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SECTION 2 : UNE FAVEUR EXCLUSIVEMENT FISCALE

ADIAL

A la suite de la série de réponses ministérielles, la jurisprudence est restée très favorable aux
contribuables. A l’occasion d’une espèce dans laquelle un époux demandait, postérieurement à
l’intégration de la valeur d’un contrat non dénoué dans l’actif de la communauté, le dégrèvement
et la restitution des droits perçus à cette occasion, les juges du fonds ont retenu que « dans un
système de déclaration contrôlée, la liberté de choix ne peut être opposée au déclarant que si ce
dernier dispose d’options entre différentes qualification. Tel n’est pas le cas en l’espèce, dès lors que
dans l’hypothèse du prédécès du conjoint bénéficiaire du contrat d’assurance-vie, commun en biens,
la transposition au plan fiscal de la doctrine de l’arrêt « Praslicka » ne permettait de retenir pour ces
contrats que la qualification de biens communs(77) ». La Cour d’appel retient alors le caractère
exagéré de l’imposition par application du principe de l’égalité des citoyens devant l’impôt.
Plus précisément, « le droit de rachat peut appartenir à la communauté sur le plan civil, sans
qu’il en soit de même sur le plan fiscal ». En effet, «l’autonomie du droit civil par rapport au droit
fiscal permet ce genre de distorsion », mais, et la précision est importante, « il faut une référence
autorisant cette dérogation(78) ».

1. LES ACQUIS DE LA REPONSE MINISTERIELLE PRORIOL

La réponse ministérielle Proriol du 10 novembre 2009 affirme que « la position [de la neutralité
fiscale] a une portée exclusivement fiscale [et] elle n’est pas de nature à remettre en cause l’arrêt
rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 31 mars 1992(79) ». Il faut admettre
avec un auteur que cette précision relève du « truisme(80) ». Une doctrine fiscale, du fait de la
séparation des pouvoirs, ne peut avoir pour effet de déroger à une décision judiciaire. En d’autres
termes, « le régime fiscal de faveur préconisé par les lettres [DSK et Sautter] énoncées se limite à une
« neutralisation » fiscale d’un acquêt mais ne peut consister en la métamorphose du bien en un
propre(81) ».

En outre, sur un plan civil, le principe d’immutabilité des régimes matrimoniaux interdit toute
convention modifiant la répartition entre les biens propres et les biens communs des époux(82).
Malgré tout, certains praticiens se sont interrogés sur la validité même du principe d’une
double déclaration civile et fiscale (2.).

2. INCERTITUDE SUR LA VALIDITE D’UNE DOUBLE DECLARATION CIVILE ET FISCALE

La possibilité d’inclure le contrat dans la déclaration civile et de l’exclure dans la déclaration
fiscale ne paraît pas évidente.

La pratique avait conduit à l’élaboration de clauses rédigées ainsi :
« Déclaration sur les contrats d’assurance : Les héritiers décident de ne pas intégrer dans l’actif de
communauté les contrats d’assurance sur la vie, non dénoués, au nom de Monsieur X…, conjoint
survivant ».

L’ambigüité de la situation a conduit certains auteurs à s’interroger sur la question de savoir
si une déclaration fiscale hors communauté ne s’imposait pas à la liquidation civile. En d’autres
termes, « si l’on a voulu sortir « fiscalement » de la communauté les contrats d’assurance-vie non
dénoués, cette position s’impose-t-elle sur le plan civil ? ». Certains notaires ont pu répondre à cette
interrogation par l’affirmative(83), et l’administration fiscale avait pu engager des redressements
contre les contribuables ayant déclaré civilement le contrat comme un bien commun(84).

Au contraire, Jean Aulagnier soutient qu’une double déclaration est parfaitement possible. Il
souligne l’autonomie du droit fiscal. Ainsi, « si le droit civil tient le droit fiscal en l’état, l’inverse n’est
jamais vrai(85) ». Il cite à l’appui de sa démonstration un arrêt de la cour de cassation qui énonce que
« la détermination de l’assiette des droits de mutation par décès [est] sans effet sur les règles du droit
civil relatives à la liquidation des successions(86) »

Pour autant, selon la doctrine de la neutralité fiscale, la détermination de l’assiette des
droits de mutation dépend de la qualification matrimoniale de la valeur du contrat d’assurance-vie
non dénoué. Cette qualification pourrait donc être alternative, selon que l’on se situe sur le terrain
civil ou fiscal. Pourquoi pas. Mais nous comprenons la supplication de Raymond Le Guidec en 2002
« de venir au secours du notaire liquidateur et d’apaiser les règlements successoraux(87) ».
Toutes les questions suscitées par l’obscurité des réponses ministérielles seront laissées en
suspens du fait du rapport de la doctrine de la neutralité fiscale, après la rentrée en vigueur de la
loi TEPA (CHAPITRE 2).

77 CA Paris 5 février 2004, n° 02-15105, La Revue fiscale notariale, mars 2005, comm. 59
78 J. Aulagnier, Le droit de rachat : un droit de créance discuté, J.C.P.N. 1er octobre 1999, p. 1405
79 Rép. min. no 27336, Proriol, JO AN Q 10 nov. 2009, p. 10704, RJPF-2009- 12/32, obs. Ph. Delmas Saint-
Hilaire
80 F. Fruleux, Valeur de rachat des contrats d’assurance-vie non dénoués. Les réponses ministérielles Proriol et
Carayon présentent-elles un intérêt ?, J.C.P.N. juillet 2010, 1238 ; dans le même sens, F. Douet,
Assujettissement aux droits de succession de la valeur de rachat des contrats d’assurance-vie, Defrénois 2010,
39155, p. 1887
81 Ph. Delmas Saint-Hilaire, Praslicka… encore et toujours !, Rev. Jur. Personnes & Famille 2000, n° 12
82 S. Convers, Contrats d’assurance-vie non dénoués et communauté : optimisation, J.C.P.N. n° 51, déc. 2010,
1384
83 Notaires Vie pratique, n° 14, juill.-août 2003, cité par Jean Aulagnier
84 Argument qui, on l’a vu, n’a pas emporté la conviction des juridictions du fonds.
85 J. Aulagnier, Actualité du contrat d’assurance, Droit et Patrimoine 2003, n° 120
86 Cass. 1re civ., 11 mars 1997, n° 95-15.341.
87 R. Le Guidec, Successions et libéralités, J.C.P.G. 2002, n° 1194

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