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§ 1. L’insuffisance de protection législative

ADIAL

La pratique juridique veut que le professionnel soit plus avertit qu’un simple
consommateur. Dans cette logique, l’assurance de responsabilité civile du fait des produits ne
laisse place à aucune protection de l’assuré, nécessairement professionnel, notamment
concernant la difficulté de détermination du moment de la livraison. Cela se retrouve dans
divers points notamment l’interprétation qui n’est pas faite en faveur de l’assuré (A). De plus,
face à des situations délicates, comme des produits dont la livraison se fait en continue (C) ou
encore un contrat ne présentant pas de définition de cette notion (B), l’assuré n’a aucune
réelle aide juridique.

A – L’interprétation des clauses

Toutes les assurances de responsabilité civile produit livré ont le même point de
départ, la livraison. Or, en plus de la multitude de définitions, les interprétations de chacune
d’entre elles peuvent diverger d’une personne à une autre.

La volonté des parties est reine en droit des assurances. L’interprétation d’une police
d’assurance n’est donc nécessaire qu’en présence d’une clause obscure. « Toute clause claire
et précise ne saurait être interprétée par le juge qui commettrait alors une dénaturation du
contrat, sanctionnée, en principe, par la cassation »(100). Or, les définitions présentes sur le
marché peuvent parfois être obscures et ainsi être sujettes à interprétation.

Par exemple, lorsqu’une police d’assurance fait mention dans sa définition de la
livraison, de la « mise en circulation volontaire d’un produit»(101), la différence entre mise en
circulation et livraison, soutenue par de nombreux auteurs, n’est plus si évidente. De même,
suivant les auteurs, la définition-type de la livraison peut être interprétée comme une notion
différente ou assimilable à la garde juridique.

Le point de départ de la garantie ne sera pas le même suivant l’interprétation qui est
faite de la définition contractuelle de la livraison. L’assuré pourrait se retrouver désavantagé
s’il avait une vision différente de celle de son assureur concernant cette définition. Il est vrai
que l’assuré est protégé contre l’interprétation erronée de son assureur(102), mais cette
protection ne concerne que les assurés consommateurs. Or, s’agissant d’une assurance de
responsabilité civile après livraison, l’assuré est nécessairement un professionnel et ne peut
être considéré comme un consommateur. En cas de divergence entre l’assuré et l’assureur sur
les articles de la police, notamment la définition de la livraison, ce sera le plus convaincant
qui emportera la conviction du juge.

De plus, la définition d’une notion ne peut être considérée ni comme une exclusion, ni
comme une déchéance et encore moins comme une nullité, qui sont des clauses devant être
rédigées en caractères très apparents(103). Il s’agit d’une condition de la garantie et le caractère
très apparent n’est alors pas exigé(104). L’article L.112-3 alinéa 1 du Code des assurances
dispose que « le contrat d’assurance […] est rédigé […] en caractères apparents ». La
définition de la livraison doit donc apparaitre en caractères apparents, mais cela n’a en réalité
aucun intérêt puisque toute la police doit être rédigée ainsi.

En plus de ne pas intervenir dans la définition de la livraison, la loi n’apporte aucun
soutien à l’assuré dans une situation où la divergence d’interprétation peut être un
désavantage pour lui. En effet, les professionnels sont moins protégés car ils sont censés être
plus aguerris que les consommateurs. Cependant, face à une interprétation de l’assureur à
l’opposé de la sienne, sur une notion aussi importante que la livraison et sans moyen de
défense légal, le professionnel est aussi faible que le consommateur.

B – Le cas de l’absence de définition contractuelle

La difficulté est d’autant plus grande lorsque la police d’assurance ne comprend
aucune définition de la livraison. Rien n’oblige l’assureur à définir toutes les notions de la
police. Dans une telle situation et en l’absence d’interprétation de la police en faveur de
l’assuré, l’assureur serait libre de délimiter l’assurance comme il l’entend et de choisir le point
de départ qu’il souhaite. Il est vrai que sur le marché, une police d’assurance de responsabilité
civile du fait des produits sans définition de la livraison ne trouverait pas facilement
acquéreur, mais l’absence de définition peut résulter d’une simple erreur ou d’un oubli. Il
faudrait se référer à l’intention des parties(105), rechercher quel était le point de départ de la
garantie prévu initialement par les parties et appliquer celui-ci, puisque le contrat d’assurance
est un contrat consensuel qui se forme dès l’échange des consentements. Dès que l’assureur et
son assuré se sont accordés sur le point de départ de la garantie, c’est-à-dire, dans le cas de
cette assurance, sur les caractéristiques de la livraison, c’est ce dernier qui doit être pris en
compte, peu importe l’absence de définition dans la police ou la présence d’une définition peu
claire. Mais cette preuve est très difficile à rapporter. Or, s’agissant d’une condition de la
garantie, c’est à l’assuré ou même à l’a victime, et non à l’assureur, de prouver qu’elle est
remplie.(106) Certains auteurs estiment qu’en l’absence de définition contractuelle, la livraison
du produit serait assimilée à la notion de délivrance au sens de l’article 1604 du Code civil(107).

