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CHAPITRE VIII : DIASPORA, FORMATION COMMUNAUTAIRE ET RECHERCHE IDENTITAIRE

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« Notre identité est devant nous »

Jean Marie TJIBAOU

1. L’émergence d’une altérité ethnique et communautaire en Nouvelle Calédonie

A. Définitions et problématique

Les premiers balbutiements des avancées scientifiques en Europe concernant les Sciences Humaines se sont faits notamment grâce aux grandes découvertes. A leur arrivée dans les îles du Pacifique, les premiers navigateurs venus du continent européen, comme les insulaires d’ailleurs, se sont vus différents. Lors des premiers contacts souvent, les insulaires vérifiaient si leurs nouveaux congénères étaient vraiment des hommes comme eux. Pour cela ils utilisaient des moyens subtils et ils se rendaient compte qu’ils avaient à faire à des hommes « en chair et en os » et non à des esprits comme ils le supposaient (265).

Les Européens eux, rédigeaient des rapports écrits, illustratifs ou iconographiques avec des descriptions plus ou moins détaillés sur l’aspect physique des insulaires, leurs us et coutumes ainsi que l’état moral des êtres qu’ils découvraient. Les préoccupations des occidentaux étaient de savoir si ces êtres avaient une âme, ou alors s’ils avaient la capacité d’être civilisés et évangélisés, au plus, à quel degré d’évolution ils avaient atteint. L’étude de ces « peuplades (266) » a fait avancer les connaissances scientifiques et l’a affinée. Au XVIII ou XIXème siècle les chercheurs parlaient souvent en termes de « race » pour désigner un autre type d’homme, par la suite, le concept d’« ethnie » ou de « culture (267) » s’est imposé dans le courant scientifique de l’anthropologie et de l’ethnologie (268) auquel Lévi-Strauss a été l’un des plus grands précurseurs en ce domaine au XXème siècle. Est-ce que ce phénomène de « distinction ethnique » viendrait des premiers ethnologues qui ont travaillé sur le terrain calédonien ?

B. Discours ethnologique et discours politique.

Eric SORIANO (269) nous interpelle sur l’influence ethnologique dans la littérature calédonienne jusque dans les années 70. Selon lui, le missionnaire Maurice Leenhardt au début du XXème siècle puis Jean Guiart plus tard ont été les ethnologues de référence parmi les auteurs et les chroniqueurs locaux. Ces ethnologues de grandes renommées ont été les investigateurs de la société kanak pour son authenticité culturelle. Le discours nationaliste va reprendre de manière littérale le discours ethnologique afin d’affirmer la spécificité de la culture kanak et de la préserver. Cette ambiguïté discursive scindera le corps des chercheurs en Sciences Sociales en deux courants de pensées : ceux prônant l’hypothèse de l’autonomie culturelle et les autres prônant une acculturation légitime, voire une intégration possible à la culture dominante. Le géographe Jean Pierre Doumenge en 1982 (270) avance l’expression de « société pluriethnique » concernant la Nouvelle-Calédonie, afin de contrecarrer le discours indépendantiste. Les anthropologues métropolitains lors de l’évènement en 1984, ont été critiqués par l’opinion publique de la droite locale, fustigeant leurs écrits en faveur de la cause kanake. Jean Marie Kolher a raconté ses déboires avec les « caldoches » lors de ses enquêtes concernant le milieu scolaire et a été officiellement condamné par l’opinion « loyaliste calédonienne » comme persona non grata.

C. La formation de la dite « communauté wallisienne-et-futunienne » en Nouvelle Calédonie :

Les personnes originaires de Wallis et de Futuna constituent la plus grande minorité dite « ethnique » en Nouvelle Calédonie avec plus de 20 000 ressortissants après les kanak (271) et les calédoniens d’origines européennes. Avec les Vietnamiens, Chinois, Javanais, Réunionnais, Antillais… Polynésiens, Vanuatais et autres métisses… la Nouvelle Calédonie, surtout depuis la fin de l’indigénat après la seconde guerre mondiale, a été perçue et désignée par les auteurs et chroniqueurs comme un pays « multiracial » ou « multiculturel », « pluriethnique » ou « pluriculturelle ». « Diversité : « ethnique, culturelle, ou de métissage », sont des adjectifs souvent employés pour qualifier la spécificité de la population du « Caillou (272)». La singularité de la dite communauté wallisienne, tant par son importance numérique, que par sa spécificité socioculturelle met en exergue le problème de l’immigration d’une manière générale qui, selon les autorités locales, constituerait à l’heure actuelle un enjeu économique, sociale et politique.
Ces qualificatifs discursifs sont souvent employés pour caractériser la spécificité de la population « calédonienne (273)» mais semblent pour certaines critiques et indépendantistes vouloir faire de l’ombre aux « populations premières » qui ont toujours manifesté leur désapprobation à la colonisation de peuplement et aux spoliations foncières (274) et qui se définissent depuis peu comme des « Kanak (275) » ayant une culture et une identité propre revendiquant ainsi une émancipation politique. Patrick Pillon, sociologue de l’ORSTOM écrivait en 1988 que :

« L’appartenance ethnique est l’une des catégories de perception les plus immédiates que les individus puisse s’appliquer les uns les autres en Nouvelle Calédonie. Mais depuis qu’en 1977, la question de l’indépendance – et d’une indépendance canaque – est devenue l’enjeu à partir duquel se structurent les oppositions politiques, les relations inter ethniques ont été constituées en champ d’affrontement idéologique » (276).

