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2.4.3 Un second tour Gbagbo-Ouattara(93)

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Le second tour Gbagbo-Ouattara aura bien lieu. Le président sortant Laurent Gbagbo était arrivé en tête du premier tour de l’élection présidentielle de dimanche avec 38,3% des suffrages, contre 32,08 % pour l’ancien premier ministre Alassane Ouattara, avait annoncé le président de la Commission électorale indépendante (CEI).

Le troisième candidat, l’ancien président Henri Konan Bédié (Parti démocratique de Côte d’Ivoire),était nettement devancé avec 25,24% des voix. Il tentait à 76 ans de reconquérir le fauteuil dont il fut chassé en 1999 par le premier coup d’Etat de l’histoire du pays. Son Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI, ex-parti unique), fustigeant «opacité» et «erreurs de calcul», avait dénoncé avant même les résultats officiels «une volonté manifeste de tripatouillage», et exigé un «recomptage des bulletins de vote».

Dans le district de la capitale économique Abidjan, Laurent Gbagbo (candidat de «La majorité présidentielle»), se taillait la part du lion avec plus de 50% des voix dans les quatre «communes» de la capitale économique dont les résultats ont été proclamés (Yopougon, Attécoubé, le Plateau et Cocody). Selon ces données partielles, Alassane Ouattara (chef du Rassemblement des républicains) restait maître dans son fief, le nord du pays, tout comme Henri Konan Bédié l’est dans le centre, notamment dans la capitale politique Yamoussoukro.

Sans cesse repoussé depuis 2005, le scrutin était censé clore une décennie de crise politico-militaire en Côte d’Ivoire. Par ailleurs, la lenteur de la CEI à annoncer de premiers résultats avait alimenté la crainte de violences postélectorales. Le chef des armées ivoiriennes, le Général Philippe Mangou, s’était exprimé à la télévision pour appeler les habitants à garder leur calme.

Le Conseil de sécurité de l’ONU avait bien noté des «irrégularités mineures» dans le déroulement de l’élection, mais sans que celles-ci n’entachent véritablement le scrutin, avait indiqué son président, l’ambassadeur britannique Mark Lyall Grant. «Le scrutin s’est déroulé dans un environnement pacifique (…), aucune violation majeure des droits de l’homme n’a été enregistrée», a souligné Choi Young-Jin, représentant spécial de l’ONU dans le pays.
Quelques extraits su débat télévisé courtois entre les deux finalistes se résument comme suit94
« J‟ai bien aimé le ton de l‟émission », avait lancé le modérateur, Pascal Brou Aka, visiblement soulagé à la fin de ce débat de deux heures trente entre Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara sur le plateau de la Radiotélévision ivoirienne (RTI). « Et les Ivoiriens aussi. Vous savez qu‟ils sont inquiets, et que beaucoup ont fait des provisions pour dimanche… ».

Ce qui avait frappé les millions d‘Ivoiriens qui avaient suivi ce face-à- face Gbagbo-Ouattara, c‘était la cordialité des échanges entre les deux finalistes, debout derrière leur pupitre. Bien sûr, il y avait eu des moments de tension. Notamment au début de l‘émission, quand le président sortant avait accusé son adversaire d‘être responsable des coups de force de 1999 et 2002, et donc de l‘instabilité de ces onze dernières années – citations à l‘appui. « Ah bon », avait répliqué Alassane Ouattara. « Moi aussi, je peux citer plusieurs phrases de l‟époque prononcées par Laurent Gbagbo. Mais ça ne prouve rien ».Même à cet instant, l‘échange était resté courtois. Avant de porter son attaque, Laurent Gbagbo avait eu cette précaution oratoire : « C‟est là qu‟il y a la plus grande divergence entre mon frère Alassane et moi ». Un peu plus tard, le Président sortant avait encore lancé : « Non, sur la dette extérieure, je ne vais pas polémiquer avec le Premier ministre. On est assez civilisé comme ça ».

Pas d‘insultes, pas de mots blessants… Visiblement, les deux candidats avaient entendu les multiples appels à la modération lancés par la communauté internationale, la société civile et les religieux. Au début, les deux hommes étaient crispés, presque timides. Puis, Alassane Ouattara avait cassé la glace en disant, un rien goguenard : « Mais Laurent, d‟habitude, on se tutoie ! ». « Oui, mais le moment est un peu solennel », avait répondu le président sortant.
Un peu plus tard, les deux finalistes s‘étaient taquinés sur le thème : « Dimanche soir, c‟est toi qui m‟appellera pour me féliciter de ma victoire ». « Non, c‟est vous qui me téléphonerez pour me dire bravo »… Petit éclat de rire. Au-delà des plaisanteries, l‘essentiel était là : les deux hommes avaient promis de respecter les résultats qui seraient annoncés par la Commission électorale indépendante. Brou Aka, l‘animateur, était tellement content qu‘il avait demandé à ses deux interlocuteurs de réitérer leur engagement, ce qu‘ils avaient fait.

