Le développement de l’assurance consiste à lever certaines barrières que le Cambodge
rencontre jusqu’à présent (§I). De plus, une institution dite d’arbitrage d’assurance a été
envisagée dans le projet de loi pour résoudre le problème qui surgit en assurance automobile
(§Ii).
§I : Développement de l’assurance automobile au Cambodge
Le développement de l’assurance nécessite tout d’abord le capital humain suffisant(A).
Ensuite, il est indispensable d’augmenter le contenu et montant de garantie(B), puis d’adapter
les polices d’assurance à la situation du Cambodge(C).
A. Formation de ressources humaines en la matière
A la sortie des guerres civiles qui n’ont pris fin réellement qu’en 1993, avec la
proclamation du royaume du Cambodge, et la deuxième monarchie du roi Norodom Sihanouk,
le Cambodge ne disposait presque plus d’intellectuels. Ces derniers formes pendant les régimes
politiques précédents ou à l’étranger ont été tués sur place au Cambodge, ou ont été amenés
de l’étranger afin de subir l’exécution. La plupart des intellectuels cambodgiens, juristes inclus,
ont été massacrés. En résumé, peu de personnes formées, y compris des juristes, ont réussi à
échapper au régime génocidaire de Pol Pot. Au début des années 1980, on comptait très peu de
juristes, ce qui faisait que le pays était cruellement en manque de personnes compétentes en
matières juridiques et judiciaires pour assurer le fonctionnement normal du système juridique
et judiciaire, surtout dans les tribunaux. L’Etat cambodgien a dû recourir à des personnes qui
avaient une autre formation qu’en droit ou qui n’avaient jamais suivi une formation juridique.
La priorité du peuple cambodgien à l’époque était de trouver un équilibre de vie et de survivre
avant de passer à autre chose. Toutefois, malgré le fait que le pays était en pleine
reconstruction dans tous les aspects de la société, le domaine juridique n’était pas pour autant
oublié. L’enseignement juridique a revu le jour quelques années après la victoire de 1979. En
effet, avant 1975, le Cambodge avait une faculté de droit créée en 1957, le fruit de la
transformation de l’institut national d’études juridiques, politiques et économiques, premier
établissement d’enseignement supérieur créé en 1948. Disparue en 1975, lors de la prise du
pouvoir par les khmers rouges, la faculté de droit et des sciences économiques fut le premier
établissement à renaitre en 1982 par arrêté du 1 janvier 1982 du gouvernement de l’époque.
Elle a été transformée en université en 2003(39). Actuellement, nous la connaissons sous le nom
de l’université royale de droit et des sciences économiques. Il faut toutefois comprendre que
les obstacles dans l’enseignement juridique à l’époque pouvaient être constatés dès le moment
où la faculté de droit et des sciences économiques a commencé à dispenser les formations
juridiques car en l’absence de personnes effectivement compétentes en matières juridiques
pour assurer ces formations, il est difficile d’imaginer que le Cambodge pourrait se procurer
d’un nombre de professeurs suffisants à cet effet. En réalité, la création gouvernementale de
1982 était l’école des cadres administratifs et juridiques, se situant dans les locaux de la Faculté
de droit et des sciences économiques. Cette école était placée sous la tutelle du ministre de la
Justice et du ministre chargé du cabinet du conseil des ministres, et destinée à assurer une
formation continue des cadres administratifs et juridiques, c’est-à-dire des fonctionnaires de
l’administration et de la justice, à partir de l’échelon du district jusqu’à l’échelon central.
Comme l’école ne disposait pas d’un corps de professeurs, elle a fait appel à des personnes
extérieures considérées comme les plus qualifiées. Il s’agissait tout d’abord des experts
vietnamiens, dont l’enseignement était fait en vietnamien et traduit en khmer. Ce dernier ne
donnant pas de bons résultats, des anciens stagiaires sont rapidement devenus à leur tour pour
les uns des enseignants, pour les autres des assistants.
Grace à ces formations, beaucoup des personnes ont pu contribuer à la reconstruction
nationale après avoir suivi un enseignement plutôt axé sur des questions d’ordre pratique, ce
qui leur permettait d’accomplir convenablement les taches de première urgence. Toutefois, ces
formations, qualifiées de première urgence n’étaient pas, en tout cas à nos yeux, assez
adéquates et suffisantes pour permettre de considérer que le Cambodge disposait à l’époque
des personne qualifiées en matière juridique car elles n’étaient pas très bien organisées tant du
point de vue pédagogique que technique.
