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Section 2–La position actuelle des assureurs sur le marché

ADIAL

Des solutions ont été proposées, visant à concilier le besoin accru de couverture du côté des employeurs et les précautions nécessaires à l’équilibre financier de la compagnie du côté des assureurs.

Actuellement, la garantie de la faute inexcusable est systématiquement proposée en extension moyennant bien évidemment surprime (I), sa souscription tendant de plus en plus à devenir automatique (II). Cette garantie à elle seule n’est pas suffisante et une prévention des risques est parallèlement nécessaire (III).

I. Une assurance proposée en extension

L’insertion automatique de la garantie FI est vite devenue une pratique risquée. On ne pouvait pas garder les mêmes polices, au taux de prime inadapté à la réalité des faits.

Toute modification du risque pour lequel la garantie a été souscrite altère sans nul doute les « prévisions » faites par les actuaires et peut affecter sévèrement la mutualisation des risques, essentielle à l’équilibre financier de la compagnie.

Les assureurs ont donc dû adapter leur garantie pour rétablir l’équilibre primes payées / risque assuré.

Conserver la garantie en insertion automatique tout en augmentant la prime n’aurait pas été accepté par l’assuré, subitement confronté aux changements jurisprudentiels.

Les assureurs ont donc déjà commencé par exclure la garantie FI des polices. Tout risque financier majeur pour l’assureur était ainsi écarté.

Comme a d’ailleurs pu l’énoncer la Rédaction de l’Argus de l’Assurance dans un article paru le 17 juin 2013, la faute inexcusable a « de nouveaux enjeux financiers ».

Elle précisait en outre que l’augmentation des risques pesant sur les entreprises se répercute sur les assureurs les garantissant le cas échéant, et que ces derniers « en tireront sans doute quelques conséquences relatives au montant des primes, et seront, par ailleurs, certainement amenés à prendre davantage en considération les efforts de prévention des entreprises, seul moyen véritablement opérant pour permettre à ces dernières de limiter leurs risques de condamnation au titre d’une faute inexcusable »(67).

C’est laissé entendre que la position des assureurs n’a pas encore atteint son paroxysme et qu’elle est susceptible d’évoluer encore.

Les employeurs n’ont quant à eux pas réagi immédiatement.

Mais rapidement, les tribunaux sont venus admettre la recevabilité d’actions de salariés à l’encontre de leur employeur et ont reconnu de nouveaux préjudices, aux coûts souvent sans précédent.

Il n’en a pas fallu davantage pour que les chefs d’entreprise réalisent l’importance de s’assurer contre de tels risques, à tel point que la souscription en devient aujourd’hui quasiment systématique.

II. Une souscription tendant à devenir automatique

La demande émanant des employeurs s’est rapidement fait ressentir, de manière de plus en plus insistante.

La crainte de se voir condamnés à indemniser un salarié lésé suite à la reconnaissance de la commission d’une faute inexcusable en est la raison principale. Même si le monde juridique n’est pas leur domaine de prédilection, ces employeurs ont vite compris qu’on exigeait à leur égard un comportement irréprochable dans la prévention des risques.

Connaitre sans exception toutes les facettes des risques présentés par son entreprise n’étant pas réalisable en pratique, et l’erreur étant humaine, la seule solution était de se tourner vers une garantie « faute inexcusable ».

Parfois souscrite en extension moyennant surprime, parfois faisant l’objet d’une garantie individuelle propre, le résultat est le même : la majeure partie des employeurs s’est tournée vers une telle couverture.

Ces polices comprennent malgré tout quelques exclusions.

C’est le cas de l’amiante. Toutes les polices sans exception excluent les dommages causés par un quelconque produit amianté, en raison des coûts qu’ils peuvent impliquer. Ce risque est donc actuellement « inassurable » en France. L’employeur doit prendre toutes les mesures nécessaires pour que ses salariés ne soient en aucun cas exposés à des poussières d’amiante sur les lieux de travail.

L’Etat français est intervenu dans ce domaine. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2001(68) crée le FIVA (Fonds d’Indemnisation des Victimes de l’Amiante), établissement public administratif. Il a pour rôle de réparer intégralement les préjudices de victimes de MP causée par l’amiante et de leurs ayants-droit.

La solution trouvée pour contrer l’ampleur des coûts liés à une telle faute réside naturellement dans la prévention des risques, en amont. Ceci est vrai pour l’ensemble des risques auxquels une entreprise peut être amenée à faire face.

Même s’il ne s’agit pas d’une alternative absolue, l’adage « mieux vaut prévenir que guérir » trouve à s’appliquer. La prévention permet tout de même de limiter la survenance de sinistres, et le cas échéant, leur ampleur.

III.Une prévention des risques nécessaire

Qu’elle provienne de l’initiative personnelle du chef d’entreprise ou des conditions de garantie imposées par le contrat souscrit, la prévention a aujourd’hui pris une place prépondérante dans la gestion des risques.

