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SECTION 2 : L’OPTIMISATION FISCALE DE LA JURISPRUDENCE PRASLICKA

ADIAL

En premier lieu, il faut souligner les conséquences attachées à la non révélation par le
conjoint de l’existence d’un contrat d’assurance-vie non dénoué. Les compagnies d’assurance ont
l’obligation de communiquer aux notaires qui en font la demande la valeur de rachat des contrats
non dénoués. Deux sanctions du code civil ont vocation à s’appliquer. Ce sont celles du recel de
communauté(95) et du recel successoral(96). Comme le souligne un auteur, « il est indispensable de
retenir la double qualification pour sanctionner efficacement le conjoint receleur si l’on veut éviter
que ce dernier ne récupère, en qualité de cohéritier, tout ou partie de ce dont il aurait été privé en
tant qu’auteur d’un recel de communauté(97) ». Dans cette perspective, l’époux est privé de ses droits
sur le contrat non dénoué. Il s’agit alors de trouver des moyens juridiques limitant les effets
négatifs de la jurisprudence Praslicka.

La « parade » la plus évidente est de ne pas négliger les déclarations d’emploi ou de
remploi lorsque les primes sont payées par un époux au moyen de fonds propres. Une déclaration
d’emploi ou de remploi a posteriori n’est possible qu’avec l’accord des deux époux(98).
Quand les primes sont payées par des biens communs, la pratique met en place des
montages juridiques plus élaborées. Ces derniers prennent la forme le plus souvent d’un
changement de régime matrimonial (1) ou du mode de souscription du contrat d’assurance-vie (2).

1. LE CHANGEMENT DE REGIME MATRIMONIAL PAR LA STIPULATION D’UN PRECIPUT

L’aménagement du régime matrimonial est possible à la signature du contrat de mariage
ou postérieurement à celui-ci. Le préciput est consacré par l’article 1515 du Code civil(99) et la clause
de préciput appliquée à un contrat d’assurance-vie est valide selon la jurisprudence(100). En outre,
depuis la réforme de 2004, la révocabilité des avantages matrimoniaux est de plein droit, sauf
volonté contraire, s’ils ne prennent effet qu’à la dissolution du régime matrimonial(101).
Une autre possibilité est la modification de régime matrimonial avec l’insertion d’une clause
d’attribution intégrale de la communauté au profit du conjoint survivant commun en bien avec
éventuellement une clause d’exclusion de la reprise des apports par les héritiers du prédécédé,
permise par l’article 1525 alinéa 2(102).

Une parade plus spécifique à l’arrêt Praslicka peut être de stipuler dans le régime de
communauté conventionnelle que la valeur de rachat de tout contrat souscrit sur la tête du
survivant des époux, sera, le cas échéant avec d’autres biens, attribuée par préciput au survivant
des deux époux(103).

Les conséquences d’un changement de régime matrimonial sont cependant problématiques
dans les familles recomposées. Les avantages matrimoniaux ne sont pas considérés comme des
donations et ne sont pas soumis aux règles du rapport et de la réduction(104). Mais les enfants d’un
premier lit disposent de l’action en retranchement de l’article 1527 alinéa 2 du Code civil(105). Le but
de cette action est de préserver la réserve héréditaire en analysant les avantages matrimoniaux
comme des libéralités réductibles s’ils dépassent la quotité disponible entre époux.

La modification du régime matrimonial peut ainsi permettre d’attribuer au conjoint
survivant la valeur de rachat en la gardant hors la succession du prédécédé. Une autre possibilité
d’optimisation consiste à faire en sorte que le contrat soit dénoué en toute hypothèse à la mort
d’un époux (2.).

2. LA SOUSCRIPTION CONJOINTE AVEC DENOUEMENT AU PREMIER DECES

L’autre possibilité permettant de limiter les conséquences de l’arrêt « Praslicka » se trouve
dans les modalités de la souscription du contrat d’assurance-vie. Le moyen est ici de retenir une
co-souscription avec un dénouement au premier décès avec comme bénéficiaire le conjoint.
Lorsqu’un époux décède, le contrat se dénoue et le conjoint survivant reçoit le bénéfice. Le régime
est donc celui des contrats dénoués, le bénéfice constitue le bien propre pour le survivant et
aucune récompense n’est due à la communauté (sauf primes manifestement exagérées). La
souscription conjointe est permise par le Code des assurances qui prévoit que « plusieurs personnes
peuvent contracter une assurance réciproque sur la tête de chacune d’elles par un seul et même
acte(106) ».

