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SECTION 2 : Une assurabilité sécurisée par le choix de la modification de l’application de la garantie dans le temps

ADIAL

Pour un contrat d’assurance de responsabilité, le jeu de la garantie est subordonné à plusieurs éléments selon le choix de l’évènement déclencheur de la garantie. Comme le prévoit l’article L113-13 alinéa 1er du code des assurances, la durée du contrat sont fixées par la police et donc par les cocontractants.

La question est donc celle de l’application de la garantie dans le temps, selon un évènement déclencheur de la garantie choisi. De plus, cette garantie est limitée dans le temps pour permettre à l’assureur une certaine visibilité et prévisibilité quant aux risques susceptibles de survenir et ce, d’autant plus que le risque médical se caractérise notamment par son développement long.

Le choix de tel ou tel évènement déclencheur de la garantie peut être commandité par le législateur, appuyé par la jurisprudence selon les exigences du risque à couvrir (§1). Il convient de préciser la situation d’application de la garantie dans le temps en matière médicale (§2) pour les bienfaits et les inconvénients qui subsistent (§3).

§1 : Du refus jurisprudentiel à l’adoption législative du déclenchement de la garantie par la réclamation de la victime

Il ne s’agit pas d’expliquer l’ensemble de l’évolution de l’application de la garantie dans le temps mais d’analyser les rouages de l’application de la garantie dans le temps spécifiquement en matière de responsabilité civile médicale.

Jusqu’à l’instauration de la loi n°2002-1577 du 30 décembre 2002 relative à la responsabilité civile médicale imposant la réclamation de la victime de l’accident médical comme évènement déclencheur de la garantie, la jurisprudence a pallié à l’absence d’intervention du législateur pour ce pan de la responsabilité civile. Jusque-là, la base fait dommageable s’appliquait à ce type de contrat. Cependant, la première chambre civile de la Cour de cassation avait, par une série d’arrêts du 19 décembre 1990, affirmé l’illicéité de la clause réclamation, celle-ci ayant été pratiquée avant cette consécration et accusée de privilégier l’intérêt de l’assureur.

La Cour arguait d’une part du fait que « le versement des primes pour la période qui se situe entre la prise d’effet du contrat d’assurance et son expiration a pour contrepartie nécessaire la garantie des dommages qui trouvent leur origine dans un fait qui s’est produit pendant cette période »(65), sous-entendu que l’assureur ne peut voir son obligation de couverture et de règlement mise en oeuvre et donc supporter les conséquences, à l’occasion de la réclamation par la victime, d’un fait dommageable survenu antérieurement à la prise d’effet de ce contrat ou postérieurement à sa résiliation ou expiration.

De plus, le fait de subordonner la garantie à la réclamation par la victime conduit « à priver l’assuré du bénéfice de l’assurance en raison d’un fait qui ne lui est pas imputable » et à créer un avantage au profit de l’assureur qui percevrait des primes sans contrepartie. Cet argument semble quelque peu rejoindre celui avancé précédemment.

La loi du 30 décembre 2002 précitée, intervenue en complément de la loi du 4 mars 2002, a légiféré le point de l’application de la garantie dans le temps concernant la responsabilité civile médicale en créant l’article L251-2 alinéa 3 du code des assurances selon lequel tout contrat d’assurance conclu en application de l’article L1142-2 du code de la santé publique garantit l’assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres pour lesquels la première réclamation est formée pendant la période de validité du contrat, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs du sinistre, dès lors que le fait dommageable est survenu dans le cadre des activités de l’assuré garanties au moment de la première réclamation.

L’évènement déclencheur de la garantie choisi par le législateur est la réclamation, définie au même article, comme toute demande en réparation amiable ou contentieuse formée par la victime d’un dommage ou ses ayants droit et adressée à l’assuré ou à son assureur, c’est-à-dire toute manifestation tendant à exercer un droit(66).

L’ensemble de ces éléments appellent plusieurs réflexions sur le choix de la base réclamation comme mode de fonctionnement du contrat d’assurance de responsabilité civile professionnelle médicale.

