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§2) Les sulfureux régimes à prestations définies, dits régimes « article 39 »

ADIAL

Les régimes à prestations définies et plus particulièrement le plus connu d’entre eux, la retraite dite « chapeau », ne jouissent pas d’une bonne réputation dans l’opinion publique. Ces régimes de retraite supplémentaire sont le plus souvent réservés aux grands dirigeants et s’inscrivent comme un élément de leur rémunération globale. Par exemple, M. Bouton ancien dirigeant de la Société Générale perçoit une retraite chapeau de 730.000 € annuelle. Pour financer l’avantage octroyé, la Société Générale a du provisionner près de 33 millions d’euros! On comprend mieux pourquoi les régimes de retraite chapeau souffrent d’une réputation aussi sulfureuse. Néanmoins, lorsque l’on observe le niveau moyen des pensions issues de régimes à prestations définies, nous constatons qu’en 2009 la rente viagère s’élevait en moyenne à 4.592 €, ce qui est loin des sommes astronomiques accordées aux grands dirigeants. Il faut bien admettre cependant, que les régimes à prestations définies sont quand même plutôt élitistes, ne bénéficiant qu’à 130.000 salariés là où les régimes à cotisations définies bénéficient à 357.000 salariés, pour un niveau moyen de rente égal à 2.321 €.

Nous observerons qu’il existe différents régimes de retraite à prestations définies, n’ayant pas le même impact sur l’engagement de l’entreprise (A), puis nous verrons qu’à la différence des régimes à cotisations définies, les régimes « article 39 » confèrent des droits conditionnels aux salariés (B).

A/ Les différents régimes de retraite à prestations définies et leur impact sur l’engagement de l’entreprise

Les régimes de retraite à prestations définies garantissent, au moment du départ en retraite, une pension dont le montant est prédéterminé. Cette « prestation définie » peut être formulée de différentes manières, mais le plus souvent exprimée en pourcentage du dernier salaire ou de la moyenne des derniers salaires. Les régimes à prestations définies se répartissent en deux grandes catégories (1). Selon le type de régime mis en place, l’engagement de l’entreprise sera plus ou moins important (2).

1. Les deux grandes catégories de régimes à prestations définies

Il existe d’une part, les régimes « additifs » qui apportent un niveau de retraite qui vient s’ajouter à l’ensemble des prestations versées par le régime général de la sécurité sociale et les régimes complémentaires Arrco et Agirc, voire à la rente versée par un régime à cotisations définies. Ainsi, la prestation va être ici définie en pourcentage du dernier salaire d’activité, indépendamment des autres régimes légaux et complémentaires. Par exemple, la retraite additive sera égale à 0,4 % du salaire par année d’activité au sein de l’entreprise, avec un maximum de 25 ans, soit un complément de retraite maximale de 10 % du dernier salaire.

D’autre part, nous trouvons les régimes « différentiels », également désignés sous la terminologie de retraite « chapeau ». Dans le cadre d’un régime différentiel, l’entreprise garantit un niveau global de retraite, tous régimes confondus. Il s’agit en fait de définir un objectif de taux de remplacement global (x % du dernier salaire). La prestation visera donc à combler la différence entre l’objectif défini et les droits acquis au titre du régime de la sécurité sociale, au titre des régimes complémentaires et éventuellement au titre d’un régime à cotisations définies qui pourrait exister en parallèle. Le montant de la rente servie par le régime différentiel sera donc dépendant des pensions versées par les autres régimes de retraite. Le coût du régime sera lié à l’évolution des régimes obligatoires. Par exemple, l’entreprise peut choisir de mettre en place un régime différentiel, qui garantira un niveau de rente correspondant à un taux de remplacement de 50% du dernier salaire d’activité. Les salariés dont le taux de remplacement sera inférieur à 50% obtiendront du régime différentiel un supplément de retraite, tandis que ceux qui bénéficieront d’un taux de remplacement supérieur ne pourront prétendre à aucune prestation.

Le régime différentiel est plus contraignant à mettre en place car il va être soumis à un fort aléa. A l’inverse, le régime additif présente moins de risque pour l’entreprise qui peut maitriser plus facilement son financement.

2. Un engagement de l’entreprise à géométrie variable selon le type de régime à prestations définies mis en place

Comme nous l’avons vu précédemment dans les régimes à cotisations définies, l’engagement de l’assureur se limite au financement en tout ou partie du système. En aucun cas l’entreprise ne s’engage sur un résultat. Son obligation est limitée au paiement d’une somme d’argent et sa responsabilité n’est pas engagée par la plus ou moins bonne performance des fonds sur lesquels les cotisations sont placées. En somme, le coût de l’avantage est connu mais pas le résultat final, c’est-à-dire le montant de la rente qui sera servie aux bénéficiaires.

