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Section 3 : Indemnisation des victimes d’accident du travail ou maladie professionnelle résultant d’une faute inexcusable de l’employeur

ADIAL

Nous avons vu que le dommage causé à un salarié, ayant pour origine une faute inexcusable de l’employeur, entraine la responsabilité de celui-ci. Il convient donc de déterminer les postes de préjudices pour lesquels le salarié victime pourra demander une indemnisation auprès de la sécurité sociale ou de l’employeur (§1) ainsi que les modalités de cette indemnisation (§2).

§1 : Les postes de préjudices indemnisables en cas de maladie professionnelle ou accident du travail :

Lorsqu’un salarié est victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle due à une faute de l’employeur, reconnue comme étant inexcusable, cela entraine la responsabilité de l’employeur et des conséquences sur l’indemnisation du salarié. Les articles L434-1, L434-2, L452-2 du Code de la sécurité sociale prévoient l’allocation d’une rente à la victime d’un accident du travail ou maladie professionnelle qui indemnise, d’une part, les pertes de gains professionnels et l’incidence professionnelle de l’incapacité et d’autre part, le déficit fonctionnel permanent (jurisprudence constante depuis la jurisprudence de la chambre criminelle et celle de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation en 2009). C’est alors la responsabilité civile professionnelle de l’employeur qui est mise en cause, c’est-à-dire qu’après versement de cette allocation au salarié victime, le tiers payeur pourra obtenir remboursement auprès de l’entreprise elle-même. En plus de cette rente, lorsque l’accident de travail ou maladie professionnelle résultent d’une faute inexcusable de l’employeur, la victime peut demander à celui-ci le versement d’une indemnité complémentaire pour quatre autres postes de préjudice, il s’agit des souffrances physiques et morales endurées par la victime, du préjudice esthétique, du préjudice d’agrément et du préjudice résultant de la perte ou la diminution des possibilités de promotion professionnelle (article L452-3 CSS). En cas de faute inexcusable, c’est alors l’employeur qui sera mis en cause personnellement, et non plus l’entreprise. Il sera donc tenu de verser cette indemnisation complémentaire sur ses deniers personnels. On voit ici l’importance pour l’employeur de souscrire une assurance responsabilité civile du mandataire social, de cette manière, c’est l’assureur qui interviendra pour prendre en charge l’indemnité complémentaire résultant de la faute inexcusable de l’employeur. Le salarié victime bénéficiera alors d’une double indemnité, l’une, versée par l’entreprise (ou le tiers payeur), au titre de la maladie professionnelle ou l’accident du travail subi par celui-ci, l’autre, versée personnellement par l’employeur en raison de la faute inexcusable de celui-ci.