Un point pouvait tout de même faire controverse : l‘annonce surprise par Laurent Gbagbo d‘un couvre-feu. Alassane Ouattara s‘était dit étonné de ne pas avoir été prévenu, et avait estimé que cela pourrait dramatiser la situation, sans vouloir aller plus loin dans la polémique. A la fin, après une petite hésitation, les deux hommes, apparemment satisfaits d‘avoir conservé leur sang-froid, s‘étaient serré la main et s‘étaient donné l‘accolade, tout sourire. Le bon mot qui resterait, c‘est peut-être ce moment où Alassane Ouattara avait lancé : « Tu as fait deux mandats, c‟est bon ! », et où Laurent Gbagbo avait répliqué du tac au tac : « Non, j‟ai fait deux mandats en un, et c‟est à cause de vous ! ».

Les deux candidats s‘étaient d`accord : “L`économie va mal”(95) : Et M. Gbagbo de dire pour sa part que « l`économie était malade » avant d`ajouter que « c`est à cause de la guerre ». Ce qui avait fait réagir M. Alassane pour interpeller son adversaire d`arrêter de prétexter de la guerre. ” Il faut que Gbagbo dise à ses gens d`arrêter de dire que c`est la guerre, c`est la guerre. Ça fait 4 ans que la guerre est finie, mettons-nous au travail “, avait demandé M. Alassane qui proposait, entre autres, de reprendre la gestion économique, de prendre soin des plus défavorisés et d`envisager des investissements massifs de plus de 12 mille milliards afin de résorber le problème de l`emploi. M. Gbagbo s`était, quant à lui, contenté de dire qu`il avait trouvé une dette de plus de 6000 milliards au moment de son accession au pouvoir. Il avait ajouté que ses efforts auprès des institutions de Bretton Woods allaient faire profiter la Côte d`Ivoire de 500 milliards par an grâce à l‘initiative Pays Pauvres très endettés(PPTE).

Concernant le secteur privé et la place de l`agriculture, le candidat du RHDP avait pris l`engagement de résoudre les problèmes économiques en réglant le problème de la dette, en trouvant des ressources pour l`investissement dans tous les domaines et assainir l`environnement. C`est-à-dire régler la question de la justice, rassurer les investisseurs, faire baisser la fiscalité. Il avait ensuite demandé aux Ivoiriens d`avoir confiance en lui parce qu`il en avait les moyens en sa qualité d`économiste. Le candidat de LMP avait dit quant à lui qu`il fallait mettre l`accent sur la culture vivrière, augmenter la production, transformer sur place. Il avait ensuite lancé une pique à son adversaire pour dire qu`on n`avait pas besoin d`être un économiste pour diriger le pays. La réaction ne s`était pas fait attendre de la part du candidat Ouattara. ” On n`a certainement pas besoin forcement d`être économiste pour diriger. Mais il s`agit de relancer l`économie après les élections. Ce que je voulais dire aux Ivoiriens, c`est que le médecin généraliste peut soigner mais quand on veut opérer, il est préférable de prendre le chirurgien ” avait-il dit.

Sur la question du chômage, le candidat Laurent Gbagbo soutenait que le chômage n`était pas nouveau. Il proposait donc entre autres de rechercher la rentabilité dans les petits domaines et créer une banque de l`emploi. Le candidat Ouattara lui se proposait à réduire le train de vie de l`Etat pour générer beaucoup plus de ressources afin de renforcer l`investissement. Pour faire face à la cherté de la vie, le candidat Ouattara estimait qu`il s`agissait de relancer l`économie et résorber le problème du chômage. Et il en était confiant parce que disait-il “le peuple est travailleur“.

Le candidat Gbagbo disait pour sa part qu`il fallait un traitement de choc au chômage avant d`indiquer sur la question de la dette intérieure et extérieure qu`il avait hérité de 6500 milliards de dette que il s`engageait à rembourser quand il serait élu. En rappelant à Gbagbo, qu`il avait déjà fait 2 mandats, le candidat du RHDP avait indiqué que “la dette intérieure est une priorité pour lui“. Il avait ajouté qu`il ne prendrait pas plus de 5 ans pour rembourser les 1500 milliards de dette. Concernant la dette extérieure, il avait dit que s`endetter en fait n`était pas un crime. Il avait dit qu`avec le PPTE, la dette allait s`annuler en 1 ou 2 ans.