En matière d’assurances, le manque des juristes compétents est encore plus frappant
qu’en droit de manière générale. En effet, la pratique des activités d’assurances, complètement
démantelée pendant les années 1975-1979, n’a pu se redresser qu’au début des années 1990,
plus précisément à partir de 1993, avec la proclamation de la Constitution du deuxième
Royaume du Cambodge. L’activité d’assurances sans parler d’une formation juridique en
assurance, était encore peu connue de la population cambodgienne. Cette dernière ne
s’intéresse pas trop à l’activité d’assurances car elle ne mesure pas encore l’importance de
cette activité. En outre, dans les universités, l’enseignement du droit des assurances n’est pas
du tout généralisé. Les personnes qui pratiquent les activités assurantielles n’avaient donc pas
de formation spécialisée en la matière ou auraient suivi des formations à l’étranger. Nous
pourrions aussi considérer que les assurances étaient compréhensibles grâce à la considération
pratique, et non de manière technique et juridique. Avant la législation en matière
d’assurances, mise en place en 2000, il était rare de pouvoir trouver une personne qui
comprenait bien les aspects juridiques et techniques de l’assurance. Avec la loi et les quelques
autres textes en vigueur, nous pouvions comprendre un peu plus cette matière, mais en
l’absence d’une formation bien organisée et structurée, il n’est toujours pas évident de
s’attendre à une meilleure compréhension des choses dans un domaine aussi technique et
complexe que l’assurance.
La formation en assurance est un facteur important pour créer les ressources humaines
afin de développer l’assurance automobile et l’assurance en général. Cette formation ne peut
pas être dispensée à l’heure actuelle par les enseignants nationaux mais elle peut se faire par le
biais de la coopération avec les pays développés. A titre d’exemple, la formation de droit
immobilier est celle résultant de la coopération entre les Universités Jean Moulin Lyon 3 et
Université Royale de Droit et des Sciences Economiques et qui devient une formation réputée
en matière de droit foncier au Cambodge. Par le biais de cette coopération, les professeurs et
enseignants français de qualité à savoir Madame Blandine MALLET- BRICOUT, Monsieur Frank
MARMOZ, Madame Sabine ABRAVANEL-JOLLY et Madame Axelle ASTEGIANO LA-RIZZA sont
invités à donner leurs cours à des étudiants cambodgiens.
Cette formation constitue un bon exemple pour le développement de ressources
humaines en assurance. Nous pouvons suivre ce même chemin en faisant la coopération avec
les pays développés comme celui de la France ou avec les pays dans la région qui sont à l’heure
actuelle partenaires importants avec le Cambodge en la matière, telle que la Malaisie, le Japon
et Singapour. Cette formation ne devrait pas se limiter à des matières juridiques mais devrait
comprendre les matières techniques comme celle de l’Actuariat pour que nous puissions
connaître à la fois le droit des assurances et les techniques pour pouvoir calculer les primes et
surtout les provisions techniques qui sont indispensable en assurance.
B. Augmentation de montant et étendue de la garantie
L’étendue de la garantie prévue par la loi et octroyée par les assureurs n’est pas encore
satisfaisante. Seule la responsabilité au tiers du fait du véhicule à proprement parler est
assurée. Cette garantie demeure très limitée par rapport à celle accordée en droit français. La
chute des objets ou d’accessoires et l’incendie sont également la cause principale de la
survenance de l’accident au Cambodge. Ce risque-événement devrait être pris en charge par
les assureurs pour protéger la victime. De plus, le montant de garantie prévu par l’arrêté
interministériel sur l’assurance de responsabilité du fait de véhicule est moins élevé surtout
pour les dommages corporels et pour le décès. Le montant de 5000 de dollars pour un cas de
dommage corporel ne suffit pas pour indemniser le préjudice intégral de la victime. Alors,
l’assuré responsable va supporter la charge importante même après l’intervention de son
assureur car la victime ne reçoit de l’assureur que la somme fixée au contrat d’assurance.
