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A. La rénovation du modèle de gestion des ressources humaines : vers la fidélisation des Fonctionnaires

La Constitution haïtienne de 1987 en ses articles 234 et suivants et le décret du 17 mai
2005 portant révision du Statut Général de la Fonction publique posent les jalons d’un modèle
de management de la Fonction publique. Ce modèle de gestion est basé sur le mérite, la
formation continue et le perfectionnement des cadres, l’évaluation des résultats, la liberté
syndicale des Fonctionnaires, l’honnêteté et l’efficacité, la protection de la carrière, etc.

L’OMRH, placé sous l’autorité du Premier Ministre et chargé de la gestion globale de la
Fonction publique, dispose des vis-à-vis dans les différents départements ministériels. C’est
le « Réseau des directeurs de ressources humaines » dans les ministères et organismes
déconcentrés avec lequel l’OMRH discute de la mise n application des directives sur la
gestion des agents de la Fonction publique.

En revanche, force est de constater l’écart existant entre les normes juridiques et les
pratiques de tous les jours dans la Fonction publique haïtienne. C’est que la réforme de l’Etat
et des institutions ne peut pas se résumer à une réforme du Droit en Haïti. Cela doit
nécessairement passer par une révolution de notre rapport au Droit, à la norme juridique.

La culture du Droit devra être inculquée aux autorités politiques représentantes de l’Etat et aux
citoyens, afin que la loi cesse d’être adoptée pour être violée sans que cela n’interpelle
personne.

Par ailleurs, les auteurs du Programme-cadre de la Réforme de l’Etat disent noter des
faiblesses importantes dans le système de management de la Fonction publique en vigueur.

Selon eux : « l’approche de gestion du personnel est encore de type traditionnel par le fait
d’abord que les principes et instruments de gestion prévus dans la Constitution (Titre VIII) et
dans le décret portant révision du Statut Général de la Fonction publique sont faiblement
utilisés. Le recrutement des Fonctionnaires, par exemple, se fait pour l’essentiel sur
recommandation et non sur base de concours (…). Aucun processus d’évaluation de la
performance n’est en application, encore moins de politique salariale associée à des
avantages sociaux capable d’assurer la rétention du personnel au service de l’Etat ».(98)

D’où, l’importance, d’abord, de mettre en oeuvre de manière effective les prescrits de la
Constitution relatifs à la Fonction publique et les dispositions du décret sur le Statut général
de la Fonction publique. C’est que la Constitution et le cadre statutaire de la Fonction
publique offrent déjà des moyens de révolutionner des « mauvaises » pratiques de gestion du
personnel. Il aura fallu juste ajouter un accent managérial au processus de rénovation du
modèle de management de la Fonction publique en faisant, entre autres, une gestion plus
personnalisée, en assouplissant les règles et les procédures en vue de la performance.

Le professeur Annie BARTOLI parlent de l’existence de trois logiques différentes pour la
gestion des agents publics de l’Etat :

 L’approche administrative, qui renvoie à des logiques réactives, basées sur un
principe d’évolution limitée au sein de contraintes ;

 L’approche gestionnaire, nettement plus pro-active, mais considérant le
personnel comme une source de coût ;

 L’approche managériale, d’essence stratégique et participative, au sein de
laquelle le personnel est vu comme une « ressource » et le système
organisationnel comme un cadre fait de marges de manoeuvre.(99)

Dans la Fonction publique haïtienne, la logique dominante pour la gestion des ressources
humaines reste l’approche administration pour rester dans la typologie proposée par le
professeur BARTOLI. Donc, tout en plaidant pour une démarche intégrée, nous privilégions,
toutes proportions gardées, l’approche managériale dans le cadre de la rénovation du modèle
de gestion des Fonctionnaires.

Ensuite, l’une des missions essentielles à laquelle l’Etat haïtien pourrait s’atteler c’est de
fonder son modèle de management de la Fonction publique sur la fidélisation des
Fonctionnaires, car le phénomène de la fuite des cadres tend à être hors de proportion.

Si rendre la Fonction publique attractive aura pour effet d’attirer les cadres les mieux formés,
expérimentés et les jeunes frais émoulus de l’Université vers ladite Fonction publique, la
fidélisation des Fonctionnaires participe de la stratégie de rétention des ressources humaines
chargées du service public administratif.

Pour arriver à une Administration publique offrant des services publics de qualité, l’Etat
doit pouvoir compter sur une Fonction publique forte, professionnelle, libre, motivée, voire
engagée.