Cette solution ne présente cependant aucun caractère impératif pour l’assureur. Malgré tout, si
le contentieux se porte devant le juge, il est probable que ce dernier adopte la définition de la
délivrance. Ne serait-il pas préférable, finalement, d’adopter cette position pour l’ensemble
des cas et non seulement pour pallier l’absence de définition contractuelle ?

C – Les produits livrés en continu

L’intérêt d’une définition de la livraison est de connaître l’instant où elle intervient
pour savoir quand la garantie de l’assurance de responsabilité civile après livraison pourra
entrer en jeu.

Lorsqu’il s’agit de corps certains ou de choses de genre, cette détermination est
relativement aisée, malgré les difficultés qui ont pu être présentées précédemment.

Cependant, dès lors qu’il est question de produits livrés en continu, tels que les liquides ou les
fluides, il est difficile de savoir à quel moment l’on peut considérer, dans l’écoulement
constitutif de la distribution, qu’il y a eu livraison ? Là encore, il n’existe aucun élément
juridique pouvant aider à la réalisation de cette tâche. C’est alors à l’assureur de s’interroger
sur la formulation contractuelle la plus adéquate. Il est évident que les définitions-types de la
livraison ne pourront être retenues du fait de la spécificité du produit. D’après le professeur
Jérôme KULLMANN, « c’est plutôt à partir d’un endroit, d’un lieu, d’une délimitation
géographique et non temporelle, à préciser, que l’on considérera la livraison comme réalisée,
et donc le destinataire comme ayant sur le produit livré le pouvoir d’usage et de contrôle »(108).

La solution appliquée par EDF pour l’abonnement de ses clients pourrait être transposées. Le
fournisseur serait responsable avant compteur et le client après celui-ci. Cette solution qui
semble des plus judicieuses reste une interprétation sans portée impérative. La décision finale
restera toujours à l’assureur.

Afin de résoudre ces problèmes, la solution la plus évidente, si la loi aspire toujours à
laisser libre court à la liberté contractuelle, serait d’instaurer une convention inter-assureurs
permettant de définir les bases de cette garantie et de donner des définitions claires et précises
de chacune de ses notions, notamment la livraison. Ainsi, l’uniformité nécessaire à un marché
cohérent et à une protection minimale de l’assuré serait trouvée.

100 KULLMANN J., Lamy Assurance, n°518, Editions Lamy, 2010 ; voir aussi, Cass. Civ. 15 avr. 1872, GAJC,
11ème éd., n°160 ; DP 1872. 1. 176. ; S. 1872. 1. 232 : « Il n’est pas permis aux juges, lorsque les termes d’une
convention sont clairs et précis, de dénaturer les obligations qui en résultent et de modifier les stipulations
qu’elle renferme. »
101 Conditions Générales de la compagnie d’assurance AXA.
102 Article L.133-2 du Code de la Consommation : « Les clauses des contrats proposés par les professionnels aux
consommateurs ou aux non-professionnels […] s’interprètent en cas de doute dans le sens le plus favorable au
consommateur ou au non-professionnel ».
103 Article L.112-4 dernier alinéa du Code des Assurances : « Les clauses des polices édictant des nullités, des
déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents ».
104 Cass. Civ. 1ère, 12 mai 1993, n°91-14.125 ; RCA 1993, comm. 277 ; MAURICE, RGAT 1993.790
105 Article 1156 du Code civil : « On doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune intention des
parties contractantes, plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes ».
106 Cass. Civ. 1ère, 25 janv. 1989, Bull. Civ. I, n°36 ; Cass. Civ. 1ère, 8 nov. 1988, n°86-16.119
107 CHAUMET F., Les assurances de responsabilité de l’entreprise, 4ème édition, l’Argus de l’Assurance, 2008,
p.256.
108 KULLMANN J., Lamy Assurance, n°2243, Editions Lamy, 2011

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