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SECTION 2 : L’INDIFFERENCE A LA DUREE DE LA COUVERTURE DES BENEFICIAIRES SUCCESSIFS

ADIAL

Un premier problème se pose, en présence d’un contrat d’assurance-vie souscrit d’abord au
profit du conjoint puis ensuite au profit d’un tiers, se situe au niveau des pouvoirs. Le souscripteur
a-t-il l’autonomie de révoquer son conjoint en choisissant un nouveau bénéficiaire ? A cette
interrogation, un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 26
mai 1982 affirme que : « l’affectation par avance d’une quote-part des revenus professionnels du
mari à la constitution d’un capital à son profit et à celui de son épouse avait créé contre la
compagnie d’assurance une créance de communauté dont le mari ne pouvait librement disposer à
titre gratuit ». La cour de renvoi retenant la solution contraire, suite à nouveau pourvoi, l’Assemblée
plénière(40) retient cette fois « qu’en application de l’article L. 132-12 du Code des assurances, la
créance sur la compagnie a été acquise au seul profit des bénéficiaires », consacrant le principe de
l’inexistence d’une créance de la communauté.

La mise à l’écart de l’article 422 du Code civil(41) s’explique parce que le tiers est bénéficiaire d’un
droit propre qu’il exerce directement contre l’assureur et qui n’a jamais fait partie du patrimoine du
stipulant. Ce résultat expliqué par le mécanisme de la stipulation pour autrui n’empêche pas
l’application des récompenses dues à la communauté. L’effet rétroactif de la stipulation pour autrui
occulte la période pendant laquelle le conjoint est resté bénéficiaire (1).

1. L’ABSENCE DE PRISE EN COMPTE DE LA VALEUR DE L’OBLIGATION DE COUVERTURE

L’arrêt Daignan est critiquable parce que l’épouse a été bénéficiaire du contrat d’assurancevie
pendant un certain temps durant lequel elle a été couverte contre le risque de décès de son
mari.

C’est ce que souligne un auteur en qualifiant la décision de « particulièrement inéquitable
alors que le conjoint souscripteur doit récompenser la communauté de cotisations acquittées durant
plusieurs années à fonds perdus au profit de son conjoint, le changement de bénéficiaire n’étant
intervenu qu’à une date proche de la dissolution(42) ». Cet auteur cite encore un arrêt postérieur ayant
soumis à récompenses les primes d’un contrat d’assurance-vie dont le conjoint survivant avait
décliné le bénéfice(43).

La véritable valeur de l’assurance pour le preneur est d’offrir une sécurité. Pour la doctrine
moderne, juridiquement, l’assurance fait naitre une obligation de couverture qui n’est pas aléatoire.
Seule l’obligation de règlement va dépendre de la survenance d’un événement incertain.

Ce dualisme d’obligations est souvent oublié et est notamment à l’origine de la
jurisprudence concernant les assurances de responsabilité, fondée sur la théorie de la cause,
prohibant les clauses « claims made » qui subordonnent la garantie à la réclamation de la victime
pendant la période de validité du contrat(44). La cause de l’obligation du contrat d’assurance, c’est-àdire
la contrepartie convenue, est à notre sens plus à rechercher dans la présence d’une obligation
de couverture plutôt que dans celle d’un aléa.

Dans cette approche, un contrat d’assurance-vie dont la contrepartie est la couverture du
risque de décès au profit du conjoint est exclusif de toute récompense sur le fondement de l’article
1437 du Code civil. Il semblerait donc opportun de réduire la récompense due à la communauté en
tenant compte de la durée de la couverture de ce risque (2).

