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Section III : Les pratiques du quotidien Le Pays

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Dans le quotidien privé Le Pays, tout comme dans les deux premiers journaux étudiés, le respect de la présomption d’innocence tient au choix judicieux de la terminologie et du traitement des illustrations d’un certain nombre d’articles portant sur des affaires pénales.

L’étude a relevé dix-neuf (19) articles témoignant du souci d’observance du principe de la présomption d’innocence de Le Pays. Parmi ces articles, 17 emploient des termes de nature à respecter l’innocence présumée alors que deux (2) seulement marquent l’attachement du journal à ce principe par les illustrations.

A. Le respect de la présomption d’innocence par la terminologie dans Le Pays

Comme déjà indiqué, il ressort de l’analyse de contenu du corpus composé de journaux parus entre juin et décembre 2012 que 17 articles, de par la terminologie utilisée, peuvent être considérés comme l’expression d’un mode de traitement de l’information prenant en compte la présomption d’innocence.

Dans le numéro 5 132 du 13 juin 2012 à la page 9, Le Pays affiche le titre suivant : « Braquage de la BCB à la Patte-d’oie, un présumé complice aux arrêts ». Le braquage dont il est question dans cet article avait été attribué à un militaire radié du nom de Romuald Tuina qui, arme au poing, aurait menacé les agents et emporté une somme d’argent dont le montant n’a pas été révélé. En apportant l’information sur l’arrestation du présumé suspect dans sa rubrique « On en parle », le journal fait usage d’un adjectif qualificatif (présumé) qui laisse presqu’intacte l’innocence de la personne arrêtée et celle du sieur Tuina, toujours en cavale au moment de la publication de l’article. Le Pays affirme : « Il s’agit de l’arrestation d’un présumé complice des présumés braqueurs à savoir Romuald Tuina et son acolyte Hamadé Sawadogo dit Mélo ».

Dans sa parution numéro 5145 du 2 juillet 2012 à la page 27, et dans la rubrique « Confidences de week-end », Le Pays fait cas de l’inculpation de treize(13) personnes dans l’affaire dite des tueries de Guénon. Le journal en parle dans un filet d’une trentaine de lignes portant le titre : « Tuerie de Guénon : treize personnes inculpées dont le Pê Soura ». En utilisant le terme inculpé, le journal indique que les personnes concernées ont été informées par la Justice des faits qui leur sont reprochés. Il s’agit d’ « assassinats, coups et blessures volontaires, destructions volontaires de biens mobiliers et immobiliers par l’effet d’incendie ou de substances incendiaires, vols aggravés, abattages domestiques et sans nécessité, incitation et complicité d’incitation à la commission de faits ». Le journal conclut : « Les prévenus encourent des peines allant de 3 ans de prison ferme à la peine de mort ». L’emploi aussi du mot « prévenu » assure aussi la préservation de ce droit fondamental qu’est la présomption d’innocence.

Dans son numéro 5 207 du lundi 1er octobre 2012, Le Pays publie à sa page 31 un article sur la condamnation d’un journaliste pour diffamation. « 3 mois de prison ferme pour le directeur de publication de L’Ouragan ». Tel est le titre de l’article. Le journal désigne le sieur Lohé Issa Konaté par le terme accusé. Ainsi on peut lire : « Lohé Issa Konaté a été accusé d’avoir publié des écrits diffamants à l’encontre du professeur Laurent Bado (…). L’accusé, selon des sources judiciaires, n’a pas répondu présent à la barre ».

L’intéressé était poursuivi devant une juridiction correctionnelle. Il était avant sa condamnation un prévenu et non un accusé. Mais cette erreur terminologique commise par le journal n’est pas synonyme d’atteinte à la présomption d’innocence. Le journal n’a pas dans des termes explicites traité le sieur Konaté de coupable. Il l’aurait fait qu’il ne serait pas en erreur, puisque c’est le juge qui a décidé ainsi.

Dans sa livraison numéro 5 227 du mardi 30 octobre 2012, le journal à sa page 26 publie un reportage sur le procès de l’affaire dite « Manifestation de Tonkar ». Le journal explique que le procès concerne le volet correctionnel de l’affaire, l’aspect criminel restant pendant. Les trente-quatre (34) personnes poursuivies sont vues par le journal comme des « prévenus » que le procureur tient pour « coupables » des faits à eux reprochés.

Mais dans l’un des intertitres de l’article précité, le journal formule : « 4 accusés relaxés ». Le terme n’est pas exact, la procédure se déroulant devant une juridiction correctionnelle. Il s’agit plutôt de prévenus relaxés. Tout compte fait, cette méprise n’est pas préjudiciable à la présomption d’innocence des personnes concernées.

Au contraire, le journal la respecte. Le passage suivant du même article le montre bien : « A la question de savoir s’il y a des suspects par rapport à l’assassinat de Vorgane Francis Kambou et des cinq autres crimes liés à la crise, le procureur a indiqué qu’il y a même des coupables et non des suspects ». Comme on le constate, alors que le journaliste parle de suspect, c’est le procureur qui qualifie déjà les personnes mises en cause de coupables. Il faut mettre cela au compte de son rôle de vigie de l’ordre social.