Le terme « ethnie » s’apparente avec le mot « communauté » avec l’idée et le caractère de groupe ou de collectivité. Pourtant ce mot nous renvoi à un terme à connotation plus négative qu’est « le communautarisme ». De la «Communauté de destin » que représentait aux yeux du général De Gaulle l’Union française, ou celle projetée par l’Accord de Nouméa en 1998 dans son préambule, à la communauté ethnique ou religieuse, il y a une différence et pour certains, il y a une opposition de sens. Dans le premier cas, il s’agit d’une construction intellectuelle à des fins politiques où l’individu est mis en avant alors que dans le deuxième cas, la communauté est fondée sur des caractères innés, donc transcendants et naturels où le collectif est essentiel au détriment de l’individu.
De même, la « communauté wallisienne et futunienne » est une des « communautés ethniques » de la Nouvelle-Calédonie qui constitue une minorité migrante de culture polynésienne. Chaque membre effectivement se reconnaît par son origine géographique, son nom, sa filiation. Vu du dehors, son aspect physique ou extérieur, et sa manière de faire peuvent aussi renforcer son appartenance au groupe. Nous dirons aussi depuis un certain temps, les communautés ethniques se construisent et se constituent non seulement en entité culturelle mais aussi en force politique et électorale d’appoint. Le cas des Wallisiens et des Futuniens sur le Territoire est flagrant. Ainsi, faire l’analogie avec la période précoloniale nous sera utile pour saisir la portée que nous lui accordons. Nous sommes tentés de dire à la manière de Julien Landfried, directeur de l’Observatoire du communautarisme en France, qui soutient la thèse que :
« Les communautés en tant que telles n’existent pas. En d’autres termes, elles sont des systèmes de croyance sociopolitiques, plus ou moins modernes selon les cas, mais se distinguant d’autres systèmes de croyance en ce qu’elles impliquent dans leur définition même un critère d’appartenance non choisi ou présenté comme étant identitaire, c’est-à-dire immuable, tel que la race, l’ethnie, la religion, l’orientation sexuelle… si les communautés n’existent pas en tant que telles, les organisations communautaires existent en revanche bel et bien. Menées par des idéologues et des entrepreneurs communautaires, elles ont pour projet, à partir de leur définition de leur « communauté », d’obtenir un monopole de représentation de la ladite communauté auprès des institutions publiques et de la société du spectacle médiatique » (277).

Et cette formation communautaire, comment s’est-elle créée et comment a-t-elle évolué après plus de un demi siècle de présence ? Nous tenterons de démontrer que l’idée de « communauté » se construit dans le temps et varie selon l’espace ou le contexte, par ceux qui la constitue mais également par ceux qui sont extérieur au groupe et forme souvent en fait la communauté dominante. Les communautés ethniques se caractérisent souvent par leur désir d’affirmer leur identité propre. Pourquoi ? E.Wallerstein écrit en 1980 :

« Une identité ne se définit pas à partir du néant, on bâtit sur ce que l’on trouve qu’il s’agisse de langue, de religion ou de mode de vie caractéristiques. Néanmoins il est clair que l’homogénéité et la passion linguistique ou religieuse (a fortiori l’attachement à un mode de vie particulier) sont des créations sociales que l’on ne peut se contenter de considérer comme la poursuite d’une tradition éternelle. Ce sont des créations élaborées à grand-peine dans des moments difficiles (278)».

L’élaboration d’une identité adéquate apparaît comme la nécessité de base, pour le migrant, lorsque sa présence devient permanente dans son nouveau milieu selon Carmel Camillieri (279). C’est le cas d’un bon nombre de ressortissants d’immigrés d’origines diverses qui, pour des raisons de représentations légales, se sont constitués en forces politiques, sociales ou culturelles. D’où vient cette effervescence identitaire de ces multiples communautés ? Ce phénomène identitaire et des identités ne remet –il pas en cause la construction « du destin commun » promulguée par les accords de Nouméa ?

La bipolarisation constante et quasi permanente dans le discours commun de la rue ou des autorités, fait naître des rapports de force entre les groupes en présence et parfois des rivalités. Chacun voulant voir s’affirmer le groupe auquel il appartient (280). Nous avons vu dans le chapitre précèdent que les immigrés sont venus en masse à différentes périodes et les groupes hétérogènes ne se sont pas forcément échangés ni mixés. Effectivement, les communautés diverses en présence ne se connaissent pas ou très mal, vivants plus l’une à côté de l’autre. Or, dès la fin des années 50, la devise de l’Union Calédonienne « Deux couleurs, Un seul Peuple » pointe du doigt l’idéologie sous-jacente contextuelle de l’après guerre et de l’héritage colonial et met en évidence notamment le paradoxe fondamental à surmonter politiquement. Faire du Noir et du Blanc qui jusqu’à là n’étaient pas égaux face à la Loi, à l’école, à l’emploi etc. (281).

Selon Alan Ward :

« Le caractère « multiraciale » de la société calédonienne de date pas des années soixante avec le boom du nickel à travers la politique de l’emploi et de l’immigration diligentée par les exploitants miniers et l’Etat français. Cette caractéristique sociétale se dessine au moment de la défaite du Japon dès la fin de la deuxième guerre mondiale, qui marquera en fait le besoin de main d’œuvre après le départ des japonais et plus tard des tonkinois (282) ».

Pourtant, cette volonté de s’affirmer en tant que communauté n’a pour finalité que de se trouver une place ou la sienne, dans une société pluriethnique. Frederick BARTH (283) est le premier à parler de « Le pluralisme culturel » et il estime que chaque groupe jouit du droit d’exister et, en tant que tel, il peut maintenir la particularité de sa culture tout en œuvrant dans la société. La fin de l’indigénat, dans ce contexte économique de développement les communautés kanak, surtout des îles Loyautés connaissent pour la première fois un exode rural sans précédent. Depuis les années 70, Nouméa devient un carrefour permanent où, ce que l’on va désigner comme « ethnies » -pour ne pas dire « races »- se côtoient dans les quartiers périphériques autour du centre ville. Il est vrai que la catégorisation systématique des populations a, semble t-il, favorisé l’émergence de nouveaux conflits sous ces étiquettes raciales, ethniques ou communautaires. Pourtant, Hamid MOKADDEM pense que :

« Les conflits politiques ne sont ni ethniques, ni économiques. Ils expriment des jeux de fragmentation du corps politique. Les corps à corps électoraux clivent les représentations et divisent les identifications des groupes sociaux (284)».

Effectivement les stratégies électorales ont poussé certains leaders politiques à s’accaparer de groupes socialement ou culturellement homogènes. Pour cela, des pseudos représentants ont été créés de toutes pièces afin de faire basculer l’électorat désigné en leur faveur. Malgré tout, les préjugés sont ancrés dans les esprits et depuis plusieurs générations : les kanak reconnaissent « le Wallis » comme culturellement proche de leur propre culture. Egalement, ils leur attribuent la valeur d’être des travailleurs possédant une force physique. Par contre selon eux les Wallisiens seraient vus comme des « brutes », des vantards et sans- gênes, irrespectueux et se sentant toujours supérieurs aux Kanak. Sous la protection du Blanc, ils bénéficieraient des emplois et des avantages sociaux à leur détriment » (285). Les Wallisiens eux, reconnaissent en général que les Kanak sont chez eux, au même titre que les Wallisiens dans leur île. Mais selon eux, « les kanak sont sales , (286) fainéants, naïfs envers le Blanc, des incapables qui veulent « le beurre et l’argent du beurre ». Apparemment, les préjugés des uns envers les autres ont traversé le temps et l’espace et les hommes. Les Wallisiens et les Kanak ont les préjugés quasi semblables qu’avaient les colons et missionnaires Blancs envers eux lors des premiers contacts.

