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§ 3. La validité de l’exclusion

L’exclusion de garantie est un domaine sensible. Le Code des assurances exige, pour
que les exclusions soient valables, qu’elles soient rédigées de manière « formelle et
limitée »(224). La Cour de cassation, encouragée par cette exigence législative, se montre
également, très méfiante vis-à-vis de ces clauses. Les assureurs doivent donc être
extrêmement attentifs à leur formulation, et ils doivent l’être d’autant plus que les contrats
avec des garanties « Tous risques sauf » sont de plus en plus présents. Ainsi, si l’exclusion
n’est pas claire ou plus précisément, si elle n’est pas formelle et limitée, l’assureur pourrait se
retrouver à garantir une partie du risque d’entreprise qu’il n’avait pas envisagé de couvrir.

Cela peut être réellement néfaste pour lui puisqu’il base toute sa comptabilité sur la
couverture qu’il estime offrir. Ainsi, si celle-ci diverge de la couverture réelle qu’il accorde, il
pourrait se retrouver avec des statistiques faussées et une mutualité déséquilibrée. En effet,
une entreprise d’assurance définit le niveau de ses primes en fonction du montant estimé des
indemnisations, de la probabilité d’occurrence des sinistres et des possibilités de
diversification des risques(225). Le coût et la fréquence peuvent être modifiés si l’assureur se
voit forcé de garantir un risque supplémentaire du fait d’une exclusion jugée non valable. Le
risque de perte est donc élevé pour l’assureur.

La Cour de cassation, dans un esprit de protection des assurés, a ainsi fréquemment
annulé des exclusions qui, selon elle, avaient pour objet de priver la garantie de sa substance.

Cette attitude est tout à fait justifiable et mérite d’être perpétuée. Cependant, il est nécessaire
de ne pas aller trop loin afin d’éviter la dénaturation du contrat(226). Elle a ainsi provoqué
l’inquiétude des assureurs en condamnant certains d’entre eux(227). Elle avait approuvé les
juges du fond d’avoir écarté l’application des clauses excluant notamment le remboursement
du produit défectueux.

La concentration de la jurisprudence en ce sens a pu laisser penser à de nombreux
assureurs, ainsi qu’à certains juristes, que l’exclusion des dommages subis par le produit livré
était désormais proscrite. L’APSAD n’a, quant à elle, pas manqué de rappeler aux assureurs
de porter une certaine vigilance à la rédaction des clauses du contrat(228). Sans doute faut-il
alors attribuer à une rédaction défectueuse de cette exclusion dans les contrats d’assurance ces
quelques arrêts.

Cependant, la doctrine s’est montrée très critique vis-à-vis de cette jurisprudence.
Hubert Groutel affiche ainsi un titre très expressif lors du commentaire de cette
jurisprudence : « L’assurance « responsabilité civile produits » en péril »(229). Il accuse ainsi
les juges de dénaturer tout simplement le contrat puisque, selon lui, cette exclusion, non
seulement se justifiait, mais en plus de cela, elle remplissait les caractères exigés de précision
et de clarté. Le professeur R. Bout, après avoir approuvé la sévérité dont fait preuve la haute
juridiction sur le contrôle des conditions de validité d’exclusion, rejoint finalement le point de
vue d’Hubert Groutel. Il termine en souhaitant, « pour que l’économie du contrat ne soit pas
altérée, que la Cour de Cassation revienne à une position moins rigoureuse »(230). La Cour de
cassation s’était semble-t-il méprise quant à la portée de cette exclusion. En effet, loin de
priver la garantie de sa substance, l’exclusion laissait subsister la partie essentielle de la
couverture d’assurance de responsabilité civile, soit les dommages tant corporels que
matériels voire même immatériels que pouvait provoquer le produit livré à son
environnement(231). La preuve en est que, lorsque la responsabilité est fondée sur la loi de
transposition de 1998(232), cette exclusion est légale. En effet, l’article 1386-2 du Code civil(233)
excluent les dommages subis par le produit.

Influencée par la doctrine ou simplement revenant à une position plus raisonnable, la
Cour de Cassation a finalement admis la validité des exclusions relatives aux dommages subis
par le produit(234). Quelle qu’en soit la raison, la jurisprudence est désormais favorable à cette
exclusion(235).

