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2.1. Les traditionnels conflits armés de l’Afrique, cristallisés par des facteurs coloniaux

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Comme toute société organisée, l’Afrique d’antan vivait de ses traditions orales, où se déroulaient des conflits héroïques. Dans ces groupes où le pouvoir n’était pas centralisé, le conflit opposa des villages ou groupes de villages lesquels s’affrontaient par saison, suivant des rites ou des croyances religieuses, avec pour seul but de conquérir des espaces, les pâtures ou imposer un mariage. Au delà des villages, les conflits prenaient la forme d’une expression de pouvoir ; les frontières jamais bien délimitées se sont transformées au fur et à mesure, car un territoire dominé par un souverain se définissait sous l’emprise de celui-ci sur ses dépendants. L’espace s’élargissait au fur et à mesure que la population s’accroissait ; la guerre était un moyen de s’affirmer et d’exprimer sa supériorité, en contrôlant des axes économiques, des espaces riches, à développer les marchands….. Dans ces conflits, les règles visaient à garantir la survie de la civilisation du peuple et de la tribu: les guerriers ne s’attaquaient pas aux femmes et aux enfants, ne détruisaient pas les récoltes et les arbres fruitiers, n’empoissonnaient ni eau, ne détruisaient pas les lieux et édifices sacrés. Chaque civilisation a formé des zones de refuge humain à l’intérieur desquelles, certaines règles de solidarité étaient établies et respectées au profit des personnes vulnérables.

Platon ne l’a-t-il pas écrit : « Il faut observer certaines limitations dans les guerres entre cités grecques, mais que ces limites n’ont plus cours dans les guerres contre les perses » ?

Évidemment, avec l’observation de ces précautions dans les conflits traditionnels de l’Afrique le nombre des morts était limité, l’environnement moins détruit, les guerriers prenaient garde aux champs, aux ressources naturelles bref, à tout ce qui avait trait à la vie des populations. Toutes les actions armées si elles étaient mises en œuvre, auraient mis en péril la survie des communautés.

Dans la culture africaine, un ensemble de populations placé sous l’emprise d’un chef guerrier n’est pas destiné à la déportation vers l’extérieur. Cependant, la pénétration des occidentaux vers le XVIème siècle(32) sur les côtes africaines, va entraîner de nouvelles formes de conflits armés dits « guerre esclavagiste ». Par le biais des comptoirs européens installés sur les côtes, l’homme africain commence à détruire tous les équilibres traditionnels de son continent : abandon des activités rurales et artisanales, développement du commerce d’esclavages. L’arme à feu devient le moyen le plus indiqué pour quiconque désire maîtriser cette source de revenu : l’esclavagisme.

A travers les transactions commerciales (celles de l’esclavage) et diplomatiques, les armes à feu se propagent en Afrique en général et, en Afrique de l’Ouest en particulier. Du XVIIème au XIXème siècle, les populations locales sont intéressées par les armes ; « l’ère du fusil européen annonce par conséquent la fin de la stabilité politique des sociétés africaines traditionnelles qui n’en disposaient, mais pour s’en procurer, il fallait fournir des captifs aux Européens ou leur donner des gages solides….»(33)

Durant cette période, on dénombre 6000 à 7000 hommes africains transférés, 3000 fusils fournies par an par Birmingham entre 1775 et 1800, toutes sortes de fusils étaient de la partie : chassepot, gras, winchester américain, le sel français, des produits autrichiens et britanniques……. Aussi, ce commerce qui représente 4% des produits importés par les pays africains, et placé au 4ème rang des produits identifiables, demeure actif en Côte d’ivoire même au delà de l’acte de Bruxelles de 1890, interdisant le commerce de fusils de tir rapide en Afrique(34).

Si les armes à feu ont cristallisé les conflits en Afrique, la pression physique et la torture n’étant pas du reste. L’institution des travaux forcés pour les cultures de rentes : café, caoutchouc, sucre, coton etc.…, assortie de la peine de fouet, d’atteinte à l’intégrité physique et morale des autochtones, privés de leurs droits de liberté sur leur propre terre, sont autant des faits qui ont marqué le rapport colons – autochtones.

L’administration locale a obligation de répondre positivement à toutes demandes provenant de la hiérarchie, au risque de se voir tomber sous le coup d’une peine de toutes natures. Les soldats avaient pour seule mission d’obliger les populations à travailler de jour comme de nuit, parcourant des villages pour faire exécuter les travaux ; pour ce faire, Ils doivent utiliser leurs armes pour obtenir de « bons résultats ». En fin de journée ou au terme de la mission, les soldats doivent justifier l’usage des cartouches par le nombre des mains droites qu’ils ont prélévées(35).

Pendant cette période, les mouvements sociaux, qu’ils soient corporatifs ou revendicatifs ne trouvent leur réponse que dans la violence, l’humiliation, la privation de liberté.(36) Tous ces poids ont contribué à la naissance de la haine et du ressentiment qui se développent vis à vis du colon, réduisant l’indigène au silence, silence de rancœur. La prolifération des armes à feu, la violation des droits humains par le colonisateur démontrent que la violence et la colonisation sont intimement liées. La colonisation n’étant pas faite dans la douceur, ceux qui la subissent ne peuvent être que violents ; c’est ce qui va caractériser l’Afrique du XIXème au XXème siècle.

32- Alain TIREFORT, Guerre et Paix en Afrique noire et à Madagascar XIXème et XXème siècles- Presse Universitaire de Nantes – 2ème semestre 2009 ; p. 14
33- Sy YAYA, les légitimations de l’esclavage et de la colonisation des nègres, L’Harmattan, Paris 2009, p. 14 à 18
34– Hélène d’Almeida TOPOR, l’Afrique du 20è siècle à nos jours, Armand Colin, Paris, 2010, 382 p.
35- Roger CASEMENT, rapport de voyage dans le Haut Congo (1903), enquête d’histoires africaines, 1985, p.48
– Jean FREMIGACCI, mise en valeur coloniale et travail forcé : la construction du chemin de fer Tananarive-Antsirabe (1911-1913), Omaly, Sy Anio, n°12, 1975, p.102-103
36- François Maspero, L’Honneur de Saint-Arnaud, Seuil, 1995, Emile Zola, La terre, Gallimard, « La Pléiade », 1966

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