En revanche, le raisonnement s’inverse lorsque l’on évoque la nature de l’engagement résultant d’un régime de retraite à prestations définies. L’entreprise a une obligation de résultat puisqu’elle s’engage sur un niveau de retraite prédéterminée ou plus exactement sur un mode de calcul déterminé à l’avance. L’étendue de son engagement va dépendre de la définition de la promesse faite. La formule additive présente moins de risques que la formule différentielle. En effet, dans cette formule, l’engagement de l’entreprise n’est pas lié à l’évolution du montant des pensions versées par les régimes obligatoires, mais dépend de critères identifiés ou identifiables comme l’ancienneté dans l’entreprise ou le niveau du dernier salaire. Ainsi, il sera aisée pour l’entreprise d’évaluer ce que va lui coûter le financement du dispositif.

La formule différentielle est beaucoup plus lourde à mettre en oeuvre et représente un risque plus grand quant à son financement.

Le régime « chapeau » garantit un niveau global de retraite prédéterminé, l’engagement de l’entreprise portant sur la différence entre ce niveau global et l’ensemble des pensions des régimes obligatoires. L’entreprise devra supporter un aléa très important car son obligation finale dépendra non seulement des salaires de fin de carrière, de sa démographie et de l’ancienneté acquise, mais également chose nouvelle, de la performance des autres régimes. L’engagement initial est donc susceptible d’évoluer à la hausse à mesure que le rendement des régimes obligatoires baisse.

Enfin, pour en terminer sur la portée de l’engagement de l’entreprise en matière de régimes à prestations définies, il nous faut préciser que le financement est entièrement à la charge de l’entreprise. Il n’est pas possible de prévoir comme pour les régimes à cotisations définies, un financement partagé entre l’employeur et les salariés. Ce principe de financement intégral est la conséquence directe du caractère conditionnel des droits conférés aux salariés.

B/ La constitution de droits viagers conditionnels

Tout comme les régimes de retraite à cotisations définies, les régimes à prestations définies permettent aux salariés d’acquérir une rente (1) sous réserve de remplir certaines conditions (2).

1. L’acquisition de droits viagers

Les bénéficiaires d’une retraite supplémentaire à prestations définies vont donc toucher une rente viagère qui viendra combler la différence entre le niveau de retraite déterminé par le contrat et le niveau de pension accordé par les régimes obligatoires (régime différentiel), ou qui viendra s’ajouter aux prestations de base (régime additif). A l’instar des régimes à cotisations définies, cette rente est payable au plus tôt à l’âge normal de départ en retraite, c’est-à-dire l’âge à partir duquel le salarié intéressé peut bénéficier de la pension du régime de base. Techniquement, au moment du départ en retraite du salarié bénéficiaire, si la gestion est externalisée, l’organisme assureur prélèvera dans le fonds, le « capital constitutif » de la rente viagère garantie et que l’employeur aura préalablement évaluée. Cette rente sera versée jusqu’au décès du bénéficiaire.

Les droits viagers acquis par le ou les salariés, seront le plus souvent exprimés en pourcentage du dernier salaire (ou d’une tranche de salaire : A, B ou C) et/ou en fonction de l’ancienneté au sein de l’entreprise. Il existe plusieurs combinaisons possibles pour calculer ces droits. Par exemple, l’employeur peut garantir 0,5% du dernier salaire par année d’ancienneté (formule additive classique) ou garantir 0,5% du dernier salaire par année d’ancienneté dans la limite de 20% de ce dernier salaire (formule additive plafonnée) ou bien encore garantir par exemple 60% du dernier salaire (formule différentielle).

La revalorisation des rentes perçues constitue un élément d’appréciation très important de la qualité d’un régime de retraite puisque son objectif initial est bien de procurer un niveau de vie suffisant pour le retraité soumis comme tout le monde à l’inflation des prix. Cette revalorisation des droits doit être prévue dans le cadre du régime. Si l’entreprise gère elle-même les dispositifs, elle pourra décider de revaloriser les pensions en prenant en compte par exemple, l’évolution des salaires ou la revalorisation opérée par les caisses de retraite complémentaire Arrco et Agirc (revalorisation de la valeur du point de retraite). Si la gestion est externalisée, le contrat d’assurance propose le plus souvent un fonds de gestion des rentes distinct du fonds collectif de gestion des cotisations. Ainsi, la rente sera revalorisée de la différence entre le rendement net du fonds de gestion des rentes et le taux technique de rente retenu.

