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INTRODUCTION

ADIAL

GENERALE

1. L’acte juridique dans le contrat est un modèle dans le domaine de la liberté. Cependant, il s’agit d’une liberté issue de la volonté. Par essence, le contrat est un acte de prévision qui permet aux parties de maîtriser le futur par leur volonté propre . Elles sont, en raison de la théorie de l’autonomie de la volonté, libres de déterminer le contenu du contrat. Il appartient aux contractants, à l’issue d’un libre débat, de définir ce à quoi ils s’obligent . Bien qu’idéalisée, voir amplifiée par les auteurs, la présence de la volonté dans le contrat est réelle. Elle permet aux parties à l’acte, à la condition de respecter l’ordre public et les bonnes mœurs , de définir leurs rapports communs.

2. Ainsi, le principe de la liberté contractuelle autorise les parties à stipuler certaines clauses de nature à limiter la responsabilité encourue en cas d’inexécution du contrat, et cela même dans les contrats d’adhésion . Cette position se justifie par les termes de l’article 1150 du Code civil qui précise que « le débiteur n’est tenu que des dommages-intérêts qui ont été prévus ou qu’on a pu prévoir lors du contrat ». Le Code civil ouvre ainsi la porte à toutes les stipulations relatives au montant de l’indemnisation due en cas d’inexécution du contrat. C’est de cette manière que les clauses limitatives de responsabilité se sont développées à mesure que, dans le monde moderne, la responsabilité est devenue plus rigoureuse (responsabilité sans faute prouvée à travers l’obligation de résultat ou encore les présomptions de responsabilité) et plus étendue du fait du développement de la technologie qui engendre des dommages souvent importants .

3. Cependant, avant d’aller plus loin dans cette introduction, il convient de définir précisément la notion de clause limitative de responsabilité, et de la distinguer des notions voisines, cela afin d’éviter toute confusion.

4. La définition qui en est donnée par Monsieur le professeur Gérard Cornu est la suivante : « clause qui a pour objet de limiter par avance à une somme ou à un taux déterminé le montant des dommages-intérêts et qui est soumise au même régime que les clauses de non-responsabilité » , celles-ci étant distinctes des premières puisqu’elles suppriment totalement la responsabilité du débiteur. Ces deux types de clauses ont toutefois la même logique : faire reculer la responsabilité contractuelle. Elles se distinguent ainsi des clauses pénales qui visent à fixer un forfait de dommages-intérêts en principe suffisamment élevé pour inciter le débiteur à s’exécuter. Elles s’opposent encore aux clauses aggravant la responsabilité ou, plus exactement, les obligations d’une partie .

5. Dans le cadre de notre étude, nous nous contenterons cependant d’analyser uniquement les clauses limitatives de responsabilité. Toutefois, il faut encore les distinguer de celles qui sont relatives aux obligations. Cette distinction a été parfaitement réalisée par Monsieur le professeur William Dross . En effet, selon ce dernier, une clause limitative d’obligation consiste à cantonner la portée de l’obligation. Cette limitation peut s’opérer par exemple en en changeant la nature, en transformant, par exemple, une obligation de résultat en une obligation de moyen. La distinction avec la clause limitative de responsabilité semble faible car les clauses aboutissent à un résultat proche : permettre à leur bénéficiaire de n’encourir qu’une responsabilité limitée en cas d’inexécution de leur obligation contractuelle. Cependant, la distinction a lieu d’être car les clauses limitatives d’obligation déterminent l’étendue des prestations assumées par le débiteur, elles concernent le contenu de la loi contractuelle. En revanche, les clauses limitatives de responsabilité ne s’attachent qu’à la sanction future, elles visent l’inexécution du contrat.

6. Maintenant que nous avons éclairci la notion de clause limitative de responsabilité, il convient de voir leur régime. Il est, avant tout, à noter que ces clauses ne font pas l’objet d’un encadrement général. Les textes qui prévoient de telles limitations contractuelles sont nombreux et disparates. Par ailleurs, si le principe reste officiellement la validité de ces clauses, c’est loin d’être sans limites. Certains auteurs le soulignent avec une pointe d’inquiétude , tandis que d’autres le prennent avec humour. C’est le cas de Monsieur le professeur Denis Mazeaud qui prévient que « pour les nostalgiques de la liberté contractuelle d’antan, l’exploration du droit des clauses relatives à la responsabilité est à déconseiller absolument ». Ainsi, la possibilité de limiter sa responsabilité se trouve entravée lorsque la loi ou la jurisprudence l’interdit.

