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B : Les justifications du principe.

ADIAL

78. Si le principe de l’assimilation de la faute lourde au dol a persévéré, c’est en raison de son utilité pratique, d’une part, sur le terrain de la preuve (1) et d’autre part au regard de l’intérêt social (2).

1 : L’argument probatoire.

79. L’assimilation de la faute lourde au dol a surtout été défendue par la doctrine comme une règle de preuve. A ce sujet, il faut rappeler que ce qui distingue la faute lourde du dol est que la première est celle qui trahit une impéritie ou une incurie poussée à un degré étonnant , elle n’est pas intentionnelle et ne traduit pas la mauvaise foi du débiteur comme cela est le cas pour le dol. Or, dans le cadre du dol, il n’est pas aisé de savoir ce qui s’est passé dans l’esprit de la personne qui a adopté un tel comportement et, notamment, si elle a voulu réellement le dommage causé. A défaut de saisir directement l’intention de nuire qui appartient au domaine psychologique, on est obligé de se référer à la structure objective des agissements. Or, l’énormité de la faute lourde est l’un des éléments qui porte à penser que l’agent était en état de dol . Selon Monsieur le professeur Léon Mazeaud , le fait qu’une faute objectivement grave révèle en général l’intention de nuire chez celui qui l’a commise est une constatation d’expérience qui conduit à admettre, non pas que la négligence à son degré le plus répréhensible participe psychologiquement de l’intention coupable, mais, qu’en réalité, elle l’a fait présumer. En effet, l’auteur d’une faute intentionnelle, dit-on, « prend toujours le masque facile de la bêtise » . Il convient de la gravité de sa faute, mais il affirme sa bonne foi. Il prétend que « sans doute il s’est comporté d’une manière absurde ; que, sans doute, son acte paraît être celui d’un individu qui a désiré le dommage, mais qu’en réalité, s’il est un imbécile, il n’est pas un méchant » . L’assimilation de la faute lourde au dol permet de couper court à cette défense en créant une présomption : la faute lourde fait présumer la faute intentionnelle. Evidemment, cette présomption, ne rentrant pas dans la catégorie de celles que l’article 1352 du Code civil déclare irréfragables, est une présomption simple qui admet nécessairement la preuve contraire. Il appartient donc à l’auteur de la faute lourde de démontrer que, quelque maladroite ait été sa conduite, il n’a pas commis de faute intentionnelle.

2 : L’argument tiré de l’intérêt social.

80. Il semble que l’assimilation de la faute lourde au dol s’impose aussi pour des motifs tirés de l’intérêt social essentiellement lorsque l’on se trouve en présence d’une clause limitative de responsabilité . En effet, l’auteur d’une faute intentionnelle est soumis à un régime particulièrement rigoureux : l’obligation de réparation mise à sa charge ne peut être limitée ni supprimée par aucune des dispositions contractuelles ou légales dont pourrait bénéficier l’auteur d’une faute ordinaire . Cela s’explique par le fait que certaines clauses limitatives de responsabilité sont rédigées de telle manière qu’il serait extrêmement dangereux, du point de vue économique et social, d’en admettre le fonctionnement en présence d’un dol du débiteur. Si le législateur a entendu priver de cette protection essentielle l’auteur d’une faute intentionnelle, c’est parce qu’il a voulu punir avec une très grande sévérité l’intention coupable. En revanche dans le cadre des fautes non intentionnelles, l’intention coupable n’existe pas. Ainsi, la faute ordinaire est pardonnable. Tout homme peut commettre une faute dans un instant d’inattention, il doit normalement en supporter les conséquences, mais il ne semble pas excessif qu’il puisse s’en exonérer car la faute simple ne démontre pas à elle seule que son auteur ait traité avec une légèreté inadmissible l’engagement qu’il avait assumé. Au contraire, la faute lourde révèle un état d’esprit beaucoup plus dangereux et sa réunion avec une clause limitative de responsabilité se doit d’être évitée car il serait socialement et économiquement imprudent d’admettre qu’un débiteur puisse se désintéresser partiellement voir quasiment totalement des conséquences nocives de ses négligences les plus graves, même non intentionnelles. Ainsi, les nécessités du commerce imposent de traiter de façon semblable la bévue impardonnable et l’intention malveillante.

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