Or, il lui arrive d’entreprendre des programmes dits de modernisation de la Fonction
publique qui sont aux antipodes de cette logique. D’où, l’un des défis de taille pour l’Etat
haïtien quant à la fidélisation des Fonctionnaires dans un contexte mondial où différentes
grandes entreprises du secteur privé, cherchant à augmenter leurs parts de marché, dénichent,
courtisent et fidélisent les ressources humaines les mieux qualifiés sur le fondement de la
théorie du capital humain(100). Comment donc l’Etat haïtien, faisant déjà face à une situation de
raréfaction des ressources humaines haïtiennes les mieux qualifiées pour diverses raisons,
peut-il se permettre de ne pas axer son modèle de gestion des Fonctionnaires sur la stratégie
de la fidélisation ?

En effet, la stratégie de la fidélisation des Fonctionnaires peut comporter un volet
symbolique et un volet matériel.

En ce qui a trait au volet symbolique de la stratégie de fidélisation, il repose sur un
ensemble de valeurs à intégrer dans le secteur public. Une fois que ces valeurs auront été
incarnées par le service public et la Fonction publique, le regard porté sur les Fonctionnaires
aura changé. Aujourd’hui, non seulement les Fonctionnaires Haïtiens sont perçus même par
l’Etat comme un poids, mais en plus de lourdes soupçons de corruption pèsent sur leur dos.(101)

Dans un tel contexte de suspicion généralisée, il n’est plus difficile pour une personne
extérieure à la Fonction publique de percevoir le Fonctionnaire comme un potentiel corrompu,
sinon un corrompu tout court, dilapidant les caisses publiques ou se livrant à toutes autres
formes de corruption. Or une telle perception ou représentation des Fonctionnaires est
moralement préjudiciable à la personne du Fonctionnaire. En ayant conscience de cela,
comment peut-il vouloir s’accrocher à cette Fonction publique ? D’où la nécessité de changer
ce regard porté sur les Fonctionnaires en intégrant un ensemble de valeurs nouvelles dans la
Fonction publique.

La transparence, la performance, la compétence, l’égalité, la responsabilité, l’impartialité
et le respect sont, entre autres, les valeurs à intégrer dans la Fonction publique dans le cadre
de la rénovation du modèle de gestion des Fonctionnaires. A titre indicatif, une Fonction
publique dont la porte d’entrée s’ouvre aux méritants est un vecteur de fierté des
Fonctionnaires. D’où aussi un motif de sa fidélisation à cette Fonction publique.

Pour ce qui est du volet matériel de la stratégie de la fidélisation, il reposera sur une
politique salariale axée sur une gestion personnalisée de la performance du Fonctionnaire,
sans toutefois sortir de la grille de salaire des Fonctionnaires. Cela aura pour effet d’inciter les
Fonctionnaires à être performants. L’Etat pourrait en ce sens envisager de rentrer en
concurrence avec le secteur privé sur le plan de la politique salariale ou plus globalement du
traitement des ressources humaines en vue de fidéliser les Fonctionnaires, comme les
entreprises du secteur privé fidélisent leurs employés qualifiés pour rester compétitives.

98 Op. cit., page 16.
99 BARTOLI, Annie. « Management dans les organisations publics », Dunod, Paris, 2ème édition, 2009, page
162. Signalant d’ailleurs l’existence d’une situation similaire en France, le professeur BARTOLI rappelle, à la
page 153 de son livre : « Dans ce contexte, les membres de l’encadrement (généralement au sein des catégories
A et B, selon le découpages des Fonctions publiques) sont davantage considérés comme des applicateurs de
règles, dans le cadre de grilles et dispositifs pré-établis, que comme de gestionnaires de personnels et encore
moins comme des managers ».
100 CLERK, Denis. Alternatives Economiques, no 105, 1993, page 3. Théorie développée par l’Américain Prix
Nobel (1974) Théodore W. Schultz et le Prix Nobel Gary Becker (1992). Cette théorie analyse l’apport de la
formation à la croissance économique.
101 ULCC, Transparency International, les organisations de la société civile et même les autorités politiques
dénoncent à longueur de journée des cas de corruption dans la Fonction publique. Le Président de la République
Michel Joseph Martelly, avant même son investiture, annonçait déjà les couleurs : « Un poste dans la Fonction
publique vient avec une paire de menottes ». Le Premier Ministre désigné, Daniel Rouzier a corroboré en
ajoutant : « Certains luxes ne sont pas normaux dans des pays pauvres, surtout quand on occupe un poste dans
la fonction publique. S’il quelqu’un veut faire de l’argent qu’il rejoigne le secteur privé et investisse son argent,
et ne pas se servir dans les poches des contribuables ».
Cf : Le Nouvelliste, dépêche titré : « Un poste dans la Fonction publique vient avec une paire de menottes »,
publié le 25 mai 2011, la page est consultée le 25 août 2011.
URL : http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=92978&PubDate=2011-05-25

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