Gagne de la cryptomonnaie GRATUITE en 5 clics et aide institut numérique à propager la connaissance universitaire >> CLIQUEZ ICI <<

§2) Du côté salarié : la constitution d’une épargne à moyen terme ou un surplus de pouvoir d’achat immédiat

ADIAL

Si l’entreprise poursuit plusieurs objectifs lorsqu’elle met en place un accord d’intéressement ou de participation, le salarié n’attend qu’une seule chose de ces mécanismes : obtenir un supplément de rémunération. Ce qu’il va être intéressant d’observer, c’est la manière dont le salarié va employer les sommes perçues. Il peut profiter de l’intéressement et/ou de la participation de deux manières : soit en décidant de percevoir immédiatement les sommes acquises (A), soit en décidant de les épargner sur un plan d’épargne (B).

A/ La perception immédiate des primes : un surplus de pouvoir d’achat

La perception immédiate des sommes issues de l’épargne salariale répond à un besoin de liquidités mais n’est pas sans inconvénient (1). En effet, le législateur avantage nettement le salarié qui épargne, ce qui dans une certaine mesure est critiquable (2).

1. La perception immédiate des primes : un bénéfice à court terme moins avantageux

Pour l’intéressement, il s’agit de la norme. La perception immédiate est le principe et le placement de cette somme sur un plan d’épargne est l’exception. La disponibilité immédiate des primes d’intéressement est une caractéristique qui intéresse plus particulièrement les salariés qui bénéficient d’une faible rémunération. En effet, les faibles revenus sont moins fiscalisés, par conséquent les déductions d’assiette de l’impôt sur le revenu qui découlent du placement de ces sommes, représentent pour eux un intérêt moindre. L’autre raison principale qui incite ces salariés à profiter immédiatement de la prime d’intéressement, est la recherche d’un avantage à court terme, à savoir un surplus de pouvoir d’achat. Une enquête(43) de la DARES (service statistique ministériel rattaché à l’INSEE) a illustrée cet état de fait par une statistique révélatrice : la proportion des versements aux PEE provenant de l’intéressement serait de 6,20% pour les entreprises dont le salaire moyen est inférieur à 15.000 € et de 29,60% pour celles dont le salaire moyen est supérieur ou égal à 30.000 €. Nous voyons bien à travers ces chiffres que les salariés les plus modestes privilégient la disponibilité immédiate de l’intéressement à son blocage sur un PEE, ce qui est moins évident pour les salariés à hauts revenus.

Ce besoin de liquidité est pourtant préjudiciable au salarié. En effet, à la différence de l’épargne, les sommes perçues immédiatement sont soumises à l’impôt sur le revenu. Le bénéfice retiré du dispositif est donc moindre qu’en cas de blocage de la somme sur plan d’épargne. Seuls les avantages sociaux (exonération de charges) profiteront au salarié.

A l’inverse de l’intéressement, la participation a longtemps été obligatoirement soumise à une durée d’indisponibilité. En effet, ce n’est qu’à partir de 2008 que la loi a laissé une option pour le salarié quant au sort réservé aux sommes issues de la participation. Le salarié peut toujours décider de laisser ses droits bloqués pendant une durée de cinq ans, mais il peut également choisir le versement immédiat de ceux-ci. La disponibilité immédiate des sommes s’avère largement utilisée et donc attractive pour ceux des salariés qui privilégient le cash. Tout comme l’intéressement, la participation versée directement ne bénéficie pas des avantages fiscaux offerts à celle bloquée pendant cinq ans. Ainsi, les sommes sont imposables au titre de l’impôt sur le revenu, seules les exonérations de charges salariales bénéficient au salarié.

En définitive, l’avantage retiré par le salarié de tous ces mécanismes sera nettement plus intéressant lorsque les primes seront épargnées. Si nous comprenons aisément que le législateur ait cherché à encourager l’épargne des sommes distribuées par l’entreprise, nous constatons que le système contribue d’une certaine manière à accroitre les inégalités entre les salariés.