7. Concernant en premier lieu la loi, cette dernière prohibe parfois tout simplement ces clauses . Dans ce cas, il se peut que l’interdiction de la clause soit compensée par une limitation légale du montant des dommages-intérêts comme cela est le cas pour le contrat de transport ou le contrat d’hôtellerie . Mais cela n’est pas toujours vrai de sorte que certaines interdictions ne comportent aucune contrepartie. C’est ce que l’on observe à propos des contrats de consommation. Lorsque la clause a pour objet ou pour effet de limiter ou de réduire le droit à réparation du consommateur ou du non-professionnel, elle risque de tomber sous le coup de la réglementation des clauses abusives. Cela est par exemple le cas dans le contrat de vente. Les clauses limitatives de responsabilité sont directement déclarées abusives par l’article 2 du décret n° 78-464 du 24 mars 1978 . Par ailleurs, concernant le contrat de travail, l’article 1780 du Code civil interdit toute renonciation par avance au droit de demander des dommages-intérêts à l’occasion de la rupture du contrat de travail. De façon plus large, l’article L. 122-14-7 alinéa 3 du Code du travail dispose que les parties ne peuvent renoncer par avance au droit de se prévaloir des dispositions relatives au délai-congé ou indemnité compensatrice, indemnité de licenciement ou indemnité de rupture abusive. Enfin, concernant les dommages provoqués par un produit défectueux, l’article 1386-15 du Code civil précise que « les clauses qui visent à écarter ou à limiter la responsabilité du fait des produits défectueux sont interdites et réputées non écrites ». Nous nous arrêterons là quant à l’énumération des dispositions législatives interdisant purement et simplement la présence de clauses limitatives de responsabilité tant la liste est encore longue. Cependant, cela nous donne un véritable aperçu des limites légales dont font l’objet ces clauses.

8. Concernant en second lieu la jurisprudence, la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation a établi, dans un arrêt du 17 février 1955, que les clauses limitatives de responsabilité en matière délictuelle sont nulles . La justification de cette interdiction donnée par les juges est la suivante : les clauses sont nulles parce que les articles 1382 et 1383 du Code civil sont d’ordre public et leur application ne peut donc être paralysée d’avance par une convention. En effet, on ne voit pas comment la convention des parties peut empêcher certains faits ou certaines abstentions de constituer une faute, alors que cette qualification ne dépend nullement de leur appréciation personnelle. Il faut tout de même signaler que cette interdiction en matière délictuelle n’existe pas dans le droit belge car leurs articles 1382 et 1383 n’ont pas le caractère de lois d’ordre public et on peut y déroger par convention. Néanmoins, la jurisprudence belge a fixé de nombreuses limites à leur validité . Au contraire, en France, le contrat, en tant qu’instrument de gestion des risques, permet de maîtriser l’avenir de la relation contractuelle et de prévoir des préjudices potentiels, alors qu’en matière délictuelle, cette possibilité n’existe pas. Il serait donc dangereux pour la victime éventuelle, d’admettre une clause limitative de responsabilité qui serait relative à un préjudice nécessairement imprévisible .

9. Devant l’énumération de ces nombreuses limites, on ne peut que s’interroger quant à la validité de principe de ces clauses. En effet, les auteurs et surtout les juges semblent tiraillés entre les avantages certains et les dangers importants que représentent ces clauses. Il est donc nécessaire de les mettre en évidence, de la même manière que Monsieur le professeur Boris Starck , car ils commandent la jurisprudence qui s’est formée en la matière.

10. L’avantage le plus clair concerne les entreprises qui, délivrées de la crainte d’une trop lourde responsabilité, seront incitées à l’action et à l’emploi de techniques sans cesse innovantes . Cela permet ainsi de ne pas paralyser l’économie et de bénéficier d’entreprises actives et audacieuses. Certes, on pourrait estimer que ces entreprises peuvent rechercher cette sécurité dans leur assurance de responsabilité. Cependant, cette dernière a ses limites. En effet, les assureurs n’assurent pas sans limite et, les montants astronomiques que peuvent atteindre les dommages sont de nature à dépasser les sommes maximales assurables. De ce fait, la seule alternative qui s’offre à l’assureur est de réclamer en amont une prime très élevée. Malheureusement, la prime serait manifestement trop lourde pour que l’entreprise soit économiquement viable. Ainsi, les clauses limitatives de responsabilité permettent de rendre l’assurance possible et financièrement supportable .