§2 : Le fonctionnement de la garantie dans le temps

Pour rappel, il faut préciser le contenu exact de l’objet de la garantie (A) avant d’explique le fonctionnement de celle-ci (B).

A) L’objet de la garantie

Le contrat de responsabilité civile professionnelle médicale couvre la responsabilité du fait personnel du praticien dans le cadre de l’exercice de son activité c’est-à-dire des actes médicaux pratiqués sur les patients. Cet engagement de responsabilité du professionnel de santé, susceptible de donner lieu à indemnisation, suppose une faute prouvée de celui-ci comme un manquement à son obligation de moyens de soins, sauf les cas de responsabilité sans faute notamment en cas d’infections nosocomiales ou en matière d’utilisation de produits de santé.

Pour ce type de contrat, l’assureur prend en charge les conséquences pécuniaires de la responsabilité du professionnel de santé, quelque soit sa spécialité, du fait de son fait personnel c’est-à-dire d’un manquement qui lui est personnellement imputable. Ces conséquences pécuniaires comprennent les dommages corporels occasionnés aux tiers ainsi que les dommages matériels et les dommages immatériels consécutifs. Les dommages immatériels non consécutifs ne sont en général pas couverts puisque ne découlant de l’acte médical dommageable. En aucun cas la responsabilité pénale du praticien ne sera garantie par l’assureur, il s’agit même d’une exclusion, au même titre que les amendes.

Les contrats d’assurance de responsabilité civile professionnelle médicale se présentent généralement sous deux formes. Une première énumère tous les types de garanties prises en charge par l’assureur. Ce type de rédaction a pour inconvénient d’être peu lisible pour l’assuré. Cependant, la majorité des contrats adopte le modèle « tous risques sauf » en expliquant l’objet de la garantie et en apposant les exclusions ce qui a le mérite d’être plus compréhensible (note de bas de page, Lamy Assurance n°570-60), l’assuré sachant directement ce qui est couvert ou non.

Concernant leur champ d’application, ces contrats s’étendent aux professionnels de santé libéraux, ceux exerçant au sein d’établissement de santé, ceux exerçant à la fois au sein d’établissements de santé et en tant que libéral et enfin les remplaçants desdits praticiens.

Après avoir précisé ces éléments préliminaires, il convient de s’intéresser à l’étendue même de la garantie dans le temps et en montant.

B) L’étendue de la garantie

1) La limitation dans le temps

a) La reprise du passé inconnu

L’article L 251-2 alinéa 3 du code des assurances prévoit que tout contrat d’assurance conclu en application de l’article L. 1142-2 du code de la santé publique garantit l’assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres pour lesquels la première réclamation est formée pendant la période de validité du contrat, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs du sinistre, dès lors que le fait dommageable est survenu dans le cadre des activités de l’assuré garanties au moment de la première réclamation. Il s’agit de la reprise du passé inconnu par l’assureur délivrant le contrat en vigueur, notion sujette à débat.

En vertu de l’alinéa 6 de l’article L251-2 du code des assurances et énoncé sous forme d’exclusion, il est prévu une exception selon laquelle le contrat ne garantit pas les sinistres dont le fait dommageable est connu de l’assuré à la date de la souscription. A contrario, l’assureur devra garantir les sinistres dont le fait dommageable demeure inconnu de l’assuré lors de la souscription du contrat.

La notion de passé connu ou inconnu de la part de l’assuré appelle plusieurs interrogations. Tout d’abord, on peut se demander quels critères doivent déterminer la connaissance par l’assuré du fait dommageable concerné(67). De plus, il s’agit de savoir comment est déterminé le moment à partir duquel on considère que l’assuré avait connaissance dudit fait(68).

Ces questions ne sont en effet pas futiles puisqu’elles ont donné lieu à plusieurs interprétations mises à mal par la Convention de gestion des sinistres portant sur l’application de la garantie dans le temps, notamment la détermination du passé connu/inconnu en assurances responsabilité médicale du 18 décembre 2007 applicable depuis le 1er janvier 2008. Cette dernière est issue de l’accord entre les sociétés d’assurances membres de la FFSA et du Groupement des entreprises d’assurances mutuelles (GEMA) et a le mérite d’instaurer une uniformité quant à l’interprétation des notions de passé connu et de passé inconnu(69).

