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Section 2 : Sous l’empire de la loi Spinetta

ADIAL

La loi n°78-12 du 4 janvier 1978 relative à la responsabilité et à l’assurance dans le domaine de la construction, dite loi Spinetta – du nom M. Adrien Spinetta qui avait présidé au milieu des années 70 une commission qui avait inscrit dans son rapport une « approche globalisante et cohérente (21)» à celle de la loi de 1978 – impose une obligation d’assurance décennale (§1).De plus, l’adoption de la loi Spinetta marque le passage d’un système de répartition à un système de capitalisation (§2).

§ 1: La mise en place d’une obligation d’assurance des constructeurs

Cette assurance décennale couvre la responsabilité des constructeurs du fait de la survenance de dommages compromettant la solidité de l’ouvrage ou le rendant impropre à sa destination. La loi donne une définition de la notion de « constructeur ».

Ainsi,selon l’article 1792-1 du Code civil, « est réputé constructeur de l’ouvrage :

1° Tout architecte, entrepreneur, technicien ou autre personne liée au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage ;
2° Toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu’elle a construit ou fait construire ;
3° Toute personne qui, bien qu’agissant en qualité de mandataire du propriétaire de l’ouvrage, accomplit une mission assimilable à celle d’un locateur d’ouvrage(22). »

D’après la définition légale, sont donc exclus les sous-traitants puisque ces derniers n’ont pas de lien direct avec le maître d’ouvrage.

La loi fait peser sur ces constructeurs une présomption de responsabilité. En effet, l’article 1792-2 du Code civil énonce que « tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination.

Une telle responsabilité n’a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère(23). » Le point de départ de cette responsabilité décennale est la réception de l’ouvrage. « Clé de voûte de tout le système de responsabilité des constructeurs(24) », elle peut être tacite, expresseou judiciaire. A partir de la réception, le maître de l’ouvrage ne peut plus effectuer de réclamations quant aux vices apparents qui n’ont pas fait l’objet de réserves.Aux termes de l’article 1792-6 du Code civil, celle-ci consiste en « l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserves(25) ». La réception fait donc courir le délai de la responsabilité des constructeurs pour une durée incompressible de dix ans. Ce délai est légalement prévu par l’article 1792-4-3 du Code civil qui indique que « En dehors des actions régies par les articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2, les actions en responsabilité dirigées contre les constructeurs désignés aux articles 1792 et 1792-1 et leurs sous-traitants se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux(26). »

Enfin, le législateur de 1978 a supprimé la distinction faite entre gros et menus ouvrages et remplacé la notion d’« édifice(27) » par celle d’« ouvrage(28) ».

Afin de renforcer la protection des consommateurs, a été instaurée une obligation légale d’assurance décennale. Cette obligation d’assurance décennale incombant aux constructeurs d’ouvrage, a été codifiée à l’article L.241-1 du Code des assurances qui dispose que « toute personne physique ou morale, dont la responsabilité décennale peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil, doit être couverte par une assurance.

A l’ouverture de tout chantier, elle doit être en mesure de justifier qu’elle a souscrit un contrat d’assurance la couvrant pour cette responsabilité. Tout contrat d’assurance souscrit en vertu du présent article est, nonobstant toute stipulation contraire réputé comporter une clause assurance le maintien de la garantie pour la durée de la responsabilité décennale pesant sur la personne assujettie à l’obligation d’assurance(29). »

Une précision peut être apportée à ce stade quant aux ouvrages autres que les bâtiments. Ces derniers peuvent faire l’objet d’une assurance décennale, mais la souscription de celle-ci pour le constructeur, est facultative et non obligatoire. Par ailleurs, des garanties « complémentaires » peuvent être prévues afin de garantir les conséquences annexes de la responsabilité des constructeurs.

Si la loi Spinetta a rendu obligatoire la souscription d’une police d’assurance décennale pour tout constructeur d’ouvrage, elle avait néanmoins dans sa version d’origine, limité le champ d’application de cette obligation aux seuls « travaux de bâtiments(30) ».