Autre phénomène marquant les barrières mentales influencées par les structures politiques du moment c’est le « régionalisme » (287) ou plus récemment le « provincialisme », phénomène de réticence envers ceux habitants une autre région, bat son plein à partir des années quatre vingt. Pendant ce temps, la communauté kanak commence à s’affirmer politiquement, et demande son émancipation, d’autant plus qu’elle est en situation d’infériorité numérique par rapport aux autres populations non indigènes. On peut déjà à cette époque, entrevoir les prémices de conflits ethniques qui se limitent au début, à des bagarres de bandes au centre ville, lors de fêtes populaires entre les wallisiens et les kanaks (carnaval, braderie etc. dans les années 80). (288)

Le fale fono correspondant à la maison commune des wallisiens de Païta.

Le fale fono correspondant à la maison commune des wallisiens de Païta.

D. Affirmations identitaires à travers des parcours historiques

L’identité ici est l’ensemble des caractères propres et fondamentaux à une culture. La Nouvelle Calédonie vit actuellement, une période charnière dans un contexte politique particulier qu’est l’Accord de Nouméa. Cet accord politique, est le résultat ou la conséquence de 150 ans d’histoire coloniale entre l’Etat français et les communautés autochtones de l’archipel calédonien. Entre l’arrivée du James Cook, en 1774 et la prise de possession par la France en 1853 d’ « OPAO (289)», les communautés mélanésiennes ont subit, soit, des transformations visibles dans leur société, mais ont su aussi, exploiter à leur guise les nouveaux arrivés dans l’échiquier politique traditionnel d’antan.

En 1998, l’Accord dit « de Nouméa » jettent les bases d’une politique consensuelle dont l’objectif est le partage du pouvoir pour une autonomie élargie voire une indépendance associée à la France. L’Etat cède au gouvernement local plusieurs compétences de façon échelonnées. A l’heure où nous écrivons ces lignes, des pourparlers se font à Paris, concernant la prise en main de l’enseignement du second degré par le territoire. Les communautés autochtones, les descendants des colons, les communautés migrantes, adhèrent en grande majorité à ce projet ambitieux autour d’idées fortes que l’on retrouve dans les discours des personnes publiques ou civils : celles « du vivre ensemble », « de communauté de destin » et « de destin commun » ou « d’une Citoyenneté Calédonienne » (290).

Concernant notre patrimoine historique, Frédérique Angleviel nous rassure quand il écrit :

« Les graves troubles politiques qui secouèrent le Caillou durant la décennie 1980 obligèrent ainsi les ressortissants des communautés allogènes à se plonger dans l’histoire, seule l’épaisseur du temps étant à même de leur attribuer une certaine légitimité. Parallèlement, cette conscientisation entraîna la nécessaire prise en compte des relations conflictuelles qui caractérisent cette colonie de peuplement. (291)»

Effectivement, certains historiens calédoniens ont abordé des sujets autrefois « tabous » et pour ne citer que quelques uns de ces auteurs : Jean Louis BARBANCON qui a publié plusieurs ouvrages à partir de 1991 dont : « le pays du non dit » , « la terre du Lézard » en 1995 , « le javelot brisé » en 1997 et a soutenu une thèse en 2000 sur la colonisation pénale au XIXème siècle.

Jean VAN MAI (292)dès 1980 a publié sur l’histoire de sa propre communauté intitulé : « Chân Dang : Les tonkinois de Calédonie au temps colonial ». Jean-Luc Maurer a publié en 2006 sur la communauté indonésienne de Nouvelle-Calédonie : « les javanais du Caillou (293) » et aborde la question de l’immigration et de son intégration à la société calédonienne. Sous le patronage de l’Association pour la commémoration du centenaire de la Présence Japonaise en Nouvelle Calédonie. Kobayashi, Tadao a publié un livre dont le sujet est : « les japonais en Nouvelle Calédonie » : histoire des émigrés sous contrat (294) quant à Mehdi Lallaoui il a écrit sur le : « Kabyles du Pacifique (295) » en 1994 en hommage aux descendants kabyles du pays.

Concernant les populations océaniennes, le retour aux sources historique a été tardif. Seule, l’association « Tavaka » composée de personnes originaires de Wallis et Futuna, ont fait un travail de recherche historique important, un travail entrepris depuis 2005 et une exposition de photos et un livre collectif rassemblant leur trouvaille a été inaugurée au centre culturel Tjibaou le 25 juillet 2009. Cette initiative a eu l’opportunité de retisser les liens de manière officielle entre la communauté wallisienne et les communautés kanak représentées par le Sénat coutumier, ces liens traditionnels qui ont été relativement rompus par plusieurs siècles de colonisation française. La relation particulière entre Ouvéa Lalo et Uvéa Mamao a été une occasion de faire revivre le mythe de Kaukelo, ancêtre commun fondateur de plusieurs clans et chefferies d’Ouvéa. Cet évènement marque en fait une démarche identitaire, contrairement aux autres communautés allogènes, cette démarche est fondée non seulement sur des valeurs historiques mais notamment sur des valeurs culturelles fortes, ce qui rend la démarche intéressante, singulière et authentique.

Concernant l’identité propre aux Kanak, nous laisserons le précurseur des premiers signes identitaires kanak s’exprimer. Jean Marie Tjibaou évoque l’origine de l’emploi du mot « kanak » comme concept identitaire :

« Le terme kanak, tel que nous l’avons adopté aujourd’hui, c’est une prise de position par rapport à la colonisation. Nous avons été reconnu au début ; le capitaine Cook a fait la coutume au gens qu’il a trouvés, les kanak. Puis, avec la colonisation, nous sommes devenus des « sales kanaks », avec les missionnaires nous étions des « Mélanésiens ». Quand on a commencé à prendre en considération les revendications kanak, et surtout en 1951, quand les kanak ont voté et qu’ils ont eu la majorité à l’assemblée, nous sommes devenus les « autochtones ». « Mélanésiens », « Autochtones », nous sommes fatigués d’être baptisés différemment par des gens qui ne nous connaissent pas. Alors nous avons décidé, à travers la revendication d’indépendance, que nous nous appellerions « kanak » et que notre pays ce serait « Kanaky » (296).

