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I.1.2 Définir la surdité

Comme nous l’avons vu précédemment, il est important de bien maitriser ce sujet pour pouvoir en parler. Ainsi, il apparaît nécessaire de définir la surdité tant d’un point de vue lexical que scientifique.

I.1.2.1 La question de la dénomination

“Déficient auditif”, “personne en situation de handicap auditif”, “malentendant”, “sourd”… De nombreux noms sont aujourd’hui utilisés pour évoquer la surdité. Dans tous les cas, parlons-nous de la même chose ? Le plus important n’est surement pas le nom, mais le fait d’en avoir un : en cela, la question de la dénomination est un enjeu existentiel.

Au siècle dernier on parlait de “sourds-muets”, et au lieu d'”entendant” on disait “parlant” ; la dénomination était donc d’abord liée au rapport à la parole. Grâce aux progrès de la médecine, il a ensuite été prouvé scientifiquement que les sourds n’étaient pas muets, mais qu’ils ne parlaient pas du simple fait qu’ils ne pouvaient pas entendre, qu’il leur était impossible de répéter des sons qu’ils n’entendaient pas, mais qu’ils n’étaient pas pour autant dépourvus de voix.

Ces dernières années, les efforts du gouvernement en termes d’accessibilité nous ont amenés à utiliser le nom de “personne en situation de handicap” comme une invitation à ce que la personne ne soit pas identifiée à son handicap, mais que l’on rappelle plutôt son statut de personne. Cela permet également de considérer le handicap comme un état, qui peut être temporaire dans certains cas. En ce qui concerne la surdité, on utilise alors l’appellation “personne en situation de handicap auditif”, de sorte à faire la distinction entre les différents types de handicap.

Les personnes en situation de handicap auditif quant à elles utilisent le mot “sourd” pour se désigner, comme en témoigne le signe qui correspond, littéralement appelé “sourd”.

Il s’agit d’un geste de l’index qui va de l’oreille à la bouche tandis que les lèvres prononcent silencieusement le mot “sourd”. Ceux qui ne sont pas sourds sont appelés “entendants”, avec pour signe un geste de l’index et du majeur en V touchant le bord de l’oreille deux fois.

C’est la raison pour laquelle nous utiliserons désormais ces deux mots dans le reste du mémoire.

I.1.2.2 Diverses surdités

Un rappel scientifique concernant la surdité est indispensable dans le cadre d’une telle étude, afin de lever les préjugés et d’éviter tout stéréotype. Il ne s’agit pas d’établir un véritable rapport médical mais simplement de considérer les différents types de surdités dans le but de comprendre les visiteurs sourds et les différents outils qui s’offrent au guide.

Tout d’abord, il est intéressant de savoir que la baisse ou la perte d’audition peut survenir dès la naissance mais aussi à n’importe quel moment de la vie. Il existe différentes causes possibles, parmi lesquelles :

– des surdités héréditaires ou génétiques,
– des cas de prématurité ou d’incident néo-natal,
– des otites à répétition et méningites,
– des neurinomes de l’acoustique (tumeur non cancéreuse du nerf auditif),
– des intoxications médicamenteuses (dues à des médicaments ototoxiques),
– des bruits trop importants qui à terme entraînent des dégâts auditifs,
– la presbyacousie, vieillissement du système auditif.

Les chiffres concernant la surdité sont cependant très difficiles à obtenir : en effet, beaucoup d’études sont faites en tenant compte ensemble des différents types de handicap et les études spécifiques sur les sourds ne portent souvent que sur une partie d’entre eux.

Les chiffres donnés par rapport à la population totale des sourds et malentendants ne sont donc que des estimations. Néanmoins, on peut d’ores et déjà affirmer que la déficience auditive est le handicap qui touche le plus de personnes en France. Le Ministère de la Santé4 évalue à environ 5 182 000 personnes (soit 8,7 % de la population) le nombre de Français victimes d’un déficit auditif, se répartissant ainsi :

– 302 900 personnes atteintes de déficience auditive profonde, soit une perte supérieure à 90 décibels,
– 1 429 800 personnes atteintes de déficience auditive moyenne à sévère, soit une perte comprise entre 60 et 90 décibels,
– 3 449 300 personnes atteintes de déficience auditive légère à moyenne, soit une perte de comprise entre 20 et 60 décibels.

La plupart de ces personnes vivent des situations d’exclusion, mais les enjeux sont différents selon qu’il s’agisse de surdités de naissance ou de surdités plus tardives. Ces enjeux sont principalement liés aux modes d’éducation choisis par les parents et à l’accès que cela permet ensuite à l’information, au travail et à la culture.

I.1.2.3 Diverses réponses

En effet, face à la surdité, les parents de jeunes enfants sourds sont confrontés à la nécessité de faire un choix, concernant la solution médicale la plus appropriée, la stratégie à adopter pour leur éducation et le mode de communication qu’ils vont leur enseigner.

Pour comprendre en quoi les outils utilisés vont être si différents, il est intéressant de distinguer la personne sourde de la personne malentendante. La personne née sourde ou qui a perdu l’ouïe n’entend pas la parole et ne peut donc être aidée que par des techniques visuelles comme la langue des signes. A contrario, la personne malentendante dispose d’un reste auditif exploitable et peut alors bénéficier d’aides sonores tels les appareils auditifs ou les boucles magnétiques(5), et utiliser la technique de la lecture labiale(6).

Nous ne ferons pas ici la liste des différents appareils auditifs car cela n’apporte pas d’élément particulier à notre étude. Il en va de même pour les différentes méthodes de communication créées à destination des sourds tels que le français signé(7), la dactylologie(8), le Cued Speech ou Langage Parlé Complété(9) (LPC), la communication totale(10), la méthode mixte ou combinée, etc.

En effet, le mode de communication choisi comme outil ici sera la langue des signes française (LSF), utilisée comme langue principale par plus de 200 000 personnes en France selon les derniers chiffres communiqués par l’Union Européenne des Sourds(11) et par l’Institut Pasteur(12). L’apprentissage de la LSF permet avant tout aux sourds de communiquer entre eux, mais également par extension de communiquer avec les entendants qui font la démarche d’apprendre leur langue.

4 Etude de la Direction de la Recherche, des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques (DREES) réalisée en 2008.
5 Dispositif de sonorisation où la conduction du son se fait, non pas par voie aérienne et haut-parleurs, mais par induction magnétique.
6 Action d’identifier les sons prononcés par les individus de façon visuelle, littéralement “lire sur les lèvres”.
7 Consiste à articuler tout en plaçant un signe ou geste sur les mots qui peuvent être traduits par ce moyen.
8 Alphabet de la langue des signes, utilisé pour épeler un mot.
9 Code manuel autour du visage complété de la lecture labiale.
10 Philosophie privilégiant la communication sous toutes ses formes : parole, langue des signes, dessin…
11 Organisation européenne non gouvernementale à but non lucratif basée à Bruxelles, en Belgique.
12 Centre de recherche dédié à la santé, biologie du développement, génétique, infectiologie et neurobiologie, Paris 15e.

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