Avant le rapport de la doctrine issue de la réponse ministérielle Péruchot, il était conseillé
de combiner la souscription conjointe du contrat d’assurance-vie avec une clause bénéficiaire
démembrée. Elle permettait alors de transmettre des capitaux en franchise totale de droit de
succession quelque soit l’ordre des décès(107). Cette solution est aujourd’hui incertaine et dépendra
de l’interprétation administrative et judiciaire de l’imputation des parts démembrés sur
l’abattement de l’article 990 I du Code général des Impôts.

Les souscriptions conjointes doivent être cependant maniées avec précaution108. Selon une
réponse ministérielle Lazaro de 1993 « l’administration fiscale est fondée à apporter la preuve qu’un
contrat d’assurance recouvre dans certaines situations, une donation indirecte qui doit être assujettie
aux droits de mutation à titre gratuit. Tel peut être le cas lorsqu’un contrat est souscrit en adhésion
conjointe avec un ou plusieurs souscripteurs dans la mesure où ceux-ci bénéficient directement ou
indirectement des sommes versées ». Le risque de requalification en donation directe semble peu
probable si les époux alimentent le contrat sur leurs salaires, qui sont un bien commun, et prennent
la précaution de ne pas affecter des capitaux propres.

95 Art. 1477 Code civ. : « Celui des époux qui aurait diverti ou recelé quelques effets de la communauté est
privé de sa portion dans lesdits effets ».
96 Art. 778 Code civ : « Sans préjudice de dommages et intérêts, l’héritier qui a recelé des biens ou des droits
d’une succession ou dissimulé l’existence d’un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la
succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l’actif net, sans pouvoir prétendre à
aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés ».
97 A. Tisserand-Martin, J.C.P.N. 2008, n° 48, p. 1339
98 S. Convers, Contrats d’assurance-vie non dénoués et communauté : optimisation, J.C.P.N. n° 51, 1384
99 Art. 1515 C. civ :« Il peut être convenu, dans le contrat de mariage, que le survivant des époux, ou l’un d’eux
s’il survit, sera autorisé à prélever sur la communauté, avant tout partage, soit une certaine somme, soit certains
biens en nature, soit une certaine quantité d’une espèce déterminée de biens ».
100 CA Toulouse, 19 septembre 2000, obs. J.-C. Lefort, Defrés. 2000, art. 37349
101 Art. 265 al. 2 C. civ : « Le divorce emporte révocation de plein droit des avantages matrimoniaux qui ne
prennent effet qu’à la dissolution du lien matrimonial ».
102 Art. 1525 C. civ. : « La stipulation de parts inégales et la clause d’attribution intégrale ne sont point réputées
des donations, ni quant au fond, ni quant à la forme, mais simplement des conventions de mariage et entre
associés.
Sauf stipulation contraire, elles n’empêchent pas les héritiers du conjoint prédécédé de faire la reprise des
apports et capitaux tombés dans la communauté du chef de leur auteur ».
103 J.-F. Piraud, Le contrat d’assurance vie, De la souscription au dénouement, 4ème éd., Verneuil, p. 22
104 F. Petit, Quasi-usufruit et convention matrimoniale : dans l’intérêt de la famille !, J.C.P.N. 2006, 1077
105 Art. 1527 C. civ « Les avantages que l’un ou l’autre des époux peut retirer des clauses d’une communauté
conventionnelle, ainsi que ceux qui peuvent résulter de la confusion du mobilier ou des dettes, ne sont point
regardés comme des donations.
Néanmoins, au cas où il y aurait des enfants qui ne seraient pas issus des deux époux, toute convention qui
aurait pour conséquence de donner à l’un des époux au-delà de la portion réglée par l’article 1094-1, au titre ”
Des donations entre vifs et des testaments “, sera sans effet pour tout l’excédent ; mais les simples bénéfices
résultant des travaux communs et des économies faites sur les revenus respectifs quoique inégaux, des deux
époux, ne sont pas considérés comme un avantage fait au préjudice des enfants d’un autre lit. »
106 Art. L. 132-1 du Code des assurances
107 S. Jacquin, De l’intérêt de combiner une souscription conjointe avec dénouement au premier décès et une
clause bénéficiaire démembrée, J.C.P.N. 2009, 1336
108 Voir en ce sens F. Lucet, Les souscription conjointes en assurance-vie, Defrénois, 30 septembre 1993 n° 18,
p. 1009

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