Nous savons que l’identité kanak a été officiellement reconnue depuis 1988 à la signature des accords de Matignon. Puis elle a été avalisée dès 1999 avec l’accord de Nouméa mettent les kanak sont au centre du dispositif. Or, on peut lire dans le cahier de note de Jean Marie Tjibaou, un appel à une identité à l’échelle de l’Océanie dès 1984 :

« J’appelle les plus vieux peuples d’Océanie à se joindre à nous dans ce pilou qui nous met en communion avec l’esprit de la montagne rouge.
J’appelle les fils et les petits fils de Maui et tout ceux, sortit de Hawaïki, ont essaimé pour donner la vie à la mer et aux îles de Polynésie.
J’appelle la Micronésie pour qu’elle rassemble la Polynésie et la Mélanésie.
J’appelle en dernier, les gens de la maison de Manus, d’Irian Jaya, de Papouasie, de Salomon, de Fidji, de Vanuatu, à faire résonner de leur pas le caillou mélanésien. (297) »

Ce sentiment d’appartenance à « l’Océanie » a émergé véritablement avec la création du premier parti politique wallisien et futunien mené par Kalépo Muliava en 1989 intitulé : Union Océanienne.

2. Entre diaspora et enracinements

La « Diaspora (298) » est la dispersion de la communauté juive en dehors du pays d’Israël. L’utilisation de ce mot, n’est qu’un emprunt pour signifier, non pas la dispersion juive mais sur une plus petite échelle, la dispersion d’une « communauté » culturelle spécifique, les Wallisiens et les Futuniens, en dehors de leurs archipels originels de Wallis et Futuna. Il s’agit de pointer plus particulièrement le phénomène d’immigration en Nouvelle Calédonie. La « diaspora » n’est pas un phénomène propre aux Wallisiens et Futuniens en Nouvelle Calédonie, mais elle concerne toute les populations provenant en général du berceau polynésien occidental. Par exemple, il y aurait autant de Samoans ou de Tongiens en Nouvelle Zélande que dans leur propre archipel (299). Peut-on rapprocher ce phénomène moderne et contemporain avec la notion « d’enracinement » traditionnelle et précoloniale abordée précédemment ?

A. Urbanisation et accélération du phénomène migratoire

Le développement des réseaux de communication (routes, aérodromes, ports etc.) que les américains ont légué aux territoires Français, a facilité la création d’une ligne aérienne mensuelle utilisant un DC 10 entre les deux territoires dans les années cinquante. Du coup, des vagues successives de français d’origine polynésienne se sont installées dans la Grande Terre, dans les villages miniers. Progressivement l’urbanisation a débuté autour de Nouméa. Avant la deuxième guerre mondiale, les « Polynésiens » n’étaient pas très nombreux et ne constituaient pas encore vraiment aux yeux de l’administration ou des autres populations une réelle entité spécifique. Elle devient une « communauté » à part entière à la fin des années cinquante. Le recensement de la Nouvelle-Calédonie a distingué le groupe ethnique wallisien seulement à partir des années soixante.

Actuellement, les Wallisiens et Futuniens représentent plus de 20 000 personnes (300), soit une population beaucoup plus importante qu’à Wallis et Futuna réunis. On les retrouve essentiellement dans les quartiers nord de la ville (Pierre Lenquette, Tindu, Kaméré, Rivière Salée, Saint Quentin, Normandie etc.). Aussi, la présence de Wallisiens et de Futuniens augmente par l’importance quantitative démographique, mais aussi par la percée économique et sociale. Ces populations se sont imbriquées dans l’espace calédonien grâce aux instances administratives mais également grâce aux ecclésiastiques (301). Par exemple, les missions catholiques de la Conception et de Saint Louis près de Nouméa, à Dumbéa (lieu dit du Calvaire), ou encore à Païta, ont accueilli des centaines de familles wallisiennes et futuniennes à partir des années soixante et soixante dix. Ce soutien logistique de l’Eglise calédonienne aux ressortissants wallisiens semble s’inscrire dans un continuum des rapports passés coloniaux auxquels nous avons fait allusion plus haut, d’autant que ces nouveaux venus constituent de fervents catholiques issus de la théocratie de ces archipels.

Dans les villages miniers de Thio, Kouaoua et Népoui, se forment de véritables camps dortoirs dans lesquelles se regroupent des familles de même origine. A l’heure actuelle, ces « enclaves » existent toujours, par contre les enfants de ces premiers mineurs ont en général migré vers la ville de Nouméa en gardant tout de même une attache à leur commune de naissance. Par ailleurs, la répartition géographique de la population de Nouméa au sein des quartiers reflète en fin de compte des cantonnements ethniques qui intensifient plus les antagonismes et moins les échanges (302).

Pourtant, les métissages entre wallisiens et Kanaks sont de plus en plus fréquents, même si le contexte politique n’y était pas favorable à une période donnée, depuis l’accord de Nouméa cette mixité semble se développer considérablement. Il serait intéressant d’enquêter auprès des couples mixtes et des enfants métis (303) et de s’intéresser à leur vécu en rapport à leur double culture au sein de la vie politique et idéologique calédonienne. L’étude de cette catégorie de population permettra sans doute de mesurer l’importance des nouveaux réseaux « coutumiers » qui se sont créés ou perpétués depuis la période post coloniale. Effectivement, tous les enfants issus d’un couple mixte dont le père est kanak sont considérés de statut particulier. Ceux dont le père est « Wallisien » par exemple, les enfants appartiennent au statut de droit commun mais peuvent hérités des terres ancestrales de leur père ou de leurs aïeux.

B. L’acculturation et la difficile intégration sociale

L’acculturation au sens que nous propose l’anthropologie culturelle désigne les phénomènes de contacts et d’interpénétration entre civilisations différentes, ici entre les migrants polynésiens et le monde moderne urbain de l’occident auquel Nouméa est le reflet et aussi la capitale.