En décembre 1997, un comité composé de 3 juristes – le Professeur Hugues Périnet-Marquet, le Professeur Corinne Saint-AlaryHouin et de Maître Jean-Pierre Karila – a été constitué à la demande de M. Claude Martinand, Directeur des affaires économiques et internationales du Ministère de l’Equipement, du Logement, du Transport et du Tourisme, afin de « poursuivre la réflexion engagée par les groupes de travail, en 1996, surle champ d’application de l’assurance construction obligatoire et de proposer toute solution permettant de circonscrire l’obligation d’assurance(31). »

Ce comité a mis en lumière les lacunes du texte de 1978. Si la loi Spinetta visait dans ses textes « les travaux de bâtiments », elle n’en donnait aucune définition. Or, cette définition est primordiale afin de fixer le champ d’application de l’obligation d’assurance construction. C’est la raison pour laquelle un arrêté en date du 17 novembre 1978 a été institué afin de préciser les notions de travaux de bâtiment et d’ouvrage, de parties d’ouvrage ou d’éléments d’équipement, au sens de l’article 1792-4 du Code civil.

Selon le texte précédemment cité, les travaux de bâtiments sont ceux « dont l’objet est de réaliser ou de modifier les constructions élevées sur le sol à l’intérieur desquelles l’homme est appelé à se mouvoir et qui offrent une protection au moins partielle contre les agressions des éléments naturels extérieurs(32).»

En ce qui concerne les notions d’ouvrage, de parties d’ouvrage ou d’éléments d’équipement, ledit arrêté les définit comme « les parties de la construction dénommées Composants, conçues etfabriquées pour remplir dans un bâtiment un ou plusieurs rôles déterminés avant toute mise en oeuvre(33). » Cependant, ces définitions furent annulées par le Conseil d’Etat qui y voyait un excès de pouvoir.

Par la suite, plusieurs textes – un avis du COPAL(34), deux circulaires n°79-38 du 5 avril 1979 et n°81-04 du 21 janvier 1981 en provenance du Ministère de l’Environnement et du Cadre de Vie ainsi que des réponses ministérielles – vinrent tenter d’apporter des éléments de définition. Après étude du droit positif de l’époque, des positions recueillies auprès des organismes professionnels et des aspects juridiques et économiques du problème, le comité missionné élabora des propositions.

L’une d’entre elles, proposa de remplacer certains termes afin d’harmoniser « le fait et le droit(35) » et de « simplifier le droit applicable(36). » Elle suggéra de remplacer le mot « bâtiment » présent aux articles 1792-2et 1792-3 du Code civil, par le terme « ouvrage », mais encore de substituer à l’article L.242-1 les termes « des travaux de bâtiment » par les mots « un ouvrage ». De même, les termes « des travaux de bâtiments » présents dans l’intitulé du titre IV et du livre II, sont suppléés par ceux de « construction obligatoire ».

Une autre proposition consista en la création d’un article L.243-9 du Code des assurances visant à dresser une liste d’exclusions des ouvrages sortant du champ d’application de l’assurance obligatoire. Cette définition négative permet d’inclure dans le champ d’application de l’assurance obligatoire tous les autres ouvrages qui ne seraient pas visés par l’exclusion. Elle a été pensée afin d’écarter les ouvrages de génies civils du fait de leur particularité. Enfin afin d’exclure les éléments d’équipements professionnels, la création d’un nouvel article 1792-7 du Code civil est sollicitée.

Toutes ces propositions ont été entendues par le Gouvernement qui souhaitait les voir adopter. Toutefois, le pouvoir exécutif ne pouvant modifier la loi, unenouvelle loi en date du 9 décembre 2004 fut créée visant à autoriser le Gouvernement à refondre les textes des codes par voie d’ordonnance. Le 8 juin 2005, l’ordonnance portant modification de diverses dispositions relatives à l’obligation d’assurance dans le domaine de la construction et aux géomètres experts, fut adoptée.

Celle-ci vint combler le vide juridique qui résidait en l’absence de définition de la notion d’ « ouvrage » et met ainsi fin à de longues années d’hésitation.
De nos jours, selon l’article L.243-1-1 du Code des assurances, les ouvrages maritimes, lacustres, fluviaux, les ouvrages d’infrastructures routières, portuaires, aéroportuaires, héliportuaires, ferroviaires, les ouvrages de traitement de résidus urbains, de déchets industriels et d’effluents, ainsi que les éléments d’équipement de l’un ou l’autre de ces ouvrages, ne sont pas soumis à obligation d’assurance.

Toutefois, sont également exclus des ouvrages soumis à obligationd ‘assurance, les voiries, les ouvrages piétonniers, les parcs de stationnement, les réseaux divers, les canalisations, les lignes ou câbles et leurs supports, les ouvrages de transport, de production, de stockage et de distribution d’énergie, les ouvrages de stockage et de traitement de solides en vrac, de fluides et liquides, les ouvrages de télécommunications, les ouvrages sportifs non couverts, ainsi que leurs éléments d’équipement, « sauf si l’ouvrage ou l’élément d’équipement est accessoire à un ouvrage soumis à ces obligations d’assurance(37) ».

