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§ 2. Le défaut de concordance entre responsabilité civile du fait des produits défectueux et son assurance

ADIAL

Lorsque la mise en jeu de la garantie d’assurance de responsabilité civile produits
livrés est fondée sur la Responsabilité civile du fait des produits défectueux, les délais de
l’une et de l’autre ne sont pas identiques. La responsabilité civile du fait des produits
défectueux issue de la direction de 1985(109) est soumise à un délai de péremption(110) qui
commence à courir dès la mise en circulation du produit, alors que la garantie d’assurance de
cette responsabilité a comme point de départ la livraison. Ces deux instants de la vie du
produit ne sont pas simultanés et peuvent parfois être très éloignés.

Dans le cas d’un vol, par exemple, il n’y a pas de mise en circulation du produit(111) par
l’assuré, victime du vol, mais elle peut être effectuée postérieurement par le voleur. Or, la
garantie de l’assurance couvrant la responsabilité civile après livraison ne peut intervenir que
si la responsabilité de l’assuré est elle-même engagée. La responsabilité civile du fait des
produits défectueux ne pouvant être mise en jeu qu’à partir de la mise en circulation(112), s’il y
a vol, l’assuré ne pourra être déclaré responsable, et la garantie ne jouera donc pas.

Si l’on met de côté cette hypothèse, la mise en circulation se révèle toujours être
antérieure à la livraison. Dans le cas d’une chaine de distribution, la mise en circulation aura
lieu lors du premier transfert alors que la livraison, pour l’assurance de responsabilité civile
produits livrés du dernier maillon de cette chaine, n’aura lieu que lorsque celui-ci transférera
lui-même le contrôle de la chose à un tiers(113). Un laps de temps parfois très long peut donc
s’écouler entre la mise en circulation et la livraison(114). La difficulté est ici que lors de la
livraison effectuée par l’assuré, le délai de péremption de l’action en responsabilité peut s’être
totalement écoulé et les victimes se retrouver privées de recours.

L’assureur couvre une responsabilité pour laquelle aucune action ne peut être engagée
au-delà de 10 ans après la mise en circulation(115). Il s’agit d’un délai préfix, impératif et
irrémédiable que seule l’action de la victime peut interrompre(116). Ainsi, le producteur qui n’a
reçu aucune demande de réparation dans un délai de dix ans après la mise en circulation de
son produit est définitivement libéré de toute obligation de réparer le dommage causé par le
défaut de celui-ci(117). Si la livraison intervient 9 ans après cette date, l’assuré sera en réalité
responsable seulement durant un an.

Cette divergence temporelle entre la livraison et la mise en circulation(118), qui peut
paraitre injuste vis-à-vis de la victime, est cependant indispensable à l’assurance de la
responsabilité civile. Assimiler la mise en circulation à la livraison entraînerait une charge
trop lourde tant pour le professionnel que son assureur, qui se retrouveraient face à une
responsabilité objective pouvant être engagée, sans limitation temporelle jusqu’à la fin de la
vie du produit. Il est nécessaire de distinguer entre les contrats en base « fait générateur » et
ceux en base « réclamation »(119). En effet, pour les contrats en base « fait générateur », la
durée de la responsabilité de l’assuré est primordiale puisque la garantie s’étend pendant toute
la durée où cette responsabilité peut être recherchée dès lors que le fait dommageable a eu lieu
pendant la durée du contrat. Encadrer cela dans un délai de 10 ans après la mise en circulation
permet à l’assureur de mieux maitriser le risque. De même, pour les contrats en base
« réclamation », la garantie de l’assureur est déjà encadrée dans un délai puisqu’elle n’est
valable que pour les réclamations effectuées pendant la période de validité de la police.

Cependant, cette péremption de l’action civile peut également être avantageuse pour lui car il
sera face à une responsabilité dont aucune réclamation ne pourra être effectuée après 10
ans(120). Le texte communautaire a donc voulu que ce point de départ soit unique et invariable
afin de limiter dans le temps le poids de la réparation et par là-même la charge de
l’assurance(121).

La livraison étant une simple situation de fait, elle se concilie mal avec les notions de
la responsabilité civile, notamment la mise en circulation. Cependant, les considérations
d’ordre juridique doivent être prises en compte puisque cette garantie n’aurait aucun intérêt
sans la mise en cause de la responsabilité civile de l’assuré. Aucune solution n’a encore été
trouvée pour faire face aux divers problèmes exposés ci-dessus. Cela s’explique certainement
par le fait qu’en réalité, la pratique n’est pas soumise à de grandes difficultés à ce niveau là.

En effet, les polices présentées aux assurés sont généralement des polices globales
comprenant l’intégralité des diverses responsabilités. Ainsi, si la question peut se poser de
savoir si la livraison a ou n’a pas eu lieu, cela n’a en réalité pas réellement d’importance
puisque dans tous les cas, la responsabilité de l’assuré sera couverte par le contrat
d’assurance, et si ce n’est pas au titre de l’assurance responsabilité civile du fait des produits
livrés, ce sera certainement sous le couvert de l’assurance responsabilité civile exploitation.

Au-delà de la livraison, d’autres notions de cette assurance de responsabilité civile
après livraison doivent faire l’objet d’un examen plus développé.

109 Directive 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dispositions législatives,
réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux
110 VINEY G., L’introduction en droit français de la directive du 25 juillet 1985 relative à la responsabilité du
fait des produits défectueux, D. 1998 p. 291.
111 Article 1386-5 du Code civil : « Un produit est mis en circulation lorsque le producteur s’en est dessaisi
volontairement ».
112 GHESTIN J., Les conditions de la responsabilité, 3ème édition, traité de droit civil, 2006, p.878 : La mise en
circulation « apparait comme une notion clé dans le régime de la responsabilité institué par la loi de 1998 […]
elle est une condition de la responsabilité qui ne peut exister qu’à compter de cette date, ainsi que cela résulte
indirectement de la faculté attribuée au producteur de s’exonérer en établissant qu’il n’a pas mis le produit en
circulation (article 1386-11 1° du Code civil). »
113 Ce qui peut arriver très longtemps après que le bien lui ait été livré, notamment si ce dernier stocke la
marchandise.
114 Voir annexe n°01 ; Voir aussi LAMERE J.-M., Les victimes de produits de santé épargnées par la C.J.C.E.,
Risques n°42, juin 2000.
115 Article 1386-16 du Code civil : « Sauf faute du producteur, la responsabilité de celui-ci, fondée sur les
dispositions du présent titre, est éteinte dix ans après la mise en circulation du produit même qui a causé le
dommage à moins que, durant cette période, la victime n’ait engagé une action en justice. »
116 MAYAUX L., L’incidence de la loi du 19 mai 1998 sur la durée de la garantie d’assurance en matière de
produits livrés, RGDA 1er janvier 1999, n°1999-1 p.63
117 ROUSSEL-ZIZINE C., Le risque de développement et l’assurance, Institut des assurances de Lyon, mémoire
dirigé par Alain AUBRY, promotion 2009/2010
118 MAYAUX L., L’incidence de la loi du 19 mai 1998 sur la durée de la garantie d’assurance en matière de
produits livrés, RGDA 01 janv. 1999, n°1999-1, p. 63
119 Pour les garanties en base « réclamation » et en base « fait dommageable » Voir supra introduction p.14
120 Voir annexe n°1
121 LAMBERT-FAIVRE Y., Risques et assurances des entreprises, 3ème édition, Dalloz, 1991 ; BORGHETTI J.-
S., La responsabilité du fait des produits défectueux confrontée à l’opacité des réseaux de distribution, D. 2010
p. 624

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