L’article 8 de la convention prévoit que « l’enquête pénale (y compris la plainte contre X), l’enquête administrative, la mise en place d’un entretien prévu par l’article L 1142-4 du code de la santé publique, la plainte ordinale contre le souscripteur du contrat et la lettre informant l’assuré de la saisine de commission régionale de conciliation et d’indemnisation (CRCI) » constituent des critères suffisants pour qualifier un fait dommageable comme connu de l’assuré.

L’article 8-1 ajoute que « la qualification de passé connu résulte également de la connaissance par l’assuré d’un dommage caractérisé en lien avec un fait particulier. Ce dernier s’entend comme un fait marquant et grave impliquant la conscience par l’assuré que ses conséquences dommageables sont susceptibles d’engager sa responsabilité ». Il pourrait s’agir de situations telles qu’un incident au cours de l’accomplissement d’actes de soins(70). Plus explicitement, on peut supposer qu’il s’agit de l’hypothèse où il existe des présomptions graves, précises et concordantes à l’égard du professionnel de santé pour envisager sa responsabilité.

On peut donc voir que le champ de définition du passé connu est assez large si bien qu’une confusion peut tout de même subsister quant à l’élément cité par l’article 8-1. Alors qu’il est prévu d’attendre la première réclamation de la victime dès la survenance du dommage ou de symptômes laissant présumer un dommage, l’article prévoit qu’avant même cet évènement, le professionnel de santé doit prévoir tout risque et un éventuel sinistre. Les éléments de la définition peuvent également donner lieu à interprétation puisque prévoyant des critères que l’on peut qualifier de subjectifs par rapport aux hypothèses jugées objectives de l’article 8.

Qu’est-ce qu’un fait marquant et grave ? Qu’est-ce qu’un fait impliquant la conscience de l’assuré ? Ce sont des questions auxquelles le législateur pourrait répondre en adoptant une définition du passé connu plus précise ou en énonçant une liste limitative d’hypothèses prévoyant les cas de passé connu. En effet, une liste non limitative ne permettra pas d’évincer toute interprétation.

A contrario, les situations non évoquées relèvent du passé inconnu. La distinction entre le passé connu et le passé inconnu s’apprécie selon l’article 9 de ladite convention au regard de la date d’effet du dernier contrat et en fonction de l’assuré en cause.

Il convient d’énoncer l’ensemble des hypothèses de passé inconnu.

Lorsque le fait dommageable survient sous l’empire d’un premier contrat et la réclamation de la victime sous l’empire d’un deuxième contrat, si le fait dommageable est inconnu, le deuxième contrat couvrira le dommage(71).

Cependant, lorsque la même situation se pose mais que les deux contrats ne couvrent pas la même activité, le contrat pendant la durée duquel est survenue la première réclamation de la victime ne peut jouer puisqu’il ne garantit pas la même activité que le premier contrat, sous l’empire duquel est survenu le fait dommageable. C’est le cas où la cessation d’activité est intervenue à la date du second contrat. Si la réclamation est intervenue pendant la durée de la garantie subséquente, le premier contrat pourra garantir le sinistre(72).

Enfin, en cas de passé connu concernant un fait dommageable intervenu sous l’empire d’un premier contrat et une première réclamation au titre du deuxième contrat, ce dernier ne pourra couvrir la garantie puisque le fait dommageable constitue un évènement connu de l’assuré(73).

b) La garantie subséquente

Aux termes de l’article L251-2 alinéas 4 et 5 du code des assurances, instauré par la loi du 30 décembre 2002, le contrat d’assurance garantit les sinistres dont la première réclamation est formulée pendant un délai fixé par le contrat, à partir de la date d’expiration ou de résiliation de tout ou partie des garanties, dès lors que le fait dommageable est survenu pendant la période de validité du contrat et dans le cadre des activités garanties à la date de résiliation ou d’expiration des garanties, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs du sinistre. Ce délai ne peut être inférieur à cinq ans(74).