Dans son numéro 5 240 du lundi 19 novembre 2012 à la page 31, Le Pays formulait le titre suivant : « Conflit intercommunautaire de Passakongo : Des peines de prison ferme pour 21 accusés ». Il faut tout de suite souligner l’inexactitude du mot « accusé ». Les personnes visées par la procédure comparaissaient devant un tribunal correctionnel si bien qu’à leur sujet on ne peut pas parler d’accusés.

Toutefois, cette erreur n’entame pas la présomption d’innocence des personnes poursuivies. D’ailleurs, plus loin dans ledit article, le journal leur restitue leur statut authentique : celui de prévenu, assurant par cette terminologie appropriée la protection de leur innocence présumée, laquelle a été combattue par le juge répressif.

Dans cet article, le journal rapporte : « Six prévenus ont écopé chacun de six mois ferme, et onze autres devront purger chacun la peine de trois mois ferme. Le tribunal a requalifié les faits à l’encontre de certains prévenus, a également condamné vingt- deux autres personnes à six mois assortis de sursis à exécution et relaxé 15 autres des fins de la poursuite au bénéfice de doute ».

En utilisant déjà le terme prévenu, Le Pays apporte un correctif à l’erreur que comportait le titre de l’article. Mais au-delà, en mentionnant que certains prévenus ont été relaxés au bénéfice du doute, le journal fait ici allusion à une implication de la présomption d’innocence. Ce principe met, en principe, la charge de la preuve sur la partie poursuivante. Lorsque les éléments de preuve que celle-ci apporte ne peuvent pas combattre l’innocence de la personne poursuivie et donc établir sa culpabilité, la loi oblige le juge à relaxer le suspect.

S’agissant toujours des articles respectant la présomption d’innocence par la terminologie adéquate, on peut également citer celui paru à la page 6 de Le Pays numéro 5 246 du mardi 27 novembre 2012 : « Mutineries de 2011 : le premier procès s’ouvre ce matin ». Le journal informe : « Le tout premier procès de mutins présumés est prévu pour s’ouvrir, en principe, ce 27 novembre 2012, à partir de 8 h dans la salle d’audience de la Justice militaire sise à Ouagadougou. Selon nos sources, ce premier procès va commencer avec un groupe de 25 mutins présumés ».

Alors que dans l’opinion, on désigne ces militaires comme des mutins, Le Pays prend des précautions dans le traitement de l’information les concernant, en montrant qu’ils sont des « présumés mutins ». C’est donc une belle leçon de procédure pénale que le journal donne à ses lecteurs.

Le procès annoncé dans l’édition précitée du journal a fait l’objet d’un reportage dans le numéro 5 247 du mercredi 28 novembre 2012, à la page 2. Dans cet article, le journal a utilisé à propos des personnes visées par la procédure, le mot « inculpé ». Au vrai, la procédure n’était plus au stade d’inculpation si bien que le mot « inculpé » n’est pas exact, mais cette inexactitude n’est pas préjudiciable aux suspects.

Selon, le journal, les personnes poursuivies ont été condamnées à des peines allant de 5 à 6 ans de prison ferme et au paiement de dommages et intérêts. Le journal ajoute que les avocats des personnes visées ont décidé de se pourvoir en cassation. Par cette précision, le lecteur devra comprendre que la décision rendue n’est pas encore définitive et qu’elle peut changer dans le sens de la relaxe des suspects. En évoquant indirectement une telle possibilité, le journal se montre respectueux de la présomption d’innocence.

Outre le respect de la présomption d’innocence par la terminologie, les illustrations de certains articles du quotidien Le Pays constituent les signes de l’observation de ce principe par ledit journal.

B. Le respect de la présomption d’innocence par les illustrations dans Le Pays

Au journal Le Pays, tout comme dans les deux autres journaux, la photo demeure la seule forme d’illustration des articles. Le nombre des articles illustrés par les photos des personnes poursuivies n’est pas élevé. En tout cas, nous n’avons recensé que deux articles dont les photos, à notre avis, ont été traitées de manière à sauvegarder la présomption d’innocence des individus concernés.

Le premier article a été publié dans le Pays numéro 5 143 du jeudi 21 juin 2012, à la page 2. A la une de ce numéro est affichée la photo de quatre individus accusés, selon les termes du journal, de « trafic de faux billets de banque ». La même photo est reprise dans l’article. En face des suspects, sont exposés un certain nombre de biens saisis entre leurs mains.

Rien n’indique que le journal a obtenu ou non l’autorisation des personnes mises en cause avant de les photographier. Mais si l’on s’en tient à l’une des exceptions du principe de l’autorisation préalable, qui permet de passer outre ce consentement si la ou les personne(s) photographiée(s) se trouve(ent) au centre d’une actualité, il est difficile de reprocher au journal une quelconque atteinte.

