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2.2.1 (Auto)censure

34. Blu, œuvre inachevée, Los Angeles, 2011

La transposition d’un art de la rue, libre de contraintes institutionnelles, à un cadre contrôlé s’est traduite par une controverse autour d’une œuvre commandée à l’artiste italien Blu pour un mur extérieur du MOCA avant l’ouverture de l’exposition. Blu est connu pour ses réalisations à grande échelle, utilisant de la simple peinture en bâtiment et développant des thèmes souvent explicitement politiques. Avant même d’être achevée, l’œuvre – des cercueils entourés d’un billet d’un dollar au lieu du traditionnel drapeau américain – fut effacée sur ordre du curateur. Raison invoquée : le mur faisait directement face à un monument à la mémoire des Américains-Japonais morts pendant la Deuxième Guerre Mondiale et l’image risquait d’insulter les vétérans et descendants de soldats pour les questions entre guerre et profit qu’elle posait (20).

Ce mur avait déjà été sujet d’un débat similaire, avec une œuvre murale de Barbara Kruger, Untitled (Questions), présentée à l’exposition A Forest of Signs : Art in the Crisis of Representation de 1989. L’œuvre de Blu pourrait être vue comme la version imagée de ces questions, organisées graphiquement pour rappeler le drapeau américain : « Qui est au-dessus de la loi ? Qui est vendu et acheté ? Qui suit les ordres ? Qui meurt d’abord ? …» Le MOCA entreprit de consulter les résidents du quartier avant de faire réaliser l’œuvre, et malgré des réactions d’abord hostiles, elle dura plus longtemps que l’exposition elle-même. Le débat n’est pas clos : un art polémique et contextuel peut-il exister dans un cadre institutionnel ?

35. Barbara Kruger, Untitled (Questions), sérigraphie

20 Voir Le grand Blu censuré à LA », Médiapart, 10 janvier 2011
< http://blogs.mediapart.fr/edition/paris-sous-les-bombes/article/100111/le-grand-blu-censure-la

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