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1. LA PRISE EN CONSIDERATION DE LA SITUATION DU PREPOSE VIS A VIS DE SON COMMETTANT.

A l’appui de son hostilité envers le régime de responsabilité ainsi consacré par la Cour de Cassation, la doctrine a notamment invoqué le lien de préposition unissant le préposé au commettant, empêchant ainsi le préposé de jouir d’une pleine liberté d’agir dans le cadre de ses fonctions (A). Cet argument a été renforcé par une comparaison avec le régime de responsabilité mis en place dans le secteur public (B) et par un rapprochement avec la pratique (C).

A. LE LIEN DE PREPOSITION UNISSANT LE PREPOSE AU COMMETTANT : UNE ENTRAVE A LA LIBERTE D’ACTION DU PREPOSE.

En raison de ce lien de préposition l’unissant au commettant, le préposé doit agir selon les ordres et directives de son employeur et avec les moyens que ce dernier met à sa disposition. Ainsi, en instaurant une responsabilité personnelle et intégrale à la charge du préposé, la Cour de cassation fait supporter indirectement à ce dernier les conséquences d’éventuels défauts d’organisation de l’entreprise alors que ces défauts ne lui sont pas imputables. Le préposé est placé dans une situation particulière en ce qu’il travaille pour le compte de l’employeur qui a seul la maîtrise complète de l’ensemble de l’activité du préposé et par conséquent des actes dommageables qui en résultent. Ainsi, le commettant a la possibilité d’organiser cette activité de manière à ce qu’elle ne cause aucun dommage à autrui. Plus qu’une possibilité, il s’agit d’un devoir à la charge de l’employeur découlant de son obligation d’assurer la sécurité au sein de son entreprise, corollaire de son pouvoir de direction et de contrôle. De même, cette obligation se justifie par le fait que le préposé travaille pour son compte et il est ainsi logique qu’il assume les éventuels dommages causés par ce dernier dans le cadre de sa mission, quand bien même ces dommages résulteraient d’une faute légère. Enfin, il serait également logique que le commettant endosse toute responsabilité dans la mesure où il est rare que les salariés contractent une assurance pour les garantir des conséquences de leur responsabilité civile professionnelle alors que la souscription d’une telle assurance par les chefs d’entreprise est davantage répandue.

B. LA COMPARAISON AVEC LE DROIT ADMINISTRATIF : UN REGIME PLUS PROTECTEUR ENVERS LES FONCTIONNAIRES ET AGENTS DE L’ADMINISTRATION.

L’argument développé par la doctrine, consistant à mettre en exergue la situation de préposition dans laquelle se trouve le préposé vis à vis de son commettant, a trouvé une assise supplémentaire résidant dans une comparaison avec le régime administratif. En droit administratif, la « faute de service » accomplie par un fonctionnaire ou un agent public est garantie par l’Administration et seules les « fautes personnelles » ou « détachables des fonctions » demeurent à la charge de ces agents ou fonctionnaires. Comment pourrait-on justifier une telle différence de régime entre le secteur public et le secteur privé ? Afin de ne pas aboutir à une situation discriminante, un parallélisme des solutions serait nécessaire : il appartiendrait à l’employeur de prendre en charge à titre définitif toute responsabilité découlant de fautes « ordinaires » ou « simples » ayant causé un préjudice à des tiers, le préposé demeurant personnellement responsable des conséquences dommageables de ses « fautes lourdes » accomplies dans le cadre de ses fonctions.

C. UNE PRATIQUE SE RAPPROCHANT DU REGIME ADMINISTRATIF

La consécration d’un tel régime constituerait certes un véritable « chamboulement » juridique mais serait très rapidement confortée par la pratique. En effet, dès les années 50, on a pu constater une raréfaction des recours des commettants contre leurs préposés après qu’ils aient indemnisé la victime, sauf hypothèse de faute grave de la part du préposé. Il s’agit ni plus ni moins d’une application préexistante du régime ainsi proposé. Partant de là, on comprend difficilement l’absence de consécration juridique de la pratique. De même, l’instauration de ce régime serait finalement en conformité avec la législation alors en vigueur puisque l’article 36 de la loi du 13 juillet 1930, consacré à l’article L121-12 du Code des assurances dans sa version antérieure, disposait que l’assureur ne pouvait exercer de recours contre les préposés de son assuré, sauf à prouver leur « malveillance », à savoir leur faute intentionnelle. Face à la pertinence de ces arguments mais également en raison du décalage constaté entre le régime juridique consacré et la pratique, la jurisprudence a commencé à rendre certaines décisions adoucissant sensiblement la condition du préposé sans pour autant remettre totalement en cause le régime juridique existant.

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