Autrement dit, le plafond de garantie est opposable à la victime. Ce qui provoque la méfiance
et l’indifférence de la population à l’égard de l’assurance automobile.
C. Adaptation de la police d’assurance à la situation réelle du Cambodge
La plupart de police d’assurance est empruntée de pays voisins à savoir Singapour et la
Malaisie. Alors, ses conditions générales et particulières ne sont pas bien adaptées à la situation
du Cambodge. Elles sont rédigées en langue anglaise. Ce qui est contraire à la Constitution du
Cambodge qui proclame que la langue khmère est une langue officielle(40). Cette attitude
constitue un obstacle au développement de l’assurance automobile car peu de personnes
peuvent comprendre l’anglais. De plus, ces personnes ne peuvent maîtriser les termes en
assurance car ils sont spécifiques et propres à l’assurance. Alors, il est difficile d’imaginer
qu’une personne veut souscrire un contrat alors qu’elle ne sait pas le contenu de celui-ci.
A vrai dire, la rédaction en langue étrangère n’est pas voulue par la compagnie car à
l’heure actuelle, le Cambodge n’a pas encore eu de termes en assurance en sa langue. Comme
déjà évoqué, les ressources humaines en la matière sont très limitées et l’assurance est un
domaine très jeune dans ce petit pays.
A titre de critique, le législateur devrait intervenir pour résoudre ce problème en créant
les termes et vocabulaires en assurances en donnant leurs définitions pour réduire
l’incompréhension de la population. A titre d’exemple, le code des assurances français impose
à l’assureur de rédiger ses documents en langue française sauf une exception(41).
§II. Nécessité de la création de l’arbitrage spécifique : nouveauté de projet de loi
Le recours au tiers pour régler le conflit n’est pas une solution voulue par les citoyens
cambodgiens. La raison est que les citoyens n’ont pas de confiance en cette personne et que la
corruption éloigne ceux-ci de cette méthode de règlement de conflit. Les citoyens croient que
les parties faibles ne peuvent pas voir leur action ou recours prospérer si ce dernier est tranché
par un tiers même indépendant même si son fondement de recours est opérant.
Alors, quand il y a un litige, les cambodgiens préfèrent le règlement à l’amiable entre les
parties même si l’indemnisation est plus faible par rapport au préjudice subi.
En pratique, la police d’assurance prévoit toujours le règlement de conflit, en cas de
désaccord entre les parties, devant l’arbitre qui est nommé par les deux parties. Mais, il est rare
que cette stipulation soit appliquée.
Le projet de loi sur les assurances en 2010 a formalisé cette méthode de règlement en
prévoyant que « pour tout litige entre l’assureur agréé et le souscripteur de la police, les
parties au litige peuvent porter l’affaire devant le Ministère de l’Economie et des Finances pour
la médiation avant de déposer une plainte devant un tribunal ou un arbitrage compétent, à
l’exception des affaires pénales ».
L’idée de l’institution de l’arbitrage serait influencée par le succès de l’arbitrage en droit
du travail. Ce dernier joue un rôle important dans le règlement de litige né du contrat de
travail, dans l’interprétation de droit de travail et de tous les aspects de droit. A titre
d’exemple, il interprète la notion de force majeure en précisant comment un incendie est
considéré de force majeure42. A part cette institution, nous n’avons pas d’organe pour
interpréter les textes juridiques car les affaires ne sont pas portées devant le juge. Mais si tel
est le cas, la décision de justice n’est pas accessible au public.
Est-ce que la décision rendue par l’arbitrage peut être une source de droit ? La réponse
est non. Mais, en pratique, elle peut influencer le législateur et le gouvernement du Cambodge
car l’arbitrage est composé de juristes et professionnels qui sont spécialisés en la matière.
Alors, il peut être devenu un acteur important dans le développement de l’assurance
automobile au Cambodge.
39 Www.auf/org/imprimer-membre.php3?id=114, Voir également Annales de la Faculté de Droit de Phnom Penh,
1995, Presses de l’Institut d’Etudes Politiques de Toulouse, p. 7 et s.
40 Article 5 de la Constitution cambodgienne.
41 Article L.112-3 du code des assurances.
42 Affaire n 54/11- June Textile du 17 juin 2011