Enfin, l’article susvisé indique que « ces obligations d’assurance ne sont pas applicables aux ouvrages existants avant l’ouverture du chantier, à l’exception de ceux qui, totalement incorporés dans l’ouvrage neuf, en deviennent techniquement indivisibles(38). »

A l’heure actuelle, il n’existe toujours pas de définition de la notion d’ouvrage. Toutefois, selon le Professeur Cyrille Charbonneau dont les propos ont inspiré un article écrit par Mme Caroline Fleuriot(39) « des lignes directrices se dégagent des arrêts ». Les juges ont interprété extensivement cette notion. « Les critères fondamentaux pour la Cour de cassation sont l’atteinte à l’essence du bâtiment et la notion d’immobilisation ; il s’agit de critères liés à la réalité matérielle(40). »

La notion d’ouvrage n’est pas le seul apport de la loi de 1978. Parmi les autres évolutions notoires engendrées par la loi de 1978, se trouve le passage d’un système de répartition à un système de capitalisation.

§ 2: Le passage d’un système de répartition à un système de capitalisation

Selon le Directeur des affaires économiques et internationales du Ministère de l’Equipement, M. Paul Schwach, « la nature cyclique du sujet du bâtiment(41) » serait une des raisons du passage d’un système de répartition à un système de capitalisation. Selon M. Roland Sudres, la vie d’une construction comporte : « la période d’édification autrement désignée période de cours travaux(42) », « une période de jeunesse(43) » et « une période de maturité et de vieillissement(44) ». Elle s’étale dans le temps.

Or, un système de répartition implique de payer les sinistres survenus pendant une année avec les primes versées lors de cette année. Le système de capitalisation permet lui d’organiser cela dans le temps.Deuxième avantage permis par la capitalisation, la réduction du délai de règlement du sinistre.

Cette transition a nécessité un apurement du passif. A cette fin, un dispositif a été créé. Il s’agit du fond de compensation de l’assurance construction. « Ce fond a introduit une cotisation additionnelle aux primes versées aux assureurs bien comme des entreprises et des maîtres d’ouvrage. Les assureurs reversent ensuite la prime au fonds de compensation chargé de régler les sinistres concernant des chantiers réalisés avant 1983. Depuis 1983, aucun nouveau sinistre ne se règle dans ce cadre-là(45). »

Après avoir rappelé l’historique législatif de l’obligation d’assurance décennale, nous nous pencherons sur l’évolution que la jurisprudence lui a indirectement conféréepar le biais de l’article 1792 du Code civil.

21 FABRE Bertrand, « Présentation », Colloque SMABTP du 14 octobre 2003, p.4.
22 Article 1792-1 du Code civil.
23 Article 1792 du Code civil.
24 KARILA Jean-Pierre et KULLMANN Jérôme, Lamy assurances, Editions Lamy, 2013, n°5024, p.1489.
25 Article 1792-6 du Code civil.
26 Article 1792-4-3 du Code civil.
27 Anc. article 1792 du Code civil.
28 Article 1792 du Code civil.
29 Article L.241-1 du Code des assurances.
30 Ancien article L.241-1 du Code des assurances, L. 1978, version d’origine.
31 SAINT-ALARY-HOUIN Corinne et KARILA Jean-Pierre et PERINET-MARQUET Hugues, « Rapport sur le champ d’application de l’assurance construction obligatoire », décembre 1997, p.1.
32 Article A.241-2, arr. 17 novembre 1978, www.legifrance.gouv.fr, 10 juillet 2013.
33 Ibid. .
34Comité Pour l’Application de la Loi.
35 SAINT-ALARY-HOUIN Corinne et KARILA Jean-Pierre et PERINET-MARQUET Hugues, « Rapport sur le champ d’application de l’assurance construction obligatoire », décembre 1997, p.39.
36 Ibid.
37 Article L.243-1-1 du Code des assurances.
38Ibid.
39 FLEURIOT Caroline, « Responsabilité : focus sur les notions d’ouvrage et de réception », D., 2013, www.dalloz-actualité.fr, 12 juillet 2013.
40 Ibid.
41 SCHWACH Paul, « L’économie », Colloque SMABTP du 14 octobre 2003, p.12.
42 SUDRES Roland, « L’assurance des risques de la construction », HannoverRe, 2006, p.9.
43 Ibid.
44 Ibid.
45 SCHWACH Paul, « L’économie », Colloque SMABTP du 14 octobre 2003, p.13.

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