2. L’ALTERNATIVE DOCTRINALE FONDEE SUR LA REDUCTION PRORATA TEMPORIS DE LA RECOMPENSE

Des auteurs proposent de prendre en compte la durée de la période au cours de laquelle le
conjoint a été bénéficiaire du contrat d’assurance-vie souscrit par son époux.
Cette démarche peut se justifier si l’on considère que l’assurance-vie constitue une «
libéralité [qui] a pour objet la couverture d’un risque plus que l’attribution d’un capital(45) ». En suivant
ce raisonnement, « la prime payée par l’assuré est le prix du risque cédé à l’assureur ; elle correspond
en quelque sorte à la valeur vénale de ce risque(46) ». La conséquence serait donc que « la prime soit
regardée comme donnée, que ce risque se soit ou non réalisé(47) ». L’intention libérale étant exclusive
de toute récompense, l’assiette de cette dernière correspondrait, dans cette hypothèse, aux primes
versées postérieurement à la révocation du bénéficiaire initial au profit d’un tiers.

Il pourrait être également envisagé de calculer la récompense sur l’intégralité des primes
déduction faite de la fraction de temps pour lequel le conjoint a été bénéficiaire.
Ces solutions permettraient de reconnaître une véritable valeur au bénéfice de l’obligation
de couverture de l’assureur. Cependant, il peut être objecté que le fait d’être couvert contre un
risque pendant une certaine période est le plus souvent plus une « satisfaction morale » qu’un
véritable enrichissement(48).

Néanmoins, ces propositions ont le mérite de faciliter la liquidation de la communauté. En
effet, la solution du droit positif, consistant à reconnaître un droit à récompense à la communauté
en cas de clause bénéficiaire au profit d’un tiers, même lorsque le contrat d’assurance-vie est en
cours, écarte le problème délicat de la possibilité de la révocation du tiers bénéficiaire avant
acceptation de celui-ci(49). Les deux solutions possibles seraient alors d’inscrire la récompense pour
mémoire ou alors de faire bénéficier le souscripteur d’un recours ultérieur contre le souscripteur s’il
révoque ultérieurement le tiers au profit de son conjoint(50).

Cette difficulté liquidative en présence de contrats d’assurance-vie non dénoués montre la
difficulté à évaluer par anticipation une valeur dont le bénéficiaire et le montant n’est pas encore
déterminable (TITRE 2).

40 Ass. plén., 12 déc. 1986, Pelletier
41 Art. 1422 C. civ : « Les époux ne peuvent, l’un sans l’autre, disposer entre vifs, à titre gratuit, des biens de la
communauté. Ils ne peuvent non plus, l’un sans l’autre, affecter l’un de ces biens à la garantie de la dette
d’un tiers ».
42 J. Kullmann (dir.), Lamy Assurance, éd. Lamy, 2011, n° 3945, p. 1813
43 Cass. Civ. 1ère, 22 mai 2007, Bull. civ. I, n° 194
44 Cass. Civ. 1ère, 19 décembre 1990, Bull. n° 303 ; « le versement des primes pour la période qui se situe entre
la prise d’effet du contrat d’assurance et son expiration a pour contrepartie nécessaire la garantie des
dommages qui trouvent leur origine dans un fait qui s’est produit pendant cette période et que la stipulation de
la police selon laquelle le dommage n’est garanti que si la réclamation de la victime, en tout état de cause
nécessaire à la mise en oeuvre de l’assurance de responsabilité, a été formulée au cours de la période de validité
du contrat, aboutit à priver l’assuré du bénéfice de l’assurance en raison d’un fait qui ne lui est pas imputable et
à créer un avantage illicite comme dépourvu de cause au profit du seul assureur qui aurait alors perçu des
primes sans contrepartie ». La loi du 1er aout 2003 a brisé cette jurisprudence et consacré les clauses « claims
made ».
45 L. Mayaux, Les grandes questions du droit des assurances, L.G.D.J. 2011, n° 12, L’assurance-vie réalise-t-elle
une libéralité ?
46 Ibid.
47 Ibid.
48 Ibid.
49 P. Simler, Régimes matrimoniaux, J.C.P.G. 1997, I 4008
50 G. Champenois, obs. sous Cass. 1re civ., 10 juillet 1996, Defrénois 1997, p. 1080

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