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Conclusion

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« La perception occidentale de l’histoire, c’est la recherche pure de la vérité. En tant qu’Océanien, notre vision est différente. On cherche avant tout à expliquer notre présence, à comprendre comment les peuples vivent avec leur histoire, plus qu’à connaître la vérité historique. D’où l’importance des légendes, qui sont une explication rêvée de notre existence (320)» Fizin Paul, un jeune doctorant en histoire de l’Université de Bordeaux, originaire de Lifou, nous a personnellement confirmer sa position, ce qui nous a conforté en tant qu’océanien quant à la stratégie d’approche de notre sujet d’étude.

Par ailleurs, ceux qu’on appelle communément « Polynésiens » et plus particulièrement ceux venant de la partie occidentale ont toujours alimenté des réseaux d’échanges traditionnels communs avec les habitants des archipels dits « mélanésiens », bien avant l’arrivée des premiers Européens dans cette partie du monde. Or, ces réseaux d’alliances quasi millénaires dont ni la distance, ni le temps, contrairement à ce que l’on pourrait croire, ne constituent un obstacle, défient les frontières ethno-géographique inventées de toute pièce par un certain Dumont D’Urville en 1832 : Polynésie/ Mélanésie/ Micronésie, ou de ce que l’on appelle aujourd’hui « le triangle polynésien (321)» terme préconisé par les océanistes.

La présence de plusieurs colonies d’individus parlant une langue polynésienne à l’intérieur de la région nommée « Mélanésie » caractérise le brassage humain entre océaniens dans la période de « pré-découverte » et confirme notamment l’idée d’une migration de masse organisée à longue distance. En Nouvelle Calédonie, le « fagaouvéa » est parlé aux extrémités de l’île d’Ouvéa, la plus septentrionale des îles Loyauté, et la tradition orale donne son origine aux îles Wallis situés à plus de 2000Km à l’est en Polynésie occidentale. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la migration dite « wallisienne » n’est qu’une migration « polynésienne » parmi tant d’autres , elle n’est en fait que le dernier épisode d’une épopée qui s’étend sur plusieurs siècles de contacts incessants entre les populations de ce vaste océan, interrompue par l’avenue soudaine d’autres voyageurs beaucoup puissants et beaucoup plus nombreux, venus de plus loin. Ouvéa, même si elle a été un lieu de concentration d’un groupe homogène linguistiquement parlant, elle n’a pas été le seul lieu d’enracinements et de contacts « polynésiens » de la partie occidentale. L’enracinement d’autres groupes au sein d’une chefferie, comme l’effet de dominos, va bousculer les habitudes et les stratégies de prestiges au point de parvenir parfois à des situations conflictuelles inter claniques.

Effectivement, la tradition orale et les faits historiques et notamment d’autres recherches en sciences sociales prouvent qu’il n’y a pas de ligne de démarcation culturelle entre « Polynésiens » et « Mélanésiens » mais que ces deux entités – distinctes et opposées selon la vision ou l’imagination européenne – ne sont en fait qu’une seule entité culturelle à l’intérieur de laquelle des relations complexes évoluent où des clans, des familles et autres groupes de parenté se côtoient , s’affrontent ou s’échangent . Si la venue de groupes dits polynésiens en Nouvelle Calédonie était presqu’un protocole à suivre, l’arrivée des Européens va bousculer de fond en combles.les procédures d’accueille traditionnelle.

Pour des raisons de contrôle et de sécurité, la colonisation occidentale a coupé court à ces réseaux naturels et ont privilégié au contraire, des frontières géographiques et mentales, au point de faire intégrer aux Océaniens des valeurs qui n’étaient pas les leur et de faire naître entre eux des rivalités et des oppositions qui n’étaient pas évidentes auparavant. L’idéologie « raciste » européenne dont parle Tcherkezoff (322) a toujours privilégié les Océaniens « à peau clairs » au détriment des Océaniens « à peau noirs », les mettant ainsi en rivalité constante. Les premiers servant de boucliers musclés profrançais face aux seconds afin tout bonnement de parfaire le projet colonial ou d’évangélisation en légitimant ainsi la présence protectrice et civilisatrice des vieux continents.

