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A.Les plaintes des magistrats quant au manque de documents

Comme il a déjà été évoqué, l’application des règles de la responsabilité civile impose aux
magistrats de réparer intégralement les préjudices soufferts par le titulaire de droits victime
d’actes de contrefaçon mais dans la limite de ce dont la preuve est rapportée, du moins jusqu’
à maintenant(100). Un magistrat ne saurait donc en principe réparer plus que cela.

Le faible montant des dommages et intérêts alloués est souvent dénoncé(101) mais celui-ci serait
également, dans une certaine mesure, la conséquence du peu de preuves attestant de
préjudices imputables à la contrefaçon versé aux débats par les victimes elles-mêmes.

Par exemple, un intervenant s’exprimait en ces termes au cours d’un colloque : « j’ai remarqué
d’un point de vue de praticien, que les parties attachent souvent beaucoup d’importance à
présenter au juge un dossier très complet en ce qui concerne la validité du droit et la
contrefaçon du droit, mais (…) qu’elles ne donnent pas assez d’importance, à mon sens, à la
présentation économique des dommages et intérêts. Il est très symptomatique de voir
comment en France on rédige les assignations : « à la louche ». On demande 100 MF de
dommages et intérêts sans aucun justificatif (…). On donne un chiffre qui ne repose sur
aucune justification économique »(102).

Ce constat est confirmé en des termes très nets par Madame Belfort, Vice-Présidente du TGI
de Paris : « Le principe de stricte réparation du préjudice subi impose la justification à l’aide
de pièces par la victime de la contrefaçon du préjudice qu’elle allègue. Dans les dossiers des
victimes de contrefaçon, il n’y a le plus souvent aucune pièce justifiant le préjudice subi.

De plus, comme le souligne un auteur « C’est d’ailleurs l’une des défenses classiques des
contrefacteurs : pointer l’absence de pièces justifiant du préjudice afin d’en contester
l’existence »(103) Cette situation explique l’absence de motivation des juges sur la réparation du
préjudice(104). La magistrate précitée soulignait d’ailleurs elle-même au cours d’un colloque
que la somme accordée en indemnisation des préjudices du fait de la contrefaçon était d’un
rapport de 1 à 6 de la somme demandées par les parties(105).

La victime de la contrefaçon, par l’intermédiaire de son conseil, aura donc intérêt à établir de
la façon la plus complète d’abord le gain manqué, par des chiffres établissant l’ampleur de la
masse contrefaisante, et ensuite la perte subie du fait de la contrefaçon. Cette perte est souvent
plus difficile à établir, particulièrement en ce qui concerne la banalisation ou dépréciation du
titre de propriété intellectuelle en cause. Il convient désormais d’analyser les moyens
d’améliorer cette situation.

100 Comme nous le verrons plus avant, l’application de la loi du 29 octobre 2007 pourrait changer quelque peu la
donne.
101 Par exemple, une étude révélait que 100% des entreprises interrogées étaient insatisfaites, en France, de la
réparation de leur préjudice en matière de brevet et 87, 5% en matière de marque. G. Triet, «Indemnisation des
préjudices en matière de contrefaçon: les entreprises françaises sont insatisfaites», RIPIA, 2000.
102 Maître Lenoir, « Quelles sanctions pénales et quelle efficacité » ? Colloque de l’IRPI, 17 déc 2002, Litec
2003, p. 141.
103 B. May, « Améliorer l’indemnisation de la contrefaçon : la loi ne suffira pas », Propriété Industrielle, mars
2008, p. 11.
104 E. Belfort, « L’indemnisation des préjudices en matière de contrefaçon : La pratique des tribunaux en
France », RIPIA 2000, n°201, p. 75.
105 E.Belfort, préc. p. 72.

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