Le phénomène de « ghettoïsation » que l’on observe, c’est-à-dire la concentration d’une même ethnie dans un même lieu d’habitat a permis aux familles tout de même, de perpétuer un mode de vie faka Uvéa. Provenant de sociétés spécifiquement agricoles, la plupart des familles, même celles des quartiers populaires, vont perpétuer autant que faire ce peu, les cultures vivrières ancestrales, en plantant des bananiers, des taros, du manioc, du tabac. Ces cultures traditionnelles s’effectueront dans les terrains vagues aux abords des quartiers résidentiels, à l’endroit où se multiplieront surtout à partir des années quatre vingt le phénomène de « squats ». Ces lieux de vie marginaux absorberont essentiellement les familles du nord de la Grande-Terre et des îles, à la recherche d’une vie meilleure, et aussi les Océaniens parmi les plus démunis n’ayant pas les moyens pour s’acquitter un loyer. Cultivés souvent par les premières générations d’immigrés, ces terrains ont permis d’une part de maintenir le mode culinaire traditionnel, et d’autre part de fournir un complément de nourriture aux familles aux salaires insuffisants et particulièrement faibles. Les projets immobiliers en plein expansion en Province sud ne permettent pas malheureusement à ces familles de garder de façon permanente les lopins de terre.

La première génération arrivée après la deuxième guerre mondiale, sera mobilisée essentiellement autour du travail de manœuvre dans les mines ou dans le bâtiment. Ne sachant ni lire ni écrire en Français, la communication en a été entravée, d’autant que le contact avec les autres ethnies et populations était nouveau tant dans les entreprises qu’au sein de la vie civile. La solidarité « océanienne » a été un facteur déterminant à l’intégration au monde moderne. La génération suivante scolarisée en masse a bénéficié d’un accès à la formation diversifiée et donc a pu accéder à un niveau de vie plus élevée. Si la majorité de la jeunesse s’est investit comme leurs parents dans des métiers « prolétaires », d’autres ont accédé à des métiers de cadres moyens, d’artisans ou se sont engagés dans des carrières militaires, à l’extérieur du Territoire.

Les nouveaux migrants vont également maintenir une forte pratique religieuse par notamment une importante fréquentation dans les activités pastorales proposées par les missions catholiques : construction de chapelles, bénévolat, formation, infiltration dans les comités paroissiaux etc. Ce lien avec l’Eglise Catholique en Nouvelle Calédonie a permis à ces nouveaux immigrés océaniens de perpétuer les traditions calquées sur les cérémonies religieuses : la messe dominicale, le baptême, la communion, la confirmation, le mariage, le deuil sont des temps forts qui marquent la vie familiale au sein de la communauté. Chaque évènement est marqué par des rassemblements familiaux où le « umu » et la levée du kava sont de mise. Cette imprégnation religieuse constitue en fait un signe identitaire des Wallisiens et des Futuniens, même si elle a tendance à s’amenuiser avec la nouvelle génération montante.

Le fale fono correspondant à la maison commune des wallisiens de Païta.

Monument représentant l’archange Gabriel à sortie de Païta nord, cet édifice faite par une association wallisienne est l’objet de polémique car on peut y lire une inscription en lettre gothique : Destin Commun ou Apocalypse. Les Kanak y voient une provocation.

Monument représentant l’archange Gabriel à sortie de Païta nord

Lieu de prière construite par une association wallisienne et futunienne du lotissement Julisa. On peut apercevoir ce genre d’édifice à l’entrée des quartiers à forte concentration wallisienne.

Par contre l’explosion démographique sera aussi due à un fort taux de natalité dans ces familles. Ce qui entrainera bien évidemment à plus ou moins long terme, des problèmes sociaux de toutes sortes à la génération naissante : promiscuité de l’habitat, pertes de repères, échec scolaire, délinquances, etc. Malgré tout, les wallisiens et Futuniens, tout en voulant sauvegarder leurs traditions ancestrales polynésiennes, veulent notamment s’intégrer économiquement dans la société calédonienne en développement. La ghettoïsation des années 70 ou 80 semble s’atténuée avec le temps, les jeunes s’installent dans d’autres quartiers résidentiels selon leur moyen et abandonnent peu à peu et notamment la culture vivrière de leur parents. Ils fréquentent moins les églises et les cérémonies traditionnelles sont de plus en plus délaissées, la langue française se fait au détriment de leur langue maternelle. Il y a une véritable transformation de la communauté wallisienne en Nouvelle Calédonie.

3. Les nouveaux enjeux :

A. Les Wallisiens et Futuniens face au Nationalisme kanak

L’état mène une politique d’immigration massive dans le contexte de l’exploitation minière. Par ailleurs, contrairement aux protestants, l’église catholique, « protectrice » de la communauté wallisienne et futunienne, même si officiellement revendique sa neutralité dans la politique locale, cautionne par son attitude la politique étatique française en Nouvelle Calédonie (304). Logiquement la très grande majorité des wallisiens à partir des années 70 se positionne clairement pour la France et se range au sein du RPCR.

En 1975, le Festival « Mélanésia 2000 » marque le début du Nationalisme kanak incarné par Jean Marie Tjibaou qui se fait le porte-parole pour l’indépendance du pays. A partir de 1984, le FLNKS prône la lutte par le « boycotte actif » qui se résulte par des affrontements entre indépendantistes et non indépendantistes. Certains Wallisiens n’hésitent pas à s’embrigader pour quelques billets dans les milices armées du RPCR durant les évènements (305). Cet engagement paramilitaire à l’intérieur des terres kanakes va ternir leur image au sein des milieux kanak d’autant plus qu’on les sollicite en tant que gardiens de boîte de nuits ou comme vigilants dans les entreprises privées.

1988 est une année marquée par les évènements d’Ouvéa où dix neuf indépendantistes sont abattus par l’armée française après une prise d’otage. Notons que les prisent d’otages sont effectuées pour la plupart par des personnes originaires de Mouli au Sud et de Saint Joseph au nord, fiefs des fagaouvéa dont avons longuement évoqué dans les chapitres précédents. Le président du FLNKS et le chef du RPCR, incarné par Jacques LAFLEUR signent un accord de paix en 1988. Les accords de Matignon coûteront la vie au leader indépendantiste originaire de Hienghène, un an plus tard à Wadrilla Ouvéa, alors qu’il rendait hommage aux 19 kanaks tués lors de la prise d’otage. Ces évènements ont atteint un tel degré de violence que toute la population de la Nouvelle Calédonie a été fortement marquée. Plus particulièrement les habitants de l’île ont subit un traumatisme.

