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§2) Le Pere : un nouveau régime d’épargne retraite pas complètement séduisant

ADIAL

Le Pere introduit en 2003, n’a jamais rencontré le succès attendu par le législateur. En 2010, le nombre de contractants s’élevait à 250.000 pour un encours de 2,5 milliards d’euros, alors que dans le même temps, 2 millions de personnes bénéficiaient d’un contrat « article 83 » avec un encours de 37 milliards d’euros. Certes, les contrats à cotisations définies classiques existent depuis plus longtemps que les Pere, mais ceci ne suffit pas à justifier un tel écart. Ce faible succès s’explique d’une part, par la complexité du dispositif (A) et d’autre part, par les avantages qu’ils procurent, essentiellement à destination des plus hauts revenus (B).

A/ Un dispositif trop contraignant pour les entreprises et pour les assureurs

Si le Pere partage avec le Perp un régime fiscal attrayant, il lui emprunte également ses contraintes, notamment l’obligation de mettre en place un comité de surveillance (1) et celle de respecter des règles de gestion très stricte (2).

1. La présence obligatoire d’un comité de surveillance

La loi du 21 août 2003, comme pour le Perp, a consacré l’intervention des assurés (qui sont ici les salariés) dans la gestion de leur contrat, à travers la création d’un comité de surveillance, en essayant d’établir un équilibre délicat entre le rôle de l’assureur, des assurés et des employeurs. Pour chaque Pere, il est donc institué obligatoirement un comité de surveillance, chargé de veiller à la bonne exécution du contrat par l’organisme d’assurance et à la représentation des intérêts des adhérents du plan. Ce comité de surveillance doit être composé de membres n’ayant pas, pour au moins la moitié d’entre eux, d’intérêts dans l’organisme assureur. Sans trop rentrer dans les détails de son fonctionnement, notons simplement que ce comité doit être formé dans les six mois de la signature du Pere, qu’il doit se réunir au moins une fois par semestre et qu’il est chargé entre autre d’établir un rapport annuel sur la gestion et la surveillance du plan.

Ce comité de surveillance est très contraignant à mettre en place pour une entreprise. D’une part, sa mise en place à un coût, qu’il est certes possible de mutualiser si un Peri est mis en oeuvre, mais qui représente tout de même une dépense supplémentaire pour l’entreprise. Et, d’autre part, elle nécessite des moyens humains et une organisation technique, auxquels une entreprise, notamment une petite ou moyenne structure, ne peut pas toujours faire face. Ainsi, nous comprenons mieux pourquoi peu d’employeurs on entreprit de proposer un Pere à leurs salariés.

Hormis, la présence d’un comité de surveillance qui rend complexe la mise en place du Pere, les modalités de gestion propres au mécanisme ne contribuent pas non plus à en faire un dispositif attractif.

2. Des règles spécifiques de gestion

En vue de protéger l’épargne des salariés et d’assurer une transparence de la gestion de l’organisme d’assurance, le Pere fait l’objet de règles spécifiques de gestion. Ces règles ont trait tout à la fois à la gestion administrative, financière et technique du système. Les organismes assureurs font l’objet d’une surveillance accrue dans la manière de gérer le plan. Cette défiance à l’égard de leur activité explique également la frilosité dont les assureurs ont fait preuve à l’égard de ce nouveau dispositif. A titres d’exemples, les règles de gestion financière d’un Pere limitent la possibilité pour les assureurs de recourir aux instruments financiers à terme. De même, est interdite toute rétrocession de commissions perçues au titre de la gestion financière. Enfin, la délégation financière est aussi encadrée, de même que la réassurance du plan.

