Institut numerique

I.2 Des restructurations stimulatrices de productivité pour les entreprises privatisées.

L’important dynamisme affiché par le gouvernement camerounais dans le cadre des réformes engagées depuis 88/89 s’est traduit par de nombreuses restructurations au sein de la plupart des entreprises en l’occurrence celles qui étaient destinées à être privatisées. C’est ainsi que, par exemple à la CDC, de nombreux travaux d’amélioration des équipements des usines de caoutchouc ont été entrepris, de même qu’un programme d’extension des surfaces plantées a été mis sur pied : 4750 nouveaux hectares ont été plantés et 6750 hectares ont été replantés en 2002. Ces efforts au sein de la société se sont traduits par une augmentation de la production entre 2002 et 2005 de 52908 tonnes.

De même, l’importante réforme du secteur de l’eau potable en milieu urbain engagée par le gouvernement camerounais avec la mise en affermage de la société nationale des eaux du Cameroun (SNEC) s’est traduite quelques années avant son effectivité, plus précisément à partir de 2002 par une relative embellie des performances de l’entreprise due en l’occurrence à une hausse significative des volumes d’eau distribués passés de 57 à 75 millions de m3 entre 2002 et 2004 et de son chiffre d’affaires qui est passé de 19 milliards de F CFA en 2002 à 30 milliards de F CFA en 2005 (source : rapport d’activité, 2005).

Il faut du reste souligner que cette relative embellie a été le prélude d’un engagement signifié des dirigeants de l’entreprise car deux années seulement après la création par décret présidentiel N°2005/494 du 31 Décembre 2005, d’une des scissions de la SNEC à savoir la Cameroon Water Utilities Corporation (CAMWATER), société à capital public ayant pour objet la gestion pour le compte de l’Etat, des biens et droits affectés au service public de l’eau potable en milieu urbain et périurbain, le Directeur Général de cette société présentait déjà un projet de renforcement et d’amélioration de l’alimentation en eau potable à Douala dont l’essentiel est : la construction d’une usine de traitement d’eau potable d’une capacité de 50.000 m3/jour adossée sur le fleuve Moungo, la réhabilitation des installations existantes de Japoma pour maintenir leur capacité de production à 70.000 m3 d’eau/jour, la construction de trois forage et la réhabilitation de deux autres dans le champ captant de Massoumbou pour passer des 25.000 m3/jour à 40.000 m3/jour, la construction et l’équipement de 5 forages urbains d’une capacité de 15.000 m3/jour etc.

Ce projet est en cours de réalisation avec le soutien financier et technique de la république populaire de Chine à hauteur de 11 milliards de F CFA. La signature du contrat d’affermage le 18 Décembre 2007 entre l’Etat et le groupement marocain ONEP/Delta, Holding/Ingema qui devenait la société fermière sous le nom de Camerounaise des Eaux est venue renforcer la réalisation des programmes d’investissement de 5 ans engagés par la CAMWATER.

Dans le domaine de l’électricité, les restructurations entreprises au sein de la SONEL ont aussi permis de lancer des grands projets d’investissement dans le but d’accroître la capacité de production, de transport et de distribution en énergie électrique. C’est dans cette perspective que l’Agence Française de Développement (AFD) a octroyé en Décembre 2006 des concours d’un montant de 240 millions d’euro soit environ 157 milliards de F CFA pour le programme d’investissement 2005-2009 d’AES-SONEL montant auquel il faut ajouter 140 millions d’euro d’autofinancement.

On a également observé une importante dynamique de restructuration dans les sociétés comme la REGIFERCAM (devenue CAMRAIL), HEVECAM et plusieurs autres entreprises et toutes les nouvelles mesures adoptées dans ces différentes entreprises ont eu pour effet de booster leur productivité. Le tableau IV illustre du reste l’impact des différentes réformes engagées, sur la productivité (mesurée par le ratio Quantité vendue/Effectif employé) de quelques entreprises dont AES-SONEL, CDC, HEVECAM et CAMRAIL :

Source : l’auteur à partir des données de la CTR et des rapports d’activité des entreprises.