Mais le traitement que le journal fait de la photo est la manifestation de son souci ou de son insouciance vis-à-vis du principe de la présomption d’innocence. Dans la photo publiée dans l’article ci-dessus évoqué, le journal a posé des bandes noires sur les visages des personnes photographiées. Cette technique de traitement des photos n’empêchera pas que des proches des individus suspectés de la commission d’une infraction les identifient. Et même dans ce cas, ajoutons qu’en l’absence même d’une publication quelconque par un journal, il est rare que l’entourage de la personne poursuivie ne soit pas informé de son arrestation ou de son inculpation. C’est dire que cette possibilité pour les proches de reconnaître l’un des leurs sur une photo est peu attentatoire à l’innocence présumée.

Mais en bandant les visages des personnes photographiées, si le grand public n’arrive pas à reconnaître les intéressés, on doit reconnaître un effort dans la protection de l’innocence. Le Pays, dans l’article de la page 2 du numéro 5 138 du jeudi 21 juin, en plus du traitement de l’image, écrit la légende suivante : « Les présumés faussaires devant leur butin et le matériel ». L’emploi du terme « butin » dans la légende est tendancieux parce que par définition, le butin est le produit d’un vol. Mais en parlant de « présumés faussaires », le journal demeure dans une logique de protection de l’innocence.

On perçoit la même logique dans le traitement des photos dans l’article de la page 28 du numéro 5 143 du jeudi 28 juin 2012. Il s’agit de la photo d’individus accusés de « fraudes de ciment ». Sur les visages des trois présumés faussaires, le journal a placé des bandes noires.

A l’instar des autres journaux, dans le quotidien Le Pays le nombre des articles assortis des photos des personnes arrêtées ou poursuivies et respectant le principe de la présomption d’innocence n’est pas élevé. Cela s’explique d’une part par le fait que certaines informations sur l’actualité judicaire ne sont pas illustrées et d’autre part par la non-publication des photos des suspects dans les comptes rendus d’audience.

S’agissant des articles respectant la présomption d’innocence mais non illustrés, ils sont publiés dans les rubriques telles que « On en parle » (exemple de l’article de la page 6 du numéro 5 246 du mardi 27 novembre) ; « Confidences du week-end » (exemple de l’article de la page 33 du numéro 5 207 du lundi 1er octobre 2012)

Concernant les comptes rendus non illustrés par les photos des personnes poursuivies, on peut citer l’article paru à la page 31 du numéro 5 240 du lundi 19 novembre. Ce compte rendu d’audience sur le « Conflit intercommunautaire de Passakongo » montre deux photos avec les légendes suivantes : « Pour avoir la vie sauve, certains membres de la communauté ont fui Passakongo » et « Plusieurs habitations comme celle-là ont été soit détruites, soit saccagées ou incendiées ». Les photos des personnes poursuivies n’ont pas été publiées.

C’est le cas de l’article sur le procès dit de la « Manifestation de Tonkar » publié à la page 26 du numéro 5 227 du mardi 30 octobre 2012. Une seule photo qui n’est pas celle des prévenus illustre l’article avec la légende suivante : « Une partie du public suivait le procès hors de la salle grâce à la sonorisation ».

Même certains comptes rendus de présentations de personnes arrêtées par les officiers de police judicaire, quoique illustrés, ne comportent pas les photos des suspects. A titre d’exemple, on peut relever l’article de la page 25 du numéro 5140 du lundi 25 juin 2012. L’article qui fait état du démantèlement d’une fabrique de liqueurs frelatées au secteur 30 de Ouagadougou n’affiche pas les photos des personnes arrêtées. Les deux illustrations sont composées de deux photos. L’une est celle du commissaire de police dont les agents ont arrêté les suspects. L’autre présente « les cartons de boissons (Pastis et Gin) et quelque matériel saisi par la police », selon les termes du journal.

L’absence de photos des personnes poursuivies dans certains articles du quotidien Le Pays peut être comprise comme une autre manière de préserver leur innocence. Toutefois, il nous a paru judicieux de ne pas regrouper ces articles dans une catégorie à part, à côté de ceux protégeant l’innocence présumée par la terminologie et le traitement des illustrations. La raison est que presque tous ces articles ont été répertoriés comme respectant la présomption d’innocence par la terminologie. On évite ainsi de les comptabiliser doublement.

Dans le quotidien privé Le Pays, le respect de la présomption d’innocence est assuré dans le traitement de l’information. A travers les articles sélectionnés, on constate de la part du journal un usage adéquat des termes pour désigner les personnes poursuivies. En plus, les photos des suspects, lorsqu’elles sont publiées, sont traitées de façon à réduire la possibilité d’identifier les personnes photographiées.

L’observance du principe de la présomption d’innocence est une réalité dans la presse quotidienne burkinabè, du moins dans les journaux qui ont fait l’objet de notre étude, à savoir Sidwaya, L’Observateur Paalga et Le Pays. Toutefois, il subsiste dans ces journaux des atteintes à la présomption d’innocence.

Tableau récapitulatif des articles respectant la présomption d’innocence dans la presse quotidienne burkinabè

Tableau récapitulatif des articles respectant la présomption d’innocence dans la presse quotidienne burkinabè

Source : Conçu par l’auteur

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