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1. Présentation du territoire d’étude

1. Situation géographique

Située dans le bassin frontalier Rhin-Meuse, la vallée de la Seille s’étend au Sud-Est du département de la Moselle, au coeur du plateau Lorrain. La Grande Seille prend sa source à la sortie d’un étang piscicole de 600 ha : l’étang du Lindre. Elle traverse deux régions naturelles correspondant à deux ensembles géologiques distincts sur un parcours de 120 km :

– le Saulnois ou « pays des étangs » en amont. La rivière s’y écoule de manière lente et linéaire sur les terrains argilo-marneux d’une large vallée appartenant au Parc Naturel Régional de Lorraine. La Seille y reçoit l’essentiel de ses affluents au sein d’un réseau hydrographique très diffus, parmi lesquels la Petite Seille, son principal affluent en rive droite.
– Sur le plateau liasique du secteur aval où affleurent les marnes et calcaire à gryphées, au pied des côtes de Moselle, sa faible pente et son débit modéré donnent à la Seille un tracé plus sauvage et sinueux entre quelques communes ayant emprunté leur nom à la rivière. Les affluents y sont courts et temporaires.

L’exutoire de son bassin versant de 1264 km² se situe au niveau de l’agglomération Messine, principal pôle urbain du territoire avec 120 738 habitants, où la Seille constitue un affluent rive droite de la Moselle.

Figure N°8 : Localisation du bassin versant de la Seille

Figure N°9 : Réseau hydrographique du bassin versant de la Seille

2. Patrimoine naturel

Le bassin versant offre un territoire relativement homogène d’un point de vue topographique, pluviométrique et nature des sols. Soumis à un climat océanique à tendance continentale avec 785 mm de précipitations annuelles moyennes (1971-2004), le bassin connait toutefois une importante variabilité pluviométrique interannuelle. L’ensemble de la vallée se situe sur des terrains sédimentaires du Trias et du Jurassique, avec la présence d’un gîte salifère au sein des sols argileux qui occasionne des remontées d’eau salée en surface. Ces caractéristiques font du secteur amont de la vallée de la Seille l’une des deux vallées halophiles de France continentale, milieu extrêmement rare en Europe. Ces gisements salifères sont à l’origine d’une forte teneur en chlorures dans les eaux de la Seille qui explique en partie l’absence de ripisylve. Une flore halophile exceptionnelle colonise les prés salés continentaux qui font l’objet d’actions de conservation avancées : 10 zonages classés en ZNIEFF de type I, 9 sites en Espaces Naturels Remarquables, acquisitions par le Conservatoire des Sites Lorrains et le Parc Naturel Régional de Lorraine… Des mesures sont également prises pour la conservation de la faune associée à ces sites : oiseaux nicheurs et emblématiques des prairies inondables, insectes halophiles, brochets, chauves-souris… Un périmètre NATURA 2000 « Secteur amont et Petite Seille » de 1477 hectares englobant 20 communes constitue la protection la plus aboutie du bassin versant.

3. Activités anthropiques

La Seille est un cours d’eau de plaine, lent et moyennement abondant sur lequel les activités anthropiques peuvent être qualifiées de fortes. Sa situation singulière entre les activités piscicoles de l’étang du Lindre en amont et l’agglomération Messine en aval pose notamment de nombreux problèmes en termes de contrôle d’écoulement. Entre ces deux points, la Seille évolue dans un milieu rural « très humanisé » dans lequel les caractéristiques du cours d’eau sont intimement liées aux activités humaines, depuis la production historique de sel qui a forgé l’identité du secteur jusqu’au milieu du XIXème siècle, aux activités agricoles et d’élevage qui régissent le bassin actuellement, en passant par les aménagements plus ou moins récents du cours d’eau.

Démographie

Son bassin versant n’héberge que 212 000 habitants (recensement 2009) dans 180 communes dont 96% abritent moins de 2000 habitants et deux communes comprennent plus de 10 000 habitants autour de Metz : Marly et Magny. Trois communes se distinguent également dans ce bassin rural : Dieuze et Morhange dans le secteur amont avec plus de 3800 habitants et Château-Salins à l’entrée du secteur médian avec 2500 habitants.

