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3-1) Des défauts bien humains mais préjudiciables à l’objectivité:

En effet, un journaliste peut se tromper ou orienter son information sans même s’en rendre compte, ce en toute bonne foi. Une personnalité plutôt pacifique et positiviste peut avoir tendance à ne faire ressortir que le bon et à occulter le sombre, le mauvais. A l’opposé, une personnalité plus réactionnaire, se prévalant de réalisme, va chercher sans cesse ce qui ne va pas. Or, concernant l’image médiatique de l’islam, l’un comme l’autre comportement lui est préjudiciable.

Là où les premiers ne voient que du bon, les seconds ne voient que du mauvais et ainsi de suite. S’installe alors un cycle manichéen où chaque débat devient stérile.

Concernant l’islam et les musulmans, il semblerait souvent qu’il faille « choisir un camp ». Comme si toute pensée nuancée était preuve, soit d’une « faiblesse d’engagement face à une menace vis-à-vis des valeurs républicaine », soit d’une « mollesse à la défense d’une partie de la population complètement opprimée ».

Le sujet de l’islam semble raviver dans l’esprit de beaucoup des peurs profondément ancrées relatives à la perte d’identité, à l’oppression des femmes, ou encore au poids de l’ascétisme religieux. Dans un pays comme le nôtre, qui a acquis durement grâce à des combats sociaux, les droits des femmes et un détachement complet du religieux avec l’Etat, cela peut se comprendre. Mais quand cela influe sur le respect de la déontologie journalistique ce n’en est pas excusable pour autant.

Or, quand il s’agit de musulmans, d’islam, de voile ou de pratiques religieuses l’on déplore souvent ce genre de comportement chez les professionnels de l’information. Plus que d’autres sujets, la « présence musulmane en France » fait l’objet d’une couverture médiatique biaisée, à la fois consciemment (comme vu précédemment) et inconsciemment.

Souvent issu d’une certaine impulsivité ou d’un traitement de l’information trop émotionnel, l’orientation inconsciente d’une information par le journaliste est forcément dommageable. Par définition, cette manipulation inconsciente n’est pas maîtrisable, en cela il est difficile de la blâmer.

Certains comme Vincent Geisser pensent toutefois que ce phénomène est largement accentué en France par une certaine « paresse intellectuelle » au sujet de l’islam. Interrogé sur le caractère conscient ou inconscient des « maladresses [médiatiques] discréditant les musulmans », il répond qu’il « ne croit pas que cela soit fait consciemment » et qu’il pense « que les personnes qui développent […] actuellement [des campagnes sur l’islam] sont sincères, [qu’] elles ne veulent pas de mal à l’islam. »

Selon lui, « au-delà de la phobie, il y une sorte [de refus de l’intellectuel français à] comprendre [que l’on] critique, [que l’on] brasse de la peur, [que l’on] en fait des livres et [que l’on] renonce à la compréhension pour tomber dans une paresse intellectuelle qui fausse le jugement. »

D’ailleurs, les journalistes eux-mêmes reconnaissent ne pas être exempts de défauts. Dans le sondage réalisé par l’institut Conseil sondage analyses (cf. annexe 2) cité précédemment, les journalistes s’expriment également sur les défauts qu’ils jugent les plus couramment répandu dans leur profession. L’on y apprend donc que 31 % des journalistes pensent que l’arrogance, la suffisance et la prétention sont les trois plus gros défauts de leurs collègues. Suivis de près par le suivisme et le conformisme (29 %), le manque d’indépendance, la complaisance et le clientélisme (17 %) ainsi que le manque de rigueur/sérieux et la non vérification des sources (16 %).

Tous ces défauts, quand on les met en relation avec le traitement médiatique de l’islam qui nous intéresse ici, peuvent se révéler générateurs de conséquences extrêmement graves. En effet, l’arrogance, la suffisance et la prétention ne sont-ils pas des freins à la remise en question des préjugés? Le conformisme, lui, n’est-il pas le ferment du panurgisme et de la fermeture d’esprit? Le clientélisme et le manque d’indépendance ne peuvent ils pas pousser à modeler l’information en ne voyant que les bénéfices que cela apporte sans penser aux conséquences ? Enfin, la non vérification des sources, peut être le pire des défauts en journalisme, n’est-elle pas la porte ouverte à la calomnie, aux insinuations et à la propagation des rumeurs ?

A ce propos, il faut noter également que 30 % des journalistes pensent qu’« en matière d’éthique et de déontologie, les journalistes français font mal leur travail ».

Clairement, le journaliste est donc soumis à des influences qui le dépassent et qui diminuent ses capacités d’impartialité. Ainsi, une information qui par essence, ne peut être totalement neutre car elle résulte d’un témoignage, va en plus subir un « remodelage » opéré par l’inconscient du journaliste. Encore une fois donc, le lecteur, auditeur ou téléspectateur doit garder ce fait en tête afin de mieux se prémunir des influences qui peuvent s’opérer sur lui, ou tout simplement afin de réaliser que ce qu’il voit dans les médias n’est qu’un reflet parmi d’autres de la réalité.

C’est non sans un certain humour que René Naba procède au même constat dans son article « Les journalistes, nouveaux acteurs des relations internationales » (Oumma.com, 18 août 2009) dans lequel il distingue deux catégories de journalistes : les « journalistes de légende » (en voie de disparition) qui « vivent leur mission comme un sacerdoce » et les « journalistes de brocante » ou « crypto-journalistes », attirés par le prestige de la fonction et les avantages qu’elle procure. Pour Naba, effectivement, cette seconde catégorie de journalistes travaille comme des « fonctionnaires », appliquant « [stricto sensu] les règles de la profession […], sans éléments de pondération ou d’évaluation » et veillant à « un équilibre formel de l’information dans une sorte d’équidistance indifférenciée, oubliant que l’équité consiste à travailler inégalement une situation inégale. » Ainsi, selon lui, cette tendance se traduit par « une transmission de communiqués sans états d’âmes particuliers, sans jugement de valeur ».

Même le plus consciencieux des journalistes oriente donc inconsciemment, par sa pensée ou ses actes, les informations qu’il transmet à son audience. Si cela découle de défauts bien humains, que l’on ne saurait lui reprocher, cela n’en reste pas moins de la manipulation d’information. Aussi, résolument, il apparaît nécessaire que le public conscientise cela en gardant perpétuellement à l’esprit que le journaliste est un être humain comme un autre, et en désapprenant les discours qui veulent le convaincre de l’existence d’une neutralité journalistique. Répandre et entretenir le mythe d’une neutralité journalistique n’arrange dans le fond que ceux qui veulent en retirer un certain pouvoir. Car une personne qui ne voit dans la production médiatique que vérité pure, sans réaliser que cette dernière est forcément déformée, est tout à fait réceptive aux discours que l’on veut lui servir. Et perpétuer l’idée d’une espèce de neutralité journalistique quasi divine revient finalement à prohiber toute remise en question, à annihiler toute réflexion relativiste.

Les médias sont des outils de pouvoir et par là même ils sont convoités et courtisés par ceux qui y voient l’opportunité d’influencer des millions de citoyens, d’électeurs ou de consommateurs. Comprendre cela, c’est se préserver de certaines influences et par là, protéger son libre arbitre.

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