Le dernier contrat conclu, avant sa cessation d’activité professionnelle ou son décès, par un professionnel de santé mentionné à la quatrième partie du code de la santé publique exerçant à titre libéral, garantit également les sinistres pour lesquels la première réclamation est formulée pendant un délai fixé par le contrat, à partir de la date de résiliation ou d’expiration de tout ou partie des garanties, dès lors que le fait dommageable est survenu pendant la période de validité du contrat ou antérieurement à cette période dans le cadre des activités de l’assuré garanties à la date de résiliation ou d’expiration des garanties, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs du sinistre.

Ce délai ne peut être inférieur à dix ans(75). Cette garantie ne couvre pas les sinistres dont la première réclamation est postérieure à une éventuelle reprise d’activité.

Ces deux alinéas prévoient les deux cas de garantie subséquente possibles, accordée automatiquement par les contrats, dès l’expiration ou la résiliation du contrat. Le contrat se prolonge donc d’une durée de cinq ou dix ans selon l’hypothèse, sachant que ces durées sont des minimums légaux et que l’assureur peut prévoir une garantie subséquente plus élevée ce qui serait bénéfique pour les spécialités médicales à risque.

Il convient d’emblée d’en préciser une des caractéristiques qui est sa subsidiarité : la garantie subséquent n’intervient qu’en cas d’absence de garantie par le contrat en cours c’est-à-dire en cas de passé connu ou de cessation d’activité par exemple et aux conditions énumérées précédemment.

L’application de la garantie subséquente a posé la question de son aménagement pour les contrats conclus avant l’entrée en vigueur de la loi au 31 décembre 2002, à ceux qui perduraient après cette date ou résiliés avant celle-ci. Il est clair que les contrats renouvelés ou conclus après le 31 décembre 2002, date de publication de la loi du 30 décembre 2002, se voyaient appliquer la loi nouvelle et donc une garantie subséquente de cinq ans comme le prévoit l’alinéa 1er de l’article 5 de la loi du 30 décembre 2002.

Pour les contrats conclus avant cette date, l’alinéa 2 règle leur sort comme suit : sans préjudice de l’application des clauses contractuelles stipulant une période de garantie plus longue, tout contrat d’assurance de responsabilité civile garantissant les risques mentionnés à l’article L. 1142-2 du code de la santé publique, conclu antérieurement au 31 décembre 2002, garantit les sinistres dont la première réclamation est formulée postérieurement au 31 décembre 2002 et moins de cinq ans après l’expiration ou la résiliation de tout ou partie des garanties, si ces sinistres sont imputables aux activités garanties à la date d’expiration ou de résiliation et s’ils résultent d’un fait dommageable survenu pendant la période de validité du contrat. De manière plus claire, une première réclamation de la victime intervenant après le 31 décembre 2002 pourra faire jouer la garantie d’un contrat conclu avant le 31 décembre 2002 et ce, si cette première réclamation intervient au plus cinq ans après le 31 décembre 2002, c’est-à-dire au plus tard au 31 décembre 2007 et si le sinistre est couvert par les garanties prévues au contrat et résulte d’un fait survenu durant la validité du contrat.

Cet aménagement permet le passage du système base fait dommageable à celui de base réclamation ce qui constitue une rétroactivité de la loi du 30 décembre 2002 ayant pour justification l’éviction de toute absence de garantie. Cette disposition jouera dans le cas d’un changement d’assureur si le nouvel assureur ne peut pas garantir le sinistre, la garantie subséquente n’intervenant, comme évoqué, que de manière subsidiaire.

Cette problématique est accentuée par celle de l’absence de coordination entre la garantie subséquente et le délai de prescription de dix ans. Ce dernier commence à courir dès la consolidation de la victime. Or, il est très fréquent que la consolidation n’intervienne que tardivement après l’acte médical dommageable, après les cinq ou dix ans de garantie subséquente.

