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B) Les phénomènes d’anti-sélection, d’aléa moral et d’asymétrie d’information

ADIAL

40 L’âge avancé auquel survient la souscription n’est pas la seule difficulté rencontrée par l’assureur. En effet, la dépendance est un risque touchant les personnes. De ce fait, l’assuré à une meilleure connaissance de lui-même que l’assureur créant ainsi un délicat phénomène d’anti-sélection. Par ailleurs le comportement de l’assuré évolue lorsqu’il bénéficie d’une couverture (1). Les assureurs ont donc du trouver des solutions pour les résoudre (2).

1) Les problèmes

41 La difficulté principale de la couverture de la dépendance pour l’assureur est l’asymétrie d’information, à l’instar de tous les risques liés à la santé. A cet égard, il est possible que lors de la souscription du contrat, le candidat a eu des antécédents médicaux augurant une exposition particulière au risque. Les assureurs privés sont, dès lors, confrontés au problème particulier de l’anti-sélection qui les conduit à faire face à une demande de couverture de la part de candidats pour lesquels la probabilité de dépendance est plus élevée que la moyenne de la population française. Les assureurs rencontrent, donc, des difficultés pour identifier les hauts risques de dépendance, difficultés accentuées par le fait que la dépendance, notamment d’origine neuro-dégénérative, survient 20 ou 30 ans après la souscription. Les assureurs se retrouvent confrontés à deux cas de figure. En premier lieu, l’assuré peut dissimuler une maladie connue de lui seul. Il dispose dans ce cas d’une information ignorée par l’assureur. Il s’agit d’une situation d’anti sélection classique mais il est également possible que l’assuré ignore un risque important de dépendance lourde.
42 Les études américaines en la matière sont particulièrement criantes en la matière. Ne souscriraient aux contrats dépendance que des personnes qui savent qu’elles ont un risque de dépendance élevé. On constate ainsi que les personnes qui souscrivent un contrat d’assurance dépendance ont une probabilité d’être dépendantes significativement plus forte que celles qui n’en souscrivent pas et que les personnes qui ne renouvellent pas leur contrat d’assurance dépendance ont une probabilité d’être dépendantes significativement plus faible que celles qui renouvellent leurs contrats66. On retrouve ici un risque classique de l’assurance maladie, qui doit être traité dans les mêmes conditions que celui-ci.
43 Enfin, l’aléa moral est un risque important pour l’assureur. Il peut se définir comme le risque qu’un assuré se comporte différemment que s’il était totalement exposé au risque. Il constitue un risque de dérive dans les couts comme celle qui a été constaté pour les allocations allouées aux handicapés avec des croissances à deux chiffres sans relation avec l’état de santé réel des populations concernées. En matière de dépendance, l’aléa moral est moins lié au comportement de l’assuré qu’à l’environnement social. La perception de la dépendance comme un risque est très récente. Elle est moins liée à l’enrichissement de la société qu’à l’exode rural et la volonté d’autonomie des parents et des enfants, avec pour conséquence que les parents âgés vivent de moins en moins souvent sous le même toit que leurs enfants. Cette évolution souligne combien la notion de dépendance est déterminée par la perception sociale des individus. Or, cette perception sociale n’a aucune raison de se stabiliser au cours des prochaines années. Elle aura d’autant moins tendance à se stabiliser que les critères de la dépendance sont relativement flous et susceptibles d’une dérive des interprétations en fonction du « climat » social : demain, on considérera peut-être qu’avoir des difficultés à prendre un bain définit une incapacité à faire sa toilette, etc. Ce risque ne s’est pas encore matérialisé pour la dépendance mais la dérive des couts en matière de frais de santé constitue une bonne illustration de ce qui pourrait se passer à l’avenir pour la dépendance. Si ce risque n’a pas eu tendance à se matérialiser, c’est parce que l’enjeu était mince jusqu’à présent. Dès lors que la dépendance devient un enjeu de société, le risque de dérive du contenu des contrats d’assurance dépendance signés plusieurs années auparavant, notamment à travers des décisions de justice, devient réel et cela à trois niveaux : au niveau du seuil à partir duquel on est considéré comme dépendant ; au niveau de l’appréciation de l’intensité de la dépendance mais également au niveau de l’assistance jugée normale par rapport à un certain degré de dépendance. Dans les cas où la pathologie n’est pas de nature physiologique (rhumatisme sévère, handicap physique, etc.), la mise au point de critères neuropsychiatriques pourrait à terme réduire l’ampleur de cet aléa moral, car elle permettrait de relier une difficulté à effectuer un acte de la vie quotidienne à une donnée pathologique néanmoins objective.

