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2. La redevance incitative à Besançon

2.A. L’instauration de la REOM au volume du bac (1999)

Besançon fait figure d’exception dans le paysage français de la gestion des déchets ménagers
puisque c’est la seule ville française d’une telle taille qui ait adopté la redevance incitative. Ce choix
s’est appuyé sur de nombreuses motivations mais s’est cependant heurté à différentes limites, aussi
bien avant qu’après sa mise en place.

2.A.a. Motivations du passage à la REOM

A Besançon, la décision du passage d’une TEOM à une REOM en 1999 pour le financement
du SPED est directement liée à la volonté de réduire les investissements dans des mises aux normes
environnementales de plus en plus onéreuses des usines d’incinération. Clairement, il faut trouver
des alternatives à l’incinération et, dans un contexte marqué par la mise en place d’une collecte
sélective (1999), le recyclage semble promis à un bel avenir. L’enjeu est donc de transférer une
partie des tonnages de l’incinération vers le recyclage afin de maîtriser les coûts croissants de
traitement auxquels est confronté le service municipal en charge des déchets. Cependant, le
recyclage ne permettant pas de traiter un volume important d’ordures ménagères, surtout dans les
premières années de la collecte sélective, la construction d’un nouveau four est nécessaire, d’autant
plus que le premier qui a été construit en 1971 arrive en fin de vie. En 2002, la nouvelle Unité
d’Incinération des Ordures Ménagères (UIOM) entre en fonctionnement et la plus ancienne est
arrêtée.

En 1999, la loi dite « Chevènement » élargit les compétences de l’intercommunalité, ce qui
constitue un moment opportun pour mutualiser la réflexion et les décisions avec les territoires
voisins concernant les solutions de traitement à privilégier. C’est ainsi qu’est créé un Établissement
Public de Coopération Intercommunale (EPCI) en charge du traitement des déchets (déchèteries, tri,
compostage, ressourceries, incinération) : le Syndicat mixte de Besançon Et sa Région pour le
Traitement des déchets (SYBERT). Cette coopération intercommunale renforce l’impératif de
transparence des coûts du SPED, et notamment du traitement. Seul un système de REOM peut
assurer cet objectif de transparence via la création d’un budget annexe(61).

Enfin, l’instauration de la REOM implique un changement de statut du SPED, qui passe d’un
Service Public Administratif (SPA) prélevant le coût de la prestation sur les contribuables à un
Service Public Industriel et Commercial (SPIC) facturant cette charge aux usagers. Dès lors, il est
nécessaire de définir un système de « compteur » qui puisse mesurer la quantité de déchets produite
par chaque ménage afin de servir d’assiette de facturation et de mettre en place un système pour
recenser l’ensemble des futurs redevables, deux conditions difficiles à satisfaire et qui sont des
freins majeurs à l’instauration de la redevance incitative. Or, la ville disposait déjà d’un fichier des
redevables puisqu’elle avait gardé la maîtrise du parc de conteneurs en louant les bacs aux
particuliers depuis 1975 et facturait cette location en fonction du volume du bac. C’est donc assez
naturellement que la solution d’une redevance incitative au volume du bac fut retenue tout en
combinant cette variable au nombre de levées(62).

2.A.b. Réticences et compromis

Cependant, ce basculement vers la redevance incitative n’était pas sans poser un certain
nombre de problèmes.

Tout d’abord, comme nous l’avons vu précédemment, la redevance incitative pénalise les
familles nombreuses et précaires et s’est donc heurtée, pour cette raison, à la réticence de certains
élus. « La Ville de Besançon avait ainsi étudié la possibilité de mettre en place une redevance
directement proportionnelle au volume du bac. Elle n’a pas retenu cette possibilité et a choisi une
grille tarifaire forfaitaire par type de bacs. Comme le montre le graphique 4 ci-après, la REOM
équivalente en €/litre est nettement dégressive »(63) afin de ne pas pénaliser les familles nombreuses
résidant en logement social, d’autant plus que cette décision trouve une justification : la collecte en
habitat vertical nécessite moins de temps d’intervention grâce à la taille et au regroupement des
conteneurs, ce qui la rend moins coûteuse que la collecte en habitat pavillonnaire.

Graphique 4 : Grille tarifaire de la REOM pour l’année 2000. Ville de Besançon.

Source : DIRECTION DES ETUDES ECONOMIQUES ET DE L’EVALUATION ENVIRONNEMENTALE DU
MINISTERE DE L’ECOLOGIE ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE, op. cit., p. 61.

Certaines réticences vis-à-vis de l’instauration d’une redevance incitative étaient également
dues à la crainte des retombées politiques de l’adoption de ce nouveau système à deux ans des
prochaines élections municipales. Cependant, cet écueil est évité car le passage à la redevance
incitative est décidé à l’unanimité et fait l’objet d’un puissant portage politique(64).

Le dernier facteur d’incertitude reste l’implication des bisontins dans ce nouveau dispositif.
Pour s’assurer de leur participation, une campagne de communication est lancée dès 1998 et
s’appuie sur divers supports de communication : dossiers publiés dans les bulletins municipaux et la
presse locale, lettres d’information, fascicules informatifs et modes d’emploi pour le décryptage de
la facture distribués à tous les ménages, réunions publiques.