S’agissant des actifs du plan, ceux-ci sont conservés par un dépositaire unique, distinct de l’organisme d’assurance gestionnaire du plan, qui s’assure de la régularité des décisions de gestion financière des actifs dont il a la garde. Le dépositaire assure ainsi la conservation des actifs qui font l’objet d’un enregistrement comptable distinct. Ce principe de cantonnement des actifs offre plus de sécurité aux crédirentiers et permet de maximiser la « duration » du passif. En effet, les perspectives de gains sont plus importantes car le cantonnement permet aux actifs du Pere d’être investis plus longtemps en actions que s’ils étaient confondus avec l’actif général de l’assureur. Cependant, l’inconvénient est que ce principe légal de cantonnement entraine un mode de gestion plus rigoureux.

Nous retrouvons également pour chaque Pere, un ou plusieurs commissaires aux comptes qui vont être missionnés pour certifier que les comptes annuels du plan sont réguliers et sincères. A ce titre, ils sont débiteurs d’une obligation d’information envers le comité de surveillance, qui peut leur demander à tout moment des renseignements sur la situation financière et l’équilibre actuariel du plan. La comptabilisation des actifs du plan est ainsi sévèrement encadrée.
En créant le Pere, le législateur n’a pas réussi à susciter d’intérêt ni auprès des entreprises, qui jugeaient le procédé trop contraignant, ni auprès des assureurs qui ont vu l’encadrement strict de leur activité comme un frein au développement de ce nouveau marché potentiel. En plus de la défiance vis-à-vis de leur activité de gestionnaire du plan, les assureurs se sont également heurtés à une rentabilité trop faible des Pere, notamment de par l’impossibilité d’investir les actifs sur certains produits financiers..

Plus grave, il semblerait que le Pere n’ait pas non plus rencontré l’adhésion des salariés.

B/ Le manque d’attrait du Pere auprès des salariés

Le Pere, tout comme le Perp dont il reprend le régime fiscal, n’a pas complètement séduit les salariés. En proposant une sortie du plan uniquement sous forme de rente viagère, le Pere ne remporte pas les suffrages (1). Par ailleurs, le dispositif ne remplit pas l’objectif d’améliorer l’accès à l’épargne retraite, son régime fiscal étant davantage attrayant pour les hauts revenus (2).

1. Un « énième » produit de retraite supplémentaire offrant comme seule possibilité une sortie en rente viagère

En autorisant les versements volontaires sur un contrat de retraite supplémentaire à cotisations définies, le législateur a donné naissance au Pere. Si cette démarche consistant à laisser la possibilité aux bénéficiaires d’épargner au-delà des seules cotisations obligatoires est plutôt louable, force est de constater que le dispositif, en sus des difficultés inhérentes à sa mise en place, n’a pas su séduire les salariés.

L’une des raisons expliquant ce manque d’intérêt est à rechercher dans la modalité prévue pour la sortie des sommes épargnées. En effet, là où le législateur a eu l’intelligence de laisser la possibilité à l’entreprise mettant en place un Perco, de prévoir dans son accord une sortie en rente ou en capital (voir même un panachage des deux), il cantonne toujours la sortie des régimes à cotisations définies, qu’ils soient de forme « classique » ou de type « Pere», au versement d’une rente viagère.

La durée parfois très longue des placements effectués sur ces plans représentent déjà un frein majeur pour beaucoup de salariés et notamment ceux qui ne possèdent pas la capacité de diversifier leur épargne. En outre, la seule possibilité d’une sortie en rente viagère renforce encore un peu plus la frilosité des épargnants pour ces régimes collectifs, qui leur préfèreront bien souvent l’assurance-vie pour la possibilité qu’elle offre de racheter la provision mathématique et obtenir ainsi un déblocage de l’épargne sous forme de capital.

Certes, certains observateurs défendent ardemment le principe d’une libération de l’épargne sous forme de rente pour la sécurité financière qu’elle procure jusqu’à la fin de la vie, mais en pratique, les épargnants préfèrent généralement disposer d’un capital qui leur laissera de plus amples possibilités d’investissement. De plus, s’il est vrai que le capital peut ne pas suffire pour assurer au retraité un niveau de vie suffisant jusqu’à la fin de ses jours, il possède l’énorme avantage d’être transmissible aux héritiers. La rente quant à elle n’est réversible que sous certaines conditions et, en tout état de cause, sera amputée d’une partie de sa valeur si un bénéficiaire de second rang est désigné.