11. Par ailleurs, dans le cadre de considérations internationales, les clauses limitatives de responsabilité restent extrêmement utiles. En effet, les pays anglo-saxons, principalement, utilisent largement ces clauses, surtout en matière maritime, pour permettre un abaissement du fret. Si la France ne faisait pas de même, elle ne pourrait pas soutenir cette concurrence .

12. Enfin, du côté du créancier, il faut bien voir que les clauses limitatives de responsabilité permettent à ce dernier de bénéficier d’un prix plus bas des produits ou des services .

13. En revanche, et cela explique les nombreuses limites apportées au principe de validité des clauses limitatives de responsabilité, on dénonce, en antithèse à ces avantages, certains inconvénients. En effet, selon certains auteurs, ces clauses seraient dangereuses car le débiteur, bénéficiant d’une irresponsabilité partielle (mais couverte le plus souvent par une assurance) est tenté d’effectuer son obligation avec moins d’empressement : « c’est une invitation à l’impéritie ou à la négligence » .

14. C’est essentiellement en raison de cette critique que, d’une part, le législateur est venu tempérer, dans certains cas, le principe de validité des clauses limitatives de responsabilité, et que d’autre part, la jurisprudence a ouvert une véritable chasse contre ces clauses, recherchant par tout moyen à les réputer non écrites.

15. Concernant les relations entre les professionnels et les consommateurs, l’article L. 132-1 du Code de la consommation protège ces derniers contre les clauses abusives, c’est à dire celles ayant « pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ». Il s’agit donc d’un critère purement objectif. En dehors des décrets désignant la clause comme abusive, le juge peut qualifier de la même manière une clause abusive et la réputer non écrite. Le juge apprécie donc la clause pour savoir si elle crée un déséquilibre significatif au sein du contrat. Malheureusement, la législation et la jurisprudence sur les clauses abusives ne concernent pas les relations entre professionnels. Pour ces derniers, un autre fondement se devait d’être trouvé.

16. C’est ainsi que la jurisprudence a forgé au fil de ses arrêts, et selon les besoins de la cause, une arme pour lutter contre les clauses limitatives de responsabilité qui ne sont pas régies par le droit de la consommation. Il s’agit de la notion de faute lourde. En effet, les juges ont interprété largement l’article 1150 du Code civil qui établit que « le débiteur n’est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu’on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n’est point par son dol que l’obligation n’est point exécutée ». Ainsi, la liberté des conventions n’est pas illimitée car il va de soi que la clause ne jouera pas en présence d’un dol du fait que les conventions doivent être exécutées de bonne foi . Le dommage causé intentionnellement par le débiteur doit être réparé par lui en totalité, quand bien même il n’en aurait pas prévu l’étendue au jour où il contractait. C’est la sanction de sa mauvaise foi . A cette faute dolosive, les juges ont assimilé la faute lourde dans le but d’écarter plus facilement et de manière plus large les clauses limitatives de responsabilité. L’idée est que la responsabilité civile, outre sa fonction réparatrice, a une fonction moralisatrice et de prévention des dommages qui commande de sanctionner les conduites blâmables . C’est ainsi que la faute lourde est entrée dans la sphère des clauses limitatives de responsabilité et a permis d’être une source d’éviction de ces dernières.

17. Il convient donc de discerner les particularités de la faute lourde par rapport aux autres types de fautes présentes dans notre droit car « ainsi que la vertu, le vice a ses degrés » . La faute lourde se distingue tout d’abord de la faute dolosive que nous venons de citer. En effet, à la différence du dol, la faute lourde est une faute non intentionnelle . L’auteur d’une faute lourde, si grave soit-elle, n’a pas eu la volonté délibérée de commettre le dommage. Par ailleurs, la faute lourde se distingue de la faute très légère qui consiste en une simple négligence, inattention ou imprudence . Elle diffère aussi de la faute très légère qui est en réalité reprise par l’article 1137 du Code civil à travers l’obligation de moyen. En effet, il s’agit de la faute que ne commettrait pas un administrateur diligent, un « bon père de famille ». Ensuite, la faute lourde est différente de la faute intentionnelle principalement utilisée en droit des assurances qui se définit par la volonté d’accomplir l’acte qui détermine le dommage et le fait d’en vouloir les conséquences. Enfin, la faute lourde en droit civil est à discerner de la faute lourde rencontrée en matière de droit administratif. Dans ce dernier cas, elle s’oppose à la faute simple, non pas sur le critère de l’importance des préjudices mais sur celui de la gravité du comportement fautif. Dans le cadre de notre étude, nous nous limiterons bien entendu à la faute lourde régie par le droit civil.

