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INTRODUCTION

On peut considérer que le football est devenu un sport spectacle à partir du début des années 1960 avec, pour les plus grandes compétitions, une couverture médiatique très importante. « Produit économique, produit social, produit culturel : le football répond à ces trois critères »(1). Lors des matchs, le public, et en particulier les supporters, a un rôle à jouer puisque ces derniers assurent une sorte de spectacle qui leur est propre. En effet, selon Roland Chatard, « soutenir son équipe favorite, vibrer, souffrir mais aussi ressentir d’incroyables joies, des émotions incompréhensibles pour le “profane” : telle est la vocation du supporter, le vrai »(2). Le « vrai » supporter reste également fidèle à son équipe quelles que soient les circonstances, dans les moments les plus difficiles comme dans les périodes plus heureuses.

Afin de qualifier l’identification du supporter à son équipe, on parle bien souvent de « douzième homme ». Le Chaudron Vert, surnom gagné par le stade Geoffroy-Guichard dans les années 1970 lors des épopées européennes du club stéphanois, symbolise le rôle participatif du « douzième homme ». En soutenant son équipe tout en cherchant à déstabiliser les joueurs adverses, le public entend peser sur le déroulement du match, et les dirigeants des clubs eux-mêmes réclament bien souvent ces encouragements. Ainsi est-il aujourd’hui admis que ce sont les supporters qui sont chargés de mettre de « l’ambiance » dans les stades, c’est-à-dire entonner des chants, créer des tifos, mettre la pression sur les joueurs adverses, etc.

« Mais la passion fervente et sincère des supporters de football peut sombrer à tout moment dans la haine, […] il suffit d’un rien pour que la rencontre bascule dans un climat de violence »(3). Le 29 mai 1985, lors de la finale de coupe d’Europe dans le stade bruxellois du Heysel, 39 supporters de la Juventus de Turin trouvent ainsi la mort, devant des millions de téléspectateurs abasourdis. Certes, dès le début du football comme sport spectacle, des incidents ont eu lieu, mais cette violence était rare et spontanée, en réponse à des erreurs d’arbitrage, à une défaite, etc. « À la violence spontanée qui a toujours existé autour du football s’ajoute, à partir des années 1960 en Grande-Bretagne et 1980 en France, une violence plus récurrente et préméditée. »(4) A la suite du drame du Heysel, le terme de « hooligan » va progressivement entrer dans le langage commun. Il recouvre dans son acceptation large les supporters violents responsables d’incidents dans les stades de football, ainsi que le souligne Manuel Comeron en 2001 :

« Plus techniquement, les experts s’accordent à désigner par cette appellation des comportements d’agression physique (violences contre les personnes) et de vandalisme (violence contre les biens) produits par les spectateurs d’une manifestation sportive spécifique : le match de football, et se déroulant dans une zone géographique spécifique, le stade de football et ses alentours urbains »(5).

Le hooliganisme est donc perçu comme une menace. Bien souvent les hooligans ne sont pas considérés comme de véritables supporters et leurs actes sont enveloppés d’une aura irrationnelle, voire pathologique. Cette vision est notamment élaborée par les médias, mais largement suivie par les autorités publiques et sportives. Dominante également au sein de la police, cette perception coexiste avec une autre, diamétralement opposée, selon laquelle les hooligans sont très dangereux car ils sont extrêmement organisés et n’agissent que pour le plaisir de s’impliquer dans des bagarres. Dans tous les cas, la manifestation du hooliganisme se réduit à l’aspect apparent d’une violence particulièrement dangereuse(6).

Aussi nous a-t-il semblé intéressant de tenter de comprendre comment pouvait s’organiser la gestion de la violence des supporters lors des matchs de football dans la mesure où tous les clubs professionnels de football sont aujourd’hui confrontés à la question de la sécurité, devenue donc une dimension incontournable pour les dirigeants et les autorités sportives et publiques.

Choisir de travailler sur la gestion de la violence des supporters suppose tout d’abord de dresser des constats et de suggérer des pistes d’analyse (chapitre premier). Notre recherche s’inscrit dans les travaux sociologiques menés sur l’évolution et les conséquences de la lutte contre la violence des supporters. Nous tenterons de définir les concepts d’ambiance et de sociabilité dans le supportérisme. C’est en effet la conciliation entre sécurité et ambiance qui a particulièrement retenu notre attention. Estimant que toute recherche sociologique est ancrée dans la réalité sociale et doit être éprouvée sur un terrain à l’aide de méthodes soigneusement choisies, nous expliquerons les raisons qui nous ont conduit à resserrer l’étude autour du cas du Paris-Saint-Germain (PSG).

Une fois l’armature intellectuelle de notre étude posée, notre ambition est de répondre à la question de savoir quelles sont les conséquences de l’exigence de sécurité sur l’ambiance dans le stade dans le cas spécifique du PSG (chapitre deux). Nous montrons dans un premier temps que le PSG met en place une logique de contrôle dans le but de pacifier le stade et ses abords. Après avoir abordé les questions économiques et marketing de la politique du club, nous analysons les conséquences de cette dernière sur l’ambiance dans le stade, et sur les rapports sociaux entre supporters.

1 R. Chatard, « La violence des spectateurs dans le football européen », Paris, Lavauzelle, 1994, p. 17.
2 Ibidem, p. 34.
3 Ibidem, p. 36.
4 N. Hourcade, L. Lestrelin, P. Mignon, Le livre vert du supportérisme. Etat des lieux et propositions d’actions pour le développement du volet préventif de la politique de gestion du supportérisme, Paris, Ministère de la santé et des sports, Secrétariat d’Etat aux sports, 2010, p. 19.
5 M. Comeron, « Pour une gestion sociopréventive du hooliganisme », in J.-C. Basson (dir.), Sport et ordre public, Paris, La Documentation française-IHESI, 2001, p. 145.
6 Ce passage s’appuie sur : A. Tsoukala, « La gestion policière du hooliganisme : Angleterre, Italie, Pays-Bas » in J.-C. Basson (dir.), op. cit, pp. 159-175.

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