Gagne de la cryptomonnaie GRATUITE en 5 clics et aide institut numérique à propager la connaissance universitaire >> CLIQUEZ ICI <<

Section 2.1 – Le refus d’un droit à réparation limité

ADIAL

Le dispositif précédemment présenté n’a pas manqué pas d’être décrié par certains
institutionnels (Cour des comptes(25), l’Inspection générale des affaires sociales(26)),
législateurs(27) et partenaires sociaux(28)).

Le caractère partiel et forfaitaire de la réparation a été fortement remis en cause,
notamment au regard du principe de la réparation intégrale des préjudices subis par la
victime.

En 2006, monsieur Jean-Paul DELEVOYE alors Médiateur de la République déclarera :

« On doit avoir ce compromis social à l’esprit quand sont évoquées des questions telles que les
accidents du travail ou les maladies professionnelles. Le système français actuel, mis en place
il y a plus d’un siècle, était fondé sur les principes de la présomption d’imputabilité à
l’employeur et de l’indemnisation quasi-automatique, mais limitée et forfaitaire, du préjudice
subi. Ces principes qui étaient avantageux à l’origine pour les victimes, le sont moins en raison
de l’évolution du droit commun de la responsabilité.

En outre, les conséquences de certaines maladies professionnelles, je pense par exemple à celle
liées à l’exposition à l’amiante, sont sans commune mesure avec les situations antérieures.

C’est pourquoi je souhaite que notre système soit réformé, afin d’éviter les inégalités
flagrantes auxquelles on assiste en matière de réparation due aux victimes »(29).

Le 18 juin 2010, le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de
constitutionnalité le 07 mai 2010 par la Cour de cassation(30), a ainsi sensiblement modifié le
régime d’indemnisation des victimes d’accidents du travail en cas de faute inexcusable de
l’employeur.

Le Conseil constitutionnel a effet considéré que les dispositions de l’article L 452-3 du CSS
limitant les postes de préjudices indemnisables des victimes d’AT/MP en cas de faute
inexcusable de l’employeur, portaient « une atteinte disproportionnée au droit des victimes
d’actes fautifs ».

Si la forfaitisation de la réparation des risques professionnels est clairement admise, la
limitation des préjudices indemnisables en cas de faute inexcusable fait, quant à elle, l’objet
d’une réserve d’interprétation dont les effets pourraient remettre en cause le compromis
de 1898.

Le Conseil constitutionnel admettait ainsi la possibilité d’une « réparation de l’ensemble des
dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale », ce pour les affaires
non jugées définitivement au 18 juin 2010.

Cette décision permet-elle désormais aux victimes d’un accident du travail, lorsque
l’employeur a commis une faute inexcusable, de solliciter la réparation intégrale de leurs
préjudices, à l’instar des salariés victimes d’une faute intentionnelle de leur employeur
(article L 452-5 du CSS) ?

Rien n’est moins sûr.

Le Conseil constitutionnel rappelle en effet que l’existence d’un régime de responsabilité
dérogatoire au droit commun en matière de risques professionnels n’est pas en soi
inconstitutionnelle.

Bien plus, au terme de son considérant 19, le plafonnement de la réparation du risque
AT/MP n’est pas décrit comme contraire aux principes de responsabilité (article 4),
d’égalité (articles 1er, 6 et 13) de la Déclaration des droits de l’homme, ni à aucun autre
droit ou liberté.

Le Conseil constitutionnel a ainsi validé le plafonnement de la rente destinée à compenser
la perte de salaire, tel que prévu au sein de l’article L 452-2 du CSS.

Dès lors, cette décision tend plus vers un élargissement de l’énumération des chefs de
préjudice indemnisables plutôt que vers la reconnaissance d’un principe d’indemnisation
intégral de ceux-ci.

Par cette réserve, la Cour de cassation se trouve dans l’obligation de modifier sa
jurisprudence reposant sur l’article L 452-3 du CSS(31).

Pourront ainsi être indemnisés, ce qui n’était pas le cas auparavant, tous les frais
occasionnés par la maladie professionnelle ou l’accident du travail, comme l’aménagement
du logement ou de la voiture, les frais médicaux non remboursés, ou encore l’intervention
d’une tierce personne.

Quatre types de préjudices ont pu être dégagés par la doctrine(32) :

– Les frais divers et notamment les frais liés à la tierce personne
– Les frais de logement et de véhicule adapté
– Le déficit fonctionnel temporaire
– Les préjudices divers (scolaire ou universitaire, préjudice esthétique temporaire,
préjudice permanents exceptionnels)

La demande en réparation est dirigée par la victime ou ses ayants droits auprès de
l’employeur et seulement (et non aux caisses de sécurité sociale), devant la compétence
exclusive des TASS.

25 Rapport public particulier sur La gestion du risque accidents du travail et maladies professionnelles, éd.JO
2002
26 Rapport de monsieur LAROQUE La rénovation de la réparation des accidents du travail et des maladies
professionnelles, mars 2004, Rapport de monsieur YAHIEL Vers la réparation intégrale des accidents du travail
et des maladies professionnelles, avril 2002
27 Proposition de loi n°342 du 24 octobre 2007 de monsieur MUZEAU, Proposition de loi n°194 du 23 décembre
2009 de monsieur DAVID (texte rejeté par le Sénat le 11 février 2010)
28 Accord national interprofessionnel conclu le 12 mars 2007.
29 « Accidents du travail et maladies professionnelles : l’indispensable réforme », Médiateur Actualités n°23,
Novembre 2006
30 Cass. 2ème civile, 7 mai 2010, n° 09-87.288
31 Cass. Soc., 28 mars 1996, Bull. Civ. V, n°128 p 88, exemple sur le refus d’un préjudice découlant de
l’embauche d’une personne pour conduire un véhicule
32 Stéphanie PORCHY-SIMON, « Indemnisation des préjudices des victimes de faute inexcusable à la suite de la
décision du Conseil constitutionnel du 18 juin 2010 : réelle avancée ou espoir déçu ? », Recueil Dalloz 2011, n°7
p 459-464

Retour au menu : L’EVOLUTION DE LA GARANTIE DE LA FAUTE INEXCUSABLE