Il convient, par ailleurs, de s’interroger sur le sort de la victime en cas d’épuisement ou d’expiration de la garantie. L’article L426-1 du code des assurances propose une solution nouvelle qui consiste dans l’intervention exclusive du nouveau fonds de garantie institué en 2012. Il est chargé de régler, sans possibilité d’action récursoire contre les professionnels de santé concernés, pour la part de leur montant excédant le montant minimal du plafond fixé par le décret mentionné au troisième alinéa de l’article L. 1142-2 du même code ou, s’il est supérieur, du plafond de garantie prévu par le contrat d’assurance, les indemnisations fixées au titre de la réparation des préjudices subis par les victimes et, en cas de décès, par leurs ayants droit.

Le fonds de garantie prend également en charge l’intégralité de ces indemnisations en cas d’expiration du délai de validité de la couverture d’assurance mentionné à l’article L. 251-2 du présent code. Dans ce dernier cas, le professionnel de santé doit alors au fonds remboursement d’une somme égale au montant de la franchise qui était éventuellement prévue par ledit contrat d’assurance. On peut donc voir la volonté du législateur de « sécuriser le parcours » du professionnel de santé libéral.

c) Le cas de cumul d’assurance

L’intervention de la loi du 30 décembre 2002 est venue perturber les règles de l’application de la garantie dans le temps concernant les contrats de responsabilité civile professionnelle médicale. Cela a, de fait, engendré des cas d’enchevêtrement des garanties comme le précise l’alinéa 7 de l’article L251-2 du code des assurances. Ce dernier précise que lorsqu’un même sinistre est susceptible de mettre en jeu la garantie apportée par plusieurs contrats successifs, il est couvert en priorité par le contrat en vigueur au moment de la première réclamation, sans qu’il soit fait application des dispositions du régime relatif aux assurances cumulatives envisagées à l’article L 121-4 du même code.

Ce système exclut donc l’application du régime des assurances cumulatives et déroge au droit commun en évinçant toute possibilité de contribution commune des assureurs. Cette exclusion est conforme à la logique d’instaurer un système base réclamation uniquement. En envisageant une situation d’apparence simple selon laquelle le contrat en vigueur au moment de la première réclamation couvre le sinistre, des difficultés en sont nées. Cette question a suscité là aussi plusieurs interprétations avant d’être réglée par la jurisprudence.

Plusieurs interprétations relatives à l’article 5 de la loi du 30 décembre 2002 ont été proposées. Une des interprétations prévoyait une priorité du contrat en cours lors de la réclamation avec l’intervention subsidiaire de la garantie subséquente du contrat fait dommageable précédent. Une seconde préférait la priorité du contrat fait dommageable conclu avant le 31 décembre 2002 et plus spécifiquement de sa garantie subséquente de cinq ans qui courait dès le 31 décembre 2002. Une dernière choisissait d’invoquer le cumul classique d’assurance ce qui est exclu légalement.

Une jurisprudence constante s’est construite par un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 2 octobre 2008(76) qui a affirmé qu’en vertu de l’alinéa 7 de l’article L 251-2 du code des assurances, lorsqu’un même sinistre est susceptible de mettre en jeu la garantie apportée par plusieurs contrats successifs, il est couvert en priorité par celui en vigueur au moment de la première réclamation. Les faits rendaient compte de la situation d’un médecin ayant souscrit un nouveau contrat d’assurance à compter du 1er janvier 2003 et une première réclamation de la victime intervient postérieure à cette date. La Cour d’appel a été censurée pour avoir décidé le sinistre était garanti par le contrat d’assurance en vigueur au moment du fait dommageable survenu antérieurement au 31 décembre 2002.

Cette position a été confirmée en 2009 : le contrat en vigueur lors de la première réclamation écarte l’application de la garantie subséquente de cinq ans, celle-ci n’étant applicable qu’à partir du 31 décembre 2002. Il s’agissait d’un conflit entre deux contrats, le premier ayant été renouvelé plusieurs fois avant le 31 décembre 2002 et le second souscrit à partir de 2005 et lui aussi renouvelé. Une réclamation est intervenue en 2006. C’est donc le second contrat qui garantit le sinistre puisque la réclamation est intervenue après la publication de la loi au 31 décembre 2002.

La garantie connaît une certaine limitation dans le temps mais aussi dans ses montants.

