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B.Comparaison des sommes allouées selon les chefs de préjudice

Il apparaît presque impossible de procéder à une comparaison des montants alloués selon les
chefs de préjudice (gain manqué et pertes subies). Comme nous l’avons déjà signalé, les
décisions ne donnent qu’exceptionnellement ces indications. Cependant, ils nous semble
toutefois que l’on peut considérer que les pertes subies par le titulaire sont
proportionnellement mieux indemnisées en droit des marques qu’en droit des brevets.
A l’inverse, les gains manqués seraient mieux réparés en droit dans ce dernier domaine.

Sur les vingt-huit décisions étudiées en droit des brevets, seules deux d’entre elles distinguent
les dommages et intérêts alloués au titre du gain manqué et au titre des pertes subies.

La première une somme de 256 347(85) euros au titre du gain manqué et une somme de 50 000
euros au titre des pertes subies. La seconde décision(86) fait état de la somme de 340 198 euros
au titre du gain manqué et de celle de 30 000 euros au titre des pertes subies. Ainsi dans la
première espèce est accordée une somme plus de cinq fois plus importante au titre du gain
manqué qu’au titre des pertes subies et dans la seconde, les dommages et intérêts sont plus de
dix fois plus importants pour le gain manqué que pour les pertes subies. Naturellement nous
ne pouvons faire de ces deux espèces une généralité mais tout au plus des indices. Mais par
ailleurs, les motivations des décisions en droit des brevets mettent le plus souvent en avant la
masse contrefaisante pour justifier le montant de la condamnation(87).

En revanche en droit des marques, le préjudice du chef des pertes subies semble occuper une
place plus importante, au moins par rapport au montant global des dommages et intérêts
alloués. Par exemple la décision qui fait état du plus haut montant(88), 150 000 euros, se fonde
uniquement sur le préjudice du chef des pertes subies. D’une part est mis en avant la notoriété
de la marque contrefaite, qui « (…) constitue un élément majeur de la société ». L’on sait que
la dépréciation de la marque, voire sa banalisation est un élément important du préjudice du
chef des pertes subies et que celui-ci est d’autant plus grand que la marque est connue du
public. D’autre part le Tribunal tient également compte des « investissements importants »
supportés par le titulaire « pour le développement de ses marques ». De même la diminution
de l’impact d’investissements promotionnels en raison de la contrefaçon est également
classiquement pris en compte au titre des pertes subies.

Une autre décision(89) allouant un montant important de dommages et intérêts pour une
contrefaçon de marque, soit 100 000 euros justifie une telle somme non pas par le gain
manqué mais exclusivement par référence à des éléments du chef de préjudice des pertes
subies. Ainsi, le Tribunal énonce « (…) pour apprécier l’importance du préjudice subi par la
demanderesse, il y a lieu de prendre en considération la notoriété non contestée des marques
et signes Vuitton et l’importance de son site internet dont elle souligne qu’elle a investi des
sommes élevées pour assurer une présentation soignée et recherchée de son image ». Ce sont
donc ici aussi uniquement la dépréciation de la marque et les investissements promotionnels
qui sont pris en compte pour justifier la somme allouée.

De plus, il n’est pas rare qu’en droit des marques, les demandes formulées au titre du gain
manqué ne soient pas accueillies. Ce sera le cas soit parce que la diffusion d’objets
contrefaisants a été très limitée(90), soit parce que l’importance de l’activité contrefaisante n’est
pas démontrée(91), soit enfin parce qu’il y a eu contrefaçon par le dépôt d’une marque identique
ou similaire qui n’a pas encore été exploitée. Dans ces situations, les juges n’accorderont des
dommages et intérêts en ne se fondant que sur les pertes subies. Par exemple dans l’affaire
« Nutri-Riche », en première instance le Tribunal avait constaté que le préjudice résultait
exclusivement de l’atteinte portée à la marque et avait alloué la somme de 30 000 euros à ce
titre(92). Il arrive enfin que les juges allouent des dommages et intérêts sur ce chef de préjudice
de manière forfaitaire(93).

85 TGI Paris, 23 fév. 2007, « Ptc SA c./ Anlagentechnik-Baumaschinen-Industriebedarf Maschinenfabrik und
Vertriebsgellschaft et autre », PIBD 2007, 851-III-297.
86 Paris, 26 oct. 2007, « SSI Schaefer SA c./ Citec Environnement SA », PIBD 2008, 865-III-2.
87 Voir par exemple : TGI Paris, 5 nov. 2004, « Ebrahim Simhaee c./ Multy Pack SA », PIBD 2005, 802-III-102.
88 TGI Paris, 24 janv. 2007, « Fotovista SA c./ Photoways.com SA », PIBD 2007, 850-III-286.
89 TGI Paris, 4 fév. 2005, « Louis Vuitton Malletier SA c./ Google Inc et autre », PIBD 2005, 807-III-276.
90 Voir par exemple : TGI Paris, 10 nov. 2006, « Dinh Van SAS c./ Arthus Bertrand SA et autres », PIBD 2007,
846-III-116 où le Tribunal, n’ayant retenu que des actes très limités de contrefaçon par reproduction, énonce que
« le préjudice se résume en conséquence à une simple atteinte à la marque par la banalisation du signe ».
91 TGI Paris, 30 avr. 2003, « Chantelle SA c./ Manufacturas Femininas LTDA et autres », PIBD 2003, 772-III-
479.
92 Voir par exemple : TGI Paris, 9 mars 2004, « Lancôme Parfums et autres c./ Butress et autre », PIBD 2004,
790-III-421.
93 TGI Paris, 30 avr. 2003, préc. où une somme forfaitaire de 15 000 euros avait été allouée sur le fondement de
la dévalorisation de la marque et de la dépréciation de sa valeur attractive.

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