18. Ainsi, la faute lourde serait une arme qui permettrait d’évincer plus facilement les clauses limitatives de responsabilité. Néanmoins, la notion de faute lourde reste mystérieuse et de ce fait elle présente l’avantage d’être malléable au gré des politiques juridiques, mais en revanche, elle présente aussi l’inconvénient, en raison de ses contours flous, de ne pas bénéficier d’un régime clair et précis ce qui peut rendre sa mise en œuvre parfois difficile. C’est pourquoi, les juges ont saisi à travers la notion de faute lourde une dimension objective de celle-ci avec la notion d’obligation essentielle et a décrété l’autonomie de cette dernière fait accoucher de la faute lourde une dimension objective de celle-ci, à travers la notion d’obligation essentielle. Cette dernière a ainsi pris le relais dans la chasse aux clauses limitatives de responsabilité. Les juges pensaient certainement qu’avec un fondement objectif, l’éviction de ces clauses serait sans doute plus aisé à mettre en œuvre que la faute lourde dont le fondement originaire est subjectif.

19. On ne peut donc que constater, de la part des juges et des auteurs, une volonté certaine, voire obstinée, à rechercher le moyen le plus sûr pour évincer les clauses limitatives de responsabilité alors que, il faut bien le rappeler, le principe reste la validité de ces clauses. Ainsi, il semblerait que l’affirmation de la validité de ces clauses promet-elle plus qu’elle ne tient . La volonté de les éradiquer semble être dictée par le désir d’établir un certain équilibre contractuel. Cependant, il en ressort un certain flou préjudiciable à la sécurité juridique. En effet, le régime des clauses ainsi que leur validité sont difficiles à appréhender pour les acteurs juridiques.

20. Ainsi, dans le cadre précis des rapports entre la faute lourde et les clauses limitatives de responsabilité, un certain nombre de questions demeurent. Tout d’abord, bien que la faute lourde soit une notion depuis très longtemps utilisée et à laquelle on accorde de l’importance, elle reste difficile à appréhender car aucun texte législatif n’a pris le soin d’établir une définition, cette dernière ayant donc fait l’objet d’une construction strictement jurisprudentielle. Il s’agit donc, dans un premier temps de se demander ce que recouvre la notion de faute lourde. Quels sont ses contours ? Quel est son régime ?

21. Ensuite, tant et si bien qu’une définition soit envisageable, il conviendra d’étudier son influence actuelle sur les clauses limitatives de responsabilité. Est-ce une influence d’envergure ou au contraire une influence fragile, voire en déclin ? Il s’agira d’examiner la place que le juge et le législateur lui laissent jouer dans la lutte ouverte contre ces clauses compte tenu du fait que ces derniers ont trouvé, comme nous l’avons mentionné précédemment, une nouvelle arme dans cette lutte à savoir la notion d’obligation essentielle. Celle-ci, on le verra en est venue à remplacer pratiquement la faute lourde dans cette fonction.

22. Ainsi, il conviendra de se demander si la désactivation de la faute lourde au profit de l’obligation essentielle est légitime et avantageuse. Cette primauté de l’obligation essentielle dans cette fonction est-elle plus satisfaisante que la faute lourde ?

23. Enfin, si la réponse à cette dernière interrogation se révèle négative, il faudra étudier d’autres solutions envisageables pour supprimer les clauses limitatives de responsabilité manifestement abusives.

24. La jurisprudence a ainsi forgé au fil des arrêts et selon les besoins de la cause, les armes pour chasser de la manière la plus efficace qui soit les clauses limitatives de responsabilité. La faute lourde a été pendant longtemps la clé de voûte de cette poursuite. Toutefois, de nos jours, il semble apparaître que cette notion n’ait plus qu’une emprise affaiblie sur ces clauses (Partie 1). En effet, les juges ont préféré procéder à une désactivation importante de cette notion au profit de celle d’obligation essentielle. Pourtant, cette mutation n’apparaît pas satisfaisante (Partie 2).

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