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Section 4 : Les exclusions dans les contrats de responsabilité civile des produits après livraison

ADIAL

Dans un arrêt du 9 février 2012, la deuxième chambre civile a eu l’occasion de se prononcer sur le caractère limité d’une clause d’exclusion de garantie pour les risques après livraison d’un produit(48). En l’espèce, une extension de garantie dans les conventions spéciales du contrat prévoyait la couverture des risques « après livraison des produits » et « après achèvement des travaux ou prestations » s’appliquant aux frais de transport, de pose ou de repose des produits livrés. Alors que l’assureur pour échapper à sa garantie se prévaut d’une exclusion des frais engagés pour réparer les produits livrés, travaux ou prestations exécutés par l’assuré ou son sous-traitant, transporter ou reposer les produits livrés « si le transport ou la pose a été effectué initialement par l’assuré ou par ses sous-traitants ». La cour d’appel arguant du fait que la société ne conteste pas avoir assumé en la circonstance la livraison et le transport des produits elle-même ou par ses sous-traitants au sens de la police d’assurance, elle considère que l’exclusion de garantie doit donc s’appliquer. La Cour de cassation casse et annule, l’arrêt de la cour d’appel au motif que cette exclusion vidait de sa substance l’extension de garantie. L’assureur devait donc couvrir les frais pour la dépose du produit défectueux, le transport du nouveau revêtement et la repose de celui-ci.

Par ailleurs, dans un autre arrêt relatif à la responsabilité civile des produits après livraison, il devait être fait une distinction dans le contrat d’assurance entre les dommages causés aux tiers, qui étaient garantis et les dommages subis par le produit, qui eux étaient exclus(49). Le contrat ne couvrait donc pas les frais liés à la remise en état, au remplacement ou au remboursement du produit après livraison. Il s’agissait d’une société (maitre d’ouvrage) exploitant une installation de chargement des navires céréaliers, confie à une autre société (maitre d’oeuvre) le soin d’effectuer des travaux d’amélioration sur une installation. Le maitre d’oeuvre, après avoir conçu une nouvelle installation, sous traite avec deux autres sociétés : avec l’une, pour la fourniture de vérins hydrauliques indispensable pour le fonctionnement de l’installation, et avec l’autre, la réalisation de système permettant la mise sous pression hydraulique. Suite à des dysfonctionnements, une expertise judiciaire, et un rapport d’expertise, le maitre d’oeuvre avait transigé avec le maitre d’ouvrage et avait assigné en responsabilité et indemnisation les deux sociétés sous-traitantes, qui ont appelé leurs assureurs en garantie.

La cour d’appel, faisant fi du rapport d’expertise, considère que la société sous-traitante ayant fourni les vérins était entièrement responsable des pertes financières du maitre d’oeuvre et rejette son appel en garantie à l’encontre de son assureur au motif qu’une clause du contrat excluait « les dommages subis par les matériels ou produits livrés fournis ou mis en oeuvre par l’assuré, les frais nécessités par la remise en état, la rectification, la reconstruction, le remboursement desdits matériels » et « les conséquences des réclamations (frais, indemnités, pénalités) supportées par l’assuré lorsque les matériels ou produits livrés et/ou mis en oeuvre se révèlent inefficaces ou impropres à l’usage auquel ils étaient destinés ». En revanche, la garantie était acquise si les matériels ou produits, suite à une défectuosité ou un vice, étaient la cause directe d’un dommage à des tiers, y compris des utilisateurs. Les vérins n’avaient pas été endommagés mais étaient impropres à leur destination normale, ce qui a eu pour conséquences d’entrainer des coûts supplémentaires. La clause d’exclusion trouvait donc application ici. L’assureur n’était pas tenu de garantir les frais de remise en état du matériel et l’indemnisation du maitre d’oeuvre pour les pertes financières subies.

La deuxième chambre civile, fait également application d’une clause d’exclusion pour des dommages subis par un produit livré par l’assuré et des frais s’y rapportant(50). Une société avait installé une pompe à chaleur au domicile d’une cliente, et suite à cette installation, elle s’est plainte de divers dysfonctionnements ayant entrainé des coûts financiers supplémentaires. Un expert est missionné par l’assureur, qui conclut à la responsabilité de l’installateur pour avoir installé une pompe à chaleur incompatible avec le système électrique et pour défaillance dans sa mise en oeuvre, à l’origine d’une surconsommation électrique et défaut de fonctionnement de l’installation électrique. Elle a donc assigné la société et son assureur en paiement de divers sommes. La cour d’appel fait droit à cette demande, et condamne l’assureur de la société (placée en liquidation judiciaire) à payer les sommes réclamées, au motif que le contrat d’assurance prévoyait une extension de garantie « responsabilité civile après livraison », stipulation aux conditions particulières qui garantissait « la responsabilité civile pouvant incomber à l’assuré en raison des dommages corporels, matériels et immatériels, consécutifs ou non consécutifs, causés aux tiers par les produits livrés par l’assuré et survenus après leur livraison ». étaient cependant exclus les « dommages subis par les ouvrages, travaux et produits exécutés ou livrés par l’assuré ainsi que l’ensemble des frais se rapportant à ces ouvrages, travaux et produits tels que frais de pose, de dépose, de transport, de mise au point, de réparation, de remplacement, de remboursement, de retrait, d’examen » ainsi que les « dommages immatériels non consécutifs résultant de l’inefficacité ou d’un manque de performance des ouvrages, travaux et produits exécutés ou livrés par l’assuré ».

Ainsi, les dommages immatériels constatés, bien que résultant de l’inefficacité du produit livré par l’assuré, n’étaient pas exclus de la garantie en ce qu’ils ne correspondaient pas à des dommages immatériels non consécutifs définit par le contrat comme « les préjudices économiques résultant d’un événement soudain et imprévu, lorsque ces préjudices étaient la conséquence d’un dommage corporel ou matériel non garanti, ou survenaient en l’absence de tout dommage corporel ou matériel ».

En l’espèce, le contrat excluait la garantie des dommages subis par les produits livrés par l’assuré et les frais s’y rapportant, en conséquence, la restitution du prix de vente de la pompe à chaleur n’était pas couverte par l’assureur. Il s’agissait de dommages immatériels consécutifs à un mauvais travail de l’installateur et il n’incombait donc pas à l’assureur de garantir les frais résultant de la mauvaise exécution du marché.

48 Cass. Civ. 2e, 9 février 2012, n°10-31057, publié au bulletin ; note J.KULLMANN, RGDA n°2012-03, p.634.
49 Cass. Com. 10 mai 2012, n°08-22049, non publié au bulletin ; note J.BIGOT, RGDA n°2012-04, p.1101.
50 Cass. Civ.2e, 4 juillet 2012, n°12-23513, non publié au bulletin.

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