2.A.c. Des débuts difficiles qui nécessitent des mesures correctives

Les premières factures envoyées aux usagers ont entrainé une explosion des réclamations,
notamment de la part de l’habitat individuel qui voit sa contribution au financement du SPED
augmenter jusqu’à 50 voire 100 %. Le standard téléphonique et l’accueil du service gestion des
déchets sont débordés et la presse locale relais le mécontentement de certains bisontins. Face à ces
critiques, des mesures correctives sont prises :

– Introduction d’un petit bac (60 L) adapté aux foyers de 1 ou 2 personnes ;
– Adaptation de la fréquence de collecte ;
– Modification du mode de calcul de la Redevance ;
– Mise en oeuvre de contrats de regroupement qui permettent à plusieurs propriétaires
d’utiliser en commun un même bac sous un seul contrat, ce qui leur permet de bénéficier du
régime favorable aux bacs de plus grande capacité ;
– Mise en place d’une communication d’accompagnement (bulletin municipal, lettres
d’accompagnement explicatives avec les factures).

C’est une réelle épreuve de force qu’ont dû surmonter les élus et les techniciens pour parvenir à
rendre efficient ce nouveau mode de financement du SPED. Assurément, ces derniers ont acquis un
savoir-faire important et ont su redonner leurs lettres de noblesse au service de gestion des déchets
qui a désormais pour mission de responsabiliser l’usager en vue d’en faire un « éco-citoyen ».

2.B. 2012 : Instauration de la redevance incitative avec pesée embarquée

2.B.a. La redevance incitative avec pesée embarquée pour réduire la part de l’incinération

A la fin des années 2000, la capacité de traitement par incinération paraît une nouvelle fois
menacée par l’arrivée en fin de vie du four construit en 1976. Afin d’éviter le remplacement de ce
four(65) qui demanderait encore un investissement conséquent, la préférence est accordée à la
réduction à la source et à la valorisation matière conformément aux orientations du Grenelle de
l’environnement. Afin d’atteindre cet objectif il est nécessaire d’accentuer le levier incitatif pour
détourner une part des déchets incinérés vers la collecte sélective, le compostage et les déchèteries.

Cette solution paraît d’autant plus justifiée que le Grenelle de l’environnement consacre l’intégration
d’une part incitative dans le mode de financement du SPED : le service de gestion des déchets de la
Communauté d’Agglomération du Grand Besançon (CAGB) possède donc une longueur d’avance et
compte bien continuer à montrer la voie au niveau national. C’est dans ce contexte qu’est prise la
décision d’instaurer une redevance incitative avec pesée embarquée, première expérience de ce type
sur un secteur urbain aussi important.

2.B.b. Une redéfinition de la redevance incitative ?

Il est d’ailleurs significatif d’observer le déplacement sémantique opéré par les élus et
techniciens de la CAGB quant à la définition de la « redevance incitative ». En effet, la REOM au
volume du bac instaurée depuis 1999 ne mérite plus, selon eux, l’appellation « incitative » car elle
ne traduit que grossièrement la quantité de déchets produits par chaque ménage. Ainsi, seule
l’intégration de la variable « poids » grâce un système de pesée embarquée reflète fidèlement le
niveau de consommation du SPED par chaque ménage et peut avoir une portée incitative
significative sur le comportement de ces derniers. Nos observations de terrain ont d’ailleurs
confirmé que, même chez les bisontins les plus concernés par la question des déchets ménagers
(guides composteurs, membres de Trivial Compost), le caractère incitatif de l’ancienne tarification
au volume du bac n’était pas vraiment perçu.

2.B.c. L’éternel casse-tête de l’habitat collectif

Si, au niveau de l’habitat collectif, le passage à la redevance incitative au volume du bac en
1999 avait finalement posé moins de problèmes que ce qui était redouté, l’instauration d’une
redevance incitative avec pesée embarquée donne un poids primordial à la question de l’habitat
collectif. En effet, les conteneurs étant partagés dans ce mode d’habitation, il n’y a aucun moyen qui
puisse permettre d’individualiser la facture de chaque ménage, ce qui remet en cause la portée
incitative du dispositif. Ainsi les objectifs fixés par le Grand Besançon sont différenciés en fonction
du mode d’habitat : la diminution de la quantité d’ordures ménagères résiduelles devra être de 35 %
en habitat pavillonnaire et de 12 % en habitat collectif à l’horizon 2014.

La faible influence du levier incitatif en habitat collectif invite à rechercher d’autres facteurs
pouvant favoriser l’adoption de bonnes pratiques en termes de tri des matières recyclables et de
compostage au sein de ce mode d’habitat. Cette problématique sera probablement au coeur de notre
travail de Master 2.

61 Cf. partie « Objectifs », p. 69.
62 Nombre de fois où le bac est vidé par les ripeurs dans le camion-benne.
63 DIRECTION DES ETUDES ECONOMIQUES ET DE L’EVALUATION ENVIRONNEMENTALE DU
MINISTERE DE L’ECOLOGIE ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE, op. cit., p. 61.
64 « De façon récurrente, les techniciens et les administratifs rencontrés soulignent que l’engagement des élus est
décisif pour la concrétisation des opérations de DD urbain. […] On peut alors faire l’hypothèse selon laquelle il faut
que l’enjeu du DD se politise localement pour qu’il ”prenne” ». HAMMAN Philippe, BLANC Christine, op. cit., p.91.
65 Comme ce fut le cas en 2002 avec l’arrêt du plus vieux four (construit en 1971) et la mise en marche d’un nouveau.

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