C’est sous l’égide de l’administration française et sous la protection de l’église catholique, une forte population de wallisiens et de Futuniens s’est installée récemment en Nouvelle Calédonie pour travailler et rejoindre ainsi d’autres travailleurs d’origines diverses sous contrat. La fin de l’indigénat a fait naître par le biais des nouvelles relations établies entre le colonisé et le colonisateur, un nouveau discours politique qui se résume à « une Nouvelle Calédonie multiraciale ».

L’évolution démographique des Wallisiens et Futuniens et surtout sa concentration géographique en milieu urbain va créer de nouveaux réseaux de communications internes dans lesquels les us et coutumes seront réadaptés. La montée du nationalisme indigène va conforter toutes les associations culturelles extrinsèques à avoir un sentiment d’appartenance à une véritable « communauté culturelle » à part entière. Ainsi se profile ici de manière étonnante, l’architecture sociale propre aux sociétés océaniennes en autre à la société kanak : les nouveaux groupes se comportant et s’identifiant à de véritables clans accueillis par les clans kanaks (323).

Dans le processus identitaire et de légitimation, les représentants de « la communauté Wallisienne et Futunienne » mettent en avant le mythe de Kaukelo, comme un lien « historique » fondateur entre la chefferie kanake de l’île d’Ouvéa, et les chefferies de Wallis et Futuna. Le mythe va être le point de départ pour amorcer un renouveau social et politique au sein de cette communauté de plus en plus importante. Cette dernière mettra en exergue en terme culturel des « rapports de parenté » et de généalogie, critère d’identité en Océanie, concept au quel Godelier a longuement évoqué dans ses travaux (324).

Une nouvelle donne et non pas des moindres vient se greffer à cette situation complexe de relation sociale, c’est l’émergence d’un métissage généralisé. Par exemple les mariages mixtes entre les polynésiens et les mélanésiens perpétuent et ouvrent de nouveaux liens ou réhabilitent d’anciens. Cette nouvelle donne ne peut qu’améliorer les relations duelles souvent conflictuelles jusqu’à là entre ces deux groupes. Le discours solennel de juillet 2009 entre les chefferies respectives découle justement de ces chemins coutumiers ancestraux renoués. Malgré tout, cet évènement de réconciliation coutumière ne peut effacer deux siècles de colonisation, n’est-ce pas à l’échelle politique, dans le cadre de l’accord de Nouméa que la « Communauté de destin » peut s’affirmer pleinement ?

320 Les Nouvelles Calédoniennes, janvier 2009.
321 Voire la carte p 20.
322 Cf. Tcherkézoff, Serge,
323 Jean Louis Barbançon évoque dans une de ses œuvres « la terre du Lézard » son appropriation du mythe kanak dans toute sa spiritualité en tant que calédonien d’origine européenne. Jean Guiart dit ceci de l’auteur :
« …la plupart des Européens sont bien incapables de parvenir à cette forme de connaissance que les Canaques acquièrent au fil de la vie, soit parce que les premiers l’ignorent entièrement, ou la méprisent superbement, soit par ce qu’ils sont pris au piège de la connaissance cartésienne, ou comme trop d’historiens, ne croit qu’à l’écrit. En pays colonial, l’écrit est trop souvent volontairement censuré ou faussé- constitué si souvent de document imaginaires créant une histoire civilisatrice qui n’a jamais existé… » JSO, 1996, Volume 2. N° 102, pp 119- 121.
324 Collectif sous la direction d’Armand TOUATI, Cultures et Personnalité, Le journal des Psychologues, avril 1989, p 25à 32.

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