Au sein de la Communauté Wallisienne, l’ex prêtre Kalépo Muliava (306), fondateur d’un journal mensuel bilingue, dans la même année crée l’Union Océanienne (307) et se démarque de la droite locale. La particularité de ce partie c’est qu’il est mono ethnique, c’est-à-dire composé uniquement de Wallisiens et de Futuniens et que l’identité réclamée comme l’intitulé du mouvement l’indique est celle d’être « Océanien ». Il tente d’ouvrir une troisième voie dans l’échiquier politique alors que la communauté a toujours été traditionnellement sous le joug du RPCR (308), incarné par Jacques LAFLEUR. La mort prématurée de ce leader avortera son initiative politique. Or, ce revirement de situation nous semble important dans la compréhension des enjeux sociopolitiques contemporains. D’un point de vu anthropologique, il est intéressant1 d’analyser les rapports entre les groupes sociaux dans le contexte océanien.

Les accords de Nouméa soulèvent cette problématique, comment vivre ensemble en harmonie dans ce pays ? En 1998, ces accords seront ratifiés par les accords dits « de Nouméa » qui jettent les bases d’une politique à long terme dont l’objectif est le partage du pouvoir. L’Etat cède au gouvernement local plusieurs compétences de façon échelonnées. Les communautés autochtones, les descendants des colons, les communautés migrantes, adhèrent en grande majorité, au projet d’un destin commun, d’une citoyenneté calédonienne. L’ancien U.O (309) se désintègre en plusieurs groupuscules dont le RDO (310) porté par Alosio Sako. Cette dernière formation s’allie officiellement au FLNKS (311).

Pourtant, entre novembre 2001 et 2003 d’importants affrontements se produisent entre la tribu mélanésienne de Saint-Louis au Mont-Dore et le village Wallisien de l’Ave Maria et le bilan est lourd (312) : 2 jeunes kanaks et un Futunien ont trouvé la mort, plusieurs blessés de part et d’autres, 178 familles wallisiennes ont du quitter leur lieu de résidence, du côté kanak ou wallisiens, des dissensions internes se sont créées (313). Les conflits à caractère ethnique dans les établissements scolaires se multiplient, dans la commune de Dumbéa, sept familles wallisiennes ont quitté leur squat dû à des conflits les opposants à des jeunes kanaks (314).

A l’heure actuelle, les enseignants dans les collèges et lycées ou les forces publiques dans les rues doivent gérer quotidiennement cette « animosité » entre ces deux ethnies. Selon certains commentaires, cet épisode aurait pu faire basculer la Nouvelle Calédonie dans une guerre civile et l’expression « d’épuration ethnique » a été employée par des journalistes en mal de sensationnel pour caractériser ces évènements.

A l’opposé, la grande majorité des Wallisiens et des Futuniens en Nouvelle Calédonie de par leurs divergences (315) et de la concurrence post moderne en autre (316), semble toujours avoir occulté (consciemment ou non) leurs liens traditionnels avec « la communauté » kanak autochtone et encore moins leur lien possible de parenté (317). Récemment pourtant, une partie de celle-ci, semble au contraire vouloir retisser les alliances ancestrales rompues par la colonisation en évoquant publiquement le mythe qui les approche et de légitimer en quelque sorte leur présence. Au même titre que les autres communautés ethniques exogènes, « l’histoire » est révélée ici comme « un enracinement » et pour reprendre l’expression de Frédéric Angleviel, « une légitimité accrue en fonction de l’ancienneté ».

B. Emergence de nouveaux réseaux d’échanges kanako-wallisiens ?

La communauté Wallisienne et Futunienne contrairement aux autres communautés, a la singularité d’avoir mis en place les structures coutumières en Nouvelle Calédonie parallèlement aux structures traditionnelles de leurs archipels. En dehors des kanak dont les structures sont déjà en place, aucune autre communauté culturelle à notre connaissance, n’ont trouvé le besoin de prendre une telle cette initiative. Ainsi la communauté wallisienne du territoire a créé des associations correspondantes à leur district et plus précisément à leur paroisse respective sous l’égide du Père Sagato Iau, sous l’impulsion des coutumiers, a été à l’origine de cette mise en place dans les années 70. Ce dernier a été officiellement désigné comme représentant des wallisiens et des futuniens de Nouvelle Calédonie au près des royaumes de Wallis et Futuna. Les efforts de solidarité et d’entraide ont, par conséquent, été focalisés par les besoins de l’Eglise et des paroisses du Fenua au détriment sans doute des besoins des familles (318). La volonté de réformer ces structures pour l’adapter au contexte urbain calédonien pourrait se concrétiser par la nomination de représentants de quartier.

Ainsi cette organisation interne aux ressortissants Wallisiens et Futuniens permet d’organiser toutes les manifestations coutumières qui leur sont propres : les pogipogi, les katoaga, le kava royal, les funérailles etc.…Les représentants coutumiers participent notamment aux célébrations civiles, aux différentes manifestations communales ou provinciales aux quelles ils sont conviés. Lors de campagnes électorales ces structures coutumières constituent de véritables réseaux d’influence, voire d’instrumentalisation des partis politiques dominants de droite. C’est par ce biais là que se sont formés les partis mono ethniques Wallisiens à partir des années 80. En général, aujourd’hui les leaders politiques d’origines wallisiennes et futuniennes se sont plus ou moins infiltrés dans les structures coutumières grâce auxquelles ils peuvent avoir du soutient. Pour donner un exemple, Atélémo Ta’ofifénua qui été un élu du RPCR depuis sa création en 1974, a été longtemps Président du district et de la paroisse de Hahake et à la fin de sa vie il a été nommé Kivalu du Roi d’Uvéa Tomasi Kulimoétoké. Alosio SAKO, Président du RDO proche du FLNKS est Président actuelle de la paroisse et du district de Hihifo. D’autres engagés dans la politique calédonienne qu’ils soient pro ou anti indépendantistes jouent un rôle prépondérant dans les comités de paroisse locaux.