Depuis une décision du 28 février 2013, le préjudice d’agrément ne doit plus s’entendre comme les troubles dans les conditions d’existence, jugés trop large par la deuxième chambre civile, mais comme l’impossibilité de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisir tel que défini dans la nomenclature Dintilhac. Ainsi, elle a cassé l’arrêt d’une Cour d’appel qui octroie une indemnisation complémentaire à la victime d’une maladie professionnelle pour les souffrances physiques et morales endurées par celle-ci et le préjudice d’agrément. La Cour d’appel n’avait pas recherché « si au titre du préjudice d’agrément la victime justifiait d’une activité spécifique sportive ou de loisirs antérieurs à la maladie et si les souffrances invoquées n’étaient pas déjà réparées au titre du déficit fonctionnel permanent ». Le préjudice d’agrément doit être indemnisé distinctement du déficit fonctionnel permanent(91). La deuxième chambre civile impose également de faire une distinction, lors de l’indemnisation, entre la perte de gains professionnels futures et l’incidence professionnelle subies par la victime(92). Elle avait déjà affirmé en 2009, cette nécessité de distinguer la perte de gains professionnels actuels et l’incidence professionnelle. Le Conseil constitutionnel dans son avis du 18 juin 2010(93) ajoute qu’en cas de faute inexcusable de l’employeur, les victimes peuvent demander, en plus, réparation de « l’ensemble des dommages non couverts par le livre IV du Code de la sécurité social ». Face au manque de clarté et de précision du Conseil constitutionnel, on est en droit de se demander de quels dommages exactement s’agissait-il ici ? Est-ce uniquement les dommages qui n’ont fait l’objet d’aucune indemnisation, même minime, ou peut-être est-ce les dommages qui ne sont que partiellement couverts par le livre IV ? (94) La solution se trouve dans une série d’arrêts de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 4 avril 2012, ainsi les préjudices ne faisant l’objet d’aucune couverture par le livre IV peuvent être indemnisés en complément de la rente. Il peut s’agir, avant consolidation, de l’existence d’un déficit fonctionnel temporaire, et après consolidation, du préjudice sexuel devant s’apprécier distinctement du préjudice d’agrément ou des souffrances endurées par la victime(95). Ce qui exclue donc l’indemnisation complémentaire des préjudices faisant l’objet d’une couverture, même partielle, par le livre IV du Code de la sécurité sociale. Cela concerne les frais médicaux, chirurgicaux, pharmaceutiques et accessoires, frais de transport, et d’une façon générale, de ceux nécessités par le traitement, la réadaptation fonctionnelle, la rééducation professionnelle ou le reclassement de la victime(96). Les pertes de gains professionnels, l’incidence professionnelle et déficit fonctionnel permanent qui sont déjà couverts par la rentre accident du travail maladie professionnelle sont également exclus(97). Il est rappelé, que conformément à ce qui est prévu par l’article L452-3 du Code de sécurité sociale, il appartient à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) de verser directement à la victime la réparation de l’ensemble des préjudices subis et d’en récupérer ensuite le montant auprès de l’employeur(98). Cependant rien n’était précisé quant à la réparation complémentaire de la nécessité de l’assistance d’une tierce personne pour la victime dans l’impossibilité d’effectuer les actes de la vie courante, alors que généralement des sommes très importantes sont en jeu. Jusqu’à présent, la victime d’un accident de travail ou maladie professionnelle bénéficiait de la majoration de sa rente, lorsque son incapacité permanente était égale ou supérieure à quatre-vingt pourcents, rendant nécessaire l’assistance d’une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires de la vie. La somme allouée était généralement minime par rapport aux besoins réels. Désormais, le nouvel article L434-3 du Code de la sécurité sociale, conformément à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 (loi n°2012-1404 du 17 décembre, entrée en vigueur le 1er mars 2013) institue une prestation complémentaire pour le recours à la tierce personne par la victime. Concernant les victimes de l’amiante, l’arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 4 décembre 2012 vient de leur reconnaitre la réparation du préjudice d’anxiété, en considérant que le salarié exposé à des matériaux contenant de l’amiante « se trouvait, de par le fait de l’employeur, dans une situation d’inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d’une maladie liée à l’amiante, qu’elle se soumette ou non à des contrôles et examens réguliers ». C’est ici la crainte de contracter une maladie grave qui est réparée. Ce préjudice est donc reconnu aux salariés qui ont été exposés aux poussières d’amiante pour les besoins de leur activité professionnelle, peu importe qu’ils aient été ou non soumis à un suivi médical. Il est aisé de comprendre la position de la Cour de cassation sur ce point, en effet, « le sentiment d’anxiété ne découle pas nécessairement de l’obligation de se soumettre à des contrôles médicaux. D’autres facteurs contribuent à l’alimenter, tels que la lecture d’une presse, spécialisée ou non, qui dévoile les conséquences éventuelles du contact avec l’amiante, ou encore le fait d’avoir côtoyé des salariés malades et d’avoir pu se projeter dans leurs souffrances »(99).

Après avoir déterminé les postes de préjudices pour lesquels le salarié victime peut réclamer une indemnisation, il convient de voir à présent, les modalités de cette indemnisation et le recours du tiers payeur contre l’employeur responsable.