Tableau I : Taille des communes sur le bassin versant (INSEE, 2009)

L’exploitation historique du sel

Depuis l’antiquité et jusqu’au milieu du XIXème siècle, l’extraction du sel par évaporation des eaux des sources salées a constitué l’activité principale du secteur amont du bassin versant.

Non seulement cette activité a forgé l’identité de communes emblématiques comme Vic-sur-Seille, Château-Salins, Marsal ou Dieuze, mais elle a également modifié les paramètres hydrologiques et la naturalité du cours d’eau par les aménagements hydrauliques qu’elle a induit dans le but de faciliter l’exploitation et le transport du sel. Les campagnes de curage et de recalibrage des années 1800, les recoupements de méandres sur la Vieille Seille à Vic-sur-
Seille et Lindre Basse, ainsi que le redressement de la Seille à Blanche Eglise en 1830 et entre Mulcey et Chambrey en 1890 constituent les travaux hydrauliques les plus impactant liés à cette activité.

Les aménagements hydrauliques

De manière plus contemporaine, des opérations d’aménagement initiées dans les années 1960 ont contribué à augmenter la vulnérabilité du cours d’eau à l’intensification de l’agriculture par réduction de son pouvoir d’autoépuration. Naturellement peu boisées à cause de la teneur en chlorures de l’eau, les berges de la Seille ont connu un déboisement intensif lié au développement de l’agriculture. Des travaux d’enrochements et de curage réalisés dans les années 1980 autour de Blanche Eglise, Mulcey et Marsal sont à l’origine de la faible profondeur et du débit réduit de la rivière. Plusieurs méandres du secteur amont ont été abandonnés au profit d’un lit mineur rectiligne, large mais artificiel. Dans le secteur amont, plusieurs canaux et drains construits jalonnent le parcours de la Seille tandis que les villages équipent leurs abords de digues bétonnées et de remblais pour se prémunir des inondations. Le secteur aval de Chambrey à Metz a connu un élargissement de son lit jusqu’à 7m afin de protéger l’agglomération messine des crues.

Figure N°10 : Nombre d’actions anthropiques sur la Seille XIIIe siècle – 2010

Le bassin versant possède un fort taux de drainage, aggravé par le reprofilage des fossés. Plusieurs zones halophiles ont été indirectement dégradées par ces aménagements qui ont conduit à l’assèchement des prairies et à la disparition, dans les années 1990, de la majeure partie du réseau de zones humides saumâtres. 33% des habitats halophiles ont ainsi disparu entre 1967 et 2000 (MONY et MULLER, 2002), tandis que le drainage a engendré la transformation de 85 hectares de prairies salées en prairies non salées intensives.

Photo N°1 : Digue de protection à Sillegny

Photo N°2 : Digues au centre à Vic-sur-Seille

Photo N°3 : Enrochements en aval de Vic-sur-Seille

Photo N°4 : Pont, seuil et enrochements à Cheminot

La pisciculture

La région Lorraine, forte de ses nombreux étangs, possède une forte tradition piscicole. Le domaine du Lindre, par sa superficie et ses 13 millions de mètres cubes d’eau, est l’un des plus grands des 134 étangs de la région. Doté d’une biodiversité remarquable liée à sa gestion extensive par le Conseil Général de la Moselle et ses zones humides préservées, l’activité principale du domaine reste la pisciculture permise par la bonne qualité de ses eaux. La pêche se fait par vidange de l’étang chaque année en septembre pendant la période dite « d’assec ». Toutefois, l’activité piscicole du Lindre n’est pas sans conséquence sur l’écosystème naturel de la Seille : contamination piscicole par libération de souches d’élevage compétitrices aux souches locales, déversement de flux de matières organiques constitué de rejets d’élevage (MES, nitrates, phosphore)… D’autre part, Grisan (1999) a étudié l’influence de l’alternance des vidanges et remplissages de l’étang sur le fonctionnement hydrologique de la Seille : bien qu’il en perturbe discrètement le système d’écoulement, il joue le rôle d’écrêteur de crue par son remplissage et peut garantir un soutien du débit du cours d’eau en période d’étiage.