Les échanges avec les coutumiers kanak ne sont pas rares surtout dans les régions où les deux communautés océaniennes sont présentes : lors des inaugurations diverses, des fêtes religieuses mariages mixtes etc. Dans la période post coloniale, avant que les structures coutumières apparaissent, les contacts avec les kanak se restreignaient parfois à l’espace de résidence urbain et scolaire, et à l’espace entreprise ou religieux. Les autres contacts se faisaient à titre privé pour des liens d’amitiés et parfois de parentés. Effectivement les premiers mariages mixtes connus entre ces deux ethnies se sont concrétisés grâce au premier corps de gendarmes d’origine mélanésienne qui ont été mutés à Wallis ou à Futuna dans les années 50. La plupart sont revenus avec des épouses d’Uvéa ou de Futuna et se sont installés en milieu tribal.

Evidemment, la progéniture de ces alliances mixtes sont actuellement engagés dans la vie civile et coutumière en tant que kanak de statut particulier (319). Actuellement le « métissage » en milieu wallisiens et futuniens est important non seulement avec les Européens mais notamment avec toutes les couches culturelles présente. Toutes ces familles sont soumises de près ou de loin aux structures coutumières existantes par leur participation plus ou moins importante à la vie communautaire, il est d’autant plus vrai avec la communauté kanak. Ainsi nous pouvons dire que le mariage mixte entre les deux communautés en question, met naturellement en jonctions les deux structures traditionnelles en présences de manière régulière. N’assistons nous pas un renouvellement de réseaux « coutumiers » entre les kanaks et les « nouveaux immigrés polynésiens » ? Quels enjeux ces nouvelles affinités ancestrales peuvent provoquer dans l’échiquier politique du pays ou de la région ?

Photo 8 – Accords de Matignon signés en 1988 entre les 2 leaders oposants politiques

Photo 8 – Accords de Matignon signés en 1988 entre les 2 leaders oposants politiques

Conflits violentes entre Wallisiens de l’Avé Maria

Photo 9 Conflits violentes entre Wallisiens de l’Avé Maria Kanaks de la tribu de Saint Louis en 2001.

Geste de réconciliation entre les chefferies de et  Wallis et Futuna et le Sénat  Coutumier Le  25 juillet 2009.

photo 10 Geste de réconciliation entre les chefferies de et Wallis et Futuna et le Sénat Coutumier Le 25 juillet 2009.

Signature du contrat pour un nouveau cadre relationnel

Photo 11 Signature du contrat pour un nouveau cadre relationnel entre les coutumiers wallisiens et Futuniens et ceux de Nouvelle Calédonie au Centre Culturel Tjibaou.

