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Section 2 : Proposition de nomenclature des préjudices réparables en cas d’atteinte à l’environnement(23)

ADIAL

S’il ya bien une chose qui fait l’unanimité autant chez les profanes que chez les
sachants, c’est que le corps humain n’a pas de prix. Pourtant, cela n’empêche pas le Droit de
réparer les atteintes au corps humain en les qualifiant de façon diverse et variée : déficit
fonctionnel total (DFT), incapacité permanente partielle (IPP), etc. « Si ce résultat a été
possible pour la vie humaine, il devrait en aller de même pour les atteintes à la vie non
humaine »(24) c’est-à-dire aux espèces végétales, animales voire à la biodiversité. Les atteintes à
la nature méritent elles aussi réparation, la nature étant le cadre dans lequel se déploie la vie
humaine. Plus qu’une logique, c’est une nécessité, les dégradations de la nature ayant des
influences néfastes sur l’Homme.

Pour les atteintes corporelles, il existe en France une nomenclature des préjudices
corporels réparables. C’est la nomenclature Dintilhac. Laurent NEYRET et Gilles MARTIN
proposent une « Dintilhac environnementale ». Celle-ci énumère les postes de préjudices
réparables en cas d’atteintes à l’environnement. Ces préjudices sont répartis en deux grandes
catégories, se subdivisant en sous-catégories. Ces grands axes rejoignent la définition du
dommage écologique selon deux conceptions faite ci-dessus.

D’une part, nous avons les préjudices subjectifs, c’est-à-dire les préjudices indirects
causés via l’environnement. Ils se subdivisent en préjudices patrimoniaux et extra
patrimoniaux, qui peuvent être temporaires ou permanents.

D’autre part, nous avons les préjudices objectifs, ou encore préjudices directs causés à
l’environnement. Les sous catégories sont les préjudices objectifs temporaires et les
préjudices objectifs permanents.

Cette classification s’inspire de la jurisprudence française, du droit comparé, de la
terminologie utilisée dans la directive européenne de 2004 et bien sur de la nomenclature
Dintilhac. Ses auteurs pensent qu’un régime de responsabilité ne peut se construire
durablement que si au préalable, l’on sait sur quel fondement il repose et quels sont les
préjudices qu’il entend réparer. C’est dans cette logique qu’il est important de « nommer pour
mieux normer ». Les auteurs de ce travail remarquable précisent que cette nomenclature vise
trois objectifs : prévenir, réparer, sanctionner, et est destinée aux protagonistes de l’action
environnementale. Elle n’est pas exhaustive et mériterait d’être affinée et adaptée. Elle pourra
servir de base juridique si la loi venait à la consacrer.

En effet, dans notre contexte, un texte de cette nature serait la bienvenue. Les
avantages qu’il comporte sont nombreux. Il constitue :

– Une source de transparence et de cohérence pour les acteurs
– Un instrument de sécurité juridique et d’égalité de toutes les victimes de dommages
environnementaux, que le préjudice soit subjectif ou objectif
– Une aide au règlement amiable des sinistres environnementaux
– Un gain de temps et d’argent
– Une garantie du respect de la réparation intégrale, etc.

Malgré les multiples avantages que ce texte peut présenter, des critiques sont faites à son
égard. Elles tiennent plus à la prudence qu’à sa discréditation complète. Les thuriféraires de
cette thèse(25) pensent que la proposition de nomenclature n’est pas encore mûre pour devenir
opérationnelle. Pour d’autres, c’est une source d’insécurité juridique, qui génèrera des
incertitudes, plus redoutées par les acteurs que l’extension de leurs responsabilités. Les
risques de redondance ne sont pas à exclure. Aussi, il est reproché à la proposition de
nomenclature de ne pas traiter du régime de responsabilité applicable à chaque poste de
préjudice, encore moins des montants des réparations correspondantes.

Les auteurs de cette proposition répondent à ces critiques en disant qu’il appartient au
législateur d’affiner les régimes de responsabilité et que la nomenclature n’a pas vocation à
servir de barème d’indemnisation du dommage écologique, encore moins à fixer le prix des
espèces. Ce texte reste ouvert et évolutif, ce qui, à notre sens, est à saluer. Il permettra peut
être, s’il est adopté par le législateur, de mettre un peu de clarté dans le flou juridique existant.

Dans la même dynamique de quête de sécurité juridique, qui semble ne pouvoir s’acquérir
que par des textes normatifs, les sénateurs ont déposé le 23 mai dernier une proposition de loi
visant à l’insertion d’un article 1382-1 dans le code civil (voir Annexe n°1). Cet article
stipulera : « Tout fait quelconque de l’homme qui cause un dommage à l’environnement
oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. La réparation du dommage à
l’environnement s’effectue prioritairement par nature ».

En attendant que la proposition des sénateurs soit ou non adoptée, nous avons comme
texte existant et applicable, la loi LRE, qui est déjà une législation importante dans la matière,
en ce sens qu’elle privilégie la réparation en nature des dommages environnementaux. Les
développements qui suivent nous en diront un peu plus au sujet de cette loi LRE.

23 Groupe de travail sous la direction de L. Neyret, Agrégé de Droit privé et professeur à l’Université d’Artois et
G. Martin, professeur émérite à l’Université de Nice Sophia-Antipolis
24 L. Neyret : Naufrage de l’Erika : vers un droit commun de la réparation des atteintes à l’environnement,
Recueil Dalloz 2008, n°38, p2681
25 Pascale KROMAREK, présidente du comité de Droit de l’environnent du Medef
Stéphane PENET, directeur des assurances de biens et de responsabilité à la FFSA

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