2) Solutions mises en place

44 Pour réduire les risques d’anti-sélection en situation d’information imparfaite, les assureurs ont recouru à trois grandes techniques.
45 En premier lieu, le questionnaire médical, qui est une mesure objective de l’état de santé du candidat, permet de discriminer les risques aggravés auxquels est appliquée une majoration de cotisation en fonction du pronostic à long terme de la pathologie.

46 Par ailleurs, afin de limiter les risques d’anti-sélection, le contrat comporte des délais de carence différenciés selon la cause de la dépendance. Le délai de carence est une période d’attente en début de contrat pendant laquelle l’assuré n’est pas couvert pour certains types de dépendance. La garantie est acquise : immédiatement, en cas de dépendance suite à un accident, après un délai de carence d’un an pour toutes les autres causes physiques de dépendance et après un délai de trois ans si la dépendance est due à une démence sénile ou à la maladie d’Alzeimer. Ce délai s’explique par le fait que cette pathologie évolue lentement et qu’il est plus difficile de parvenir à dater le début de l’état de dépendance. Si la dépendance survient pendant ces délais, les cotisations payées par l’assuré lui sont intégralement remboursées. Ces délais complètent ainsi la sélection médicale.
47 Enfin, le risque d’aléa moral, quant à lui, constitue probablement le grand défi de l’assurance dépendance car les solutions classiques pour lutter contre ce phénomène67, sont difficilement transposables au cas de la dépendance. Par conséquent, les contrats de type « fixed prime » qui attribuent un montant forfaitaire à l’agent en laissant à celui-ci le soin d’effectuer les dépenses nécessaires, par rapport aux contrats de type « cost-plus » qui remboursent l’ensemble des coûts exposés par l’agent, fournissent une meilleure solution car le comportement de ce dernier n’a plus d’importance pour l’assureur68. Ainsi, cette théorie conduit à privilégier les contrats à versement forfaitaire où la concurrence et l’innovation se portera seulement sur l’offre de produits qui allie meilleure maîtrise du risque et meilleure adaptation aux besoins des assurés. Néanmoins des produits « personnalisés » resteront possibles avec l’introduction d’une flexibilité accrue (versement en capital ou en rente) ou de prestations de conseil sans intervention financière telles qu’en matière d’équipement du logement, d’assistance psychologique, d’orientation médicale.
48 Cependant, l’ensemble de ces mesures permettant de limiter les difficultés rencontrées sont aussi la raison du taux élevé de refus qui caractérise le marché de l’assurance dépendance individuelle et diminue l’attrait des garanties individuelles empêchant la couverture d’une population suffisamment vaste pour faire face au raz de marée démographique auquel les pays développés seront confrontés.

66 A. Finkelstein ; K. Mc Garry, « Private Information and its Effect on Market Equilibrium : Evidence from Long Term Care Insurance », document de travail du NBER, 2003 n° 9, p.957,
67Comme le partage du risque avec l’agent, les contrôles, la concurrence comparative, la souscription de contrats renouvelables et la fusion avec l’agent 68 J.J. Laffont; J. Tirole, A Theory of Incentives in Procurement and Regulation, MIT Press, 1993.

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