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§ 2. Les frais personnels de prévention

ADIAL

Les polices d’assurance prévoient généralement que l’assuré a l’obligation de prendre
toutes les mesures nécessaires pour éviter le dommage ou en diminuer les conséquences, et
cela même si les frais se révèlent élevés. Il doit ainsi faire en sorte d’éviter la réalisation d’un
dommage, d’éviter qu’un sinistre ne donne lieu à des dommages réels, d’en empêcher la
répétition ou la prorogation, ou encore réduire l’importance d’un sinistre déjà survenu,
notamment en ce qui concerne les produits de « grande série » faisant l’objet d’une large
diffusion dans le public(252). En principe, ces frais ne sont pas pris en charge par l’assureur.

Cette exclusion est vivement critiquée puisque l’assureur s’abstient de dicter le
comportement à adopter mais prévoit une déchéance de garantie lorsque l’assuré, en cas de
sinistre, ne prend pas toutes les mesures raisonnables. « Cette clause de la police, prévoyant
la déchéance, s’appliquera lorsque les sinistres sont dus à l’inobservation par l’assuré de
l’obligation de prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter que surviennent d’autres
dommages après la constatation d’un premier sinistre et résultant de mêmes circonstances ou
de circonstances semblables »(253). Ainsi, en pratique, assureur et assuré s’entendent et
coopèrent pour adopter ensemble une tactique qui puisse réduire ou éviter l’impact d’un
sinistre de responsabilité civile ou éviter sa répétition. Néanmoins, les frais engagés au titre
de cette entente entre assureur et assuré, restent à la charge de l’assuré.

Des obligations légales viennent s’ajouter à cette obligation contractuelle de l’assuré,
notamment des législations relatives au retrait de certains produits. C’est d’abord la loi
« Scrivener »(254) qui, dans son article 2, a posé le principe selon lequel les ministres concernés
peuvent, dès lors que le produit incriminé présente un danger grave ou immédiat pour la santé
ou la sécurité de consommateurs, « faire procéder à son retrait en tous lieux où il se trouve »
et en « ordonner la destruction lorsque celle-ci constitue le seul moyen de faire cesser le
danger ». La loi « Lalumière »(255) est venue remplacer la loi « Scrivener » en matière de
sécurité des consommateurs. Au terme de son article 2, le gouvernement peut « ordonner que
les produits soient « rappelés » en vue de leur modification, de leur remboursement total ou
partiel ou de leur échange. Ordonner que les produits soient « retirés » du marché. Ordonner
leur « destruction » lorsque celle-ci constitue le seul moyen de faire cesser le danger »(256).

Cette loi est désormais incorporée aux articles L.221-1 et suivants du Code de la
consommation qui peuvent ainsi obliger le fabricant à retirer du marché une série de ses
produits.

La directive du 29 juin 1992(257), refondue par la directive du 3 décembre 2001(258) s’est
largement inspirée de cette loi et, lors de sa transposition(259), ont été créés les articles L.121-1-
1 et suivants du Code de la consommation. L’article L.121-1-2, II, de ce même code, impose
ainsi au producteur d’adopter les mesures nécessaires afin de « se tenir informé des risques
que les produits qu’il commercialise peuvent présenter ; d’engager les actions nécessaires
pour maitriser ces risques y compris le retrait du marché, la mise en garde adéquate et
efficace des consommateurs ainsi que le rappel auprès des consommateurs des produits mis
sur le marché. » Il prône même certaines mesures de préventions(260).

La loi de transposition(261) de la directive de 1985(262) prévoyait dans sa version initiale, à
l’alinéa 2 de l’article 1386-12 du Code civil, une obligation de suivi des produits, avec une
obligation de le retirer, si la défectuosité était constatée. Après condamnation de la France par
la CJUE(263), celle-ci a supprimé cet alinéa et, avec lui, l’obligation qui en découlait.

Ces divers frais engagés personnellement par l’assuré, notamment les frais de
recherche du produit dans le public, d’annonces mettant en garde les consommateurs ou de
retrait et de récupération du produit ne relèvent pas, par principe, de l’assurance de
responsabilité civile produits puisqu’il ne s’agit pas les dommages ne sont pas subis par un
tiers mais par l’assuré.

Si classique soit-elle, cette exclusion n’est pas si limpide qu’il n’y parait. La notion de
risque d’entreprise dont elle fait partie est d’ailleurs l’une des principales sources de
difficulté. La question à se poser est de savoir si les dommages subis par le produit relèvent
réellement de la responsabilité civile. En effet, cette question est essentielle car du point de
vue de l’assureur, si ces dommages ne relèvent pas de la responsabilité civile, il n’aura plus
besoin de prévoir cette exclusion. Or, à travers les développements précédents, il est apparu
que la garantie des vices cachés était hors responsabilité civile. Cependant, ce n’est pas
l’unique source de dommages subis par le produit. Si l’assureur veut exclure le « produit luimême
» de la garantie, il se doit de le prévoir contractuellement.

Du point de vue de l’assuré, cette exclusion présente de nombreux désavantages et
limite considérablement sa garantie. En effet, à travers elle, c’est une grande part, voire la
partie essentielle de l’activité de l’assuré qui n’est pas couverte. Afin d’en minimiser les effets
sur les affaires de l’assuré, ce dernier peut souscrire des garanties annexes.

252 GIRERD B., les exclusions dans l’assurance « RC produits livrés », Institut des Assurances de Lyon,
mémoire dirigé par Axelle ASTEGIANO-LA-RIZZA, promotion 2004/2005
253 Claire DEBEAUNE, Les sinistres sériels, Institut des Assurances de Lyon, promotion 2001
254 Loi Scrivener, L. n°78-23 du 10 janvier 1978, JO 11 janv.
255 Loi Lalumière, L. n°83-660 du 21 juillet 1983, JO 22 juill.
256 KULLMANN J., Lamy Assurances, Editions Lamy, n°2433 et suivants, 2010
257 Directive n°95/59/CEE du 29 juin 1992
258 Directive n°2001/95/CE du parlement européen et du Conseil relative à la sécurité générale des produits, 3
décembre 2001
259 Ordonnance n°2004-670 du 9 juillet 2004, JO 10 juillet. Une nouvelle transposition a été opérée par
l’ordonnance n°2008-810 du 22 août 2008, JO 23 août, ratifiée par la loi n°2009-526, du 12 mai 2009, JO 13 mai
260 Article L.221-1-2 II : « Ces mesures peuvent notamment consister en la réalisation d’essais par sondage ou en
l’indication sur le produit ou son emballage d’un mode d’emploi, de l’identité et de l’adresse du producteur, de
la référence du produit ou du lot de produits auquel il appartient. Ces indications peuvent être rendues
obligatoires par arrêté du ministre chargé de la Consommation et du ou des ministres intéressés ».
261 Loi n° 98-389 relative à la responsabilité des produits défectueux du 19 mai 1998, J.O. du 21 mai 1998
modifié par la loi n°2004-1343 du 9 décembre 2004, J.O. du 10 décembre 2004, et par la loi n°2006-406 du 5
avril 2006, J.O. du 6 avril 2006.
262 Directive 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dispositions législatives,
réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux
263 CJCE, 25 avril 2002, n°C-52/00, Dalloz 2002, p.2462, note LARROUMET; AJ p.1670, obs. RONDEY ;
RTDC 2002, p.522, obs. P. JOURDAIN, p. 868, obs. RAYNARD ; RTDCom 2002, p.585, obs. LUBY

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