Les exemples récents ne manquent pas.

Risques psychosociaux (stress, harcèlement), apparition de nouvelles pathologiques (cancer du bitume, troubles musculo-squelettiques) : ces nouvelles « notions » font progressivement leur apparition au cœur des décisions de la Cour de Cassation, dans le cadre d’incidents survenus à l’occasion du travail.

Après le scandale de l’amiante, c’est aujourd’hui au bitume de faire parler de lui. Par un arrêt rendu le 13 novembre 2012, la Cour d’Appel de Lyon confirmait une première fois que « les maladies développées par des salariés des suites de leur exposition professionnelle au bitume peuvent désormais conduire à engager la responsabilité de leurs employeurs pour faute inexcusable »(69).

Cette pathologique étant à ce jour non encore recensée en tant que maladie professionnelle, l’exposition à une telle substance (bitume) est de nature à engager la responsabilité de l’employeur pour FI, si il est établi que le cancer a été causé à l’occasion du travail habituel de la victime(70) et que l’employeur avait (ou aurait dû avoir) conscience du danger auquel le salarié était exposé(71).

Préjudice non déjà indemnisé par la Sécurité Sociale, mais pouvant donc faire l’objet d’une réparation de la part de l’employeur ayant commis une FI : on est ici bien dans la lignée de la décision constitutionnelle de 2010.

Dans un tout autre domaine, ce sont aussi les risques « psychosociaux » qui commencent à être pointés du doigt. Suicides sur les lieux de travail de plus en plus fréquents, pression professionnelle exercée de plus en plus forte(72) : l’établissement d’un lien entre les deux était prévisible.

Des suicides de salariés ont pu être jugés directement imputables au stress répété subi sur les lieux de travail.

Le « stress », notion plutôt subjective et difficilement « palpable », était auparavant rarement retenue comme à l’origine d’un préjudice, même si certains avocats tentaient de l’insérer au cœur de leur plaidoirie afin d’appuyer leurs prétentions. On reconnait aujourd’hui qu’un stress prolongé est susceptible d’entrainer chez le salarié des préjudices se manifestant notamment par des pathologies psychologiques.

A titre d’exemple, citons cette jurisprudence toute récente qui démontre bien que le contexte jurisprudentiel actuel a pris une tournure bien particulière. Dans une décision rendue le 8 novembre 2012(73), la Cour de Cassation a ainsi pu reconnaitre qu’un infarctus du myocarde était d’une part lié à une exposition au stress, et que d’autre part, cela constituait une faute inexcusable de la part de l’employeur.

Les mesures de prévention passent alors par différents aspects. Au fil des progrès scientifiques, l’employeur est tenu de se conformer aux recommandations médicales (matériaux non nocifs, moyens de protection adaptés, etc).

Quant au stress, il appartient à l’employeur de ne pas faire passer la performance de l’entreprise avant la santé des salariés, et d’instaurer une certaine « cohésion » au sein de son entreprise entre collègues.

Les tournures législatives et jurisprudentielles prises ont donc mis assureurs et employeurs dans une situation bien délicate.

La jurisprudence ne semblant pas fondée à revenir en arrière, et le mouvement général étant plutôt à une indemnisation toujours plus large, ces acteurs subissant en ligne directe les évolutions ont bien compris l’absolue nécessité de prévoir une garantie Faute inexcusable (en inclusion ou dans une garantie autonome).

On peut légitimement envisager que d’ici quelques années, elle se retrouvera sans exception dans toutes les polices d’entreprise, voire aura été élevée au rang « d’assurance obligatoire » par le législateur.

C’est d’ailleurs la tournure que prend actuellement le système américain. Alors qu’une partie de leur assurance est déjà rendue obligatoire dans la plupart des cas, une seconde partie vient à être automatiquement insérée, de telle sorte que la protection, tant de l’employeur que de l’employé, se trouvent assurées dans de larges hypothèses. On parlera de l’assurance « Employer’s Liability ».

67 L’Argus de l’Assurance, n°7317, « Les nouveaux enjeux financiers de la faute inexcusable », publié le 17/06/2013.
68 Loi du 23 décembre 2000 de financement de la SS pour 2001, complétée par le décret n°2001-963 du 23 octobre 2001 – article 53.
69 CA Lyon, 13/11/2012, début du procès du « bitume », condamnant en appel EUROVIA pour faute inexcusable à l’égard d’un ouvrier du bitume décédé en 2008 des suites d’un cancer de la peau – Argus de l’Assurance, n°7307, publié le 5 avril 2013.
70 Article L461-1 C. Sécurité Sociale.
71 Article L452-1 C. Sécurité Sociale.
72 Constat flagrant de la part des psychiatres de l’augmentation constante des « Burn-out » des salariés.
73 Cass civ 8 novembre 2012, n°11-23855

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