Concernant la défense, la sécurité et la diplomatie : voici les propositions de Gbagbo et Ouattara(96) :

Pour ce qui est de la défense, Laurent Gbagbo envisageait d`initier une loi de programmation militaire pour avoir une armée forte et puissante. Pour lui, la Côte d`Ivoire qui est une grande puissance économique sous régionale devrait avoir une armée à la dimension de son économie. Au sujet des grades, le président Gbagbo avait soutenu que la pratique en matière de promotion dans l`armée n`avait pas changé. Quant à Alassane Ouattara, il avait estimé que la nouvelle armée de Côte d`Ivoire devait se bâtir sur des bases saines. Les militaires, proposait-il, seraient mis à contribution pour définir les lois de promotion au sein de cette institution. Le candidat du RDR pensait que l`armée devait redevenir « la grande muette » et s`abstenir d`intervenir dans le débat politique. « Il faut une scission entre l`armée et la politique », avait-il laissé entendre.

Par ailleurs, Alassane Ouattara envisageait un rajeunissement de l`effectif de l`armée. Sur la question de la sécurité, il avait déploré le foisonnement des maisons de sécurité, la circulation des armes, les braquages de domiciles et autres attaques des coupeurs de routes. Pour assurer la sécurité, Alassane Ouattara entendait réorganiser la Police nationale et la Gendarmerie. Pour lui, il fallait en plus, une intensification des actes de ces forces de sécurité sur le terrain. A cela, il ajoutait qu`il prendrait en compte les difficultés de ces agents des forces de sécurité, notamment en ce qui concerne les baux administratifs. De plus, le candidat soutenu par le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) pensait qu`il faut une célérité dans le traitement des cas de délinquance par la Justice. Laurent Gbagbo avait pour sa part, souligné le renforcement des forces de sécurité sur le terrain qui devrait se poursuivre. « On aura dans toutes les capitales de région des forces en nombre suffisant », avait-il annoncé.

Le chef de l`État sortant avait rappelé que des réformes avaient été faites, notamment dans le traitement des salaires des policiers et des gendarmes. Mais, il prévoyait des recrutements en grand nombre de ces agents afin d`obtenir « un maillage total de la Côte d`Ivoire ». Laurent Gbagbo pensait que pour repousser le banditisme, il fallait rendre très mobiles les gendarmes et les policiers. « Les bandits ont peur de la force qui marche. Il faut rendre la Police et la Gendarmerie très mobile et équipées», avait-il dit.

Les deux candidats en lice pour l`élection avaient également abordé les questions d`intégration et de diplomatie. En ce qui concerne l`intégration Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara avaient fait savoir qu`il faudrait maîtriser les flux migratoires, renforcer l`hospitalité et donner une dignité à tous ceux qui ont choisi de vivre en Côte d`Ivoire. Au plan diplomatique, ces personnalités s‘étaient engagées à renforcer les liens de coopération avec les autres nations au monde.

92 Voir Election présidentielle en Côte d‘Ivoire : Une Analyse des résultats du premier tour sur le lien http://im.wk.io/images/p/605b4/election-presidentielle-en-cote-d-ivoire-une-analyse-des-resultats-du-premier-tour.jpeg
93 Le Figaro – 04/11/10: « Le face-à-face entre le président sortant et l’ancien premier ministre se tiendra le 28 novembre »
94 RFI – 26/11/10 : « Pour la première fois dans l‘histoire de la Côte d’Ivoire, un débat télévisé a opposé le 25 novembre au soir les deux candidats au second tour, qui aura lieu dimanche 28 novembre. Compte rendu de l‘un des envoyés spéciaux de RFI ».
95 Le Nouveau Réveil – 26/11/10 : « Les 2 candidats au second tour de l`élection présidentielle, prévu le dimanche prochain s`accordent à dire que l`économie ivoirienne se porte très mal. ” L`économie ivoirienne, malheureusement, ne se porte pas bien. Les Ivoiriens souffrent, les prix des denrées ont augmenté… ” avance M. Alassane ».
96 Soir Info – 26/11/10 : « Laurent Gbagbo, candidat de La majorité présidentielle (LMP) et Alassane Ouattara du Rassemblement des républicains (RDR) ont présenté aux Ivoiriens les propositions pour assurer la sécurité et la défense de leurs concitoyens. Dans le cadre d`un face à face radiodiffusé organisé hier, 25 novembre 2010 par le Conseil national de la communication audiovisuelle (CNCA), ces prétendants à la magistrature suprême ont fait savoir leurs projets ».

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