2) La limitation en montant

En assurance de responsabilité civile médicale, il est prévu des plafonds de garantie venant limiter la couverture due par l’assureur. Aucune garantie illimitée n’est prévue par la loi et n’est d’ailleurs pas souhaitable au vu des montants des indemnisations comme l’invoque la réassurance.

Le plafonnement se fait d’une part par sinistre. Il s’agit du cas où une ou plusieurs victimes se manifestent pour un même sinistre. Il se fait également par année d’assurance : quelque soit le nombre de sinistres et de victimes, l’assureur garantit à la hauteur du plafond prévu (note de bas de page : Traité du contrat d’assurance terrestre, Hubert Groutel, p 1113, n°1772). Dans les deux cas, l’assureur n’indemnisera pas la victime au-delà des plafonds stipulés.

En assurance médicale, les deux plafonds sont en général prévus. Au vu des spécialités médicales à risque dont il est question, un seul sinistre peut, à lui seul, atteindre le plafond et épuiser la garantie comme dans le cas d’un sinistre sériel avec clause de globalisation. La victime peut également se retrouver dans une situation difficile puisque l’article L 113-5 du code des assurances et la jurisprudence constante prévoient que les plafonds de garantie sont opposables aux tiers et notamment aux victimes qui exercent une action directe en assurance de responsabilité(77). Cependant, cet effet néfaste est compensé par l’intervention du nouveau fonds de garantie comme évoquer précédemment.

Un changement innovant est intervenu avec le décret n°2011-2030 du 29 décembre 2011. Les montants de garantie prévus initialement sont relevés comme l’énonce l’article R 1142-2 du code de la santé publique : les plafonds mentionnés ne peuvent être inférieurs à huit millions d’euros par sinistre et à quinze millions d’euros par année d’assurance. Cela est un réel progrès dans la mesure où les professionnels de santé libéraux exerçant des spécialités à risque réclamaient une telle mesure afin de réduire les charges d’indemnisation extraordinaires pensant sur eux. Il s’agit de plafonds minimum pouvant éventuellement être augmentés par les assureurs. On peut penser que cela réduira voir fera disparaître le risque de ruine personnelle financière des professionnels de santé libéraux exerçant des spécialités à risque. Il faudra en mesurer les conséquences dès les premières interventions du fonds de garantie.

En cas d’expiration ou d’épuisement de la garantie, on a évoqué l’intervention du fonds pour garantir toute indemnisation. Cependant, on pourrait aussi mentionner l’idée d’une reconstitution de la garantie. On pourrait imaginer de prévoir pour les contrats de responsabilité civile professionnelle médicale une clause de reconstitution de la garantie en cas d’épuisement de celle-ci au montant initial moyennant évidemment une surprime pour la période de garantie restante s’il existe un accord entre les parties. Cela relancerait la polémique concernant le montant élevé des primes mais on peut envisager un financement partiel des primes et complet pour les surprimes par le fonds de garantie pour aider les professionnels de santé libéraux. On pourrait, par ailleurs, imposer une clause de reconstitution de la garantie à l’assureur à une seule reprise étant donné les lourdes indemnisations auxquelles peuvent faire face les praticiens exerçant des spécialités à risque. Il est vrai que les plafonds de garantie minimum ont été augmentés ce qui va permettre une meilleure couverture. Mais notre proposition pourrait à nouveau fragiliser les assureurs tout comme les professionnels de santé libéraux exerçant des spécialités à risque continuent d’être, dans une moindre mesure, fragiliser par des « trous de garantie ».

§3 : La loi du 30 décembre 2002 : suppression ou persistance des trous de garantie ?

De nombreuses réactions mitigées tant de la part des professionnels que de la doctrine se sont manifestées après le choix de la base réclamation fait par le législateur. En effet, il s’agit d’envisager les tenants et les aboutissants d’un tel choix au travers des avantages et inconvénients généré par ce choix.
Tout d’abord, il s’agit de comprendre ce changement que l’on peut aisément qualifier de radical entre la position de la Cour de cassation, imposant le système fait générateur, et le législateur. La raison la plus déterminante de ce choix est très certainement le retrait de plusieurs assureurs du marché après la crise de la responsabilité civile médicale. En effet, la clause réclamation étant, en faveur de l’assureur, a été un argument pour redonner confiance aux assureurs et relancer leur activité bien que cela nie toute liberté contractuelle.