Rencontre entre les chefferies  à Ouvéa en Avril2009

Photo 12 Rencontre entre les chefferies à Ouvéa en Avril 2009

Deuil royal de Tomasi Kulimoétoké en 2007

Deuil royal de Tomasi Kulimoétoké en 2007

265 Connely.B, Anderson, R. Premier Contact, les Papous découvrent les blanc, Ed Gallimard, 1989, 278 p.
In une histoire exemplaire par Jean Guiart, p. 251-252. L’observation de l’aspect physique des nouveaux venus (est ce qu’ils avaient un sexe ?) ainsi que leur habitude vitale (est-ce qu’ils faisaient leur besoin ? Avaient –ils des rapports sexuels ?)
266 Terme utilisé par les navigateurs européens pour désigner les insulaires.
267 Tylor E.B a été le premier ethnologue a employé le mot « culture » qui caractérise toutes les sociétés humaines.
268 Geneviève Vinsonneau, l’identité culturelle, Armand Colin, 2002, 233p.
269 Eric SORIANO
270 Doumenge J.P
271 Le mot « Kanak »ici est utilisé comme mot invariable, par contre nous utiliserons les mots : Autochtone, Indigène, Insulaire comme synonyme dans notre exposé.
272 Surnom de la Nouvelle Calédonie.
273 Même ce terme de « calédonien » est sujet à toutes les critiques, certains kanak refusent d’être identifiés comme « calédonien ».
274 On peut citer l’insurrection kanak de 1878, la rébellion de 1917 puis plus récemment les évènements de 1984 qui ont été largement abordé par d’autres auteurs. (À citer)
275 Terme hawaïen signifiant homme : « Kanaka » utilisé pour la première fois par les traders anglophones du 18 et 19ème siècle, désignant de manière péjorative les autochtones des îles de l’Océanie. Il a été officiellement repris par les premiers partisans de l’indépendance à la fin des années 60 comme signe identitaire puis plus tard dans les années 70 par les partis indépendantistes.
276 SPENCER Michel & Alan WARD & John CONNELL, Nouvelle Calédonie, Essai sur le nationalisme et la dépendance, Editions L’Harmattan, 1989.p 159.
277 Intervention de Julien Landfried, directeur de l’Observatoire du communautarisme, lors du colloque « Intégrismes, Communautarismes et Racisme » organisé par Avenir du MRAP, samedi 12 novembre 2005, Marseille.
278 Cf. Wallenstein. E, Le système du monde du XVème siècle à nos jours, Editions Flammarion, 1980, p 314.
279 Carmel Camillieri
280 Entre le riche et le pauvre, entre la droite et la gauche, entre le Blanc et le Noir, entre le colon et le colonisé, l’indigène et l’immigré, l’indépendantiste et le loyaliste, entre le Wallis et le Kanak…
281 Une controverse qui ressemble étrangement à la notion de « citoyenneté » que l’on a actée dans l’accord de Nouméa.
282 SPENCER Michel & Alan WARD & John CONNELL, Nouvelle Calédonie, Essai sur le nationalisme et la dépendance, Editions L’Harmattan, 1989. P 109.
283 BARTH, F, Ethnic groups and boundaries, London, G.Allen and Unwin, 1969.
284, Cf. Hamid MOKADDEM, le destin commun à l’épreuve du corps à corps électoral en Nouvelle Calédonie, op.cit., p 115.
285 Dominique PECHBERTY, The journal of Pacific studies, Vol.27 n° 1, 2004. L’auteur aborde aussi ces préjugés interethniques.
286 Les Kanak sont désignés par les Wallisiens et les Futuniens « te kau u’ li », peut être traduit par « les noirs » ; le mot « uli » en wallisien peut être aussi traduit par « sale, impropre ». Il serait intéressant de faire une étude linguistique de ce terme « uli » dans la langue wallisienne, l’influence missionnaire a sûrement détaché ce mot de son sens originel.
287 Le terme de « planches à voile » pour désigner les Loyaltiens par rapport à ceux de la Grande Terre, cette appellation a été utilisée pour la première fois à l’époque où la Nouvelle Calédonie organisée en régions ; terme évoqué aussi par Hamid MOKADDEM, sous la direction de Mounina CHATTI, Nicolas CLINCHAMPS et Stéphanie VIGIER dans, Pouvoir et politiques en Océanie, Editions l’ Harmattan, 2007, p 115.
288 Dans les témoignages personnels récoltés parmi les Wallisiens, les bagarres en générale contre les kanak commencent souvent par des provocations d’un seul individu, « venant tout juste d’arriver de Wallis ou de Futuna».
289 Nom d’origine polynésienne donné par les indigènes, à l’arrivée des européens pour désigner sans doute la région nord de la Grande Terre.
290 Or, ces idées s’apparentent à des slogans politiques et idéologiques en contradiction à d’autres réalités locales qui perdurent depuis longtemps que sont : La suprématie du holding international, les inégalités socio économiques, la xénophobie et les affrontements ethniques, l’antinomie culturelle et notamment « non dit » et de l’amnésie historique.
291 Angleviel F., Historiographie de la Nouvelle Calédonie, Sciences Humaines et Sociales, Editions Publibook Université(E.P.U) 362 p. ; p. 183.
292 Jean Van Maï est né en 1940.Enfance à la Mine Chagrin en Nouvelle-Calédonie, où ses parents, des Tonkinois, furent employés à leur arrivée sur le Caillou. Scolarité à Nouméa. Bibliographie : Chân Dang: Les Tonkinois de Calédonie au temps colonial. Nouméa: Société d’Études historiques, 1980.Fils de Chân Dang. Nouméa: Éditions de l’Océanie, 1983.Nouméa… Guadalcanal. Nouméa: Éditions de l’Océanie, 1988.Chapeaux de paille (Pilou-Pilou 1). Nouméa: Éditions de l’Océanie, 1998.L’Île de l’oubli (Pilou-Pilou 2). Nouméa: Éditions de l’Océanie, 1999.La Ville aux mille collines (Pilou-Pilou) Nouméa: Éditions de l’Océanie, 2002.
293 Jean-Luc Maurer, Les Javanais du Caillou : Des affres de l’exil aux aléas de l’intégration. Sociologie historique de la communauté indonésienne de Nouvelle-Calédonie, 2006.
294 Voir aussi Dany Dalmayrac Après le succès de son roman Les sentiers de l’espoir, Kanak et Nippo-Kanak en 2003, publie son dernier recueil de nouvelles littéraires intitulé, La petite bicyclette et autres Nouvelles japonaises et calédoniennes en 2008.
295 Mehdi Lallaoui, Kabyles du Pacifique, Edition Au nom de la mémoire, Bezons, France ,1994.
296 Cibau Jean Marie Tjibaou, Kamo pa Kavaac, ADCK, p. 52.
297 Op.cit. p 38.
298 Ce terme a été employé par d’autres auteurs dont Laurent Ridel dans : « Expression politique e la communauté wallisienne et futunienne » (opt.cité), pour spécifier l’importance de l’immigration en Nouvelle Calédonie. Effectivement, il y a beaucoup plus de ses ressortissants Uvéens en Nouvelle Calédonie que dans leur île d’origine.
299 CAMPBELL I.C – LATOUCHE, JP, les insulaires du Pacifique-Histoire et situation Politique, Ed Puf, 2001. 380 p.
300 Ce chiffre doit être confirmé par les résultats officiels du recensement qui sortira au cours de cette année 2010.
301 L’accueil des immigrés wallisiens ( tous catholiques) faisait parti des consignes données par le monseigneur Bresson évêque de la Nouvelle-Calédonie après la deuxième guerre mondiale auprès de son personnel ecclésiastique, le père Sagato a été un des prêtres wallisiens qui a joué un rôle déterminant dans cette prise en charge et surtout dans l’organisation et dans la formation de ces ressortissants en une entité « communautaire « reconnue.
302 Pour donner un exemple, le quartier de Montravel est habité majoritairement par des « kanak », la Baie Des Citrons par des « zoreilles », Yahoué ou Conception par les « Wallis », et la Vallée des Colons ou Logicoop par des « caldoches ».
303 Faire un recensement de ces enfants issus de mariages mixtes n’a jamais été faite.
304 Cf. Jean Marie KOLHER, Eglise et ordre colonial en Nouvelle Calédonie, dossier de témoignage chrétien.
305 Un certain nombre de faits sont révélés dans l’hebdomadaire indépendantiste Bwénando, on fait par exemple allusion à la milice de MORINI, Bwénando N° 1, du 20 décembre p 12 ; N° 9 du 5 septembre ; N° 14 du 16 Octobre, 1985.
306 Il avait créé pour la première fois en 1983, une liste « ethnique » polynésienne (composée de wallisiens et Futuniens) lors des Municipales de Nouméa et dont le nom n’est rien que : Wallis mo Futuna.
307 Le Logo de cette formation politique mono ethnique est bien évidemment la pirogue, symbole de la tradition migratoire ancestrale de cette « communauté » puis d’une étoile.
308 Rassemblement Pour la Calédonie dans la République. (RPCR)
309 Union Océanienne. (U.O)
310 Rassemblement Démocratique Océanienne.
311 Front de Libération Kanak Socialiste.
312 Plusieurs articles des Nouvelles Calédoniennes peuvent être consultés à ce sujet: du 11 juin 2002, 21 Mai 2008, 05 Décembre 2008, 24 Janvier 2009.
313 Ces évènements seront abordés dans le dernier chapitre de notre réflexion.
314 Faits apportés par TAUTUU Amasio, 5ème adjoint de la Mairie de Dumbéa en novembre 2008.
315 Divergences culturelles, linguistiques et politiques.
316 Nous faisons ici allusion à l’emploi et au statut social.
317 Ces concepts ont été abordés dans les chapitres précédents.
318 Les wallisiens et Futuniens de Nouvelle Calédonie participent annuellement à l’aide financière des différentes paroisses de l’archipel d’origine. Ils participent financièrement notamment au niveau de chaque village. Leur participation aux associations caritatives et religieuses de manière bénévoles est assez conséquente.
319 Koteureu à Kunié, Poadaé à Poindimié, Winémou à Poya, Bouillant à Touho, Siapo à Lifou, Wamytan à Saint Louis etc.

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