraintes que la loi provoquait, le syndicat anglophone des enseignants québécois(4) avait lui aussi manifesté son opposition, démontrant en vain dans son bulletin adressé aux enseignants que la langue française n’était pas en danger(5).

Au Canada, la politique linguistique a pris racine au Québec. C’est là en effet qu’une histoire vieille de près de 4 siècles, depuis la création de la Nouvelle-France en 1534 et la reddition du territoire aux Anglais en 1763, ne semble pas encore trouver son dénouement : la gestion des 2 langues majoritaires, l’anglais et le français, reste un sujet politique et social aussi inévitable que complexe. La tension qu’elle provoque est particulièrement vive et palpable à Montréal qui concentre 75% de la population anglophone du Québec(6). Et c’est sans aucun doute à l’école où se diririge toute l’attention des décideurs politiques en matière linguistique, à l’école où se trament les enjeux de l’avenir linguistique du Québec :

« C’est elle qui enseigne la langue, transmet les valeurs culturelles à la jeune génération, assure l’intégration des nouveaux venus et procure des emplois à des membres du groupe dans l’enseignement et l’administration scolaire. » (Levine, 1997 : 17). Montréal sera le foyer des plus grands boulversements en matière de politique linguistique éducative au Québec.

Ce mémoire concerne donc la population anglophone de Montréal, visée par l’enseignement du français langue seconde, notre domaine d’étude. Dans un Canada officiellement bilingue où les anglophones sont les plus nombreux, la situation de la population anglophone Québécoise est singulière, car minoritaire. Comment s’accommode-t-elle de son statut minoritaire et de la politique linguistique Québécoise ? En lui donnant la parole, nous aimerions d’abord mieux la connaitre. Comment se définitPelle culturellement ? Notre recherche s’efforcera d’y répondre. De quelle manière transmetPelle son héritage culturel ? Pour le savoir, nous pourrions nous demander quel traitement est réservé à ses enfants en matière de scolarité. C’est d’ailleurs sur ce sujet que notre étude va effectivement débuter. En effet, connaitre le système scolaire québécois va nous permettre de savoir quelles possibilités sont offertes aux parents anglophones québécois pour pérenniser leur mode de vie dans leur langue à travers la scolarité de leurs enfants.

Le programme en immersion est une proposition du MELS(7) aux anglophones québécois. Il donne la possibilité à leurs enfants de recevoir l’enseignement des matières scolaires en langue seconde, c’est à dire en français, pendant une partie de leur scolarité. Cela leur permet d’apprendre le français tout en suivant un parcours scolaire traditionnel. Ce programme a obtenu un succès sans commune mesure depuis sa création en 1965.

Comment expliquer un tel succès ? Ce programme répondrait-il donc complètement aux aspirations des parents anglophones ? C’est en étudiant les raisons pour lesquelles ils ont inscrit leurs enfants en immersion que nous aimerions étudier ces questions dont voici la formulation initiale : pour quelles raisons les parents anglophones de Montréal choisissentPils l’immersion ?

Dans la première partie de ce mémoire, nous verrons que des événements importants de l’histoire de ce programme peuvent d’ores et déjà apporter des éléments de réponse pertinents. Mais le domaine d’étude que nous avons privilégié pour apporter des réponses approfondies concerne celui des représentations sociales. Nous aimerions en effet connaitre certaines représentations des parents d’élèves et savoir si elles peuvent engendrer ce que l’on appelle des politiques linguistiques familiales, qui justifieraient par la même occasion le succès du programme en immersion. Notre entreprise est délicate.

L’apprenti chercheur que je suis se rendra compte que travailler sur les représentations sociales demande de « chercher les savoirs enfouis » (Kaufmann, 2007 : 50) chez nos futurs informateurs. De plus, il s’agit de consulter les parents d’élèves au sujet desquels relativement peu d’études ont été faites. Cependant, en être conscient ne nous permet pas de nous affranchir d’une étude rigoureuse : « Tout sujet a une infinité de liens transversaux avec d’autres sujets : il suffit de dégager ces liens pour pouvoir utiliser des données disponibles » (Ibid : 32). C’est aussi tout l’intérêt de notre étude.

Ce mémoire comprend quatre parties. D’abord, dans un souci de compréhension de la société Québécoise dans laquelle le système scolaire prend sa place, j’ai choisi de contextualiser historiquement l’émergence du programme en immersion. Ensuite, je mettrai en place mes hypothèses et les notions qui me serviront d’outils à la fabrication de mon objet théorique, c’est-à-dire les représentations sociales et les politiques linguistiques familiales. La troisième partie sera consacrée aux processus de l’enquête à travers une justification des choix méthodologies. Enfin, je devrai analyser les entretiens. Les hypothèses seront-elles confirmées ? Ce sera l’objet de ma conclusion dans laquelle je reviendrai à ma question initiale dont je rappelle la formulation : pour quelles raisons les parents d’élèves anglophones de Montréal choisissentPils l’immersion ?

1 Projet de loi n°14 : Loi modifiant la Charte de la langue française, la Charte des droits et libertés de la personnes et d’autres dispositions législatives. [en ligne] http://www.assnat.-c.ca/fr/travaux-parlementaires/projets-loi/projet-loi-14-40-1.html
2 péquiste : du Partie Québecois
3 Citation tirée de : LEDUC Louise, Grogne chez les Anglos, La Presse (Montréal), 8 avril 2013, p.A10.
4 APE- : Association provinciale des enseignantes et enseignants du Québec.
5 APE-, Réaction de l’APE- au projet de loi 14, Liaison, mai 2013.
6 Statistique Canada, [en ligne] http://www12.statcan.gc.ca/ Nous donnerons les chiffres exacts dans la première partie de ce mémoire.
7 Ministère de l’Éducation, des Loisirs et des Sports.

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