Enfin, dernier inconvénient majeur pour le bénéficiaire, le Pere ne prévoit pas de contre-assurance décès. Cela signifie que si le souscripteur vient à décéder avant l’âge de la retraite, date à laquelle il peut liquider son épargne, toutes les sommes personnellement investies ainsi que les versements de l’entreprise, seront définitivement perdus.

La fiscalité de la rente issue d’un Pere ne représente pas non plus un atout, en comparaison par exemple, au traitement fiscal réservé au capital issu d’un Perco et, plus généralement, la fiscalité du dispositif dans son ensemble n’est véritablement avantageuse que pour les plus hauts revenus.

2. Un régime fiscal davantage favorable aux salariés fortement imposés

Le Pere, comme son « cousin » individuel le Perp, va rencontrer plus de succès chez les salariés disposant de hauts revenus et qui, par conséquent, sont soumis à une imposition plus forte.

Le dispositif fiscal procure ainsi un effet d’aubaine, dans la mesure où il permet à ces salariés de l’utiliser autant comme un instrument de défiscalisation que comme un mécanisme en vue de préparer leur retraite. Nous l’avons vu, le Pere propose aux cotisants de déduire de leur imposition des versements volontaires jusqu’à 10 % de leur rémunération de l’année précédente (dans la limite de 8 PASS). Au final, pour un salarié percevant une rémunération proche des 8 PASS, ce n’est pas moins de 28.281 € (en 2011) qu’il pourrait déduire de son revenu imposable. Cet avantage fiscal est dès lors, beaucoup plus intéressant pour les foyers imposés sur les tranches supérieures de l’impôt sur le revenu, que pour ceux imposés sur les tranches marginales.

De plus, le Pere étant un contrat collectif d’assurance sur la vie non rachetable, il bénéficie à ce titre de l’exonération prévue par l’article 885 F du CGI. Les primes individuelles versées(64) sur le Pere en sus des cotisations obligatoires, n’entreront pas non plus dans le calcul de l’impôt sur la fortune.
Au niveau de la fiscalité des prestations issues d’un Pere, nous retrouvons les contraintes classiques de la rente viagère qui, hormis l’abattement spécifique de 10 %, est imposable comme les pensions issues des régimes obligatoires. Cependant, si la fiscalité n’est pas favorable, elle n’est pas plus forte pour les salariés à hauts revenus que pour ceux disposant de ressources plus modestes.

Enfin, dernier attrait du Pere pour les foyers les plus riches, lors de la phase de dénouement, la loi exonère d’ISF la valeur de capitalisation des rentes viagères constituées, moyennant le versement de primes régulières pendant une durée d’au moins 15 ans et si l’entrée en jouissance de la rente intervient après la liquidation de la pension des régimes d’assurance vieillesse de base.

En conclusion de cette section, nous ne pouvons que constater le peu de succès pour ne pas dire l’échec, rencontré par ce nouveau dispositif. Loin d’atteindre son ambition de voir grimper en flèche les encours au sein des contrats à cotisations définies, le législateur s’est contenté de proposer un régime dont on ne saisit pas très bien l’intérêt tant il est difficile à mettre en oeuvre et compliqué à alimenter pour le salarié lambda, supportant déjà dans bien des cas une cotisation salariale obligatoire.

Nous avons pu le constater à travers l’étude du Pere et du Perco, les nouveaux mécanismes d’épargne retraite de 2003 démontrent la volonté législative de « booster » l’épargne retraite. Cependant, s’ils représentent déjà une avancée significative, ces nouveaux dispositifs méritaient d’être améliorés.

64 Excepté celles versées après 70 ans.

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