Plusieurs avantages de la clause réclamation sont mis en avant. Les plus flagrants sont la couverture du passé inconnu et l’existence d’une garantie subséquente dont on a expliqué le fonctionnement. Elles donnent à l’assureur plus de visibilité sur le risque à couvrir par rapport à la durée de garantie.
L’inconvénient ayant le plus de retentissement sur les professionnels de santé libéraux est celui du coût de la prime. En effet, comme le relève l’étude réalisée pour les Unions régionales des médecins libéraux, la loi faisait peser sur ces professionnels une double charge de prime.

En effet, « les médecins ont payé deux fois pour la couverture des dommages dont le fait générateur était antérieur à la loi About et dont la réclamation est intervenue postérieurement à la loi »(78). En effet, avant la loi du 4 décembre 2002, le délai de prescription était de trente ans concernant la durée de la responsabilité civile médicale, celle-ci l’ayant abaissé à dix ans mais il a été prévu par la loi du 30 décembre 2002 que les assureurs ayant contracté antérieurement à celle-ci ne seraient engagés que sur cinq ans, durée de la garantie subséquente, ce qui pénalise les assurés. Ces derniers avaient, de fait, payé une prime au regard d’un risque trentenaire. La loi abaisse considérablement la durée de couverture due aux assurés. La loi a donc fait d’une pierre deux coups : elle a entraîné des augmentations de primes mais aussi un abaissement de la durée de garantie pour les contrats conclus antérieurement au 31 décembre 2002.

Plusieurs propositions de réforme peuvent être envisagées. En effet, il a pu être suggéré de porter à dix ans la durée de la garantie subséquente, non pas pour se calquer sur le délai de prescription, ce qui serait un leurre, mais pour allonger la durée de couverture des assurés(79). Il est peu probable que les assureurs s’en accommodent car cela les engagerait sur une durée importante. L’apport de la loi et du décret du 28 décembre 2011 ont contribué à réduire les « trous de garantie » puisque le fonds de garantie des dommages consécutifs à des actes de prévention, de diagnostic et de soins dispensés par les professionnels de santé exerçant à titre libéral adopte un rôle similaire à celui de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux en prenant en charge le surplus d’indemnisation dépassant les plafonds de garantie nouvellement rehaussés. Il conviendra d’en apprécier les conséquences une fois son action rendue effective.

Les mérites et les ambiguïtés des lois des 4 et 30 décembre 2002 ont permis peu à peu de remédier à la crise de la responsabilité civile médicale en contrôlant davantage l’assurabilité du risque médical par une obligation d’assurance et un système base réclamation. Cependant, les difficultés persistent pour les professionnels libéraux exerçant des spécialités médicales à risque.

65 Règles propres à l’assurance de responsabilité, Traité du contrat d’assurance terrestre, Hubert Groutel, Litec, 2008, p. 1126, n°1795 et s.
66 Vocabulaire juridique de l’Association Capitant, PUF, avril 2007, p. 769.
67 Code des assurances, Litec, 2011, p. 458, sous l’article L 252-1.
68 Idem.
69 Lamy Assurances, 2012, n°570-69.
70 Idem.
71 Voir Annexe n°5.
72 Voir Annexe n°6.
73 Voir annexe n°7.
74 Voir Annexe n°8.
75 Voir Annexe n°9.
76 Cass. 2e civ., 2 oct. 2008, n°07-19.672 : JurisData n°2008-045179, JCP G 2009, II, 10001, RGDA 2009, p. 235.
77 Cass. com., 4 juin 1996, RCA 1996, n° 339.
78 Pour une nouvelle réforme de la responsabilité civile professionnelle des médecins libéraux…,Responsabilité, assurance et expertise médicales, éd. Dalloz, 2008, p. 36.
79 Pour une nouvelle réforme de la responsabilité civile professionnelle des médecins libéraux…,Responsabilité, assurance et expertise médicales, éd. Dalloz, 2008, p. 39.

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