Si le salarié bénéficie d’une revalorisation régulière de sa rente, ses droits sont également réversibles dans la plupart des cas. En effet, les régimes de retraite à prestations définies prévoient généralement qu’en cas de décès du salarié après son départ en retraite, le conjoint survivant pourra prétendre à une pension de réversion, comme dans les régimes de retraite obligatoires. Ce choix est à la discrétion du salarié, qui peut décider d’opter pour une rente non réversible. S’il souhaite que la rente soit réversible, il devra choisir un taux compris entre 50% et 100%. Sa pension s’en trouvera diminuée en proportion. Enfin, dans certains cas les contrats mis en place prévoient une pension de réversion au bénéfice du conjoint en cas de décès du salarié avant son départ en retraite. Dans ce cas peu fréquent, le droit à pension sera subordonné à une condition minimale d’ancienneté dans l’entreprise.

Pour bénéficier de la rente promise par l’entreprise, les salariés devront remplir un certain nombre de conditions que nous allons étudier dans le paragraphe suivant.

2. Des droits conditionnels

Nous l’avons vu, les droits acquis par les salariés dans les régimes de retraite à cotisations définies ont un caractère certain. Sur ce point, les régimes à prestations définies se démarquent en conférant aux salariés des droits conditionnels. Le législateur rappelle ce caractère conditionnel des droits dans la définition qu’il donne des régimes à prestations définies. En effet, la loi(53) dispose que les retraites à prestations définies sont des régimes « conditionnant la constitution de droits à prestations à l’achèvement de la carrière du bénéficiaire dans l’entreprise et dont le financement par l’employeur n’est pas individualisable par le salarié ».

La première condition imposée par le législateur aux salariés pour être éligible au versement des droits, est une condition de présence. Seuls les salariés présents dans l’entreprise au jour de leur départ en retraite pourront prétendre au bénéfice des prestations. Cette condition de présence dans l’entreprise doit néanmoins figurer expressément dans le règlement mettant en place le contrat collectif, sous peine pour l’entreprise de se voir priver du régime social de faveur prévu par le législateur.

La seconde condition n’est pas d’origine légale mais conventionnelle. Dans la plupart des cas, la prestation promise par l’entreprise est conditionnée à un critère d’ancienneté. Les salariés ne bénéficieront de leurs droits au moment du départ en retraite, que s’ils cumulent un minimum d’années d’ancienneté.
Enfin, il existe une troisième condition qui, à la différence des deux précédentes, ne concerne que les régimes différentiels. En effet, dans ce type de contrat à prestations définies, le droit des salariés dépend de la différence existant entre le taux de retraite garanti et les droits qu’il a acquis au titre des autres régimes de retraite. Or, cette différence peut se révéler inexistante si compte tenu de son historique professionnel au moment de son départ, le salarié atteint le niveau de retraite garanti ou le dépasse. Si c’est le cas, le salarié ne touchera aucune prestation de retraite supplémentaire.

Quelles sont les répercussions pratiques du caractère conditionnel de ces droits ?

Les droits du salarié ne sont que virtuels, c’est pourquoi à la différence de ce qui se pratique avec les régimes à cotisations définies, les salariés ne bénéficient pas de comptes individuels. Ainsi, l’absence de caractère certain des droits rend opposable aux salariés les modifications du régime. Dès lors, une modification du régime consistant en une baisse du niveau des prestations s’applique aux futurs retraités qui liquident leur retraite postérieurement à la date d’entrée en vigueur de cette modification. Un arrêt(54) de la cour de cassation a confirmé ce principe d’opposabilité de la modification du régime aux salariés prenant leur retraite postérieurement à l’entrée en vigueur de la modification. Dans cette hypothèse, le salarié toucherait une prestation plus faible mais ne se verrait pas priver de la totalité de ses droits.

En revanche, le caractère conditionnel des droits peut avoir des conséquences encore plus radicales. C’est le cas par exemple lorsque le régime stipule une condition d’ancienneté qui n’est pas remplie au moment du départ en retraite. Cette condition suspensive a pour effet d’entrainer la disparition de tout droit au titre du régime, dans l’hypothèse où le salarié ne remplirait pas la condition d’éligibilité au jour de la rupture de son contrat de travail. L’employeur est tenu d’exécuter de bonne foi le contrat de travail de son salarié mais rien n’empêche en théorie un licenciement juste avant le départ en retraite, ou bien la possibilité de mettre le salarié à la retraite avant que la condition d’ancienneté ne soit remplie, privant ainsi le bénéficiaire de la prestation promise. Si l’employeur ne commet pas d’abus de droit, le salarié s’expose au risque de ne rien percevoir au moment de la retraite.

53 Art. 115 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003, dite loi « Fillon »
54 Cass. soc., 28 mai 2002.

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