Photo N°5 : Naissance de la Seille au Lindre

Photo N°6 : Mise en assec et dispositif de pêche

Industries et autres activités

Avec seulement cinq industries et 2689 PME-PMI recensées, le secteur industriel quasi inexistant n’exerce pas de pression particulière sur le milieu aquatique.
Le bassin connait l’émergence récente d’un tourisme orienté vers le patrimoine culturel, naturel et historique de la vallée : Musée du Sel à Marsal, Musée Georges de la Tour, sentiers balisés et pédagogiques du Pays des Etangs…

Cours d’eau de 2ème catégorie piscicole, la Seille est très appréciée des pêcheurs amateurs pour sa variété d’espèces : brochets dans les vallées inondables, sandres, silures en aval, perches, carpes, tanches, gardons, chevesnes, barbeaux, ablettes et goujons. De nombreux plans d’eau de pêche privée ont été créés depuis 1967. Le bassin versant compte neuf A.A.P.P.M.A coordonnées par la Fédération départementale de Moselle pour la Pêche et la Protection des Milieux Aquatiques dont les membres sont relativement bien investis dans la gestion du cours d’eau.

Les activités agricoles

Avec 774 exploitations en 2010 et plus de 78,82% de la superficie du bassin dédiée aux terrains agricoles formant une S.A.U de 92 086 hectares, le secteur agricole représente la menace la plus forte sur le milieu. Les cultures permanentes y occupent une surface non négligeable en amont mais sont toutefois éloignées du cours d’eau. La filière céréalière fournit l’essentiel des revenus des agriculteurs.

Figure N°11 : Taux d’occupation des sols sur le bassin versant de la Seille (Source CLC 2006)

Figure N°12 : Occupation des sols sur le bassin versant de la Seille (Source CLC 2006)

4. Données hydrologiques

D’après les données de Mohamed EL GHACHI in La Seille, un système fluvial anthropisé (2007)

Le contexte climatique sur le bassin versant connait des écarts intersaisonniers et interannuels spectaculaires qui sont à l’origine d’un fonctionnement hydrologique très variable de la Seille. Les actions anthropiques sont également à prendre en compte par leur influence sur la morphologie du cours d’eau.
Globalement, la Seille connait trois phases hydrologiques au cours de l’année :

– Un fonctionnement « moyen » cinq mois par an (mars, avril, mai, octobre et novembre) avec un débit de 10 m3/s
– Un fonctionnement « fort » trois mois par an (décembre, janvier et février) avec un débit dépassant 36 m3/s. Selon les secteurs, le lit majeur est sollicité par les lames d’eau écoulées pendant cette période des hautes eaux.
– Un fonctionnement « faible » quatre mois par an (juin, juillet, aout et septembre) avec un débit inférieur à 3 m3/s.

Les extrêmes hydrologiques : les crues

Le phénomène de crue sur la Seille est un évènement répétitif, inscrit dans l’histoire du bassin versant et dans la mémoire des acteurs locaux. Les aménagements humains limitent les dommages liés à ces phénomènes dans le secteur amont et médian tandis que le secteur aval a pu connaitre des débordements spectaculaires.

Quatre grands types de crue ont pu être identifiés :

– Les crues des basses eaux en été : résultant d’épisodes pluvieux très courts et intenses sur le bassin versant imperméable, elles ne durent qu’entre 15 et 24 jours.
– Les crues de la fin des basses eaux en automne : présentant les mêmes caractéristiques que les crues d’été, elles mettent en jeu des hauteurs d’eau plus importantes correspondant à la diminution des lames d’eau évaporées. Elles sont souvent influencées par la vidange annuelle de l’étang du Lindre.
– Les crues des hautes eaux hivernales : on y distingue les crues simples (courte durée, montée et descente d’eau plus rapide) des crues complexes (longue durée, plusieurs pics de crue, multifactorielles). Les débordements spectaculaires de 1997 et de 2001 font parties des évènements les plus marquants dans la mémoire des habitants.
– Les crues de la fin des hautes eaux au printemps : elles sont la réminiscence des crues hivernales quand la pluviométrie se maintient.