A partir ce tableau, nous obtenons les représentations graphiques IV.1, IV.2, IV.3 et IV.4, qui retracent l’évolution de la productivité de chacune de ces entreprises sur une période de 09 ans :

Lorsque nous observons le comportement d’AES-SONEL de façon générale, nous remarquons une évolution croissante de la productivité avant et après la privatisation. L’amélioration de la productivité trois années avant la privatisation d’AES-SONEL en 2001 est significative des réformes qui ont été opérées au sein de l’entreprise dans le but de valoriser ses actifs avant sa mise en vente.

Il faut dire que juste après la privatisation d’AES-SONEL c’est-à-dire en 2002, la productivité a baissé légèrement (elle est passée de 0,95 en 2001 à 0,88 en 2002 pour remonter à 0,97 en 2004) avant de remonter à partir de 2003 traduisant le fait que le coût énorme des restructurations effectuées au sein de la société a eu un impact négatif sur les performances de cette dernière les premières années qui ont suivi sa privatisation avant que les effets positifs du changement de statut (passage d’entreprise publique à entreprise privée) ne se manifestent en l’occurrence à partir de 2004 pour relever le niveau de productivité de l’entreprise. L’année 2005 est illustrative de bonnes performances pour la société, ceci s’est du reste justifié par une aide à hauteur de 240 millions d’euro soit environ 157 milliards de F CFA accordée à la société par l’AFD pour le compte du programme d’investissement 2005-2009. Le graphique IV.2 retrace aussi une évolution plus tôt positive de la productivité de la CDC.

En effet, on note aussi pour cette société une amélioration de la productivité pendant les trois premières années qui ont précédé sa privatisation en 2002, année au cours de laquelle la productivité retombe légèrement, probablement à cause d’une baisse des effectifs employés qui sont passés de 14712 en 2000 à 13982 en 2002 (source : rapport d’activité fourni par la CTR) et vu que la CDC est une agro-industrie à forte intensité de main d’œuvre, la productivité de la société ne pouvait qu’en pâtir ; la baisse des effectifs elle-même pouvant être le fait des réaménagements qui ont été effectués au sein de la société dans le but d’en faciliter la transition. Toutefois, contrairement à ce qui est généralement affirmé par de nombreux chercheurs, la privatisation de la CDC s’est accompagnée d’une remontée du niveau des effectifs employés qui est passé à 16053 en 2007. Nous constatons de même une évolution croissante de la productivité des entreprises HEVECAM et CAMRAIL après leur privatisation telle que l’illustrent les graphiques IV.3 et IV.4 s

Nous constatons en effet pour HEVECAM une relative constance dans l’évolution de la productivité après sa privatisation, évolution toutefois meilleure que celle des deuxième et troisième années qui ont précédé sa privatisation en 1996 ; la bonne performance de 1995 étant assurément due à l’approche qui était adoptée par le gouvernement et qui consistait à valoriser les actifs de la société avant de procéder à sa mise en vente. De même, pour ce qui est de CAMRAIL, nous remarquons une évolution croissante de 1996 à 1999, année qui marque la privatisation de la société. Cette évolution croissante continue après la privatisation de la société et ceci est assurément le fait de l’augmentation du capital de la société et des multiples restructurations qui ont été effectuées au sein de celle-ci pour pallier les déboires qu’elle connaissait ou du moins améliorer ses performances qui n’étaient guère louables.

C’est dire que les nombreux efforts qui ont été déployés par le gouvernement camerounais ont, au vu de l’évolution de la productivité de ces quelques entreprises, suscité une dynamique assez bonne pour les performances de ces dernières que ce soit quelques années avant leur privatisation ou alors après celle-ci. Ces observations ont été corroborées par une évaluation empirique inspirée des travaux de Megginson et al (1994), que nous avons faite et complétée par une Analyse en Composantes Principales (ACP) dans le but de mettre en exergue les éventuelles corrélations dans le comportement des entreprises mais aussi les facteurs qui ont plus contribué à l’amélioration de la productivité de certaines entreprises par rapport à d’autres. La section II ci-dessous présente la quintessence des résultats de cette évaluation empirique.

Page suivante : Section II : La privatisation, un catalyseur de la productivité des entreprises camerounaises : une approche empirique.

Retour au menu : PRIVATISATIONS ET PERFORMACE DES ENTREPRISES CAMEROUNAISES