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A. Le pipeline comme instrument de prospérité

L´annonce du chiffre de 500 millions de dollars US environ à bénéficier par le Cameroun
durant les années d´exploitation de l´oléoduc a suscité de réels espoirs au sein d´une population
dont le 1/5 ème vit avec moins d´un dollar par jour.(225) Les perspectives de résorption de chômage à
travers la création d´emplois(226) qui se dessinaient de cet outil de transport, pour ne citer que cet
exemple, justifiaient cette attitude positive. Les propos de l´ancien Ministre camerounais de
l’Emploi, du Travail et de la Prévoyance Sociale, M. Pius Ondoua, étaient à cet égard révélateurs :

« Dès que nous avons entendu parlé de ce projet, nous souhaitions le voir réaliser très rapidement
parce que […] il permet de relever sensiblement le niveau de l´emploi compte tenu du nombre de
personnels qui seront amenés à s´impliquer dans sa réalisation et dans sa gestion ».(227)

Cette vision du pipeline, instrument générateur d´emplois, de revenus, bref de bien-être
national, ne dément pas ces observations de Claude Palazzoli sur les intérêts des Etas côtiers
autour du passage en transit qu´ils concèdent : « Les Etats maritimes, conscients des multiples
bénéfices que leur économie pourrait en retirer, cherchent au contraire à les favoriser […]. Les
intérêts bien compris des Etats de transit coïncideraient la plupart du temps avec ceux des Etats
sans littoral ».(228)

Le tableau ci-après dresse un inventaire des intérêts camerounais autour de l´oléoduc
Tchad-Cameroun.

TABLEAU ILLUSTRANT LES INTÉRÊTS DU CAMEROUN DANS L’OLÉODUC

Source : Cameroun Tribune du 20 Octobre 2000 (édition spéciale), p. 15.

De ce tableau se dégagent deux catégories d´avantages : d´une part, les retombées directes
(1) et d´autre part, les retombées indirectes (2).

1 – Les retombées directes

Les revenus générés par le transit des hydrocarbures tchadiens par pipeline à travers le
territoire camerounais depuis sa mise en exploitation en 2003 contribuent pour une bonne part au
budget de l’Etat. Il s´agit non seulement des recettes au titre de droits de transit, impôts et taxes
payés par la COTCO, mais également des dividendes perçus par l’Etat en tant qu’actionnaire de
la COTCO.

Les estimations de ces recettes sont évaluées entre 35 milliards de FCFA et 85
milliards par an. Pendant près de 30 ans et/ou plus que devrait durer l’exploitation de l’oléoduc,
on estime à près de 300 milliards de FCFA les taxes et redevances directes à tirer de l’oléoduc.

Les impôts parallèles et autres revenus genérés par les emplois créés sont estimés à 240 milliards.
Globalement, le chiffre de 540 milliards de FCFA est avancé comme revenus nets à bénéficier
par le Cameroun de ce système de transport.(229)

Au-delà de l´accroissement des recettes publiques, les opportunités que cette canalisation
offrent indirectement permettent par ailleurs d´y voir un moyen de lutte contre la pauvreté.

2 – Les retombées indirectes

Le transit des hydrocarbures tchadiens constitue pour l’Etat camerounais un argument
efficace de lutte contre le chômage. La loi n° 96/14 du 05 Août 1996 portant régime de transport
par pipeline des hydrocarbures en provenance des pays tiers oblige en effet toute Société de
transport par pipeline opérant au Cameroun

d’assurer la formation professionnelle et technique de la maind’oeuvre
nationale […] afin de permettre aux ingénieurs, cadres,
techniciens, ouvriers et employés administratifs, l’accès à tous les
emplois en rapport avec leur qualification. A cet effet, la Société
doit soumettre à l’approbation du Gouvernement dans la première
année de sa création un programme de formation.(230)

Les dispositions de l’Article 24 (a) (2) de la même loi vont même plus loin et obligent
non seulement l’utilisation en priorité du personnel camerounais, des équipements et matériaux
disponibles au Cameroun, mais aussi les services des contracteurs, assureurs et sous-traitants de
droit camerounais lorsque leurs prestations et équipements répondent aux critères d’efficacité,
aux exigences techniques, aux considérations financières et sont comparables aux équipements,
matériaux, assurances et services d’origine étrangère sous le rapport prix, qualité, fiabilité,
disponibilité et conditions de livraison.

Sous le poids de ces obligations de formation et de recrutement du personnel
camerounais, il fut estimé à environ 3.500 le nombre d’emplois(231) qu´allait générer le passage en
territoire camerounais de l’oléoduc.

Outre le volet formation/emplois, les bénéfices induits de l’oléoduc sont aussi infrastructurels
et communicationnels. De nombreux ouvrages ont été construits et réhabilités.(232) De
plus, l´accès du Cameroun au câble à fibres optiques posé dans la même trachée que le pipeline
permettra, dans le cadre du Protocole d’accord du 27 Octobre 2005 signé entre la partie
camerounaise et la COTCO relatif à l’installation et à l’exploitation d’un câble de
télécommunications par fibres optiques le long du pipeline, l’amélioration du réseau national des
télécommunications.

Par ailleurs, le passage de l’oléoduc a permis l’aménagement de certains parcs nationaux.
Campo Ma’an et Mbam Djerem, pour un exemple, s´annoncent dans l’avenir comme
d’intéressants pôles d’attraction touristiques.

La protection de ces intérêts a fait l´objet d’aménagement dans les textes régissant cette
canalisation.

225 Cf. Données de la Banque Mondiale sur son « Aperçu général » du Projet Tchad-Cameroun d’exploitation
pétrolière et d’oléoduc, in http://go.worldbank.org/QDK8UWX1BO
226 Pour une idée sur la question de l´emploi dans la réalisation du pipeline Tchad-Cameroun (contrats de travail,
conditions de travail, rémunération, discrimination, etc.), voir Roger TSAFACK, The Chad-Cameroon pipeline and
employment : what lessons ? Yaoundé, Presses Universitaires d´Afrique, 2003.
227 Voir Cameroon Tribune, édition spéciale du 20 Oct. 2000, p. 28.
228 C. PALAZZOLI, op. cit., pp. 671 et 672.
229 Voir l’article « Le projet de pipeline Tchad-Cameroun » in http:// www.penserpouragir.org/spip.php?article96
230 Article 23 (1) de la Loi n°96/14 du 05 Août 1996 portant régime de transport par pipeline des hydrocarbures en
provenance des pays tiers.
231 Sur les types d´emplois créés par le passage du pipeline, voir R. TSAFACK, op. cit., pp. 104 et ss.
232 Sans être exhaustif, nous citerons, entre autres, la construction de plusieurs ponts dont le pont frontalier sur la
rivière Mbéré, le pont sur la Mougué, le pont sur la Lokoundjié; la construction des points d´eau, l´aménagement de
l’axe routier Ngaoundal-Meidougou-Bertoua-Garoua-Boulaï, etc.

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