Les extrêmes hydrologiques : l’étiage

La Seille peut connaitre des étiages sévères en période estivale comme ce fut le cas en 1976, 1992 et 2003. Ces étiages ont des conséquences parfois spectaculaires sur la qualité de l’eau et le développement de la végétation aquatique. Leur origine est multifactorielle :

– Un déficit pluviométrique qui ne compense plus l’ETP, malgré les précipitations abondantes qui caractérisent le bassin versant habituellement
– L’imperméabilité du bassin versant qui ne permet pas un soutien des débits par les ressources souterraines.
– Les aménagements humains qui participent au ralentissement des vitesses d’écoulement.
Les lâchers d’eau depuis l’étang du Lindre permettent toutefois de réguler artificiellement les débits observés.

Photo N°7 : Crue de la Seille à Marly, avril 2001 (Source DIREN)

Figure N°13 : Nombre de crues débordantes de 1965 à 2013 (Source Banque Hydro-Nomeny)

5. Observations de terrain et qualité paysagère

Suivre le parcours de la Seille depuis l’étang du Lindre jusqu’à sa confluence avec la Moselle révèle plusieurs aspects du cours d’eau, de son bassin versant et de sa qualité paysagère.

En premier lieu, c’est la ruralité du territoire qu’il convient de remarquer. Un paysage de vallée, bordé par les Côtes de Moselle, fortement influencé par l’empreinte agricole. De part et d’autre du cours d’eau, les bordures des grandes cultures céréalières sont ponctuées de pâturages de taille moyenne abritant bovins et ovins. En amont, l’étang du Lindre impressionne par sa surface, la simplicité et la linéarité de son paysage qui contraste avec la naissance bruyante et tumultueuse de la Seille à l’écluse qui constitue sa source. De nombreux autres étangs qui jalonnent le parcours de la rivière renforcent cette impression. Dans le secteur médian se dessinent les premiers villages « pieds dans l’eau » et leurs aménagements hydrauliques qui « enterrent » le cours d’eau.

Enfin en aval, l’agglomération messine donne l’impression d’une meilleure mise en valeur de la rivière que dans les villages amont, notamment au niveau des berges aménagées de Marly et du parc de la Seille à Metz, labellisé Ecojardin.

En second lieu, c’est l’artificialisation et la banalisation de la rivière qui frappe. D’une incroyable discrétion paysagère, la Seille ne présente que très peu de végétation rivulaire. Ni roselière ni ripisylve ne signalent le cours d’eau dans la vallée à l’exception de quelques arbres au niveau des ponts et des graminées non fauchées qui accompagnent le lit mineur, souvent envahi par des algues affleurant la surface.

D’anciens bras mort et drains construits sèment le doute sur le tracé réel de la rivière dans le paysage. Sur les deux tiers de son parcours, le lit est totalement linéaire et ne présente quasiment aucune variation de profondeur. Seuls les pêcheurs les plus expérimentés au sein des AAPPMA connaissent encore les rares trous et les quelques radiers où pêcher des espèces plus originales. La Seille s’enfonce inexorablement dans son lit mineur et de nombreuses parcelles agricoles du secteur amont subissent un effondrement de leurs berges nues lors des crues saisonnières. Les anciennes marques des crues historiques qui jalonnent les façades des maisons et les piles de ponts ne semblent plus d’actualité en amont. La rivière ne s’étale plus dans toute la largeur des prairies inondables de son lit majeur mais forme des « crues chasse d’eau » dont les effets sont maximum en aval.

Photo N°8 : Erosion des berges sur une parcelle de Cheminot

Photo N°9 : La Seille en aval de Marsal

Photo N°10 : La Seille en amont de Metz

Photo N°11 : Le Vieux Canal de la Seille, briquetage de Marsal

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