2. L’incitation à l’épargne : l’accroissement des inégalités dans l’entreprise ?

Le constat est simple, la perception immédiate de l’intéressement ou de la participation est plus fréquente chez les salariés modestes. Dans le même temps, le versement direct est le mode de perception qui présente le moins d’avantages. La question de savoir si le législateur en incitant au placement des sommes distribuées, ne contribue t-il pas indirectement à creuser les inégalités, mérite d’être posée. Nous l’avons déjà vu, le caractère collectif de l’épargne salariale contribue au succès des dispositifs et les rend de ce fait très égalitaires. En revanche, les incitations fiscales et sociales sont selon nous plus discutables. Les exonérations sociales favorisent par leur manque à gagner pour l’Etat, la fragilisation de notre système social. Les déductions fiscales quant à elles pénalisent les salariés qui ont de faibles revenus et qui n’ont pas la possibilité d’épargner, alors que dans le même temps elles représentent un avantage considérable pour les salariés les plus aisés, à fort potentiel d’épargne. Cette différence de traitement entre les sommes versées directement et les sommes épargnées est en plus accentuée par la présence d’un abondement. Le salarié qui épargne, en plus des avantages fiscaux liées à la prime elle-même, va bénéficier d’une aide de son entreprise à travers les versements complémentaires. Enfin, les revenus des sommes placées seront également soumis à un traitement fiscal avantageux.

Pour toutes ces raisons, nous sommes en droit de nous demander si le système actuel est juste et équilibré. Certes, le législateur a conçu ce système pour « forcer » les salariés à épargner et ainsi répondre aux besoins de financement de notre économie, mais peut-être pourrait-on imaginer des règles différentes qui, sans remettre totalement en cause l’incitation à l’épargne, permettraient de ne pas pénaliser les salariés qui décident de percevoir immédiatement leurs primes. Par exemple, nous pourrions imaginer que les salariés dont le revenu est inférieur à un certain seuil, puissent percevoir directement une fraction de leur prime en franchise d’impôt ou bien encore instaurer un abondement modulable en fonction des catégories de salariés. Cette dernière hypothèse, bien que délicate à mettre en oeuvre car contraire au caractère collectif de l’épargne salariale, permettrait par exemple de majorer l’abondement des non cadres. Le « sacrifice » de la perception immédiate de la prime, serait quelque part récompensé par une aide plus importante de l’entreprise.

Nous venons de voir que le salarié recherche parfois un profit immédiat à travers l’intéressement et/ou la participation, mais il lui arrive également d’utiliser ces mécanismes en vue de se constituer une épargne.

B/ L’affectation des primes d’intéressement et/ou de participation à un PEE : la constitution d’une épargne à moyen terme

Le salarié qui décide de placer les sommes distribuées par son employeur sur un PEE, va bénéficier d’un double avantage : un régime fiscal de faveur pour l’épargne constituée (1) et une aide de la part de son entreprise (2).

1. Un régime fiscal de faveur pour les sommes épargnées

Contrairement au salarié qui opte pour une perception immédiate de ses droits, celui qui prend l’initiative de les bloquer sur un PEE va bénéficier des avantages fiscaux (exclusion des sommes versées de l’assiette de l’impôt sur le revenu) propres aux différents dispositifs que nous avons déjà détaillés auparavant. L’exonération fiscale concerne également les revenus et plus-values résultant des placements réalisés à l’intérieur du PEE, à condition qu’ils soient réinvestis ou frappés de la même indisponibilité que les titres auxquels ils se rattachent. Ceci est l’un des grands avantages du PEE car bien souvent le contribuable supporte l’imposition des plus-values sur les produits d’épargne individuelle.