Cependant, malgré l’affirmation de cette validité depuis plus de 10 ans, quelques
décisions isolées(236) révèlent que la question soulève encore quelques difficultés. Finalement,
ces décisions isolées ne seraient-elles pas les prémices d’une acceptation de l’assurance des
risques d’entreprise. En effet, selon Alain Aubry, le risque d’entreprise n’est qu’une invention
des assureurs pour ne pas garantir des risques qu’ils maitrisent mal. Ainsi, dès lors qu’ils
auront trouvé une solution à cette difficulté, si tant est qu’elle n’existe pas déjà, le risque
d’entreprise pourrait être garanti. Cette couverture du risque d’entreprise serait certainement
une des meilleures choses qui puisse se produire pour l’entreprise assurée puisque son
exclusion a finalement des conséquences très lourdes pour l’entrepreneur.

224 Article L.113-1 du Code des assurances : « Les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou
causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la
police. »
225 ROUSSEL-ZIZINE C., Le risque de développement et l’assurance, Institut des assurances de Lyon, mémoire
dirigé par Alain AUBRY, promotion 2009/2010
226 Cass. Civ. 2ème, 3 juin 2010, n°09-14.338, Juris-Data n°2010-008186 ; RCA 2010, commentaire n°231
227 Cass. Civ. 1ère, 21 mai 1990, n°87-16.299, RCA 1990, commentaire n°353 ; Cass. Civ. 1ère, 3 juillet 1990,
n°87-17.172, RGAT 1990 p.626, note R. BOUT ; RCA 1990, commentaire n°353 ; Cass. Civ. 1ère, 25 mars
1991, n°89-18.682, RCA 1991, commentaire n°220 ; Hubert GROUTEL, Un nouveau risque d’instabilité des
clauses d’exclusion, RCA 1991, chronique n°16.
228 Circulaire de l’Assemblée plénière des assurances de dommage n°4/1992, diffusée le 22 avril 1992.
229 GROUTEL H., l’assurance « responsabilité civile produits » en péril, RCA, Editions techniques, chronique
20, octobre 1990.
230 BOUT R., note sous Cass. Civ. 1ère, 21 mai 1990, n°87-16.299, RGAT 1990, p. 626
231 Pour les dommages couverts, voir supra §2 p.42
232 Loi n° 98-389 relative à la responsabilité des produits défectueux du 19 mai 1998, J.O. du 21 mai 1998
modifié par la loi n°2004-1343 du 9 décembre 2004, J.O. du 10 décembre 2004, et par la loi n°2006-406 du 5
avril 2006, J.O. du 6 avril 2006.
233 Article 1386-2 du Code civil : “Les dispositions du présent titre s’appliquent […] à la réparation du dommage
supérieur à un montant déterminé par décret, qui résulte d’une atteinte à un bien autre que le produit défectueux
lui-même.
234 Cass. Civ. 1ère, 6 janv. 1993, n°89-20.730, RCA 1993, commentaire n°104 ; GROUTEL H., RCA 1993,
l’assurance « responsabilité civile produits » : vers la fin du péril ?, Chronique 9, mars 1993
235 Cass. Civ. 1ère, 16 mars 1994, n°92-14.729, RCA 1994, commentaire n°314 ; Cass. Civ. 1ère, 5 oct. 1994,
n°92-20.219, RCA 1994, commentaire n°421 ; Cass. Civ. 1ère, 7 fév. 1995, n°92-13.783, RCA 1995,
commentaire n°148 ; Cass. Civ. 1ère, 7 nov. 2000, n°97-19.132, JCP G 2001, IV, n°1000 ; Cass. Civ. 1ère, 21
novembre 2000, n°98-12.872, RGDA 2000, p.1112, note KULMANN J. ; JCP G, 2001, IV, n°1098 ; Cass. Civ.
1ère, 27 fév. 2001, n°98-19.515, Bull. Civ. I, n°45 ; Cass. Civ. 2ème, 13 janv. 2005, n°03-20.355 ; Cass. Civ. 2ème,
9 avr. 2009, n°08-12.938, RCA 2009, commentaire n°191 etc.
236 Cass. Civ. 2ème, 2 oct. 2008, n°07-15.810, GROUTEL H., RCA 2009, commentaire 30; Bulletin d’actualités
Lamy Assurances, 2009, D, p. 8 ; RGDA 2009, p. 117, note L. MAYAUX ; Cass. Civ. 1ère, 27 fév. 2001, RCA
2001, GROUTEL H., commentaire n°165 ; JCP 2002, I, n°116, note MAYAUX L.; RGDA 2001 p.389, note
KULLMANN J.

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