§2 : Indemnisation et recours : modalités

Pour l’évaluation des préjudices en vue de l’indemnisation, la Cour de cassation rappelle que « constitue une violation du principe de la réparation intégrale le fait, pour un juge, de statuer par référence à des barèmes d’indemnisation sans procéder à l’évaluation du dommage en fonction des seules circonstances de la cause »100. Le juge doit donc procéder à une évaluation au cas par cas des préjudices invoqués, ce qui donne parfois lieu à des indemnisations différentes selon les juges et selon les cas. En effet, un préjudice esthétique ne sera pas apprécié de la même manière lorsqu’il s’agit, par exemple, d’un mannequin professionnel ou d’une personne ayant une activité professionnelle non basée sur le physique. La victime qui souhaite obtenir indemnisation de son préjudice, est soumise à la prescription biennale, dont le point de départ est fixé comme le prévoit l’article L431-2 du Code de la sécurité sociale, à la date à laquelle elle est en mesure de connaitre les faits lui permettant d’exercer l’action. La loi prévoit plusieurs points de départs possibles pour la computation du délai de deux ans. Il peut commencer à courir soit du jour de l’accident, de la première constatation médicale d’une modification survenue dans l’état de la victime (rappelé par la Cour de cassation dans un arrêt du 24 janvier 2013 s’agissait du moment où la victime est informée par certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle(101), de la cessation du travail ou du jour de la cessation du paiement des indemnités journalières (rappelé en 2012 par la deuxième chambre civile(102). Dans deux arrêts du 31 mai 2012(103), la Cour de cassation rappelle que le délai de prescription biennale auquel est soumis le salarié qui souhaite exercer une action en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur peut être interrompu par une action pénale. L’article L 431-2 du Code de la sécurité sociale précise « qu’en cas d’accident susceptible d’entraîner la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, la prescription biennale opposable aux demandes d’indemnisation complémentaire de la victime ou de ses ayants droit est interrompue par l’exercice de l’action pénale engagée pour les mêmes faits ». La difficulté ici était de savoir ce qu’il faut entendre par « action pénale ». L’article L431-2 apporte une précision sur les actes qui n’interrompt pas la prescription. Il s’agit des actes ayant seulement pour effet de constater une infraction, n’étant pas constitutifs d’une mise en oeuvre de l’action publique. Ainsi, la plainte simple, c’est-à-dire sans constitution de partie civile, déposée entre les mains du Procureur de la République n’est pas interruptive de prescription (1ère espèce). De même, le procès-verbal dressé par l’Inspecteur du travail dans l’exercice de ses attributions de police judiciaire ou les instructions adressées par le Procureur de la République à un Officier de Police Judiciaire ne sont pas constitutives d’une action pénale interruptive de prescription. (2ème espèce). La Cour de cassation précise que l’action pénale est réellement constituée soit par une citation en justice dans le délai de deux ans soit l’engagement des poursuites par le Procureur de la République ou une plainte avec constitution de partie civile. Seule la saisine d’une juridiction permet d’interrompre la prescription. Rappelons que le versement de la totalité des indemnités est effectué par l’organisme de Sécurité sociale, à charge pour lui d’en récupérer le montant auprès de l’employeur auteur des faits fautifs (article L452-3 CSS). Lorsque l’employeur est une entreprise de travail intérimaire, mettant un salarié à la disposition d’une entreprise utilisatrice, en cas de faute inexcusable de cette dernière, l’entreprise intérimaire dispose d’une action contre l’entreprise utilisatrice pour obtenir le remboursement des indemnités complémentaires qu’elle a dû verser à l’organisme de Sécurité sociale au titre du préjudice subi par ce salarié(104). De plus, depuis avril 2013, un salarié victime d’un accident du travail peut agir directement contre le tiers responsable du dommage sans avoir à exercer préalablement un recours contre son employeur en vue de la reconnaissance d’une faute inexcusable(105). En l’espèce, le salarié d’une entreprise sous-traitante a été victime d’un accident du travail en effectuant des travaux dans une usine exploitée par le donneur d’ordre, et a agi directement contre le tiers responsable (le donneur d’ordre) sur le fondement de la responsabilité de droit commun, et ce sans avoir à exercer préalablement un recours contre l’employeur (l’entreprise sous-traitante). Il convient de préciser également que seuls peuvent demander réparation de leur préjudice moral, le conjoint, les ascendants et les descendants de la victime d’un accident du travail, suivi de mort, imputable à la faute inexcusable de l’employeur(106). Précisons bien que c’est uniquement lorsque le salarié, victime de la faute inexcusable de l’employeur, décède que les ayants droits peuvent réclamer une indemnisation de leur préjudice. Ainsi, c’est à juste titre que dans un arrêt du 20 septembre 2012, la Cour de cassation a refusé de faire droit à la demande d’indemnisation de la femme de la victime survivante invoquant un préjudice moral suite à l’accident de son conjoint. Rappelons que l’article L452-3 du Code de la sécurité sociale n’admet la recevabilité des ayants droits à exercer une action en indemnisation de leurs préjudices que lorsque la victime est décédée(107).

91 Cass. civ. 2e, 28 février 2013, n°11-21015, publié au bulletin ; note Gaz. Pal., 14 mars 2013, n°73, p.21.
92 Cass. civ. 2e, 13 décembre 2012, n°11-26852, non publié au bulletin ; note A. RENELIER, Gaz. Pal., 16 février 2013, n°47, p.35.
93 Cons. const., 18 juin 2010, no 2010-8 QPC, Époux L.; JO 19 juin 2010, p. 11149.
94 Etude de F.GROUT, Gaz. Pal., 7 juillet 2012, n°189, p.19.
95 Cass. civ. 2e, 4 avril 2012, n°11-14311, publié au bulletin ; Etude F.GROUT, Gaz. Pal., 7 juillet 2012, n°189, p.19.
96 Cass. civ. 2e, 4 avril 2012, n°11-18014, publié au bulletin.
97 Cass. civ. 2e, 4 avril 2012, n°11-15393, n°11-14311 ; n°11-14595 (non publié au bulletin).
98 Cass. civ. 2e, 4 avril 2012, n°11-12299, publié au bulletin ; RCA, juin 2012, comm.159, p.16.
99 Etude C.CORGAS-BERNARD, RC, avril 2013, p.5.
100 Cass. civ. 2e, 22 novembre 2012, n°11-25988, non publié au bulletin ; note C. Bernfeld, Gaz. Pal., 16 février 2013, n°47, p.30.
101 Cass. civ. 2e, 24 janvier 2013, n°11-28595, publié au bulletin ; Gaz. Pal., 7 février 2013, n°38, p.25.
102 Cass. civ. 2e, 20 juin 2013, n°12-16576, publié au bulletin ; Gaz.Pal., 11 juillet 2013, n°192, p.28. 103 Cass. civ. 2e, 31 mai 2012, n°11-13814, n°11-10424, publié au bulletin.
104 Cass. crim. 18 septembre 2012, n°11-84279, publié au bulletin.
105 Cass. civ. 2e, 4 avril 2013, n°12-13921, publié au bulletin ; Gaz. Pal. 25 avril 2013, n°115, p.27.
106 Cass. civ. 2e, 15 mars 2012, n°11-12116, non publié au bulletin.
107 Cass. civ. 2e, 20 sept 2012, n°11-20798, non publié au bulletin.

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