Le salarié qui se constitue une épargne avec son PEE, a la possibilité de faire des versements volontaires (hors épargne salariale) à hauteur d’un montant ne pouvant excéder 25% de sa rémunération annuelle. Néanmoins, ces versements personnels ne sont favorisés par aucun régime social ou fiscal incitatif.

Pour obtenir ces avantages le salarié devra accepter en contrepartie un blocage de ses avoirs pendant au moins 5 ans. Ceci étant cela ne constitue pas un frein puisqu’il existe de nombreux cas de déblocage (mariage, invalidité, surendettement, etc.) qui permettent de récupérer le capital investi de manière anticipé sans pour autant perdre le bénéfice des avantages fiscaux précédemment décrits.

En plus des avantages conférés par le législateur, le salarié qui opte pour la constitution d’une épargne obtiendra obligatoirement une aide de son entreprise.

2. Les versements complémentaires de l’entreprise : un encouragement supplémentaire à l’épargne

Comme nous l’avons déjà évoqué dans le paragraphe consacré au PEE, le code du travail(44) impose obligatoirement une aide de l’entreprise au salarié qui fait la démarche de se constituer une épargne via le PEE. Le législateur ne fixe pas à proprement parler le montant de cette aide mais elle doit comprendre au minimum la prise en charge des frais de fonctionnement du plan d’épargne. L’entreprise peut y ajouter si elle le souhaite un versement complémentaire. Son montant ou ses modalités de calcul sont fixés dans l’accord mettant en place le PEE. Cette aide de l’employeur est plafonnée au triple de la contribution du bénéficiaire et ne peut être supérieure à 8% du PASS.

L’abondement de l’employeur, en plus de l’avantage intrinsèque qu’il représente, bénéficie d’avantages sociaux (exonérations de charges sauf CSG/CRDS/forfait social) et d’avantages fiscaux (exonération d’impôt sur le revenu) profitables au salarié.

En conclusion sur ce point, nous pouvons dire que le législateur avantage plus beaucoup plus sensiblement le bénéficiaire qui épargne que celui qui privilégie un bénéfice immédiat. Selon nous, ce « déséquilibre » de l’épargne salariale ne doit pas s’analyser comme une volonté du législateur de favoriser les plus aisés mais relève plutôt d’un désir de voir les salariés épargner davantage. Du coup tout le mécanisme est pensé pour inciter à l’épargne, la loi ayant un peu vite oubliée que tous les salariés n’en ont pas la capacité.

Nous arrivons à la conclusion de notre premier chapitre consacré à l’épargne salariale. Ces dispositifs qui profitent à l’ensemble des salariés d’une entreprise possèdent beaucoup d’atouts. D’un côté l’employeur pourra optimiser sa politique sociale et motiver ses salariés pour un coût raisonnable, de l’autre les employés pourront bénéficier d’un supplément de rémunération qu’ils pourront percevoir directement ou bien épargner à des conditions avantageuses.

Dans ce chapitre, nous avons volontairement ignoré un mécanisme d’épargne salariale : le Plan d’épargne pour la retraite collectif (PERCO). En effet, jusqu’en 2003, le législateur n’offrait pas d’horizon « retraite » à l’épargne salariale. Les mécanismes, notamment le PEE, étaient conçu pour favoriser une épargne à court et moyen terme. En parallèle, à l’épargne salariale, des dispositifs de retraite supplémentaire permettent à l’entreprise et aux salariés de répondre à une autre problématique : la constitution d’une épargne en vue de la retraite. Le PERCO a notamment permis un rapprochement entre l’épargne retraite d’entreprise et l’épargne salariale. Ce mélange des dispositifs sera étudié dans la seconde partie. Pour l’heure, intéressons nous aux régimes collectifs de retraite supplémentaire.

43 Dares, Acemo-Pipa 2004.
44 C. trav., art. L. 3332-1

Retour au menu : Le Développement de l’épargne retraite collective, à travers les rapprochements opérés depuis 2003, entre dispositifs d’épargne salariale et régimes de retraite supplémentaire